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MST : Lignes de fuite (contrefaçon) (2)

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Message  Yali Jeu 2 Nov 2006 - 20:41

Lignes de fuite

d'après le texte de Loup :
https://vosecrits.1fr1.net/viewtopic.forum?t=638


Fin de nuit snif-gasoil : vapeurs d’essence ; station-service, et, de la bruine comme si le Bon Dieu soi-même crachait son chagrin gras dans la tronche des paumés du petit matin. Tout dégouline, tout suinte, béton, bitume, tout, même les phares des quelques rares voitures s’aplatissent au sol, d’ailleurs, tout s’aplatit, tout rampe, tout et tous rasent la chaussée défoncée d’ennui.
Là, un type grimpé dans son bleu de travail fait le plein d’une camionnette délabrée, ses épaules s’enfoncent sous le poids de la trime à venir. Ici, un père de famille se courbe, lave son pare brise tandis que niché à l’intérieur de sa familiale-sept-piges-de-crédit, sa femme, ses marmots, écrasent la vie d’un peu de sommeil. Plus loin, un biker blouson cuir et toute sa panoplie clinquante, rutilante, badges et compagnie, vide une bière avant de l’envoyer valdinguer par dessus son épaule.
« Des pantins », je me dis. « Des pantins » je répète en écrasant ma cigarette sur le bord d’une poubelle plastique pas vraiment prévue pour ça.
Et que le monde flambe, je m’en branle !
« Pantin » je répète encore. Sauf que ce coup-ci, il m’est tout adressé ce « Pantin »-là.
Quant la bécane a lâché tout à l’heure, à trois bornes d’ici, on s’est regardé un long moment tous les deux, yeux dans les cylindres. On se demandait lequel des deux ressemblait le plus à une épave. Avant qu’elle n’ait définitivement raison, je l’ai finie à grands coups de lattes, puis abandonnée dans le fossé histoire de lui démontrer la supériorité de la bêtise humaine sur la machine, sur le machinal…
« Machinal » c’est ainsi que tous me surnomment.
Sans doute parce que les emmerdes, je les cultive depuis l’enfance, machinalement comme qui dirait, ou comme une seconde nature, et encore : « seconde », rien de moins sûr.
Je jette un dernier coup d’œil à la poubelle, prends la direction les chiottes, elle crame pas la poubelle, même comme incendiaire volontaire, je vaux pas tripette.
J’ai le blouson, le tee-shirt, le futal détrempés de sueur des suites de trois bornes de Nationale couverte à pattes, j’ai l’humeur au stand-by, les idées foutraque, me rafraîchir…
Aux toilettes j’essaie le sèche-mains, essaie encore, puis j’abandonne, et même pas j’ose me retourner pour m’excuser. Un type attend depuis une bonne dizaine de minutes, mais lui dire quoi, alors que je suis en slip avec un falsar dans les pognes, lui dire : « Putain de machine ! Comme sèche-linge ça vaut ouallou mon bon Monsieur ». Je sens qu’il aimerait pas, ou pire, dans son regard je pourrais lire de l’agacement, de la pitié, de la compassion…
Pas besoin de ça, je file.
Dans les fouilles de mon blouson traînent quelques pièces : les dernières. De quoi m’offrir un café, un paquet de cibiches, deux, ce que je fais illico. Traîne aussi un papelard à l’encre délavée. Dessus est griffonnée l’adresse d’une qui m’aimait, enfin je crois…
Je lis, relis les mots de cette fille, lis, relis sa ville, sa rue, me dis que ce serait pas si mal de plomber chez elle pour me mettre au vert.
Peut-être alors que je me réveillerais dans ses bras plutôt que de me réveiller, comme ce matin, flingue posé sur la tempe :
— Allez Machinal, c’est l’heure !
— L’heure de quoi ?
— Celle de rembourser gros con. Tu crois que le patron a que ça à foutre, courir après son blé. On est le premier du mois, alors je t’explique : soit t’allonges, soit je t’explose les burnes et le reste avant de te balancer dans la Seine ni vu ni connu.
— « Ouais, ben moi au moins j’en ai deux des burnes, Mono »
Je sais pas si c’est vrai cette histoire. J’ai jamais vérifié. N’empêche que quantité de filles tapinant dans les parages racontent que le bras droit du patron en aurait qu’une, de couille — d’où son surnom. Racontent aussi, que lui faire remarquer, c’est s’exposer à une dérouillée maison si tu te tires pas avant que ça tombe. Ajoutent que Mono a comme un moment d’absence, précisément avant que ça tombe.
Ça, j’ai vérifié !
Mono s’est mis aux abonnés absents, ça lui a coûté l’Unique d’un coup de genoux. Ensuite j’ai récupéré le flingue au vol tandis qu’il s’effondrait en psalmodiant des « Putain, attends que je me relève connard » et j’ai été trouver l’autre, parce que jamais ces fils de putes se trimballent seul, que c’est la règle. J’ai donc été rejoindre « Le gros » qui, comme on s’en doute, avait déserté les lieux-baston pour se rassasier en cuisine. Il avait la tête dans le frigo, l’a relevée tandis que je posais mon flingue dessus. Il a dit :
— J’ai rien vu, rien entendu, je suis même pas là et j’ai rien contre une promotion genre devenir le sous-Kalif à la place du sous-Kalif, mais fait ça proprement Machinal, et fais ça vite, je m’occupe du corps, promis. Je peux finir la tarte aux fraises ?
J’ai souri, le gros et moi on se connaît depuis tout le temps, je savais qu’il moufterait pas, des services il m’en doit un paquet, un gros paquet même.
J’avais jamais flingué personne moi, enfin, je veux dire pas comme ça, pas de sang-froid, et sûrement que j’aurais jamais trouvé le courage si ce con de Mono, toujours à genoux, avait pas eu dans l’idée de poursuivre sa litanie d’écouillé menaçant. J’ai eu pitié, je l’ai achevé, et tant pis pour le tapis du salon.
Je pense, repense à tout ça, rêve de cette fille-adresse sur papier, rêve d’un lendemain possible, d’un avenir pas trop merdique, moitié moins merdique même, ça m’irait.
Sauf que j’ai plus un sou, me dis-je. Et je me le dis pile lorsqu’un type gare son Alfa derrière la baie vitrée, entre, s’assied au comptoir, commande un café et, dépose ses clés, là, à deux doigts des miens, avant que d’aller pisser.
Va pour une Alfa !
Ouvrir la portière, comprendre comment elle marche cette tire, démarrer, enclencher la première, la seconde, putain, elle va passer la troisième. La vie, la caisse, avancent pas et, c’est quoi ce raffut bordel ?
Lentement, je me retourne. Lentement, pour découvrir, assis sur la banquette arrière, un clebs genre format géant, et qui bave, et qui vomit et qui rebave et revomit.
— Ça va aller mon gros, je dis, tandis qu’il remue vaguement la queue.
Et naturellement, je pense, repense au « Gros ».
À l’heure qu’il est, sûr qu’il doit être dans la merde lui aussi.

Yali

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Message  Sahkti Dim 12 Nov 2006 - 20:22

Je dois avouer que je préfère la version de Loup, même si je trouve beaucoup de force et de personnalité à la tienne. Ce qui me plaît moins dans ce texte-ci par rapport au précédent, c'est le caractère lié, coulant, des mots et des phrases. Dans le texte original, c'est plus haché, saccadé. Ici, tout est entremêlé, avec des phrases plus longues, une certaine forme de poésie, ce qui n'est pas mal, attention!, mais lorsque je fais la comparaison, voilà, mon coeur penche du premier côté.
Maintenant, si j'essaie de faire abstraction du fait que ceci est une "contrefaçon" et que je le lis "à part", je reprocherai juste un léger manque de punch dans ce qui se passe. En fait, en te lisant, j'ai l'impression de voir défiler un film avec Sam Shepard au milieu de l'écran. Donc c'est génial en fait, mais ça passe peut-être un tout petit peu moins bien en mots qu'en images.
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Message  Loupbleu Ven 24 Nov 2006 - 14:46

Argh, j'avais même pas réagi !
J'aime beaucoup !
L'intention est sympa, la réalisation est réussie. Ca m'amuse de voir un texte récrit par toi (ça me flatterait presque). Y a pas à dire, intéressant, et ça donne une atmosphère différente, et un personnage qui n'a pas la même façon de faire face.

Et aussi j'apprécie le sens des détails, mais là, quand même : un peu de triche, ton texte est deux fois plus long que le mien :-)
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