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Une trilogie du suicide, 1: Polarcachon

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Mutants Anachroniques
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Une trilogie du suicide, 1: Polarcachon Empty Une trilogie du suicide, 1: Polarcachon

Message  Mutants Anachroniques Ven 3 Nov 2006 - 13:06

Nous avons eu envie de vous présenter deux ou trois échantillons (trois, en fait, comme vous l'aurez facilement deviné) de notre travail commun tel qu'il apparaît sur notre site, et sur le blog associé. "Siddharta" en effet était du seul FM, "Comment se faire insulter" est peu réprésentatif de notre style, et nos autres interventions sur VE impliquaient d'autres personnes (ainsi Eilathan P. pour "Graham Marks"). "Une trilogie du suicide" est un titre trompeur. Il y a certes des morts dans cette suite de textes mais une seule suicidée, et elle se rate. Néanmoins cet intitulé s'est imposé de lui-même, comme le meilleur indice possible de ce qui relie entre eux ces textes collages. Et donc voilà ce que ça donne, quand les Mutants collent leurs deux têtes l'une contre l'autre...
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Message  Mutants Anachroniques Ven 3 Nov 2006 - 13:26

1


Un flic en jean petit et gras m'a obligé à me garer après m'avoir montré ce qui aurait pu tout aussi bien être un abonnement de bus. Je voulais bien croire qu'il y avait de la ganja qui poussait partout à Arcachon, comme autrefois sur les terrains vagues de Californie, mais tout de même ça clochait…

J'ai malgré tout suivi la solution de facilité des gens qui passent leur temps à se défoncer —
Je me sentais comme un animal domestique avec un nouveau propriétaire.


2


Il parlait sans arrêt. Il semblait avoir beaucoup de haine en lui, et plus on était proche de lui, plus on y était exposé. Il passait son temps à m'accuser de vivre en dehors de la réalité dans mes rêves débiles et littéraires d'adolescente, me déclarant que toute cette fascination pour les choses noires et rock'n'roll était stupide et malsaine. Je continuais cependant à considérer la musique comme le principal élément de la vie et à croire tout ce que racontait la presse musicale.
Bien sûr nous avions des points communs — par exemple nous aurions tous deux aimé pouvoir vivre plusieurs vies comme dans ce fanzine appelé OUT THERE— Et puisque lorsque nous étions gosses tous les livres et la télé étaient sur la guerre d'origine biologique entre les hommes et les femmes, nous avons décidé de nous marier.


3


La théorie, c'était qu'il ne pouvait rien faire tant que je n'avais pas terminé mes études. Cette situation ne me gênait pas — nous la regardions comme un projet, quelque chose qui devait être fait. En même temps, ses questions incessantes sur les garçons avec qui je travaillais généraient en moi un sentiment de culpabilité. Je me souviens de ces scènes d'adieu atroces le lundi matin — j'avais l'impression de commettre le pire des crimes en allant à la fac.

« Tu essaies de l'aider avec ton expérience limitée et tu fais tout ce que tu peux, mais dès que tu as tourné le dos c'est reparti, tu vois ? »

Il vociférait contre ce monde qui, d'après lui, l'avait toujours rejeté, en particulier le monde du travail — où on l'avait accusé d'être raciste et envoyé s'accroupir derrière le canapé. Cependant il conservait des amis dans le métier :
« Nous vous suggérons de présenter votre mari à nos confrères qui seraient peut-être susceptibles de le retenir.
— Et puis, vous savez, les démangeaisons de l'imaginaire… »
Ce n'était pas parce qu'ils prenaient ces airs avec moi qu'ils allaient l'aider à retrouver du boulot.

En vérité, ce qui m'insupportait de plus en plus, c'était ce flot incessant de paroles qui accompagnait paradoxalement son habituel état léthargique.
Les gens qui frappaient à la porte pour nous arnaquer ou nous demander de l'argent étaient toujours les bienvenus. Et puis sa soeur également était dans la dope jusqu'au cou… Elle a d'ailleurs eu de très gros ennuis, sa soeur (personne n'osait toucher ses minces jambes d'enfant) — Fini le temps où l'on gobait, joyeusement postés à côté d'un tas de bois censé être le point de rendez-vous pour rejoindre une rave sauvage. Maintenant, c'était chacun chez soi. Prendre du Valium était devenu synonyme d'amusement.
J'hésitais encore sur l'identité du mort.


4


Mon père était décidé à obtenir des réponses à ma place. Il a pris rendez-vous chez le docteur — où pour parler de sexe on emploie un langage de bizutage, souvent effrayant, ordurier et littéral, un lexique atroce, codé. Je ne suis pas bien loquace, je l'étais encore moins à cette époque — J'étais là comme un accessoire — En faisant le compte de mes « culottes sexy », j'étais en effet plus effrayée qu'excitée.
Mes parents espéraient de cette façon mettre un point final à mes relations avec l'AFFREUX BONHOMME, ainsi que je l'appelais quand j'en parlais avec les rares copines que je voyais encore (quoique pas très souvent) — Chers parents — à leurs yeux nous étions des « tarés » qui se rendaient tous les deux fous en restant ensemble dans la maison à longueur de journée…

Mon père, c'était ce type qui avait écrit une fois sur la porte du four avec mon marqueur doré — je n'étais pas bien vieille — ces mots vengeurs d'après querelle de ménage :

Ce n'est pas parce qu'on a rien à dire qu'on doit fermer sa gueule.


Plus que jamais, il m'apparaissait que j'étais la seule à me donner la peine de le contredire.


5


Arcachon est une ville avec de grandes plages de sable, avec des pins, des fruits de mer frais et une chaleur silencieuse, lourde…
Je sentais que ces semaines consacrées à remuer la merde allaient déboucher sur une ambiance très « dédaignons Noël ». Il faisait ce jour-là une fixation sur un foulard en peau de tigre imprimé dans la vitrine d'une boutique de vêtements.
Nous avons rejoint ses amis. Les pauvres ! ils avaient l'impression d'être des hommes avec leur demi pinte de bière blonde : un peu comme s'ils avaient cueilli de bêtes champignons même pas hallucinogènes. Lui et moi avions de notre côté fait une consommation immodérée de cannabis tout au long de l'après-midi — Il m'a finalement poussée dans une vaste pièce blanche, brillante, remplie de types qui me tournaient autour et me criaient dessus — Choquée par le léger goût de sang que j'avais dans la bouche, je me suis retrouvée éjectée du lit à coups de pied.
Soudainement le « trou rouge sous la jupe » était devenu un image on ne peut plus limpide — malheureusement, celle-ci ne pouvait s'inscrire dans les orientations actuelles de programmes éditoriaux, par ailleurs très chargés pour les trois prochaines années.


6


J'avais eu le temps de m'habituer à son sens particulier de la punition — mais un jour que ses vociférations infondées et obscènes avaient achevé de me persuader que je vivais sur la planète Mars, j'ai vu que ses mains étaient devenues cramoisies, qu'elles avaient gonflé jusqu'à ressembler à une immense paire de gants en plastique. J'ai attendu d'avoir atteint la sécurité de l'arrière-cuisine de sa grand-mère pour le lui dire.
La grand-mère justement a fait irruption dans la pièce, le mettant en garde contre le grand nombre d'homosexuels embusqués dans l'administration :
« Il s'agit, d'une manière générale, de gens qui sont dans un truc malsain qu'ils ne revendiquent pas comme tel, nous a-t-elle asséné. Regardez ce monsieur Moulin, par exemple ! »

C'est avec beaucoup d'attention que je l'ai examiné, lui, à ce moment là —
Je me suis dit que tant qu'il avait ses cigarettes, il aurait tout aussi bien pu être en train de vivre chez ses parents, même si ceux-ci n'étaient pas fichus d'acheter un carnet de timbres sans que ça tourne au psychodrame — il y a en effet beaucoup de sortes de fous. Il ne me restait plus qu'à aller dépenser mon ultime billet de 200 à la gare Saint-Jean. Pendant les cinq années où j'avais vécu avec lui, je n'avais pas écrit une seule ligne…

« Pourtant il y a un livre à écrire sur lui : UN ERMITE MODERNE.
— Oui. Mais on ne peut pas lire toute sa vie le même livre sans surprise. »

(...)
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Message  Mutants Anachroniques Ven 3 Nov 2006 - 13:36

SOURCES: Ce premier texte inclut des citations, littérales ou détournées, du livre de Deborah Curtis sur son défunt mari, Ian, chanteur du groupe Joy Division. Que les afficionados se dénoncent!
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Message  Sahkti Lun 13 Nov 2006 - 13:22

Est-ce que chaque partie numérotée est/se veut la suite de ce qui la précède? Ou c'est plutôt un exercice tendant à coller divers textes à existence propre de manière à créer un ensemble cohérent ou à vision globale?

Si je pars sur l'hypothèse première, j'aime assez les ruptures qui existent entre ces textes, l'impression de sauter quelque chose tout en rebondissant sur ses pattes. Il y a une continuité dans le ton grave et absurde, avec évolution de l'histoire vers une autre forme de drame. Rien à redire sur l'écriture, à l'exception par moments d'un certain sentiment de confusion. Ton et vocabulaire sont en phase, ce texte est teinté d'une ambiance très particulière et assez agréable je trouve.
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Message  Yali Lun 13 Nov 2006 - 13:47

Il est difficile de réagir sur un ensemble de textes, critiquer quoi ? L'ensemble ou les prendre un par un ? Alors disons 2, soit 1 un par 1 et donc :
1 : J'ai bien peur de ne pas comprendre le saut de ligne entre les deux paragraphes, sachant que le THC divise le temps par deux, dois-je y voir une relation de cause à effet ?

2) Dans tous les cas, c'est avec une moitié que l'on s'unit, ce n'est qu'une moitié J'aime assez celui-là, désabusé mais… (manque une virgule : "la réalité (là) dans mes…) pour plus de compréhension.

3) Je le lis, relis, me suis perdu, je recommence, me suis paumé, je récidive, je erre…

4) Un extrait de vie bien conté : l'impression d'avoir déjà vécu ça sans avoir jamais porté de "Petites culottes sexy" adonc ça marche pour moi.

5) Je lis, relis (comme au-dessus) et me grimpe une reflexion au cerveau — aussi je la livre telle quelle : des pistes oui, mais pas de géographie " Je sentais que ces semaines consacrées à remuer la merde allaient déboucher sur une ambiance très « dédaignons Noël » (« merde » et « déboucher » : un brin facile)

6) Ici, ben, rien à redire, même que ce serait un bel incipit pour un roman.

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Message  Krystelle Lun 13 Nov 2006 - 14:11

Je lis, relis, rassemble, recolle et non, ça colle pas justement.
Il y a bien un fil conducteur dans cette série de courts textes, une atmoshère souvent glauque, évoquée avec acidité; il y a bien un ton aussi, une façon de dire que je trouve pertinente, efficace.
Mais cette présentation là ne permet pas au lecteur de s'installer dans quelque chose, ça bouscule, trop à mon avis, on n'est à peine rentré qu'on doit déjà sortir du texte, passer à autre chose, ça donnerait presque le mal de mer. Et c'est dommage, vraiment, parce qu'on sent qu'il y aurait matière à savourer.
Pour la forme, je l'ai trouvée peut-être un peu moins travaillée que d'autres de vos textes, un peu plus de redites, quelques maladresses ici ou là...

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Message  Mutants Anachroniques Lun 13 Nov 2006 - 17:01

Sahkti a écrit:Est-ce que chaque partie numérotée est/se veut la suite de ce qui la précède? .
Oui. C'est une seule et unique histoire.
(A laquelle feront échos -et non suite, cette fois- les deux autres "histoires" de la trilogie, qui restent à poster.)
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Message  Kilis Lun 13 Nov 2006 - 17:48

Les Mutants, j’ai lu tous les textes que vous avez posté jusqu’ici sans vraiment arriver à accrocher. Mais celui –ci, enfin , ceux-ci , là, il y a quelque chose qui me plaît vraiment, un ton, une atmoshère, un quelque chose de spécial qui provoque l’intérêt.
Mis bout à bout, sans pouvoir déjouer les liens qui les unissent — je veux dire que le lecteur avance un peu à l’aveuglette sans autre indication que le thème du titre — j’ai ressenti une sensation particulière . Cette sensation, je l’avais déjà rencontrée à la lecture d’un autre auteur… mais lequel. Puis je me suis souvenue : c’est en lisant Moins que Zéro de Bret Easton Ellis.
Bon, des textes comme ceux-ci, à la queue leu leu, j’en redemande, car même si on ne saisit pas ce qui les réunit, de leur simple juxtaposition, naît une dimension inattendue que j'apprécie beaucoup.
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Message  Saint Jean-Baptiste Lun 13 Nov 2006 - 21:50

J'ai trouvé que ça manquait un peu de suite ; mais ce sont des textes intéressants, un peu spéciaux mais ça, c'est une qualité.
Et puis ils sont bien rédigés et ça c'est une indispensable qualité, et ce n'est pas si courant.
On voit que vous écrivez avec plaisir et facilement alors, je crois qu'en faisant un texte plus construit vous pourriez arriver à faire quelque chose de vraiment très bien.

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Message  Loupbleu Mar 5 Déc 2006 - 9:37

J'ai apprécié les qualités d'écriture moi aussi, ainsi que les atmosphères. Ca sonne juste et vrai, il y a de la force et du contenu, c'est une qualité.

Je pense vaguement avoir suivi une trame, mais peut-être qu'il y a trop d'élision dans la narration, et cette façon de ne pas dévoiler tout à fait le sens est peut-être une façon d'éviter, d'où une certaine réserve.

J'ai aussi une petite préférence pour ce texte, je ne suis pas toujours conquis, mais je trouve toujours de la qualité et beaucoup d'intérêt dans ce que vous faîtes.
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Message  Giny Mar 5 Déc 2006 - 10:03

Joy Division est un groupe très noir. Cette noirceur est bien exploitée par les fragments de textes mis bout à bout, en fait on croirait lire un scénario de film . J'aime beaucoup
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