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Le banc

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Message  loic Lun 12 Juil 2010 - 20:51

Le banc

(pour avis)


L’air sentait la pluie, son pas sur le gravier allait comme à regrets. Un décor inchangé lui apparut : l’ancien parc du tribunal. Il ne restait de l’énorme cèdre qu’un tronc foudroyé. Les saules adossés à la balustrade des remparts étaient toujours là, avec leurs troncs noirs et nervurés. Chaque automne on taillait leur couronne pour qu’à l’année suivante des verges chargées de feuilles longues et presque noires ombragent l’allée bosselée de racines.

C’était un parc où il y avait toujours eu des vieux qui jouaient aux boules, et que les gosses dérangeaient. L’endroit était plutôt étriqué, entouré de murs sur trois côtés et faisant balcon sur la vallée. Il se dirigeait du pas de ceux qui vont à un rendez vous, un mélange d’inquiétude et de dénouement proche. Une sorte de hâte sereine le préoccupait, ce n’était pas sa nature habituelle.

L’air était comme empreint de gravité, dans l’après midi qui s’ensoleillait à nouveau, la rumeur de la ville s’était tue. Le banc était toujours là, son vert éteint n’invitait plus depuis longtemps les promeneurs. D’innombrables mains y avaient pourtant gravé des traces le marquant des rides de la vieillesse. Comme autrefois il s’y installait en contemplant la vallée.

Enfouie sous les peupliers la rivière allait de son cours paresseux, il devinait les maisons des horticulteurs et les serres anciennes aux odeurs entêtantes de terre chaude et de feuilles de tomates. De grands carrés de cresson tapissaient le décor jusqu’aux limites du quartier des moulins et de l’hôpital. Comme toujours il était sans doute en avance, l’attente avait souvent parfumée sa vie, il lui trouvait quelque chose de délicieux.

Confusément sans l’avoir entendu arriver, il devinait une présence derrière lui, un regard plein de défiance était posé sur sa nuque large. « Tu m’attendais ?», la voix était celle d’un garçon, encore chargée d’enfance mais dont l’intonation laissait percer une maturité naissante. Lentement l’homme tout en restant assis sans se retourner lui répondit d’une voix elle aussi assurée « Je le crains ! »

Alors cet enfant, son passé, s’assit auprès de lui. Ils se dévisagèrent à peine, comme lorsque l’on rencontre quelqu’un d’éminemment proche. Il pouvait avoir une douzaine d’année, ses traits étaient nets et souriants sans naïveté, les caractéristiques de quelqu’un de solitaire et d’énergique.

L’homme le trouvait vêtu curieusement pour un gamin de son âge, il portait des Clark, un pantalon de velours noir, une chemise à grands carreaux et une veste de treillis aux couleurs délavées. Son allure un peu débraillée était bien en retrait des codes vestimentaires de ces adolescents conventionnels, vivant sous le joug des marques et des jeux vidéo.
Même sa montre bracelet à aiguilles avec un tour de poignet en plaquettes de métal évoquait les cadeaux que l’on recevait autrefois pour sa communion.

Tous les deux avaient les même traits, sous le masque des décennies on devinait sans peine une communauté d’expression, Ils auraient pu sans doute pu être le père et le fils mais la ressemblance allait bien au delà. Le regard surtout était identique, comme dénué de rêves mais habité d’espérances, l’identité de deux miroirs se renvoyant une image à l’infini, l’image d’une vie…


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Message  Invité Lun 12 Juil 2010 - 21:01

Je trouve l'idée pas inintéressante, mais le texte trop languissant, et sans conclusion nette. Pour moi, il y a un problème de construction ici, et d'équilibre du texte, la description du parc, du décor, prenant beaucoup plus de place que l'exposition de la situation.

Mes remarques :
« du pas de ceux qui vont à un rendez-vous (trait d’union) »
« dans l’après-midi (trait d’union) qui s’ensoleillait à nouveau »
« l’attente avait souvent parfumé (et non « parfumée ») sa vie »
« Il pouvait avoir une douzaine d’années »
« la ressemblance allait bien au-delà (trait d’union) »

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Message  elea Lun 12 Juil 2010 - 21:24

Je ne suis pas sûre de moi mais je perçois ce texte comme le rendez-vous d’un homme avec la mort prenant les traits de son adolescence.
L’homme vient là où il traînait plus jeune, attend son heure et sait qu’elle est arrivée lorsque son alter ego du passé surgit enfin.
Un peu comme cette idée qu'on voit défiler sa vie aux derniers instants, lui il voit arriver sa jeunesse, sans doute son âge clé.

En relisant à l’éclairage de cette (mon) explication, certains détails me le confirment.
Mais ce n’est pas clair dés la première lecture, du coup soit c’est voulu et le texte est parfait ainsi, soit c’était voulu plus évident et il lui manque quelque chose mais je ne saurais dire quoi.

J’ai bien aimé en tout cas.
Sans doute parce que j’aime bien que tout ne me soit pas apporté sur un plateau, ceci ne vaut bien sûr que si ma lecture est la bonne.
Et puis il y a une impression de douceur, d'apaisement, de sérénité, plutôt plaisante.


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Message  loic Lun 12 Juil 2010 - 21:42

merci socque de ces corrections pour ce qui est du côté languissant je pense que ce texte sera beaucoup plus long, pas de conclusion ici, mais une sorte de comment dire; comme autrefois dans Télérama a la rubrique "si vous avez loupé le début"...

Elea ton idée est bonne en ce qui concerne le sujet de ce texte, mais tu n'y est pas tout à fait, quoique...quelque chose de plus particulier encore...
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Message  mini joe Mar 13 Juil 2010 - 5:08

j'ai pense a peu pres comme madame elea. Un vieil homme qui retourne dans un lieu qu'il frequentait dans son enfance et qui y retrouve sa jeunesse, son moi plus jeune.
Mais j'ai pas saisi ce qui lui faisait peur dans cette rencontre, peut-etre croiser les espoirs dans les yeux de son moi jeune tout en sachant qu'ils furent decus.
Ou bien le jeune homme est un fantome et c'est le debut d'une trilogie a succes sur un groupe de fantomes adolescents qui vont devoir se battre contre des vampires. Mais l'amour vaincra.

J'ai pas d'autres hypotheses.

quand GRAND JOE rencontre MINI JOE au milieu des troncs noirs et nervures des saules
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Message  Invité Mar 13 Juil 2010 - 8:50

Je lis des choses mais je n'ai ni le temps de commenter ni d'écrire.
Mais ce coup-ci j'ai envie :
Il y a une nouvelle de Borges où un homme assis sur un banc se rencontre lui même. C'est un thème discret et fantastique et que j'aime beaucoup par ce qu'il permet d'amener.
La lenteur dans la description de l'environnement, travaillée, je la ressens comme une façon d'entrer dans la perception du personnage, sans employer le "je" toutefois. J'aime aussi ce procédé qui permet d'être intime sans passer pour un témoignage ou, pire, une confession.
Il y a une autre nouvelle (de Cortazar peut-être, pas sûr) où un homme rêve et dans son rêve rencontre son fils mort avant lui dans un accident. Son fils le dédaigne, le méprise un peu d'être vieux et en vie. Je ne sais pas pourquoi, ce texte m'y fait aussi penser.
Bref, tu l'as compris, j'ai aimé la touffeur onirique et le non-dit chargé de sens qui se dégage. J'ai envie d'en lire plus pour tenter de décrypter le secret que tu nous fais miroiter en le cachant.

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Message  Invité Mar 13 Juil 2010 - 8:55

C'est drôle Loic, je serai à Auray la semaine prochaine.
Tu peux me joindre par mon blog. Je pars ce week-end.


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Message  Invité Mar 13 Juil 2010 - 10:59

J'éprouve d'instinct une méfiance pour les séquences nostalgie, ici comme ailleurs. Toutefois, je dois admettre que tu t'en tires plutôt bien, outre quelques jugements de valeur qui ont failli m'irriter (Son allure un peu débraillée était bien en retrait des codes vestimentaires de ces adolescents conventionnels, vivant sous le joug des marques et des jeux vidéo.) J'ai trouvé l'écriture simple mais riche et élégante, l'idée pas neuve mais nuancée par un flou subtilement entretenu. Je pense toutefois qu'il y a peut-être un problème du côté des temps, par exemple ici où je ne comprends pas ce que l'imparfait vient faire alors qu'on attendrait en toute logique un passé simple: Comme autrefois il s’y installait en contemplant la vallée. ou Confusément sans l’avoir entendu arriver, il devinait une présence derrière lui

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Message  bertrand-môgendre Mar 13 Juil 2010 - 12:39

L’air sentait la pluie, son pas sur le gravier allait comme à regrets.
L'air semble l'élément important de la phrase. Pourtant, bancal son pas appartient à un autre personnage.



L’air était comme empreint de gravité, dans l’après midi qui s’ensoleillait à nouveau, la rumeur de la ville s’était tue.
Construction identique.
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Message  bertrand-môgendre Mar 13 Juil 2010 - 12:43

Il ne restait de l’énorme cèdre qu’un tronc foudroyé. Les saules adossés à la balustrade des remparts étaient toujours là, avec leurs troncs noirs et nervurés. Chaque automne on taillait leur couronne pour qu’à l’année suivante des verges chargées de feuilles longues et presque noires ombragent l’allée bosselée de racines.
Entre les répétitions, le pour qu’à est bien lourd.
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Message  Invité Mar 13 Juil 2010 - 13:32

Dans le même ordre d'idée que la remarque de Bertrand ci-dessus :

Comme autrefois il s’y installait en contemplant la vallée.
Comme toujours il était sans doute en avance,

noté lors de ma première lecture mais pas relevé alors.

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Message  loic Mar 13 Juil 2010 - 16:47

je vais améliorer tout ça
et supprimer la diatribe sur les ados d'aujourd'hui...(que je trouvais lourdingue aussi)
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Message  silene82 Mer 14 Juil 2010 - 16:35

Ca met en bouche et amène des questions, d'autant qu'après la description méticuleuse du cadre, qui se justifierait sans doute dans un texte plus long, mais dont on ne voit pas l'utilité ici, la rapidité de la scène-clé laisse sur sa faim.
Je trouve le dialogue singulièrement court et expédié, alors qu'il aurait pu être le noyau du texte, et la résolution finale empreinte d'un fictionnisme un peu fumeux, qui ne me convainc pas beaucoup.
Ca me donne une impression d'ébauche prometteuse, mais qui pose des jalons, sans s'attaquer véritablement au fond du sujet.
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Message  loic Dim 18 Juil 2010 - 20:29

LE BANC

(repris et étoffé)

L’air sentait la pluie, son pas sur le gravier allait comme à regrets. Un décor inchangé lui apparut : l’ancien parc du tribunal. Il ne restait de l’énorme cèdre qu’un tronc foudroyé. Les saules adossés à la balustrade des remparts étaient toujours là, avec leur écorce noire et nervurée. Chaque automne on taillait leur couronne de sorte que l’année suivante des verges chargées de feuilles longues et presque noires ombragent l’allée bosselée de racines.
C’était un parc où il y avait toujours eu des vieux qui jouaient aux boules, et que les gosses dérangeaient. L’endroit était plutôt étriqué, entouré de murs sur trois côtés et faisant balcon sur la vallée. Il se dirigeait du pas de ceux qui vont à un rendez-vous, un mélange d’inquiétude et de dénouement proche. Une sorte de hâte sereine le préoccupait, ce n’était pas sa nature habituelle. L’air était comme empreint de gravité, dans l’après-midi qui s’ensoleillait à nouveau, la rumeur de la ville s’était tue.
Le banc était toujours là, son vert éteint n’invitait plus depuis longtemps les promeneurs. D’innombrables mains y avaient pourtant gravé des traces le marquant des rides de la vieillesse. Comme autrefois il s’y installa en contemplant la vallée.
Enfouie sous les peupliers perdant déjà leurs feuilles, la rivière allait de son cours paresseux, il devinait les maisons des horticulteurs et les serres anciennes aux odeurs entêtantes de terre chaude et de feuilles de tomates. De grands carrés de cresson tapissaient le décor jusqu’aux limites du quartier des moulins et de l’hôpital. Par habitude d’être toujours en avance, l’attente avait souvent parfumé sa vie, il lui trouvait quelque chose de délicieux.
Confusément sans l’avoir entendu arriver, il devina une présence derrière lui, un regard plein de défiance était posé sur sa nuque large. « Tu m’attendais ?», la voix était celle d’un garçon, encore chargée d’enfance mais dont l’intonation laissait percer une maturité naissante. Lentement l’homme tout en restant assis sans se retourner lui répondit d’une voix elle aussi assurée « Je le crains ! »
Alors cet enfant, son passé, s’assit auprès de lui. Ils se dévisagèrent à peine, comme lorsque l’on rencontre quelqu’un d’éminemment proche. Il pouvait avoir une douzaine d’années, ses traits étaient nets et souriants sans naïveté, les caractéristiques de quelqu’un de solitaire et d’énergique.
L’homme le trouvait vêtu curieusement pour un gamin de son âge, il portait des Clark, un pantalon de velours noir, une chemise à grands carreaux et une veste de treillis aux couleurs délavées. Même sa montre bracelet à aiguilles avec un tour de poignet en plaquettes de métal évoquait les cadeaux que l’on recevait autrefois pour sa communion.
Tous les deux avaient les même traits, sous le masque des décennies on devinait sans peine une communauté d’expression, c’aurait sans doute pu être le père et le fils mais la ressemblance allait bien au-delà. Le regard surtout était identique, comme dénué de rêves mais habité d’espérances, l’identité de deux miroirs se renvoyant une image à l’infini, l’image d’une vie…
Le père qu’il aurait pu être, avait un visage en oxymore, un regard dur dans une face joviale. En le croisant on pouvait l’imaginer comme un voyageur un peu blasé, contemplant le chemin parcouru à l’amble des années. L’automne arrivait déjà. Il portait une sorte de duffle-coat couleur pistache, avec une large capuche lui donnant l’allure d’un pèlerin. Dans son allure transparaissait un début de sérénité, de celle qu’on acquiert lorsque l’on s’aperçoit que la vie n’est pas éternelle. Face à lui maintenant, son image d’autrefois le toisait dans l’attente d’une parole tenue et qu’il fallait bien respecter.
« Ne restons pas ici marchons », dit le vieux en se levant lentement comme à regrets. Le crissement des graviers sous leur pas étaient à cet instant la seule rumeur qui habitait l’endroit. Ils débouchèrent bientôt sur la place de l’église, le boulanger existait encore et un tas de bois était entassé devant la boutique. Sur le grand mur du café Conon une publicité peinte vantant la peinture Ripolin s’étalait à nouveau. Leur voyage commençait.
Le petit l’observait, aurait- t’il dû lui donner la main dans ce voyage singulier ; qui des deux serait le guide ? « Descendons le Val » pensèrent-ils, en s’engageant sous les poternes. La rue du val qui menait de la ville basse au château et à son quartier était pentue et droite, combien de fois l’avait-il montée dans le froid d’hivers où l’on brisait les stalactites de glace qui suintaient de la roche noire, on y accédait par un passage étroit et circonflexe qui perçait les remparts. La cave du marchand de vin sous la voûte exhalait toujours sa fragrance de gros rouge, et l’on entendait la machine à embouteiller entrechoquer le verre.
Tandis qu’ils descendaient la rampe abrupte en épingle à cheveux, aucun mot ne vint encore. Qui parlerait le premier ; qui poserait des questions à l’autre ?
En haut du Val, la croix de granit, les deux tilleuls charpentés pour les cabanes s’accrochaient à la balustrade, la rivière était plus proche maintenant. Derrière la clinique, d’immenses pins parasol et une villa italienne aux tuiles rutilantes régnait sur un océan de toits gris. Au fond, vers l’aval entre les cèdres noirs et le viaduc la rumeur du triage habitait le silence.
La rue commençait à cet endroit. C’est là qu’il était né, dans une maison un peu bancale perchée entre la rue et le déversoir. Il passa devant les fenêtres, l’une d’elle entrouverte indiquait qu’à cette heure sa mère devait être rentrée de la cantine scolaire. Quel âge pouvait-elle avoir ? Quarante ans peu être. Et lui quel âge avait-il à cet instant ?
Leur pas ne s’arrêta pas. Dans la rue Pasteur, le fourgon Citroën de l’épicier décoré aux couleurs de l’économique chevauchait le trottoir. La voix de Madame Gardel apostrophant son mari brinqueballant des caisses de grappe fleurie, retentit comme une déchirure. La soudaine réalité de ce que l’homme vivait comme une sorte de rêve lui apparût soudain : Le rendez vous que le gosse qu’il était, avait donné à son double perdu dans les dédales du temps, un après midi de Septembre, s’étalait devant lui.
L’incommensurable évidence d’une chose impossible, l’homme qu’il était devenu s’était rendu par un improbable sortilège à l’endroit même où enfant il avait envisagé que l’adulte qu’il serait devenu vienne lui rendre visite.
Ils se dirigeaient maintenant vers l’Hôpital « civil et militaire » dont l’austère façade bordait le côté de la rue jusqu’au début du Rachapt. Ils passèrent devant le réparateur de télévisions, un petit homme dont le nom aux consonances Allemandes donnait une impression de fiabilité aux ventes et réparations de postes Téléfunken qui s’entassaient derrière la devanture. L’entrée mystérieuse du N° 9 était close comme toujours, derrière, après un couloir étroit il y avait un long jardin et un petit apprenti qui servait de séchoir à linge, un haut mur de schiste barrait le décor, petit il s’était toujours demandé ce qu’il y avait derrière. La menuiserie de la pitié entonnait encore le chant du ruban de la scie mordant les planches. Le patron, un homme bigot vivant avec sa mère et sa sœur fabriquait des cercueils, il arpentait parfois la rue l’œil rugueux sous un béret plein de sciure. Que dire à son image d’un autre temps, celui d’une enfance rassérénée d’ennui. Quelles réponses apporter aux questions qui allaient venir…
« Est-ce que je me marierais un jour ? » la question fût pour lui comme un coup d’estoc. Lui dire quoi ! Les longues années d’amertume, une épouse difficile, des projets brisés, des enfants malmenés. Elle était belle pourtant, belle comme la flamme qui brûle les phalènes, il avait cru l’aimer où peut être l’avait ‘il voulu.
- «Il faudrait que je sois capable de t’expliquer, pas de te raconter, et puis quand tu écoutes une histoire, as-tu toujours envie d’en connaitre la fin ? »
- « Est-ce que je partirais d’ici ? »
Partir, quitter ce décor déjà suranné, une petite ville à l’ombre d’un château, quelques usines que les ouvrières rejoignent en groupes pressés. Une époque pousiéreuse, des voitures rares qu’on lave les dimanches, le passage d’un tour de France, le défilé des majorettes. Un inventaire de champs clos que la rumeur du monde n’atteint pas encore. Le jeu des mille francs qu’il entendait aux fenêtres en montant vers l’école, l’odeur des maisons lorsqu’on vend des calendriers chez les autres. Une sorte d’existence floue.
-« Oui tu partiras, sans pouvoir t’en aller vraiment »
Lui dire que ses voyages aussi lointains qu’ils fussent, lui montreraient un monde étriqué, des millions d’univers intriqués les uns dans les autres, des destins de termites dans de grandioses paysages…




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Message  silene82 Lun 19 Juil 2010 - 9:57

C'est sûr qu'on est passé du croquis en trois coups à une description minutieuse d'une vie de quartier, fort bien menée d'ailleurs, hormis quelques scories, de mémoire, l'impression de fiabilité serait peut-être mieux changée en aura, l'apprenti doit avoir de longs bras pour servir d'étendoir...
Je suis partagé, d'un côté j'aime bien cette balade dans le passé, de l'autre elle me semble tuer le mystère de la première version, par ces précisions sur les circonstances de la rencontre. Je ne sais pas, ça m'a paru un peu forcé et maladroit, mais je ne suis pas expert dans ces proses.
Cela dit, j'aime lire du français, et c'en est, merci.
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Message  Invité Lun 19 Juil 2010 - 20:55

Ah oui, j'ai lu cette nouvelle version. Il y a des incorrections, celle de l'apprenti étant en effet la plus visible. Le "visage en oxymore" m'a surprise aussi, tout comme le mot "intriqués " de la fin, utilisé avec cette construction. Il me semble que ce qui prévaut dans ce texte revu, c'est l'ambiance, une certaine poésie à la fois dans les mots et les réminiscences. La fin en revanche est sèche, abrupte après toute cette démonstration.

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