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Barça ou Barsakh

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Message  mini joe Dim 18 Juil 2010 - 4:00


Diop, pécheur à Ndangane, avait accumulé 400000 francs, avec l’aide de Dieu, de sa famille et de quelques Toubab. Il venait d’avoir 29 ans et rêvait d’un monde dont il ne connaissait que l’exportation saisonnière de sourires gras et comblés. Il réinventait ce pays à la lumière du bonheur dégoulinant de ces légumes cramoisis qui venaient envahir Saly et pouvaient dépenser jusqu’à 50000 francs pour acheter la moindre petite statuette mal sculptée.
Il était catholique, comme ses ancêtres depuis déjà plusieurs siècles, mais croyait toujours aux esprits, aux gris-gris et à la magie.
La saison des pluies approchait et la chaleur devenait de plus en plus insupportable. Les Baobabs offraient une ombre squelettique à cette heure de la journée. Malgré leur dimension, ces arbres n’étaient pas généreux, ils gardaient leur force pour eux. Diop s’allongeait pourtant au pied d’un des plus gros. Il fermait les yeux, frictionnant le sothiou sur ses dents ébréchées, et se plaisait à imaginer sa vie dans l’autre pays. Le pays où il n’y avait plus de contraintes pour les corps. Le pays qui avait inventé l’argent et ne savait plus qu’en faire.
Son grand frère Bouka avait rêvé différemment. On le retrouvait tous les matins sur les mêmes plages que Diop. Torse nu et le corps couvert de sable. Les pieds humides et les muscles secs et visibles.
Alors que Diop était chétif, son grand frère Bouka était un géant, costaud et massif. A tel point que leur mère s’amusait à répéter qu’à la naissance de Bouka, Dieu s’était trompé sur les dimensions et avait rattrapé son erreur avec Diop, il avait repris la chair dispensée trop généreusement.
Bouka passait ses journées sur la plage puis, plus grand, dans les stades. Il avait rêvé lui aussi, comme son petit frère, comme tous les sénégalais, comme tous les hommes, et il avait presque touché son rêve. Il s’entraînait d’abord avec Diop. Il le faisait tomber 10 fois, 100 fois, mille fois sur le sable chaud, prêt des rochers. Il glissait ses bras entre les jambes de son petit frère, il le soulevait jusqu’à la hauteur de son visage puis il le plaquait à terre. Il se battait jusqu’à laisser son petit frère exsangue, dégouté de la lutte.
Aujourd’hui, Diop s’asseyait sous le baobab de la plage à regarder la mer pendant des heures. Il pensait à Bouka qui ne supporterait pas les images qui polluent ses rêves. Bouka qui le ferait tomber une dernière fois au sol, qui plaquerait son corps maigre contre le sable chaud et les cadavres de poisson. Parce que l’espérance de Bouka elle n’était pas immigrée, elle se nourrissait de ses racines, dans ce qui ne peut pas tuer et ne trahit pas. Elle s’appelait Bombardier ou Tigre de Fass, tous les grands champions de la lutte Sérère.
Lui, Diop n’avait rien d’un lutteur. Ce n’était pas physique, c’était dans sa tête. Il pensait que l’important était ailleurs. Au pays des touristes. Il posait sa tête contre le tronc puissant du Baobab et attendait la pirogue, le jour où la pirogue l’appellerait comme il appelait Fatou les nuits de fin de semaine, avec tendresse, peut-être avec Amour.
Il l’attendait en oubliant l’attente qui était sa vie. L’attente de Bouka parti combattre au stade du village comme tous les jours ou à Pikine certains week-end, l’attente de la migration des Pélicans qu’il avouait avoir déjà mangé pour impressionner les touristes, l’attente de Fatou qu’il se promettait d’épouser le jour où il serait une personne importante avec suffisamment d’argent pour lui offrir une maison, l’attente de la fin de l’attente, l’attente des pécheurs et de la pirogue et du début des aventures au pays des hommes riches, l’attente jusqu’à épuisement des souvenirs douloureux, jusqu’à épuisement de l’ennui.
Il voyait la pirogue colorée engrossée de ses aventuriers tremblotants démarrer péniblement, déjà à moitié chavirée, hésitante, pour un voyage qui commençait forcément mal, au destin connu d’avance. Mais il ne partait pas, il restait à l’ombre de son baobab, surement pour Bakou, pour ne pas le contrarier, pour ne pas le blesser et risquer ses rêves à lui. Il attendait un peu frustré tandis que les autres partaient. Peut-être vers la mort. Mais au moins, pensait-il, eux partaient vers quelque chose. Ils avaient arrêté d’attendre. Diop levait une main vers les passagers, comme pour s’excuser de ne pas être des leurs cette fois-ci ou comme si il savait qu’il les reverrait bientôt, que s’il y avait bien une seule chose dont il était sûr c’est qu’il les reverrait bientôt.
Ici. Là-bas. Ou bien même ailleurs.
Il resterait sur cette plage jusqu’à ce jour où Bakou qui n’exportait pas ses rêves et ses espérances, se ferait attendre un peu plus. Jusqu’à ce jour où un combat mal préparé finirait par renvoyer l’Ours du Saloum à son village pour toujours. Où la montée trop rapide le ferait dégringoler du haut de ses rêves, où une chute lui briserait la colonne vertébrale et le clouerait au pied des baobabs pour toujours.
Diop monterait alors sur la pirogue.
Et Fatou resterait.
Pour m’attendre, pour m’espérer et pour témoigner, lui dirait Diop en lui serrant les doigts. Pour t’occuper de Bakou qui a plus besoin d’une femme que moi aujourd’hui.
Puis il laisserait la plage et la petite ombre de son baobab.
Il s’embarquerait enfin.

Barça ou Barsakh.
Barcelone ou la mort.

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Message  silene82 Dim 18 Juil 2010 - 6:52

Monsieur minijoe, je ne suis pas content que vous racontiez des choses qui vont faire surement de la peine à Bea, vu que j'ai bien compris dans votre allégorie - c'est un clin d'oeil au fait que j'ai bien vu que vous n'êtes plus en Asie, alors par de riz - que c'était vous que vous faisiez apparaître sous les traits de Diop, parce que c'est évident que vous êtes quelqu'un de pudique alors vous ne vouliez pas qu'on se rende compte que vous êtes un peu chétif, mais ça fait rien bism'illah même si vous êtes païen tendance père blanc ou l'inverse comme vous dites.
En tout cas j'aime bien vos aventures sauf que je saisis pas le lien entre elles mais peut-être vous nous l'expliquerez.
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Message  Invité Dim 18 Juil 2010 - 7:23

Un texte touchant, oui, sans esbroufe. J'ai aimé.

Mes remarques (outre cette manie bizarre de mettre des majuscules par moments à "pélicans" ou "baobab") :
« comme tous les Sénégalais »
« l’attente de la migration des Pélicans qu’il avouait avoir déjà mangé pour impressionner les touristes » : la tournure est assez maladroite, je trouve, parce qu’on a l’impression que le gars a déjà mangé tous les pélicans qui migrent
« ou comme s’il savait »

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Message  Invité Dim 18 Juil 2010 - 9:01

Un texte tendre qui fait resurgir des lectures marquantes. Juste la bonne longueur pour ne pas verser dans l'apitoiement. Juste la bonne dose là aussi. On ne peut pas dire sur un tel sujet que "c'est chouette". N'empêche que c'est drôlement bien.

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Message  Mure Dim 18 Juil 2010 - 15:30

Je ne suis pas certaine d'avoir vraiment saisi le sens de ce récit.
Il me fait penser à une photo qu'on trouverait par hasard dans un livre emprunté à la bibliothèque.
Chacun étant libre de l'interpréter comme bon lui semble, que ce soit concernant le photographe ou les photographiés.
Pourquoi pas ?!

J'ai beaucoup aimé cette idée là :
mini joe a écrit:Parce que l’espérance de Bouka elle n’était pas immigrée
Et ce passage, qui selon moi, est la pièce maîtresse de l'œuvre :
mini joe a écrit:Il voyait la pirogue colorée engrossée de ses aventuriers tremblotants démarrer péniblement, déjà à moitié chavirée, hésitante, pour un voyage qui commençait forcément mal, au destin connu d’avance. Mais il ne partait pas, il restait à l’ombre de son baobab, surement pour Bakou, pour ne pas le contrarier, pour ne pas le blesser et risquer ses rêves à lui. Il attendait un peu frustré tandis que les autres partaient. Peut-être vers la mort. Mais au moins, pensait-il, eux partaient vers quelque chose. Ils avaient arrêté d’attendre. Diop levait une main vers les passagers, comme pour s’excuser de ne pas être des leurs cette fois-ci ou comme si il savait qu’il les reverrait bientôt, que s’il y avait bien une seule chose dont il était sûr c’est qu’il les reverrait bientôt.
Ici. Là-bas. Ou bien même ailleurs.
Merci pour la créativité mini joe.
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Message  Rebecca Dim 18 Juil 2010 - 18:50

Fanane Diam
C'est exprès que Bouka devient Bakou ?
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