Là où les larmes ne coulent pas
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Là où les larmes ne coulent pas
Mes pieds nus foulent lentement le sol lunaire; j'ai froid. Aucun vent, aussi glacé eût-il été, ne balaie mes cheveux. Le paysage semble s'écarter pour me laisser passer mais mon étrange marche entre les cratères ne me mène à rien. J'aurais pensé voir la Terre dressant sa somptueuse silhouette loin au-dessus de l'horizon, mais seuls quelques milliers d'étoiles parsèment le ciel infini dans lequel j'ai l'impression de tomber à chaque pas. Rien n'a de sens, je suis dans l'ombre, et je suis ombre moi-même. Ma tête commence à tourner; je me sens nauséeux, et tandis que me pieds glissent du sol l'espace d'une seconde, lorsque je tombe d'affaiblissement, le sol s'évapore et l'univers tout entier se cogne violent contre moi.
Je me réveille en sursaut et en sueur, ma tête heurte le vide et reste en suspension. Ici non plus, rien n'a de sens. Mais c'est normal. Je suis dans une station d'expérimentations scientifiques en orbite autour de notre planète bleue. L'année est 2011 et les jours ici n'en sont pas vraiment. Voir la nuit tomber sur l'Asie et le jour embrasser l'océan Atlantique tandis que je fais un tour du monde en quelques heures à peine. Je suis à bord de la station spatiale depuis maintenant deux mois. Mon esprit divague.
J'entends les autres scientifiques de l'autre côté du module. Avec un sentiment toujours aussi étrange, je quitte mon lit froid d'un simple mouvement dans l'espace et décide de flotter à travers la cabine. Je soupire et colle ma tête au hublot d'observation. Cette fois-ci, elle est bien face à moi. La Terre. Nous survolons le continent européen. Il n'y a pas beaucoup de bruit. Quelques machines émettent de petits sons aigus de temps à autre, les collègues américains écoutent « Hotel California » de l'autre côté de la station. La Californie. L'air doit être chaud et chaque inspiration doit nous faire parvenir les odeurs du sable, de la mer, d'essence même. Le bruit constant; des voitures qui salissent la route dans un vacarme jouissif et des passants parlant plus fort les uns que les autres. Étrangement, mes yeux se ferment et mon esprit se laisse emporter par le sommeil, tandis que mon corps flotte au hasard d'un module lancé à 28 000 km/h dans l'espace.
Mes genoux sont salis par la poussière lunaire et je me relève en m'aidant de mes mains; également salies à présent. Je suis toujours dans l'ombre, mais cette fois, à quelques mètres, là où l'ombre laisse place à la lumière infernale du soleil à vide, se trouve un homme assis sur une chaise de bois. A nouveau pris de nausée, je chancelle et décide de courir vers lui, déterminé. Je manque à plusieurs reprises de tomber, et lorsque j'arrive face à lui, il se lève. Je m'arrête. Il tend sa main pour serrer la mienne, et j'hésite. Soudain, il me frappe au visage d'un force phénoménale et je me réveille à nouveau à bord de la station spatiale.
Que m'arrive t-il? Je deviens fou. Je m'endors et me réveille à tout bout de champ. Pris de panique, j'avance à travers les compartiments de la station à la recherche d'un collègue. J'erre pendant plusieurs minutes, repassant plusieurs fois aux même endroits sans vraiment m'en rendre compte. Lorsque j'arrive face à mon coéquipier, je bafouille, et je sens du monde arriver autour de moi. Je dois avoir un problème, du moins, physiquement visible, puisque l'équipage s'affole. Mais c'est trop tard, je sombre à nouveau dans mon étrange sommeil.
« On sait vraiment pas ce qu'on veut. »
C'est l'homme qui m'a frappé tout à l'heure qui me parle maintenant. Je connais sa voix, mais je ne le reconnais pas lui. Il est maintenant assis à ma gauche, sur sa chaise qu'il a déplacé.
« Tu te souviens? Fait-il. Quand t'étais gamin tu voulais être astronaute et aller dans les étoiles. »
C'est vrai. Il a raison. J'ai l'impression de penser les choses en même temps qu'il les dit.
« Qui aurait cru que la Terre te manquerait tant ? Finalement... On passe notre temps à chercher un endroit exotique et éloigné pour vivre mais on se rend compte que c'est chez soi qu'on est le mieux pour rêver. »
Une larme coule sur mon visage et met un temps étonnement long pour atteindre le sol.
« Amusant, ajoute t-il, même dans un rêve, tu respectes la physique. N'aies plus peur, tu rentres bientôt. »
Et je me réveille en larmes au milieu de l'équipage. On me rassure, on me parle. Ma mission devait finir dans un mois, il semblerait que je repartirai dans quatre jours avec la navette de ravitaillement. On me console sans me comprendre. Qu'importe, bientôt, je reverrai la Terre, je sentirai à nouveau ce vent que je connais dans mes cheveux, l'air tiède sur ma peau, les insectes vibrer dans l'air autour de moi, et le soleil, en se couchant, me bercera encore et encore de ses douces caresses orangées.
Je me réveille en sursaut et en sueur, ma tête heurte le vide et reste en suspension. Ici non plus, rien n'a de sens. Mais c'est normal. Je suis dans une station d'expérimentations scientifiques en orbite autour de notre planète bleue. L'année est 2011 et les jours ici n'en sont pas vraiment. Voir la nuit tomber sur l'Asie et le jour embrasser l'océan Atlantique tandis que je fais un tour du monde en quelques heures à peine. Je suis à bord de la station spatiale depuis maintenant deux mois. Mon esprit divague.
J'entends les autres scientifiques de l'autre côté du module. Avec un sentiment toujours aussi étrange, je quitte mon lit froid d'un simple mouvement dans l'espace et décide de flotter à travers la cabine. Je soupire et colle ma tête au hublot d'observation. Cette fois-ci, elle est bien face à moi. La Terre. Nous survolons le continent européen. Il n'y a pas beaucoup de bruit. Quelques machines émettent de petits sons aigus de temps à autre, les collègues américains écoutent « Hotel California » de l'autre côté de la station. La Californie. L'air doit être chaud et chaque inspiration doit nous faire parvenir les odeurs du sable, de la mer, d'essence même. Le bruit constant; des voitures qui salissent la route dans un vacarme jouissif et des passants parlant plus fort les uns que les autres. Étrangement, mes yeux se ferment et mon esprit se laisse emporter par le sommeil, tandis que mon corps flotte au hasard d'un module lancé à 28 000 km/h dans l'espace.
Mes genoux sont salis par la poussière lunaire et je me relève en m'aidant de mes mains; également salies à présent. Je suis toujours dans l'ombre, mais cette fois, à quelques mètres, là où l'ombre laisse place à la lumière infernale du soleil à vide, se trouve un homme assis sur une chaise de bois. A nouveau pris de nausée, je chancelle et décide de courir vers lui, déterminé. Je manque à plusieurs reprises de tomber, et lorsque j'arrive face à lui, il se lève. Je m'arrête. Il tend sa main pour serrer la mienne, et j'hésite. Soudain, il me frappe au visage d'un force phénoménale et je me réveille à nouveau à bord de la station spatiale.
Que m'arrive t-il? Je deviens fou. Je m'endors et me réveille à tout bout de champ. Pris de panique, j'avance à travers les compartiments de la station à la recherche d'un collègue. J'erre pendant plusieurs minutes, repassant plusieurs fois aux même endroits sans vraiment m'en rendre compte. Lorsque j'arrive face à mon coéquipier, je bafouille, et je sens du monde arriver autour de moi. Je dois avoir un problème, du moins, physiquement visible, puisque l'équipage s'affole. Mais c'est trop tard, je sombre à nouveau dans mon étrange sommeil.
« On sait vraiment pas ce qu'on veut. »
C'est l'homme qui m'a frappé tout à l'heure qui me parle maintenant. Je connais sa voix, mais je ne le reconnais pas lui. Il est maintenant assis à ma gauche, sur sa chaise qu'il a déplacé.
« Tu te souviens? Fait-il. Quand t'étais gamin tu voulais être astronaute et aller dans les étoiles. »
C'est vrai. Il a raison. J'ai l'impression de penser les choses en même temps qu'il les dit.
« Qui aurait cru que la Terre te manquerait tant ? Finalement... On passe notre temps à chercher un endroit exotique et éloigné pour vivre mais on se rend compte que c'est chez soi qu'on est le mieux pour rêver. »
Une larme coule sur mon visage et met un temps étonnement long pour atteindre le sol.
« Amusant, ajoute t-il, même dans un rêve, tu respectes la physique. N'aies plus peur, tu rentres bientôt. »
Et je me réveille en larmes au milieu de l'équipage. On me rassure, on me parle. Ma mission devait finir dans un mois, il semblerait que je repartirai dans quatre jours avec la navette de ravitaillement. On me console sans me comprendre. Qu'importe, bientôt, je reverrai la Terre, je sentirai à nouveau ce vent que je connais dans mes cheveux, l'air tiède sur ma peau, les insectes vibrer dans l'air autour de moi, et le soleil, en se couchant, me bercera encore et encore de ses douces caresses orangées.
- Spoiler:
- J'ai un doute que je crois justifié quant à la première phrase: "Aucun vent, aussi glacé eût-il été, ne balaie mes cheveux". La conjugaison du verbe "être" me laisse douteux. Je m'en remet à votre bon jugement. L.
redstar- Nombre de messages : 120
Age : 30
Localisation : Lorraine
Date d'inscription : 28/07/2009
Re: Là où les larmes ne coulent pas
Un flash sympa, j'aime assez la confusion du personnage. La fin est un peu terre-à-terre (si j'ose dire) à mon goût.
Mes remarques :
les conventions générales de la typographie en France veulent qu'on insère une espace avant les caractères ";" et "?"
« Aucun vent, aussi glacé eût-il été, ne balaie mes cheveux » : votre doute me paraît justifié, pourquoi un plus-que-parfait dans ce récit au présent ? Le subjonctif présent, selon moi, suffirait amplement
« mais seules quelques milliers d'étoiles »
« sur sa chaise qu'il a déplacée (la chaise) »
« Amusant, ajoute-t-il (premier trait d’union) »
« N'aie (et non « N’aies ») plus peur »
« il semblerait que je repartirai dans quatre jours avec la navette de ravitaillement » : la phrase « sonne » bizarre ainsi pour moi, je mettrais plutôt le verbe « sembler » au présent
Mes remarques :
les conventions générales de la typographie en France veulent qu'on insère une espace avant les caractères ";" et "?"
« Aucun vent, aussi glacé eût-il été, ne balaie mes cheveux » : votre doute me paraît justifié, pourquoi un plus-que-parfait dans ce récit au présent ? Le subjonctif présent, selon moi, suffirait amplement
« mais seules quelques milliers d'étoiles »
« sur sa chaise qu'il a déplacée (la chaise) »
« Amusant, ajoute-t-il (premier trait d’union) »
« N'aie (et non « N’aies ») plus peur »
« il semblerait que je repartirai dans quatre jours avec la navette de ravitaillement » : la phrase « sonne » bizarre ainsi pour moi, je mettrais plutôt le verbe « sembler » au présent
Invité- Invité
Re: Là où les larmes ne coulent pas
Bonjour socque et merci, qu'auriez vous mit à la place de "eût-il"?
Juste un doute, encore un ;
« mais seuls quelques milliers d'étoiles »
Ne sont-ce pas les milliers qui sont seuls?
Juste un doute, encore un ;
« mais seuls quelques milliers d'étoiles »
Ne sont-ce pas les milliers qui sont seuls?
redstar- Nombre de messages : 120
Age : 30
Localisation : Lorraine
Date d'inscription : 28/07/2009
Re: Là où les larmes ne coulent pas
Même si j'aime bien le message que transmet le texte, mais j'ai été confus à plusieurs reprises... la confusion du personnage doit être contagieuse ! ;-)
Re: Là où les larmes ne coulent pas
Eh bien, je le dis, ce que j'aurais mis : le subjonctif présent du verbe être. Sinon, ce sont les étoiles qui sont seules par milliers, pour moi, mais je reconnais que ça se discute... Essayez d'écrire les deux versions et de voir laquelle plaît le plus à l'œil.redstar a écrit:Bonjour socque et merci, qu'auriez vous mit à la place de "eût-il"?
Juste un doute, encore un ;
« mais seuls quelques milliers d'étoiles »
Ne sont-ce pas les milliers qui sont seuls?
Invité- Invité
Re: Là où les larmes ne coulent pas
sympa ce voyage, pour le lecteur que je suis, visiblement pas pour le "héros" qui supporte mal
un peu bof pour la vieille idée selon laquelle "il faut cultiver son jardin", c'est du ressassé
mais je le répète, c'est plaisant à lire
un peu bof pour la vieille idée selon laquelle "il faut cultiver son jardin", c'est du ressassé
mais je le répète, c'est plaisant à lire
Re: Là où les larmes ne coulent pas
Je trouve que ton écriture a énormément évolué depuis ton arrivée sur le site, c'est sensible depuis quelque temps il me semble, et particulièrement avec ce texte que je trouve assez abouti dans la forme en dépit d'un thème plutôt attendu.
Invité- Invité
Re: Là où les larmes ne coulent pas
c'est bien, on se laisse prendre dans cet étrange voyage aux confins de l'univers et dans les déambulations mentales du personnage.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
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