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Erato

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Message  ptipimous Jeu 29 Juil 2010 - 19:18

Il ne la connaissait que depuis quelques jours. Une rencontre, un coup de foudre et des heures passées au lit. On en était maintenant au quotidien ; il fallait bien tenter de vivre ensemble, et ce n’était pas facile. Ils n’avaient vécu jusque là que bouches collées, c’était la découverte qui s’annonçait.
Il avait mis plusieurs heures à connaître son nom. Il venait de découvrir sa profession.
Lui même était professeur des collèges. Une petite vie jusque là assez bien rangée. Le seul fouillis notoire était dans ses livres. Mais on pouvait aussi appeler fouillis le néant de sa vie sentimentale qui s’encombrait de désir non avoué, de fantasmes enfouis, mis en tas, par là, et d’une grosse envie de lâcher les chevaux jamais réellement assouvie. Depuis quelques jours, il renaissait à tous ses sens. Très égoïstement, il n’avait pensé qu’à lui. C’était mystérieux, c’était incroyable comme elle savait déclencher en lui une furia, un tourbillon de plaisir qui l’avait entraîné autour de lui-même comme si son nombril était une bonde de baignoire. Il avait été soufflé par une tornade et s’était laissé dériver sur ce qui lui semblait être une éternité.

Les yeux écarquillés, il découvrait enfin l’éclair de foudre qui traversait sa vie. C’était une jeune fille, incontestablement. Maintenant qu’il prenait le temps de la regarder d’un peu plus loin que ce qu’il avait fait jusqu’alors. Elle était tout en muscle et en silence. Il y avait vraiment une nature au départ qui l’avait conduite à cette profession d’homme. Il avait retenu de son explication très brève qu’elle poussait des caisses et démontait des projecteurs. Elle les montait aussi, à l’occasion et elle faisait du son. Au nom d”ingénieur” qu’il avait dit, elle avait haussé les épaules.
La veille au soir, au lieu du dîner prévu, elle avait appelé pour lui dire laconiquement un “pas ce soir” suivi de “j’ai du taf à Wagram”. Elle était tout de même rentrée chez lui vers 5 heures du matin. Il avait entendu la porte, puis le chat, puis les chaussures sur le parquet en 2 “boum” distincts, puis la douche. Elle s’était ensuite glissée sous la couette mais il était reparti dans un demi sommeil rassuré déjà routiné.
Le lendemain, les yeux ouverts, il l’avait regardé dormir, puis finalement pas tant dormir que ça. Il avait tenté une approche mais son regard las, l’avait découragé, presque apitoyé. C’est quand il l’avait vue se lever qu’il avait réalisé. Il s’était retrouvé démuni, les bras ballants dans son caleçon et ses chaussons. Elle s’était rallongée, il avait apporté le café. Il avait osé : “c’est toujours comme ça ?” Elle avait répondu :”Non. Mais ça arrive.”
Elle était si cassée, si détruite, si fatiguée qu’il ne savait qu’en faire, ni par quel bout la prendre. Il aurait voulu qu’elle dorme, mais elle n’y parvenait pas. Tous ses muscles étaient comme des mécaniques rouillées qui auraient pris l’eau une fois de trop et se seraient immobilisés dans un ultime effort. Ce qui l’empêchait de dormir était précisément qu’ils n’étaient pas si immobiles mais tremblaient et grésillaient comme des tubes de néons grillés.
Il fit couler un bain.
Il avait envie de s’occuper du problème, il voulait trouver la solution. Il n’avait qu’un désir : lui être nécessaire. Il fit très attention à la température : pas trop chaud, pas de douleur, plus de mal surtout mais loin du froid tout de même. Elle s’y traîna, il rapporta un café. Quand elle en sortit, il l’attendait dans la chambre, serviette et huile de massage. C’était curieux de la toucher ainsi en plein jour et en pleine lumière. Certaines parties de son corps étaient jolies, mais pas tout. Le plaisir qu’il prenait à la masser le confrontait à une réalité insoupçonnée; elle ne lui plaisait pas, il l’adorait. Une autre sensation nouvelle était ces muscles raides et tétanisés sous ses doigts. Cette femme dure comme une plaque de marbre, l’antithèse de la féminité, l’anachronisme de la sensualité connue jusqu’alors. Et pourtant, il lui suffisait de fermer les yeux pour retrouver le touché nocturne, la texture de sa peau était déjà inscrite dans la mémoire de ses doigts. C’était bien celle du plein amour. Il s’occupa des muscles les uns après les autres en partant des mollets. Elle gémissait de temps en temps. Il avait envie de pleurer. De ses poignets frottant renaissait l’attache des quadriceps, ses coudes dénouaient le mollet inférieur. Au creux de ses mains; les noeuds se défaisaient, laissaient respirer le muscle qui s’épanouissait comme une poignée de fleurs au matin. Il n’avait jamais connu cela, c’était aussi fort qu’au lit, aussi intense et beau et bon. Il avait envie de rire.
Il fit le dos, refit les bras. Il la laissa se rendormir pour de bon et s’éclipsa pour préparer une soirée à son club. Elle y était invitée. Elle y vint. Un peu maquillée, encore très fatiguée, avec une raideur incongrue dans le corps mais souriante. Sans pouvoir trop s’occuper d’elle, il lui présentait à la volée quelques personnalités présentes et espérait qu’elle avait quelque chose à leur dire. Elle finit par s’asseoir dans un coin pour regarder des photos. Il voyait à ses gestes lents, le tremblement de ses doigts, le port de sa tête, toute la souffrance qui l’habitait encore. Le dîner vint, il s’occupa des buffets, elle le rejoint. De minute en minute elle se dégripait, se courbait un peu plus. Quand d’un coup, éclata la musique lancée par un DJ. Des standards des années 70 qui convenaient parfaitement à la moyenne d’âge des convives qui se ruèrent sur la piste de danse, bientôt bondée. Il la vit sous ses yeux sortir enfin de sa gangue de béton. Son corps se déplia, ses bras s’étendirent comme les ailes d’un oiseau. Elle s’emplit de musique. Elle la gonflait comme une baudruche. Il vit ses cuisses tendre la toile de son jean, ses pieds s’ancrer dans le sol. Elle grandit, elle prit le vent et s’envola ; elle se mit à chanter, secoua ses mains et ses doigts se remirent en mouvement, puis ses hanches. Elle était peut être belle, elle devint magnifique, irréelle comme un enfant qui naît. Voilà, c’était cela son essence, son langage. Elle était un orchestre, il avait devant lui Erato en personne. Il faisait l’amour depuis quelques temps avec la musique.
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Message  Invité Jeu 29 Juil 2010 - 19:34

Une belle chute, amenée avec peut-être quelques longueurs... mais ce serait un début sympa de quelque chose je crois, un bon prologue.

C'est sympa de vous revoir dans le coin, ptipimous !

Mes remarques :
« Une petite vie jusque-(trait d’union) assez bien rangée »
« il était reparti dans un demi sommeil (je mettrais in trait d’union ici) rassuré déjà routiné (routinier ?) »
« il l’avait regardée dormir »
« Il avait tenté une approche mais son regard las, (pourquoi une virgule ici ?) l’avait découragé, presque apitoyé »
« comme des mécaniques rouillées qui auraient pris l’eau une fois de trop et se seraient immobilisées (les mécaniques) dans un ultime effort »
« une réalité insoupçonnée; elle ne lui plaisait pas » : typographie, une espace avant le point-virgule
« Au creux de ses mains; (j’aurais plutôt mis une virgule) les nœuds se défaisaient »
« il s’occupa des buffets, elle le rejoignit »
« elle se dégrippait »
« Elle était peut-être (trait d’union) belle »

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Message  Invité Jeu 29 Juil 2010 - 20:11

Quelque chose me gêne, je ne sais pas quoi exactement. Des maladresses qui parsèment une écriture globalement fluide, la métaphore, le regard du narrateur... je ne sais pas. Mais je ne suis pas à l'aise, moi aussi je coince quelque part.

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Message  mentor Jeu 29 Juil 2010 - 20:22

c'est bien écrit, il y a un style, une histoire, 2 personnages crédibles et attachants
oui, un bon début pour une aventure intéressante
j'ai bien aimé

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Message  Invité Jeu 29 Juil 2010 - 20:28

J'ai trouvé ce texte envoûtant, avec une belle progression dans l'expression du sentiment et une chute absolument inattendue, je suis sous le charme !

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Message  Invité Ven 30 Juil 2010 - 2:35

C'est fluide, quelques interrogations : pourquoi par exemple, le type dit "pour la première fois" lorsqu'il constate que les muscles se détendent sous ses mains qui massent ? Pourquoi il amène un café dans le bain à quelqu'un qu'il doit aider à se détendre et s'endormir ? Pourquoi il "tente une approche" alors que visiblement, la fille est touchée physiquement et mentalement par quelque chose ? Pourquoi l'invite-il à une soirée DJ alors qu'elle a besoin de calme et certainement, d'attention ? j'ai un peu fait son bilan : c'est un sale type, cupide et écervelé, dont ma foi, les préoccupations tournent autour de son propre désir de baiser. Je ne crois pas qu'il soit instit, encore moins qu'il soit capable de poétiser à la fin. Du coup, j'ai une grande tendresse pour le personnage féminin, et je suis très impatient de lire la suite. Que va il se passer entre cette femme fragile cet imbécile heureux ?

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Message  Invité Ven 30 Juil 2010 - 3:34

"et", évidemment. Sorry.

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Message  silene82 Ven 30 Juil 2010 - 9:33

Quelques remarques au delà du texte, que j'aime sans pouvoir préciser pourquoi, sans doute parce que les personnages pourraient atteindre à une dimension tragique.
Erato ? J'ignorais qu'Erato dansât. Ni même qu'elle s'intéressât à autre chose que ses languissants récitatifs à la flûte double et au sistre gonflant. Encore que la pratique de la flûte ait une évidente application. Intéressant, j'espère qu'elle ne va pas avoir d'ennui avec sa copine Terpsi.
Comme le relève Panda, le décalage entre elle qui est, qui ne joue rien mais est habitée par, et lui, qu'on peut trouver haïssable dans sa médiocrité, alors que j'y vois plutôt quelqu'un de déprivé affectivement, mais qui sait reconnaître la vie quand elle passe à côté de lui, donne un relief au texte ; l'olympienne, en quelque sorte, visite le mortel.
Au moins tente-t-il de lui présenter quelques offrandes qui soient acceptables : pour dénouer les points durs de quelqu'un, ce ne sont pas les cours du soir d'une MJC de banlieue qui pourront faire office. Mais il donne ce qu'il a, ce qui est mieux que rien.
Et de toutes façons, comme c'est un albatros, le jour qu'elle ne le supportera plus, elle s'envolera, et il gardera le souvenir d'avoir un jour frôlé la beauté et l'éternité, et peut-être, s'il ne se fait pas sauter le caisson, en écrira des vers, avant d'en être ingéré.
Je ne suis pas sûr qu'il soit possible de continuer les aventures de l'immortelle pérégrinant parmi les hommes, dans la mesure où elle est d'une autre nature ; donc, à moins de ressusciter Orphée, et lui faire oublier sa chérie...
silene82
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