Elle, Atom-IN

[mini joe]

Janvier 2146. Désert de Harben.


“-Pourquoi portes-tu ce collier ?
- Je suis désolée…
- Non, il ne faut pas. J’aime ce collier.
- Tu ne l’aimes pas. Personne ne l’aime. »
Thorn touche le collier du bout des doigts. Il sent le contact, sa texture, quelques contractions, des effluves électriques. Elle écarte sa main.
« - Je suis une Atom-IN, Thorn. Ma vie est courte et éternelle. C’est mon paradoxe.»
Il pose son doigt sur ses lèvres douces, il ne veut pas qu’elle continue à parler, il ne veut pas penser, il veut que ce jour dure une éternité.
Mais il sait qu’il n’en sera rien. L’éternité d’Elena est solitaire, elle est ailleurs, jamais ici.
« - Tu es Elena…
- Je… personne ne m’appelle plus comme ca.
- C’est ton nom. Celui que tu as toujours porté.
- Je suis une Atom-IN. Tu dois partir, maintenant. Il est tard et la retraite approche.
- Tu crois que je vais partir ? Tu le crois vraiment ? Tu crois que je vais partir parce qu'Ils ont dit que tu devais porter un collier STAN, parce qu'Ils ont dit que personne ne devait t'approcher, parce qu'Ils ont dit que tu étais malade et que cette maladie allait contaminer tous ceux qui t'approchent ?
- Je ne sais pas...
- Je ne vais pas partir pour Eux. Plus Ils me diront de m'éloigner, plus je m'approcherais. Je suis comme ca. Je n’abandonnerais pas. J'aime te regarder et te toucher. "
Elle baisse la tête.
"- Il... il ne faux pas me regarder... Tu vas voir les cicatrices... Tu vas voir les brulures.
- Je vais voir la fragilité derrière les cicatrices. Je vais voir la beauté qui se cache sous les brulures.
- Tu parles comme un dandy. Ces mots, tu les inventes juste pour me rassurer. Tu ne penses pas tout ca. Personne ne pense ca. Les Atom-IN sont la dégénérescence du monde. La Citée regorge de belles femmes. Elles t’attendent. »
Thorn caresse sa peau. Sa peau translucide et blanche, rendue plus blanche par la contamination et les radiations. Il n'évite pas les blessures. Il sait qu’il ne doit pas mais il ne peut pas s’en empêcher. Il veut prendre à ce corps tout ce qu’il peut avant qu’il ne disparaisse. Que ces minutes durent une éternité.
Il regarde derrière Elena, l’horizon, les immenses dunes du désert et la poussière qui les entoure. Les caravanes silencieuses qui contournent lentement le camp. Les Tours Angulaires, perdues au loin, derrière les colonnes de sable emportées par le vent. Le silence.
Il prend sa main, sa petite main creuse, et commence à dénouer les bandages qui la couvrent. Elle se laisse faire mais elle tremble.
"- Tu crois que je me moque de toi ?
- Je... je ne sais pas... je veux croire que non mais je ne sais pas. Tu sais, je suis différente. Je suis condamnée. Je ne sais pas ce que tu veux vraiment.
- Je t’aime."
Et la peau d'Elena qui devient de plus en plus translucide, invisible, granuleuse... La retraite…
« - Je suis désolée. Tu n’as pas choisi la bonne personne. Je vais partir.
- Je le sais mais je n’y peux rien. Si je pouvais en aimer une autre, j’en aimerais une autre.
- Tu n’as pas le choix, Thorn. Tu es condamné a en aimer une autre.»
Elle est une Atom-IN, elle disparaitra dans les étoiles et les soleils. Thorn tient sa main et le reste de son corps devient de la poussière... Il tient sa main et sa main disparait, comme le reste de son corps... elle rejoint les étoiles, le soleil orange, la poussière du désert, le sable et le silence qui les enseveli.
Elena est une Atom-IN. Elle disparait ainsi, elle se vaporise éternellement, comme toutes les victimes de Chicago. Un jour suivant, elle sera ailleurs, sur un autre continent, a des milliers de kilomètres de Thorn et de la douceur de ses caresses.
Il ferme les yeux.
Dans ses cheveux blonds, de la poussière du désert.
Entre ses doigts, de la poussière d’Elena.

[Invité]

Un beau flash, de l'ampleur et de la solennité ! Ça a de la gueule.

Mes remarques :
Pour les dialogues (exemple au début) :
“-Pourquoi portes-tu ce collier ?
- Je suis désolée…
- Non, il ne faut pas. J’aime ce collier.
- Tu ne l’aimes pas. Personne ne l’aime. »
(typographie, d’ordinaire on n’ouvre pas une réplique de dialogue par des guillemets + un tiret, mais l’un ou l’autre, d’autre part, pour le tiret, le trait d’union « - » ne suffit pas, il faut prévoir le tiret demi-cadratin « – » ou le format au-dessus « — »)
« Plus Ils me diront de m'éloigner, plus je m'approcherai (et non « m’approcherais », pour la concordance des temps le futur s’impose ici et non le conditionnel) »
« Je n’abandonnerai (et non « n’abandonnerais », pour la même raison) pas »
« il ne faut pas me regarder »
« La Citée (pour un nom propre, c’est possible, mais on écrit une cité) regorge de belles femmes »
« Tu es condamné à en aimer une autre »
« le sable et le silence qui les ensevelit »
« sur un autre continent, à des milliers de kilomètres »

[Hellian]

très beau texte, suggestif et émouvant. Bravo !

[Chako Noir]

Vrai de vrai, ça a de la gueule. De la douceur qui claque, très bon.

[mentor]

manque la signature, Mini Joe !
tu t'assagis ces derniers temps ! ;-)

Beau texte, très poétique

[elea]

Touchant, poétique et visuel, cela m’a évoqué une belle BD d’anticipation comme je les aime.
Merci pour cette lecture et relecture et… j’y retourne tiens !

[Ajax]

C'est un beau texte, une fenêtre qui s'ouvre à peine sur un autre monde (ou un autre moment du monde) et qui, en quelques mots, laisse entrevoir ses ombres et ses mystères.

Par contre, je ne comprends pas très bien qui parle. La voix qui raconte semblait intérieure aux regards et aux pensées de Thorn. Or voilà qu'elle nous dit : "Elle est une Atom-IN, elle disparaitra dans les étoiles et les soleils." Et plus loin : "Un jour suivant, elle sera ailleurs, sur un autre continent, a des milliers de kilomètres de Thorn et de la douceur de ses caresses." Qui dit ça ?

Ce changement brusque du mode de narration donne l'impression qu'une voix extérieure surgit de nulle part, effet qui me semble appauvrir beaucoup le texte. Le côté explicatif et répétitif des phrases finales n'apporte pas grand chose, mais ôte beaucoup de la cohérence narrative et de la poésie de l'ensemble.

[silene82]

Mo pa kontan. On m'a changé minijoe ; avant, il écrivait des niaiseries dans une langue débilisée et parasitée de fôtes. Maintenant, il torche de beaux panoramiques, sensibles, évocateurs, et qui donnent à rêver.
Minijoe est un escroc ; qu'il arrête d'écrire de belles choses et qu'il redevienne tel que nous l'aimions, emmerdant comme un môme qui veut des ChupaChups, trollant à tout va comme si sa vie en dépendait.
Good shot, minijoe ; Bea va bien ?

[Invité]

Indubitablement c'est beau et émouvant. Je ne vais pas dire le contraire. Mais (il y a un "mais") peut-être pas toujours subtil, avec des formules un peu cliché ici et là, l'impression persistante par endroits d'un remake de Love Story. Mais (un autre "mais") j'ai bien aimé, évidemment.

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