CHU

[milo]

Chambres blanches.
De longs fils de plastique plantés dans des bras, tracent des courbes douces jusqu'aux poches pendues.
Dans l'odeur de javel s'engourdissent les corps étendus ;
et les regards vitreux, toujours tournés vers la fenêtre, disent en sourdine l'intérieur pourrissant des hommes allongés.
Ici, les rêves et les mouches se heurtent à la seule vitre de la pièce.
Chacun du mauvais côté de l'espoir.

**

Ce matin, à l'aube, ils sont venus me dire que c'était grave.

Par la fenêtre, les premiers rayons du soleil creusent dans l'air des perspectives naines.
Quelques particules de poussière traînent la lumière jusque dans mon nez.
Je tourne en rond dans la petite pièce.
Et peut-être par mimétisme avec les montres, je me remplis de secondes mortes,
de bouffées d'air recrachées.
A cet instant, je me sens fait de tout ce que je perds.
Je suis un corps, construit de vide et d'absence ;
Un homme
Bâtit dans le manque.

Rien d'autre que la somme des choses qui n'existent plus.

**

Avec le soir, les peaux gonflées par la cortisone remplissent les machines de musiques étranges.
Prélude à la mort, quelques fantômes semblent geindre...
«Les ombres ne crient pas, les ombres ne crient pas». Pour y croire, il faut se répéter les choses.
Parce qu'a forte dose, certains médicaments grattent la raison à même le crâne.
Il y devient alors impossible de distinguer les bruits humains des sons inventés.
Les hallucinations semblent prémonitoires, s'incrustent, noires dans le blanc des murs.
Il n'y a rien à faire.
Et dans la masse grouillante des images truquées par la pénombre,
naissent sans fin des silhouettes d'enfants chauves.

**

Rachis jadis aussi dur que l'émail, aujourd'hui infesté de petites tumeurs
tendres comme des caries.
L'envie me prend de fouiller dans les masses sombres avec un cure-dent.
De sentir s'enfoncer le bois.

**

Constantes en berne. Je ne suis pas certain de comprendre
Que la mort est une éventualité dans notre histoire.
Nous parlions de voyages, d'amour comme-ça, juste dans les mains. Tu me disais que l'horizon est loin pour celui qui reste assis.
Encore plus pour celui qui ne peut pas marcher.
Et me voilà aujourd'hui deux pantins au bout du tronc, à attendre que tu m'aimes dans un lit médicalisé.

Alors, dans les chambres blanches se mélangent les peaux, le sexe et la maladie,
les corps qui n'ont plus rien en commun.
Seulement la sueur et l'odeur des médicaments

Et par-dessus tout, l'intime conviction que rien n'est perdu.

[Invité]

Il me semble que vous aviez écrit un autre texte sur précisément ce thème... je l'avais trouvé très fort, poignant. Ici, il n'y a pas la même force à mon avis, j'ai cru lire une certaine complaisance, un côté m'as-tu-vu dans l'écriture (exemples : "les premiers rayons du soleil creusent dans l'air des perspectives naines", bonne idée qu'elles soient naines, les perspectives, mais creusées dans l'air par les rayons du soleil, cela les rend trop nobles à mon goût ; "Je suis un corps, construit de vide et d'absence", pompeux et cliché pour moi ; "certains médicaments grattent la raison à même le crâne").

Des moments intenses, sinon ("Ce matin, à l'aube, ils sont venus me dire que c'était grave"), mais, vu le sujet, j'ai cru percevoir quelque chose d'affadi.

Mes remarques :
« De longs fils de plastique plantés dans des bras, (pourquoi une virgule ici ?) tracent des courbes douces »
« Un homme
Bâtit dans le manque » : vu le sens général, je pense que vous avez voulu écrire « bâti » ; je suis un homme qui est bâti dans le manque, et non je suis un homme qui bâtit dans le manque
« Parce qu'à forte dose »

[elea]

Je l’ai trouvé poignant moi ce texte. Il a pesé sur moi de toute sa lourde charge émotive, certaines phrases plus que d’autres douloureusement ressenties.

[mentor]

très fort, après quelques lignes, pas envie de continuer mais pris par le récit, belle écriture

[Invité]

je n'ai as grand chose à dire, si ce n'est que le texte est un poil trop "énumératif" mais ce qui compose l' énumération me va bien.

[Invité]

Un texte qui arrache, comme presque toujours...
Si tu le repasses un poil en polissage, il serra encore plus acéré...

[Invité]

Sera

[Invité]

Un sujet qui me touche tout particulièrement en ce moment, et que je trouve bien décliné. Une réussite.

[Jérémie]

Réussite émotionnelle... le corps frein moteur, la contradiction la plus débile de l'existence, quand la vie elle même se fait porteuse de mort, quand la mécanique biologique se transforme en univers carcéral, quand la fluidité inconsciente cède à la viscosité... une balafre sur le visage du temps, la maladie dans sa cruauté, sans artifice.

[Invité]

Il m'a semblé reconnaître le thème d'un de tes textes précédents, pour en avoir le cœur net je suis allée consulter le catalogue. Et après relecture je crois avoir préféré l'autre parce que plus condensé, plus intense pour moi. Ce qui n'enlève rien à la qualité de celui-ci, à l'émotion qu'il induit. La phrase finale est très belle, qui va à l'encontre de ce que suggérerait le titre.

[lol47]

Je tenais à te faire un com.

FORT.

Il est utile parfois que le pathos ressurgisse. Quand la conscience nous fait défaut à cause de la maladie, privés de liberté, nous errons.

Nous Zéros.

Poings comme un.

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