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Saturnin

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Message  redstar Lun 16 Aoû 2010 - 18:01

Spoiler:

Sous une pluie dense que fait danser un vent violent, sur le pavé battu et martelé par les gouttes, Saturnin traîne ses pieds en fendant la maigre surface d'eau qu'avale la rue face à l'averse. Il semble faire nuit, mais peut-être le jour s'est-il éteint dans l'orage; comme en témoigne une clarté blafarde léchant la pierre des murs et ondoyant sur le fleuve agité. De temps à autre, un éclair brûle l'air en une seconde à peine, accompagnant le tonnerre tout proche. Saturnin arrive à son but. Le fleuve débordant saute parfois de son lit en envoyant une gerbe d'eau mousseuse et furieuse mourir sur le trottoir. Aucune barrière ne sépare la rue large et longue du cours d'eau. Une voiture passe sur un pont à quelques mètres de Saturnin, l'aveuglant de ses phares blêmes lorsqu'elle tourne, et s'éloigne en crépitant dans les ténèbres de la ville déserte.
Saturnin fait un pas en avant et se tient debout face au fleuve, sur le petit rebord bombé faisant directement face à l'eau. C'est imprudent, aurait-on dit en d'autres circonstances. Saturnin respire profondément, calmement, posément: il tait son âme qui lui murmure des centaines de paroles douces et mauvaises à la fois, qu'il ne veut plus entendre. Il n'y aura qu'une seule solution, mais c'est pour ça qu'il est là. Et à cet instant, un éclair, pendant plusieurs secondes, s'étale dans le ciel et éclaire le visage de Saturnin, le visage d'un homme qui semble avoir vu et ne pas pouvoir dire. Ses cheveux tombant habituellement jusqu'aux oreilles collent à son visage ruisselant, et de petites gouttes glissent le long de ses cils et de son nez. Ce dernier est long et plutôt large, centralisé sur cette face dont les traits s'accordent en une bonhommie sympathique. L'iris est bleu et profond; il semble sans fin comme l'univers.
Dans la clarté soudaine qu'offrait l'éclair, une silhouette est apparue derrière Saturnin; celle d'un homme en imperméable assis sur un banc. Les secondes passent, la pluie ne faiblit pas, et l'homme sur le banc parle soudainement d'une voix forte pour couvrir l'orage:
— Vous voulez parler ?
Saturnin sursaute et manque de glisser, puis répond sans même se retourner vers son interlocuteur:
— Pas avec un homme, fait Saturnin en hésitant.
— Allons, s'écrie l'homme en se levant de son banc tout à fait trempé, je ne vous veux rien. Simplement, avant de faire quoi que ce soit, et je ne vous en empêcherai pas, je veux que vous me racontiez votre histoire.
— Quel est votre nom ? Réplique Saturnin en signe de consentement.
— Appelez-moi Gaston, dit-il après quelques secondes de réflexion.
Et Saturnin raconte son histoire, qui est la suivante :

Lors d'une belle soirée d'automne qui semblait ne jamais vouloir finir, tout le monde semblait heureux et barbotait dans une joie contagieuse communiquée par la douceur de l'air et des parfums s'élevant des arbres roussis. Près de l'hôpital, que bordait un petit parc tapissé de feuilles fauves, était assis un homme que l'on devine être Saturnin. Assis sur un banc du petit parc, il regardait le fleuve couler, car en vérité cet hôpital ne se trouvait qu'à une dizaine de mètres sur la même rive du lieu où est actuellement Saturnin, dans une tout autre ambiance.
Les jambes droit devant lui, légèrement écartées et les mains jointes, Saturnin réfléchissait en regardant dans le vide. La vie de cet homme diffère de n'importe quelle autre existence qu'on puisse imaginer, et il venait tout juste de l'apprendre; Saturnin renaissait. Voyez plutôt: Saturnin était cafetier dans un petit établissement de banlieue où il n'avait pas de famille ni de liens quels qu'ils soient avec qui que ce soit. Personne pour se souvenir de lui. Et ce fût bien malheureux, car un mois avant cette petite soirée d'automne si belle, une voiture traversant le carrefour que Saturnin lui-même traversait le percuta. Saturnin entra dans un court coma et perdit toute mémoire de sa vie mais pas son maigre savoir: prenez une âme, ou quoi que ce soit que l'on puisse qualifier d'intelligence immatérielle mais qui possède la faculté de parler, de comprendre les choses, de marcher, etc, et placez-là dans le corps de Saturnin, cafetier dans une banlieue, en France, sur la planète Terre. Ainsi fut la surprise de Saturnin en se réveillant; un homme perdu et inutile au monde venant de renaitre à l'âge de trente-cinq ans.
Les choses ne s'arrêtèrent pas là. Saturnin découvrit la civilisation « Terrienne », comme un touriste, il découvrit son nom, les voitures, son appartement, son café, la ville, les animaux, la nature, les hommes. Les hommes. Ici est le commencement.
Chaque homme – chaque être humain – grandit dans la civilisation et est habitué à son fonctionnement et au fonctionnement de l'Homme. Ainsi, même le plus engagé de ces Hommes, même celui que la vie humaine dégoute le plus par son comportement, survivra dans leur univers et y prendra même part. Mais qu'en est-il d'un homme de trente-cinq ans, déjà intelligent, qui découvre le comportement de ces êtres?
Tour à tour, Saturnin a été réintroduit dans la société, mit au chômage (indirectement par sa faute puisqu'il ne savait plus s'occuper de toutes les affaires relatives à son travail), expulsé de son appartement, envoyé en prison pour vol à l'étalage avec récidive, ce qu'il ne pensait évidemment pas être un délit.
En prison, il fit la rencontre d'hommes divers et variés: quelques voleurs, un pédophile, et même un meurtrier. Il écouta longuement les récits de ses compagnons qui le dégoutaient de plus en plus à chaque instant. Comment pouvait-on vivre avec cela? Puis on le libéra. Saturnin erra à nouveau, se perdit au hasard des rues le ventre vide et jamais il ne fit la manche. Sa vie changea définitivement et commença à l'entrainer progressivement vers les eaux tortueuses du fleuve lorsqu'il s'arrêta un soir devant un magasin d'électronique où brillaient dans le soir une dizaine de télévisions.
Sur l'une d'elle, Saturnin vit un match de football. Il ne comprit pas et ne s'attarda pas sur le spectacle effrayant de la foule en délire hurlant à plein poumons dans cette arène. Sur une autre, il vit un film et ne comprit évidemment pas qu'il s'agissait d'un film. Il assista à un meurtre, en fût profondément choqué et son regard se perdit sur un dernier écran où passait le journal télévisé. Des avions fendaient le ciel, l'un d'eux semblait avoir brûlé. On voyait des villes s'agiter sous les pas de milliers d'hommes vivant dans la fumée des usines au profil cadavérique et effrayant, on voyait de temps à autre des masses d'hommes bien habillés s'énerver entre eux, on voyait tout. Toutes les images tournaient et s'entrechoquaient dans la tête de Saturnin, et il s'endormit en pleine réflexion sur un banc public dont on le chassa plus tard.

Saturnin termine son histoire. Gaston, debout derrière lui, ébahi, le contemple en silence.
— Puis-je sauter ? Questionne Saturnin avec un laconisme qui ne manque pas de dérouter son interlocuteur.
L'homme, ne savant que répondre, s'avance et murmure, malgré la pluie assourdissante:
— Vous ne devriez pas tirer de conclusions si vite.
— Merci, réplique Saturnin, mais même partir loin de l'homme, dans la nature, ne serait que se mettre à distance provisoirement. Il revient toujours, partout.
Il semble aux deux hommes que le silence envahit tout à coup la ville. Gaston ouvre la bouche pour parler et est coupé dans son élan: Saturnin vient de sauter à l'eau.

Dans les eaux agitées et troubles du fleuve, le corps de Saturnin ne cherche même pas à se débattre et l'homme se laisse couler. On aurait été tenté de penser que son histoire finirait bien, et que malgré tout il trouverait de bons côtés à l'Homme, comme l'amour – on le dit toujours – mais peut-être faut-il une vie d'homme pour cela, et Saturnin l'avait perdue. Les circonstances n'avaient malheureusement pas laissé à Saturnin l'occasion d'entrevoir les bons aspects de l'homme, et qu'il avait maladroitement mélangé l'humanité et l'homme; l'être individuel.

Gaston se laisse tomber à Terre et pleure, la tête dans les mains, soudainement, moins pour cet homme qu'il ne connaissait pas que pour la vision qu'il lui avait offerte. Et ses larmes, petites, affluentes, se mélangent sur le pavé aux torrents de pluie que déversent les nuages, et ce soir, la Terre semble pleurer avec lui.
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Message  conselia Lun 16 Aoû 2010 - 19:04

Une suggestion :
allez donc lire ceci et on en parle, si vous le voulez bien :
http://www.vosecrits.com/forum-vos-ecrits-prose-f1/discussion-t5232.htm

Je crois que quelques fioritures en moins donneraient à l'ensemble plus de rythme. Le point de vue n'est pas assuré ou pas assumé et, du coup, le style s'en ressent. Puis-je me permettre ? Décidez ce que vous en pensez sans nous le dire, puis suggérez-le sans l'asséner.

Par exemple : "On aurait été tenté de penser que son histoire finirait bien, et que malgré tout il trouverait de bons côtés à l'Homme, comme l'amour – on le dit toujours – mais peut-être faut-il une vie d'homme pour cela, et Saturnin l'avait perdue."
Nous prendre la main n'est pas nécessaire ; montrez juste le chemin, d'un doigt tout au plus.

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Message  redstar Lun 16 Aoû 2010 - 19:30

(par avance milles excuses à la modération, je ne sais pas où répondre, alors que j'aimerais parler... Il y a eu des changements ici et je suis un peu perdu.)

J'ai lu le texte de socque.
Qu'avez-vous à m'en dire, donc?

J'aime prendre la main, est-ce un mal?

Cordialement,
L.
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Message  Modération Lun 16 Aoû 2010 - 19:44

Le fil "Réponses aux commentaires" a été supprimé il y a quelque temps maintenant. Un auteur est cependant tout à fait habilité à réagir à la suite des commentaires faits sur son texte et engager une éventuelle discussion, dans la mesure où il veille à ne pas faire remonter ledit texte trop systématiquement, aux dépens des autres.

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Message  silene82 Mar 17 Aoû 2010 - 6:31

Sur la forme, une certaine imprécision dans les temps, des formules un peu péremptoires et assenées nuisent à votre propos, selon moi. Ce n'est que de la cuisine, qui peut s'épurer. Sur le fond, ma foi, on a l'impression que vous redécouvrez le Persan de Montesquieu ou Candide du jeune Arouet : tout cela n'est guère nouveau, ni dans le thème, ni dans sa perspective.
Cela dit, par-delà les évidentes faiblesses du texte, j'aime bien votre écriture, qui a besoin de travail et d'affinage, mais qui semble pouvoir évoluer favorablement, ainsi qu'un certain idéalisme juvénile que je trouve rafraîchissant.
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Message  conselia Mar 17 Aoû 2010 - 13:06

redstar a écrit:(par avance milles excuses à la modération, je ne sais pas où répondre, alors que j'aimerais parler... Il y a eu des changements ici et je suis un peu perdu.)

J'ai lu le texte de socque.
Qu'avez-vous à m'en dire, donc?

J'aime prendre la main, est-ce un mal?

Cordialement,
L.

Vous avez le droit de préférer expliciter votre vision du texte plutôt que de la suggérer. Mon renvoi au texte de Socque visait à vous donner un exemple de ce que, personnellement, j'apprécie dans un texte à la chute similaire : qu'on ne m'y ait pas guidé. Le plaisir de lire s'accompagne volontiers, selon moi, de deviner plus que ce qui est écrit, voire de garder une petite place pour ma propre imagination, qui remplira les blanc laissés volontairement par l'auteur. De la sorte, son texte devient aussi le mien et la joie de l'avoir lu en est d'autant plus grande.
Il en va pour moi de cela comme d'une conversation, qui n'est pas une alternance de monologues, mais un échange permanent entre les interlocuteurs. Garder le sentiment d'être deux losque l'on écrit est peut-être un bon moyen de ne pas perdre en route son lecteur.
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Message  Invité Lun 23 Aoû 2010 - 17:28

Le problème, pour moi, c'est que, même si je déplore le déficit social se développant dans notre beau pays, j'ai du mal à imaginer qu'on renvoie sèchement dans ses foyers un amnésique total sans aucun accompagnement ; tout l'argumentaire du texte, du coup, pèche à mes yeux. Je reprocherai aussi à l'histoire une morale trop explicite : comme lectrice, j'aime bien qu'on me suggère les choses en me laissant tirer moi-même ma conclusion. Là, guère de possibilité...

Mes remarques :
« s'est-il éteint dans l'orage; »
« L'iris est bleu et profond; il semble sans fin »
« apparue derrière Saturnin; celle d'un homme »
« tout juste de l'apprendre; Saturnin renaissait »
« en se réveillant; un homme perdu »
« mélangé l'humanité et l'homme; l'être individuel » : les conventions typographiques françaises veulent une espace avant le point-virgule
« calmement, posément: il tait son âme »
« d'une voix forte pour couvrir l'orage: »
« sans même se retourner vers son interlocuteur: »
« Voyez plutôt: Saturnin était cafetier »
« pas son maigre savoir: prenez une âme »
« d'hommes divers et variés: quelques voleurs »
« murmure, malgré la pluie assourdissante: »
« est coupé dans son élan: Saturnin vient de sauter » : les conventions typographiques veulent une espace avant les deux points
« qui découvre le comportement de ces êtres? »
« Comment pouvait-on vivre avec cela? » : les conventions typographiques françaises veulent une espace avant le point d’interrogation
« dont les traits s'accordent en une bonhomie (et non « bonhommie ») sympathique »
« ce fut (et non « fût » qui est la forme du subjonctif imparfait) bien malheureux »
« placez-la dans le corps de Saturnin »
« Saturnin a été réintroduit dans la société, mis au chômage »
« Sur l'une d'elles, Saturnin vit un match »
« la foule en délire hurlant à pleins poumons »
« en fut (et non « fût » qui est la forme du subjonctif imparfait) profondément choqué »

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