Un bouton
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zenobi
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Un bouton
Un bouton
C’était un petit bouton de rien du tout,
morceau de plastique blanc, deux trous en son milieu.
Il manquait à ma chemise, celle que Louise m’avait choisie,
Elle me donnait le charme flou d’un poète aux cheveux fous,
Vrai de vrai, puisque Louise le disait.
C’était l’été dernier encore, quand à l’ombre de la cathédrale,
on riait d’alcool fruité. Il y avait de cela six mois. Une éternité déjà.
Sa disparition serait passée inaperçue, si seulement la boutonnière orpheline ne me l’avait révélée.
Cicatrice infime à la base de mon col, elle pleurait l’absence dans le miroir.
Comme le regard doux de mon père que je lisais dans mon reflet,
la même fossette en creux au menton, la même mèche rebelle qui retombait sans cesse.
Mais les souvenirs se jouent de nous et je ne savais plus dire si chez lui aussi,
se dessinait cette ride du fumeur au-dessus de la lèvre supérieure.
Dans la buée de la salle de bain, l’image disparaissait.
Il en était ainsi de tout ce que j’avais cru un jour posséder.
Ce stylo, qui pourtant me portait chance, oublié sur un comptoir berlinois, mon écharpe bleu pâle dans une rame de métro, le prénom de cet ami cher raturé dans un carnet.
Louise dormait encore, le visage enfoui sous la couette.
J’aurais voulu l’embrasser, lui écrire combien je l’aimais, dévoiler qu’elle me manquait déjà.
Alors j’ai fait le café.
C’était un bouton perdu, une écharpe égarée, un prénom oublié.
Ce n’était rien du tout.
abstract- Nombre de messages : 1127
Age : 54
Date d'inscription : 10/02/2009
Re: Un bouton
Jolie prose poétique. J'aime bien, à partir d'un tout petit bouton perdu, les souvenirs qui déboulent en cascade.
Et puis, bien vue, l'attitude pragmatique devant les tout petits aléas de la vie..."Alors j'ai fait le café"
Mignon comme tout.
Et puis, bien vue, l'attitude pragmatique devant les tout petits aléas de la vie..."Alors j'ai fait le café"
Mignon comme tout.
Invité- Invité
Re: Un bouton
De l'éminence des petits riens... J'aime comme le poème se déroule, la façon dont il se tisse, comme la pensée vagabonde. J'aime également beaucoup le registre ambigu sur lequel tu joues, ici notamment : Sa disparition serait passée inaperçue. Et j'applaudis, comme précédemment, au choix précis des mots, à la finesse de l'expression pour dire bien plus qu'il n'y semble de premier abord. A ce titre, je relève ce passage que je trouve très beau :
Dans la buée de la salle de bain, l’image disparaissait.
Il en était ainsi de tout ce que j’avais cru un jour posséder.
Ce stylo, qui pourtant me portait chance, oublié sur un comptoir berlinois, mon écharpe bleu pâle dans une rame de métro, le prénom de cet ami cher raturé dans un carnet.
Un texte mélancolique, triste mais pas pleurnicheur. Un texte sensible.
Dans la buée de la salle de bain, l’image disparaissait.
Il en était ainsi de tout ce que j’avais cru un jour posséder.
Ce stylo, qui pourtant me portait chance, oublié sur un comptoir berlinois, mon écharpe bleu pâle dans une rame de métro, le prénom de cet ami cher raturé dans un carnet.
Un texte mélancolique, triste mais pas pleurnicheur. Un texte sensible.
Invité- Invité
Re: Un bouton
Oui, c'est très joli, ce petit poème du quotidien. Et plus profond qu'il ne parait de prime abord
Ces deux vers m'ont laissé un peu perplexe:
Comme le regard doux de mon père que je lisais dans mon reflet,
la même fossette en creux au menton, la même mèche rebelle qui retombait sans cesse.
Pourquoi? Parce que j'ai eu l'impression que c'était aussi un poème sur le temps qui passe, sur le type qui se voit dans la glace et reconnait l'allure de son propre père. J'ai trouvé ça très intéressant, mais après tu reviens sur la routine, sur le souvenir aussi, mais beaucoup moins lointain, et sur Louise. Donc, au milieu du poème tu nous avance un élément, qu'on perd par la suite. Ça m'a un peu dérangé. J'aurais préféré que cela vienne plus tard, avant la conclusion, qui retombe sur du quotidien. Je ne sais pas si je me suis bien exprimé par contre
Ces deux vers m'ont laissé un peu perplexe:
Comme le regard doux de mon père que je lisais dans mon reflet,
la même fossette en creux au menton, la même mèche rebelle qui retombait sans cesse.
Pourquoi? Parce que j'ai eu l'impression que c'était aussi un poème sur le temps qui passe, sur le type qui se voit dans la glace et reconnait l'allure de son propre père. J'ai trouvé ça très intéressant, mais après tu reviens sur la routine, sur le souvenir aussi, mais beaucoup moins lointain, et sur Louise. Donc, au milieu du poème tu nous avance un élément, qu'on perd par la suite. Ça m'a un peu dérangé. J'aurais préféré que cela vienne plus tard, avant la conclusion, qui retombe sur du quotidien. Je ne sais pas si je me suis bien exprimé par contre
Invité- Invité
Re: Un bouton
la boutonnière orpheline
Cicatrice infime
elle pleurait l’absence dans le miroir
je ne savais plus dire
l’image disparaissait
Par petites touches pleines de pudeur l'évocation de la douleur et de la perte irremplaçable d'un être cher qui rejoint d'autres pertes, apparemment sans importance mais qui résument toute une vie...
Se raccrocher au quotidien, au café à préparer, aux êtres bien présents dont on craint déjà qu'ils vous manquent un jour.
Tout cela dit dans une langue toute simple mais qui n'échappe pas à l'envers du décor, ce miroir qui saigne, lui, derrière sa buée.
J'ai beaucoup aimé !
Cicatrice infime
elle pleurait l’absence dans le miroir
je ne savais plus dire
l’image disparaissait
Par petites touches pleines de pudeur l'évocation de la douleur et de la perte irremplaçable d'un être cher qui rejoint d'autres pertes, apparemment sans importance mais qui résument toute une vie...
Se raccrocher au quotidien, au café à préparer, aux êtres bien présents dont on craint déjà qu'ils vous manquent un jour.
Tout cela dit dans une langue toute simple mais qui n'échappe pas à l'envers du décor, ce miroir qui saigne, lui, derrière sa buée.
J'ai beaucoup aimé !
Re: Un bouton
J'ai beaucoup aimé, c'est très joli.
Calvin- Nombre de messages : 530
Age : 34
Date d'inscription : 22/05/2010
Re: Un bouton
J’aime ta manière subtile d’aborder le quotidien avec ce regard curieux pointé sur l’impalpable.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
Oui c'est bon, mais qu'est ce que cela fout dans cette section du forum ? C'est une journée de protestation alors j'en profite :-)
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
Ça, c'est la question du jour, mon ami: Où s’arrête la prose et où commence la poésie ?Ou bien l'inverse.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
Mais c'est pas une question mon amie, la poésie se versifie, s'impose un cadre dans lequel elle s'exprime, la prose se permet tout !
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
Là, t'es un rien passéiste, Yali. Et pas très au courant du courant actuel.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
Ah non, je ne suis en rien passéiste, et si le courant actuel veut que les poètes fassent exploser le cadre, qu'ils le fassent, mais qu'ils cessent de se revendiquer d'un courant et qu'ils rejoignent la rivière. Faut pas confondre poétique et poésie, parce que poétiques les prosateurs le sont — pour certains — depuis longtemps. je vais essayer d'être clair, dans le sens «agencer un mécanisme comparatif» : assez curieusement, la poésie, c'est de la mise en page aussi, c'est esthétique dans le traitement de la typographie, c'est le confort d'une page portant des lignes et pour ce qui est du texte lui-même, il s'habille d'autant de l'esthétisme mis en œuvre que de ce qu'il exprime. Ce qui distingue formellement la poésie de la prose, c'est que la poésie, d'évidence, synthétise. La poésie souffre mal la rupture de lecture : comme la vie va, le sommeil et tout ce qui pourrait nous stopper dans ladite lecture et pourrait, de fait, devenir un inconvénient au synthétisme mis en œuvre. La prose à contrario, supporte la rupture de lecture, l'encourage, se divisant par chapitres ou par paragraphes ou par extraits. Bien sûr il y a des textes courts, ou, comme j’aime à les appeler : des courts-textages — private Joke — cependant et systématiquement, ceux-ci ont un fil conducteur. D’ailleurs, ce texte possède un fil situé plus bas dans cette partie du forum, ce qui nous fait deux chapitres ou deux paragraphes ou deux extraits, et surtout des personnages, ce qui n’est que très rarement le cas de la poésie. Et, mon amie, il serait faux de dire — reprivate Joke, mais vu que je suis parti autant le dire ici — ce n’est pas les auteurs américains qui ont commencer à desinstaller le dogme vu que «Les chants de Maldoror» de Lautréamont, parus en 1869, ont été définis quelques année plus tard (dans les années 1900) — comme étant de la « prose poétique ». Tu parles d'un courant actuel :-)
Bon, c’est peut-être pas le bon endroit pour causer de ça, et sinon, tu me manques !
Bon, c’est peut-être pas le bon endroit pour causer de ça, et sinon, tu me manques !
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
J’aime beaucoup la vigueur de ta réponse, mon ami, vigueur qui prouve bien que la question mérite débat.
Je vais de ce pas ouvrir un fil dans la partie atelier.
sinon, tu me manques aussi.
Je vais de ce pas ouvrir un fil dans la partie atelier.
sinon, tu me manques aussi.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
Yali, tu m’embêtes, par ce que je ne peux pas, je ne veux pas et je ne sais pas te répondre. Mes textes sont postés ici par ce qu’il ne peut en être autrement, je n’ai aucun doute là-dessus, je ne me suis pas interrogée au moment de les écrire, est-ce de la prose ou non. Pour moi, c’était une évidence, j’écrivais de la poésie.
Je reconnais avoir un manque au niveau de la typographie et de la mise en page, je ne sais vraiment pas comment m’y prendre et c’est clair, il y a des choses à revoir.
En ce qui concerne ta remarque :
En ce qui concerne le lien entre les deux textes (Louise et Un bouton), oui il existe, il en sera d’ailleurs de même avec les suivants, mais il n’est pas ce que tu crois.
Je ne sais pas où cela va me mener, on verra, mais je désire pouvoir continuer à déposer mes textes ici.
Juste une chose à ajouter :
Wacht een beetje manneke…
Je reconnais avoir un manque au niveau de la typographie et de la mise en page, je ne sais vraiment pas comment m’y prendre et c’est clair, il y a des choses à revoir.
En ce qui concerne ta remarque :
Je suis assez d’accord avec toi (même si je vois de nombreuses exceptions) et c’est exactement pour cette raison que j’ai posté dans la section poésie.Ce qui distingue formellement la poésie de la prose, c'est que la poésie, d'évidence, synthétise. La poésie souffre mal la rupture de lecture : comme la vie va, le sommeil et tout ce qui pourrait nous stopper dans ladite lecture et pourrait, de fait, devenir un inconvénient au synthétisme mis en œuvre. La prose à contrario, supporte la rupture de lecture, l'encourage, se divisant par chapitres ou par paragraphes ou par extraits. Bien sûr il y a des textes courts, ou, comme j’aime à les appeler : des courts-textages — private Joke — cependant et systématiquement, ceux-ci ont un fil conducteur. D’ailleurs, ce texte possède un fil situé plus bas dans cette partie du forum, ce qui nous fait deux chapitres ou deux paragraphes ou deux extraits, et surtout des personnages, ce qui n’est que très rarement le cas de la poésie.
En ce qui concerne le lien entre les deux textes (Louise et Un bouton), oui il existe, il en sera d’ailleurs de même avec les suivants, mais il n’est pas ce que tu crois.
Je ne sais pas où cela va me mener, on verra, mais je désire pouvoir continuer à déposer mes textes ici.
Juste une chose à ajouter :
Wacht een beetje manneke…
abstract- Nombre de messages : 1127
Age : 54
Date d'inscription : 10/02/2009
Re: Un bouton
Le miroir dans lequel on se voit tel que les autres nous voient, où l'on croit voir un autre qui nous ressemble par certains traits.
Sans aucun doute une émotion poétique a suscité l'écriture de ce texte qui est poésie, pour moi.
C'est avec plaisir que je lirai les poèmes suivants.
Sans aucun doute une émotion poétique a suscité l'écriture de ce texte qui est poésie, pour moi.
C'est avec plaisir que je lirai les poèmes suivants.
Carmen P.- Nombre de messages : 537
Age : 69
Localisation : Ouest
Date d'inscription : 23/04/2010
poesie: Un bouton
Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir, sans me demander un instant s'il s'agissait de prose ou de poésie!
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Un bouton
Une petite merveille de texte - et je me contrefous de savoir à quel registre, courant, école ou toute autre forme de catégorisation il appartiendrait : il appartient avant tout au plaisir que j'ai éprouvé en le lisant, merci Abstract !
Invité- Invité
Re: Un bouton
J’ai trouvé votre texte fort beau.
« Ce qui distingue formellement la poésie de la prose, c'est que la poésie, d'évidence, synthétise. La poésie souffre mal la rupture de lecture : comme la vie va, le sommeil et tout ce qui pourrait nous stopper dans ladite lecture et pourrait, de fait, devenir un inconvénient au synthétisme mis en œuvre. La prose à contrario, supporte la rupture de lecture, l'encourage, se divisant par chapitres ou par paragraphes ou par extraits. Bien sûr il y a des textes courts, ou, comme j’aime à les appeler : des courts-textages — private Joke — cependant et systématiquement, ceux-ci ont un fil conducteur. D’ailleurs, ce texte possède un fil situé plus bas dans cette partie du forum, ce qui nous fait deux chapitres ou deux paragraphes ou deux extraits, et surtout des personnages, ce qui n’est que très rarement le cas de la poésie. »
« La poésie, d’évidence »… Ah ? C’est toujours assez facile d’en appeler à l’évidence, ça évite au moins de démontrer quoi que ce soit. Pour ma part, je ne saisis pas, en tous cas, cette évidence, preuve, probablement, de mon incompétence.
J’imagine que l’auteur a voulu rappeler, tout simplement, que le poème se lit uniment, sans rupture, comme un tout (inespéré). Mais alors, pourquoi dire «synthétise » ?
Pour le reste, je serais plutôt d’accord.
« Ce qui distingue formellement la poésie de la prose, c'est que la poésie, d'évidence, synthétise. La poésie souffre mal la rupture de lecture : comme la vie va, le sommeil et tout ce qui pourrait nous stopper dans ladite lecture et pourrait, de fait, devenir un inconvénient au synthétisme mis en œuvre. La prose à contrario, supporte la rupture de lecture, l'encourage, se divisant par chapitres ou par paragraphes ou par extraits. Bien sûr il y a des textes courts, ou, comme j’aime à les appeler : des courts-textages — private Joke — cependant et systématiquement, ceux-ci ont un fil conducteur. D’ailleurs, ce texte possède un fil situé plus bas dans cette partie du forum, ce qui nous fait deux chapitres ou deux paragraphes ou deux extraits, et surtout des personnages, ce qui n’est que très rarement le cas de la poésie. »
« La poésie, d’évidence »… Ah ? C’est toujours assez facile d’en appeler à l’évidence, ça évite au moins de démontrer quoi que ce soit. Pour ma part, je ne saisis pas, en tous cas, cette évidence, preuve, probablement, de mon incompétence.
J’imagine que l’auteur a voulu rappeler, tout simplement, que le poème se lit uniment, sans rupture, comme un tout (inespéré). Mais alors, pourquoi dire «synthétise » ?
Pour le reste, je serais plutôt d’accord.
zenobi- Nombre de messages : 892
Age : 53
Date d'inscription : 03/09/2010
Re: Un bouton
Un seul bouton vous manque et tout est décousu
Merci Abstract pour ta superbe présence ici
Mélusine- Nombre de messages : 185
Age : 63
Localisation : sous l'ondée
Date d'inscription : 13/03/2009
Re: Un bouton
Superbe abstract, je ne sais que te dire d'autre...
Un bijou de finesse et de subtilité qui aborde des éléments graves, lourds, par le biais d'une observation affûtée et des anodineries du quotidien. Le tout est parfaitement équilibré, pas de mélancolie à outrance mais la bonne dose de regrets. Oui, vraiment bien mené !
Un bijou de finesse et de subtilité qui aborde des éléments graves, lourds, par le biais d'une observation affûtée et des anodineries du quotidien. Le tout est parfaitement équilibré, pas de mélancolie à outrance mais la bonne dose de regrets. Oui, vraiment bien mené !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Un bouton
Lu plusieurs fois, ton texte si subtil m'emballe à chaque fois, et je ne te l'avais pas dit!!!
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Un bouton
même remarque que polixène, que dire de plus que ce que j'ai lu...
rien sinon que ce style me bluffe
loic
rien sinon que ce style me bluffe
loic
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