Entretien avec le solitaire qui se cherche.

[Sacha]

Bonjour docteur.

Voilà, ça ne va pas très fort, je me sens envahie un peu.. Tous ces hommes..

Il y a le tyranosaure de Jambes.
Il me propose souvent que l'on se voit: musée, activité avec les enfants, passer à la maison, café etc. Et moi je ne lui propose jamais rien, car il ne me plaît pas, je le trouve ennuyeux, laid, pas agréable à écouter. Rien que de le voir s'inviter dans mon gsm, je sens mes nerfs qui ce crispent.
Et je sais aussi qu'il ne m'aime pas, il me l'a dit, ce qui m'avait fait pleurer beaucoup, car c'est blessant d'entendre ça de quelqu'un avec qui on a cru faire l'amour. Berk, quand j'y repense..

Donc hier, dans ma colère, je lui ai dit que je ne comprenais pas pourquoi il voulait sacrifier du rare et précieux temps de ses loisirs avec quelqu'un qu'il n'aime pas. Je lui ai demandé si c'était de la charité, et il a répondu "c'est par amitié. Hoo laaaaa, encore en phase bipolaire, toi. Bonjour la nuance..".
Un truc comme ça, que j'ai pas apprécié du tout. Il y a le "phase bipolaire", et il y a le "encore", qui est lourd de sens. Je lui ai dit que moi, mes amis, je les aime, ce qui est vrai. Je trouverais absurde de dire: je n'aime pas mes amis.
Et là, avec sa psychologie toute martialle, il a répondu "alors ou est le problème?". Et j'ai répondu: "je ne suis pas en forme, je te pose une question, tu me traites de bipolaire sans nuance. Poser une question, même une comme ça, ça ne fait pas de moi un chapitre de psychiatrie".
Puis il a répondu encore un machin du style "il faut pas prendre tout au pied de la lettre". Et moi je lui ai mis un point final: "y faut, y faut pas, y'a qu'à, y'à qu'à pas, .. C'est donc si facile. Merci et à plus tard".
Je n'ai pas besoin d'un donneur de leçons qui se place au dessus de la moyenne parce qu'il a connu des passages difficiles. Non mais, pour qui se prend il cet imbécile?
Et pour qui me prend il? Je crois qu'il me prend pour une idiote, incapable de penser. Je dois lui accorder qu'il est très intelligent, vif, cultivé, mais là, on parle de neurones 'techniques', parce que sur le plan relationnel, c'est plutôt pauvret. Alors il dit aux autres ce qu'il faut faire, en sous entendant que lui, il sait, et que toi tu n'es pas capable de réfléchir. Qu'il disparaisse. Il voulait qu'on passe la journée de samedi ensemble, et moi je dis: "Ce serait mieux que tu proposes cela à qqun qui est monopolaire nuancé, ta journée en sera facilitée".
Il m'énerve cet australopithèque évolué. Trop sûr de lui, trop sévère, trop sec, trop glacial. Berk est le mot qu'il m'inspire, en plus de colère, de haine, de dégout physique.
Je comprend sa femme qui n'a pas voulu de lui: il a un côté trop repoussant, rigide, fermé, à pas se remettre en question, aride, désseché. Il a un côté furoncle, abcès, dans sa laideur repoussante. Il donne toujours l'impression de ne pas être à sa place.

L'éviter pour ne pas s'ennuyer

Bon, ça va mieux.

Ca fait du bien de parler.

Il y a le gentil de Bruxelles.
Trop gentil lui, trop classique. Ses mots préférés sont 'sympathique', 'plaisant', et 'agréable', comme par exemple les petites promenades gentillettes qu'il fait le dimanche très tôt pour aller observer les oiseaux avec ses jumelles.. Si je continue à le cotoyer, je vais finir par détester la nature: donc dehors aussi. Il m'énerve. Il n'arrête pas de me demander où j'en suis, au lieu de me demander comment ça va. Moi, j'ai besoin de passion, d'adrénaline, pas de platitude. 'Sympathique", c'est vraiment trop plat comme mot.
C'est la première fois que je cotoie quelqu'un qui est tellement gentil qu'il donne envie de taper dessus. Pourtant je ne suis pas quelqu'un comme ça, à la base. Comme quoi, il y a des gens, ils le cherchent. Ca fait deux fois que je le remballe vertement.

L'éviter pour ne pas m'énerver.

Et puis il y a l'ex.
Lui c'est autre chose.. Je tremble de le voir arriver. Je l'ai aimé à la folie, longtemps. Il a le pouvoir de diffuser en moi un parfum de peur. Et je voudrais éviter cela car j'essaie d'être stable, sûre de moi, droite. Et quand il se pointe, je deviens un point d'interrogation. Ca ne sait pas avancer droit, un point d'interrogation.

L'éviter pour ne pas souffrir

Et il y a Renaud.
Renaud. Bienveillant, complice, souriant, malicieux. Renaud qui m'invite, qui me dit " être avoir toi, c'est comme boire un grand cru et ne jamais vouloir qu'il se vide".

L'éviter parce qu'il est 'pris'.
L'éviter parce que mon coeur n'a pas les épaules.

Parfois, je préfère rester seule, car au moins, je peux croire ce que je veux, et me sentir quelqu'un.
Le problème c'est que parfois, c'est le contraire, et à ce moment là, je ne sais pas si c'est une bonne idée de cotoyer des personnes dont j'ai dit auttant de choses délicates, car je me fais l'impression de ne pas être claire.

Bon dieu, c'est pénible n'est ce pas d'être comme ça, mouvante et souffreteuse. Je vais laver les vitres en rentrant chez moi, comme ça je ne penserai pas.

Merci de m'avoir écoutée, ça m'a fait du bien. Quand puis je revenir vous voir?

[Charles]

Et bien tu peux revenir quand tu veux :-)

Pour le détail, je relève une petite coquille :

" être avoir toi, c'est comme boire un grand cru et ne jamais vouloir qu'il se vide". je suppose que ce devait être "être avec toi ..."

Voilà sinon je ne vois que des choses positives à dire. C'est bien écrit, ça coule bien, les personnages sont bien décrits, on les imagine très bien, ça sonne juste, finement observé... Bref, un beau 1er texte qui sera je l'espère suivi de beaucoup d'autres.

Bienvenue parmi nous !

[Sacha]

Merci Charles. C'est encourageant!

En effet, c'était "être avec toi, ..." et non "être avoir toi..".

[Loupbleu]

Je trouve que c'est un très bon texte, autant concernant le style que le contenu !

J'aime beaucoup ta façon fine d'explorer les sentiments, les situations concrètes, et sans te soucier d'un "politiquement correct". Le style est agréable, il y a beaucoup de choses amusantes, bien trouvées, par exemple :

"Ca ne sait pas avancer droit, un point d'interrogation."

Je suis un peu moins fan de la présentation comme une scéance de psy. Et aussi, du coup, la femme dans le discours en "rajoute", en adjectifs et insulte, soulignant ce que tu as déjà fait comprendre.

Un grand bravo pour ce premier texte : j'ai pris beaucoup de plaisir à te lire, je trouve ton approche extrêmement intéressante, et j'espère que tu nous posteras d'autres textes !

[Zou]

Merci de m'avoir écoutée, ça m'a fait du bien. Quand puis je revenir vous voir?

Mais quand tu veux Sacha ! Ah bon, c'était au docteur que tu, elle parlait ? ;-)
Tu vois c'était tellement "vrai" que j'avais l'impression que tu étais là et que tu causais ...dans mon écran !
Donc un ton juste. J'ai préféré la seconde partie du texte, une fois le sujet du dinosaure jambois épuisé, car je l'ai trouvé celui-ci un peu plus forcé.
J'ai remarqué que la narratrice "se lachait plus" dans la seconde partie lorsqu'elle évoque les autres et ce relâchement donnede très jolies formules un brin poétique et légères.
Au plaisir de te lire encore Sacha.

[benedicte]

j'ai beaucoup aimé le seul bémol que je peux mettre (je ne le dois qu'à moi) c'est que ça sonne vrai très vrai trop vrai. J'aime bien la forme que tu as donnée à ce texte des petits paragraphes ponctués par un phrase courte où seul un mot change ça permet de relativiser chaque situation. Bref j'ai pris plaisir à lire et j'attends avec impatience un nouveau texte de toi.

[Krystelle]

Un texte plaisant, agréable à lire. Quelques petites maladresses ici ou là (concordance des temps notamment). Il me semble aussi que ce texte aurait gagné à être retravaillé, il donne l’impression d’un premier jet dans lequel le ménage n’aurait pas été fait.
Mais je le redis, un moment de lecture agréable agrémenté de quelques jolies trouvailles.

[Sacha]

Merci pour vos commentaires. Rien de tel qu'un oeil extérieur pour voir tout ce qu'on a sous le nez..
Effectivement, j'ai été peut-être un peu vite, et cela se sent.
Au delà des bémols, ça me fait plaisir d'avoir pu offrir quelque chose d'agréable, car c'est difficile d'y croire lorsque ce n'est jamais arrivé (pour la bonne et simple raison que je n'avais jamais présenté un texte libre).

[mentor]

J'aime beaucoup ! J'en aurais bien lu plusieurs pages comme ça, des avis sur des hommes avec à chaque fois la petite phrase qui conclue : "à éviter parce que... ou pour...". Très bien trouvé et bien ficelé. Tes personnages sont tangibles, ils existent après quelques mots. Oui, comme disait un commentateur : tu reviens quand tu veux et bravo pour avoir eu le courage de nous offrir un premier texte. Libre en plus. Mon premier à moi fut sur un appel à textes, et je te jure que j'ai hésité avant d'appuyer sur la touche ENTER ! :-))) Donc encore bravo Sacha !

[Bob]

J'aime aussi ! C'est fin, c'est ironique, léger, j’ai ressenti une véritable complicité avec la narratrice, il y a une certaine façon de narrer qui fait qu’on se lie avec elle, qu’on la comprend et qu’on partage ses opinions.

Puis, la chute en fin de compte est vraiment très bien trouvée et juste dans le ton de l'histoire, avec beaucoup de sous-entendus.

[Sahkti]

Un texte sympathique, qui me laisse cependant un peu sur ma faim. J'aime bien le côté naturel, comme une conversation que tu tiendrais à otn miroir ou ton pot de fleur, c'est très réaliste et agréable à lire; mais par moments, je déplore un côté qui sonne un peu faux, voire creux, une perte de cette spontanéité qui fait le charme du texte, comme si tu voulais en faire trop, en remettre une couche pour être sûre que ça passe. Et ça passe un peu moins, chez moi en tout cas.
Sinon, beaucoup d'humour, c'est chouette. Juste retravailler le ton pour que ça sonne plus vrai.

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