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Elévations d'âme

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Message  blathouzalem Mer 27 Oct 2010 - 22:54

Nous glissons…

Confortablement installés, nous voyons le paysage défiler avec lenteur. Des réverbères, des ponts, des maisons, toutes ces sortes de choses passent et repassent derrière les vitres. En silence. Comme tout ça nous semble loin, si loin…

Je fais un signe pour que ma coupe soit à nouveau remplie. Sans un bruit un nœud papillon accourt : quelques glouglous puis un pschiii duveteux interdisent immédiatement mon souhait de devenir frustration. La dame assise devant moi soupire d’aise. Combien sommes-nous ? Quelques dizaines tout au plus. Bercés par le rythme des flots nous tanguons sous les vagues de l’orchestre. Quelle béatitude !

Je promène un œil paresseux. Tout n’est qu’harmonie, de lourds tapis rouges brodés d’or prêtent appui à d’élégants fauteuils Louis XV. Le merveilleux est dosé juste à point, sans outrance. Depuis nos sièges moelleux nous faisons face au petit groupe de musiciens. Ils frottent talentueusement leurs instruments.

Derrière ce parterre d’hommes gracieusement animés, les longues vitres de la péniche.
Derrière cet océan de douceurs et de célébration du cœur, comme la grisaille extérieure semble irréelle !

La brumaille monotone est ponctuée ça et là par des bâtiments chargés d’Histoire, massivement raffinés, en l’honneur desquels nous appuyons un soupir ou soulevons un sourcil. Mais hormis ces courtes parenthèses, le paysage est douloureusement rempli d’un vide atone. Ce cortège d’incessantes morosités déborde d’une désolante vacuité proprement incapable d’exciter en rien nos sens. Comme tout cela est abstrait, désincarné ! Bien peu plausible finalement comparé à notre nid rayonnant ! Nous adressons à ce triste spectacle l’accueil qu’il mérite. Bien au-delà du mépris ou même de l’indifférence nous lui refusons tout simplement l’existence. Il est décidé pour de bon que ce dehors est fantasmagorique.

Le réel ? Le réel c’est cette mélopée de velours qui court entre nos fauteuils, faits du même tissu ! Le réel c’est au bout de mes doigts cette surface dure et froide remplie de pétillance ! Notre long cocon chaud, ondulant doucement sur l’eau est tout, il est le monde. Le moteur qui nous pousse affleure avec peine aux rives de notre conscience, son ronron insistant concourt à la quiétude. Quel ravissement, quelle joie d’être là ! Quelle justesse de goût ! Jusqu’à ce bonheur qui a la bienséance de n’être pas débordant : D’abord la béatitude puis la délectation.

Que l’air est doux ! Presque immobile, à peine froissé par les glissements d’archets. La tiédeur est sans commune mesure avec le temps de cochon qui doit sévir dehors : Un ciel gris menace partout, le froid se répand, démesurément possessif, des feuilles et des branchettes malmenées galopent nerveusement comme en apesanteur, la pluie perverse enfin fouette avec vice de tous côtés. Quelques yeux incrédules s’égarent juste un instant sur ce déferlement dantesque avant de revenir doucement se poser dans le molleton.

Bravo ! Un quatuor s’achève avec brio. Des clappements étouffés s’égrènent. Bravo et merci pour cette félicité ! Sur le quai, deux jeunes filles engoncées dans une épaisse laine sombre nous font de joyeux signes de la main. Elles aussi applaudissent énergiquement les musiciens dont elles n’ont pourtant pas pu apprécier le talent. Alors que le bateau défile lentement sous leurs yeux elles ne cessent d’envoyer des saluts et des vivats. Aucun ne leur sera rendu par notre bateau, sourd et aveugle au monde. Bientôt elles ne seront plus que des petites tâches grises dans un monde gris.

Des plateaux ont surgi et circulent à présent chargés de nombreuses mignardises. Un peu de ce concentré de saveurs ? Serez-vous tentés par telle hardiesse du chef ? L’assemblée, encore chargée de la fournée précédente, n’offre que de rares grignotages à ces délices. Les merveilles regagnent bientôt leurs cuisines, presque intactes. Tandis que l’orchestre se reforme, se remet en piste pour entonner un pièce baroque, une scène bizarre se déroule en contre-haut de la berge. Une masse mouvante s’affaire sur une poubelle. Une tête hirsute émerge. Si nous avions relevé la scène, nul doute que ce pauvre hère plongeant tout son corps dans une grosse boîte verte nous aurait amusé. L’indigent se redresse parfois mi-honteux, mi-agressif, jette un œil circulaire puis soumis à l’impériosité de son estomac re-vautre au plus profond du palais des ordures.

Enjôlé par un menuet de Brunetti, je troque de biens aimables sourires avec mon voisin. Nous goûtons la même qualité musicale. Nous nous comprenons si bien ! Quelle gentillesse ! MAIS QU’EST-CE QUE …. BORDEL ! Ce boy malpropre qui n’a pu réprimer une toux ! Et ce juste à côté de nous ! Je lui décoche un œil assassin. Il décampe. Il fait bien : Je le tuerais ! Ha je le tuerais ! Allons, il faut se reprendre. L’obscène cuistrerie de ce rostre ne doit pas m’échauffer de trop. Je détends mes jambes et souffle profondément.

Toujours ce vent rageur qui cherche à griffer ce qui passe à sa portée… Ses sifflements nous parviennent à peine, feutrés, chantants. Des larmes descendent sur les grands yeux lisses du bateau. Toujours avec lenteur nous passons à présent sous un pont, lourd de ses grosses pierres claires et carrées, élégant de sa majestueuse voûte. Je m’étire un peu et m’appuie contre le dossier, flatté par ce passé prestigieux que nous rappelle cette grande enjambée de roc. Le lisse plafond jaune pâle nous couvre petit à petit. Je ne vois pas derrière moi l’amoncellement de cageots, de cartons et de sacs plastiques, accolé au pied de l’arcade. Mon voisin l’a remarqué, par quel hasard je ne saurais dire. Il a fini par comprendre que ce fatras d’enveloppes miséreuses a été mis là pour constituer un abri. Cet empilement absurde et sauvage aurait-il la prétention d’être autre chose qu’un simulacre de cabane ? A y bien regarder des casseroles apparaissent accrochées au bassement du pont, aux côtés de trois caddies empilés les uns sur les autres et remplis d’un indescriptible ramassis. Ces mille vilaines petites choses sont cinglées par l’eau qui tombe, elles sont trempées et dégoulinent. J’entends un hoquet de rire. Cela m’arrache à la torpeur. Je me tourne et regarde. Une rafale s’est engouffrée à travers ces peaux puantes, les voilà qui s’agitent, se soulèvent. Mon voisin, le sourire aux lèvres a hâte que son habitant se montre. Tel un rat dont l’on aurait enfumé le repaire, il devrait bien finir par sortir ? Ha le voilà qui pointe son petit museau. Dieu qu’il est laid et bouffi de vinasse ! Il s’agite, il bondit ! Qu’il est drôle ! Mais quel maladroit, il attrape son mur en plastique quand son toit de carton s’en va. Le vent souffle toujours plus fort. Notre miséreux coince du menton un squelette de rideau mais aussitôt un cageot lui cogne la tempe avant de s’enfuir jusque dans l’eau. Bientôt il ne reste plus rien de son petit bazar, tout est parti. Il demeure à genoux, courbé, les cheveux tremblotant dans la tempête qui insiste encore.

Haydn ! Dieu que c’est beau ! Nous nous retournons, le spectacle n’a plus beaucoup d’intérêt à présent, il ne se passe plus rien. Quelle superbe symphonie, quelles harmonies ! Et quel allant ! Ce Joseph a réussi comme personne à marier le subtile et le puissant. Rien n’est de trop, rien ne manque. Le cœur d’alto offre un volume sonore autour duquel les violons peuvent tisser une riche mélodie en contrepoint. Je sens mon âme grandir. Quelle bonté. Oui seule la musique est à même de traduire la bonté du cœur des hommes. Quel dommage que ceux-ci n’écoutent pas plus Haydn, il pourrait tellement contre la tristesse et le désespoir des temps modernes. Emporté par cet immense élan, j’ai besoin d’espace. Dodelinant du bout du nez, la richesse sonore m’envahit, je regarde au-dehors. Je vois un petit point grisâtre tout en haut sur le pont suivant.

Comment pourrais-je savoir que ce point c’est Dominique Marjon ? 43 ans et fatiguée. Épuisée. Trois enfants à nourrir. Un mari disparu. Elle a couru pendant des années après un boulot. Prête à tout elle prenait tout. S’éreinter sur n’importe quoi pour ne même pas pouvoir rembourser les factures. Les banques, les organismes sociaux, puis faire les marchés après le marché et ramasser ce qui reste. Les enfants qui râlent toujours qu’ils ont froid, que la nourriture est dégueulasse, que leur mère est une ratée. Le grand qui fait des conneries, qu’il faut aller chercher tous les trois jours au commissariat. Et aujourd’hui, après avoir vu son contrat de travail une fois de plus prématurément rompu, elle s’est fait arracher son sac avec son liquide, ses clés et tous ses papiers. Alors elle n’en peut plus. Elle regarde l’eau sombre avec fascination.

Fortissimo ! Quel vibrato resplendissant ! Toute l’assemblée vibre d’émoi à la réception de cette superbe envolée finale ! Les frissons me gagnent et je sens poindre l’esquisse d’une larme. Le dernier mouvement de cette symphonie s’achève, nous adressons nos éloges aux musiciens. Alors que nous échangeons chacun avec notre voisin sur cette formidable lampée de poésie, le point gris se détache en silence du parapet. L’anonymat morfondu vole un instant puis entame sa descente comme au ralenti, sans doute de peur de déranger. La désespérance sans couleur tombe droit vers le fleuve. La surface s’ouvre un instant pour absorber le corps, puis se referme quasi instantanément. L’eau noire, huileuse et lourde ne s’est presque pas déformée. L’ourlet de l’oubli, rond et graisseux s’est rabattu à jamais. Comme une bouche élastique elle a aspiré sa proie, d’un coup. Le cours d’eau qui en a vu et qui est usé d’en voir ne s’offre pas une éclaboussure, pas une vague pour si peu. Tout juste un petit clapotis vient-il lécher la proue de notre navire racé. Voilà une petite tâche grise impure qui ne viendra plus souiller les fiers mascarons de notre patrimoine.

Bientôt on nous signale que la croisière est finie, il va falloir descendre. Lentement, notre bâtiment accoste. Nous nous levons tranquillement, nous nous ébrouons. Encore grisés par ce torrent paradisiaque qui commence tout juste à s’estomper, les hommes passent le bras aux dames et se dirigent vers la sortie. Ha ! On nous indique que le temps est froid et humide. Bien ! Voilà qu’on nous porte de riches manteaux de vison blanc. Nous voilà chaudement équipés. Le personnel sort devant nous, parapluies en main ils nous font une allée.

Nous mettons un pied à quai. Quel temps de chien ! Pris au dépourvu du sortir d’un rêve, nous sommes tous surpris d’être violemment confrontés à cette autre réalité à laquelle nous ne parvenions plus à croire. C’est pourtant vrai que l’air est mauvais. Malgré notre équipement qui ne laisse que très peu de peau apparente, malgré les parapluies que nos empotés de valets ne parviennent que difficilement à dompter face au vent, nous percevons mille aiguilles nous attaquant. L’humidité omniprésente nous assaille. Mon pied glisse : Qu’est-ce que cette boue immonde ? Certains trébuchent, on les relève. On n’avance pour ainsi dire pas.

Mais qu’est-ce devant nous ? Des dizaines de pouilleux s’approchent pesamment de nous. Leurs yeux ont une expression horrible. Mais allez vous-en pauvres diables ! Ils nous supplient, tendent leurs mains pleines de croûtes. Nos serviteurs font barrage, ils sont malmenés. Notre élégance barbelée elle-même est moquée. Un mouvement de panique nous traverse. Comme un seul homme nous nous écrions ‘Vite à la péniche !’. Demi-tour à toute vitesse. Floc floc dans la boue, vite ! Derrière nous une femme glisse, en un instant les hyènes sont sur elle. On ne regarde plus, dans la péniche et en urgence !

Nous sommes rentrés. Les amarres sont abandonnées. Le capitaine envoie la vapeur, la péniche s’écarte doucement. Il était temps, des bêtes grises tentaient d’investir notre bateau. Nous en voyons quelques uns qui restent accrochés au bastingage par leurs bras décharnés. Ha ! Ils tombent.

Encore haletants nous regardons le quai s’éloigner à travers la vitre. Nos yeux se portent sur notre amie qui se débat de moins en moins sous une montagne de chimères voraces. On peut encore distinguer par endroit le vison blanc qui tranche. La boue vient le recouvrir, encore un pied, encore une flaque. Voilà, on ne le voit plus du tout. Il est devenu gris comme tous les autres. Comme tout cela est silencieux ! Notre regard se voile légèrement devant ce paysage qui reprend sagement sa teinte surnaturelle. Avons-nous rêvés ? Oui certainement !

Souplement, on vient nous retirer nos manteaux. Nos chaussures sont essuyées, nettoyées, lustrées. Naturellement nous reprenons nos places respectives. Haaa ! Que l’on est bien ! Le moteur ronfle un peu plus qu’à l’accoutumée. L’hélice peine à se libérer des petits corps venus l’encombrer dans leur chute. On entend des os se briser et puis plus rien. Le discret ronron reprend sa marche. Nous voilà partis !

L’orchestre se met en position. Devant moi un fauteuil est vide, celui de notre amie, restée dehors. Un servile accourt et la retire. On réajuste les sièges pour masquer le trou. La musique démarre, une voix s’élève chantant l’amour fraternel : Quelle joie, quelle félicité !

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Message  ubikmagic Mer 27 Oct 2010 - 23:36

C'est féroce et onirique, ça traduit bien l'indifférence des nantis face aux autres, qui ne servent en définitive que de spectacle, risible ou grotesque, répugnant dans tous les cas. Strass, paillettes, champagne et montres en or permettent de se distancer de cette grisaille qui grouille et dont les malheurs servent, tout au plus, de distraction. Et voilà que tout à coup, la croisière prend fin et que les VIP se retrouvent face aux épaves humaines. Mais, en quelques craquements d'os, les gueux sont broyés et pratiquement oubliés.

Quel raccourci sur la férocité du monde, son cynisme, et sur cette capacité du confort, de l'argent, à tout émousser, déréaliser.

Le tout servi sur un ton détaché, comme s'il s'agissait d'une sorte de rêve. Comme si ces pauvres hères, sur les berges, n'étaient que des ombres. Tout se passe dans la ouate et la brume.

Chouette boulot d'écriture et beaucoup de maîtrise là-dedans, je trouve.

Il m'a semblé voir une ou deux fautes d'orthographe, mais du coup, je les ai oubliées.

A suivre...

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Message  boc21fr Jeu 28 Oct 2010 - 2:56

Commençons par quelques petits détails notés pendant ma lecture :

interdisent immédiatement à mon souhait de devenir frustration.
rostre-> rustre
Tel un rat dont l’on aurait enfumé le repaire-> dont on aurait enfumé le repaire (juste une suggestion)
il pourrait tellement contre la tristesse -> l'expression me semble un peu maladroite (mais je chipote un peu...)

La désespérance sans couleur tombe droit vers le fleuve. La surface s’ouvre un instant pour absorber le corps, puis se referme quasi instantanément. L’eau noire, huileuse et lourde ne s’est presque pas déformée. L’ourlet de l’oubli, rond et graisseux s’est rabattu à jamais. Comme une bouche élastique elle a aspiré sa proie, d’un coup. Le cours d’eau qui en a vu et qui est usé d’en voir ne s’offre pas une éclaboussure, pas une vague pour si peu. -> superbe, vraiment...
Avons-nous rêvés (un s en trop)

Mon avis sur ce texte rejoint en tous points celui d'ubikmagic.
De grandes qualités, des choix remarquables, des non-dits éloquents.
La croisière, par exemple, ne s'amuse pas tant que ça et rêve dans son confort ouaté à la paix et l'harmonie tout en écoutant Hayden au lieu de se vautrer dans la débauche vulgaire et décadente qu'un récit plus consensuel aurait appelé de ses vœux.
Le passage avec le serveur qui déchaine la haine d'un des participants, pour brève qu'elle soit, dévoile à elle seule, plus encore que les scènes "du dehors", que quelque chose cloche dans ce beau tableau, et que la haine et le désir de puissance ont seuls amené ces riches privilégiés où ils se trouvent.
J'ai eu une crainte en vous lisant, car à défaut de savoir écrire un texte prophétique de qualité, je sais en reconnaitre un quand je le lis.
Mais cette crainte passera dans la nuit, demain laissera sa place à aujourd'hui, et le soleil se lèvera.
Quelque part, des gueux poussés à l'hallali par leur misère seront broyés, mais une vieille en vison leur sera laissée en pâture...
Une bête en cour pourra toujours s'écrire, pour conjurer sa peine : ich liebe !
Tôt ou tard le taureau furieux ne sera plus abusé par le drapeau rouge qu'on lui ajoute sous le nez.
Le tort héros sera encore né et sur le sable siliconé de l'arène moderne, le sang coulera à nouveau.
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Message  boc21fr Jeu 28 Oct 2010 - 3:50

Si vous me permettez une dernière remarque :
Personellement, j'aurais aimé voir cette péniche transfigurée en nef des fous, laissant à chacun des passagers la liberté de voir que les fenêtres ouvrant sur les brumes de la misère n'étaient que des miroirs dévoilant leur propre pauvreté d'âme.
Car la misère d'aujourd'hui veut que nombre de miséreux se croient sur un palace flottant, quelle que soit la musique qu'ils écoutent.
De même, je m'inquiète au sujet des toréros qui s'amusent un peu trop avec leur mouleta et donnent force moulinets dans le vent, ivres et exaltatés, se riant de la foule indignée, guidés par l'adage que l'on peut jouer et se jouer de tout.
Ils ne voient pas, lors même qu'ils plaisantent sur leur oreille arrachée pour avoir trop été tirée, qu'ils sont plutôt ce taureau achevant d'écumer dans le sang.
Ses deux oreilles et pas seulement une, iront à la gloire du seul toréro digne de cette arène et qui a pour nom la vie.
En résumé, même si cela vous semble "amusant", évitez de foncer, il est des choses dont on ne se joue pas : des autres, de leurs pensées et de leurs textes, même si ils nous semblent comme "une brume en dehors de la péniche douillette où nous composons avec nous-même en écoutant Hayden".
Et ne me tirez pas l'oreille, j'en ai perdu une il y a deux jours...
Il est vrai que la seconde ne tient pas qu'à ce fil.
Pardonnez moi de répondre ici, et tardivement, à votre plagiat du texte de Marjolaine, je ne pouvais me résoudre à le faire remonter.
D'autant que ce texte ci, pourvu qu'il soit bien votre (en raison de votre maladresse précédente, il est permis de douter), me plait beaucoup, et mérite d'être lu.
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Message  Procuste Jeu 28 Oct 2010 - 7:20

Bien vu, oui, une belle idée, mais qu'est-ce que c'est appuyé ! Je pense que votre texte gagnerait en force à être raccourci et élagué, notamment côté adverbes.

Je crois que c'est le premier texte de vous que je commente. Bienvenue sur Vos Écrits, à vous lire bientôt !

Mes remarques :
« Ils frottent talentueusement leurs instruments.

Derrière ce parterre d’hommes gracieusement animés »
« massivement raffinés, en l’honneur desquels nous appuyons un soupir ou soulevons un sourcil. Mais hormis ces courtes parenthèses, le paysage est douloureusement rempli d’un vide atone. Ce cortège d’incessantes morosités déborde d’une désolante vacuité proprement incapable d’exciter en rien nos sens. Comme tout cela est abstrait, désincarné ! Bien peu plausible finalement comparé à notre nid rayonnant ! Nous adressons à ce triste spectacle l’accueil qu’il mérite. Bien au-delà du mépris ou même de l’indifférence nous lui refusons tout simplement l’existence »
« démesurément possessif, des feuilles et des branchettes malmenées galopent nerveusement comme en apesanteur »
« applaudissent énergiquement les musiciens dont elles n’ont pourtant pas pu apprécier le talent. Alors que le bateau défile lentement »
« violemment confrontés à cette autre réalité à laquelle nous ne parvenions plus à croire. C’est pourtant vrai que l’air est mauvais. Malgré notre équipement qui ne laisse que très peu de peau apparente, malgré les parapluies que nos empotés de valets ne parviennent que difficilement à dompter »
« qui reprend sagement sa teinte surnaturelle. Avons-nous rêvé (et non « rêvés ») ? Oui certainement !

Souplement, on vient nous retirer nos manteaux. Nos chaussures sont essuyées, nettoyées, lustrées. Naturellement » : les adverbes en « ment » pèsent un peu trop à mon goût
« la bienséance de n’être pas débordant : d’abord la béatitude »
« elles ne seront plus que des petites taches (« Chapeau sur la tête, je tâche d’effacer les taches ») grises »
« ce pauvre hère plongeant tout son corps dans une grosse boîte verte nous aurait amusés »
« je troque de bien (et non « biens » ; « bien » est ici adverbe, invariable) aimables sourires »
« L’obscène cuistrerie de ce rostre (rustre ? Un rostre, si je ne m’abuse, est une pointe) ne doit pas m’échauffer de trop »
« Oui seule la musique est à même de traduire la bonté du cœur des hommes » : alors ça, dans le contexte, excellent !
« Voilà une petite tache (« Chapeau sur la tête, je tâche d’effacer les taches ») grise impure »
« Nous en voyons quelques-uns (trait d’union) »
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Message  Ba Sam 30 Oct 2010 - 8:50

Un portrait de groupe qui me parle !
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Message  Rebecca Sam 30 Oct 2010 - 10:43

Un texte d'excellente facture...qui deviendrait excellentissime s'il était allégé, subtilisé, euh je veux dire dire rendu un peu plus subtil en certains endroits.
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Message  blathouzalem Mar 2 Nov 2010 - 23:50

Merci à tous pour vos réactions très encourageantes pour moi. Ainsi que pour votre scrupuleux relevé de fôtes.

J’aimerais avant de vous répondre insister sur un point qui n’a - je crois - pas été relevé. L’utilisation de la première personne est loin d’être neutre :
  • D’abord en élément de contexte cette idée m’est tombée sur les genoux alors précisément que j’écoutais un concert à bord d’une péniche. J’ai essayé de retranscrire avec mes mots ces sensations toutes particulières (à noter que la part d’imaginaire n’est pas si grande dans ce texte), en y incluant ma subjectivité.
  • Mais surtout j’ai ambitionné de faire partager au lecteur un malaise. Je ne voulais pas de trop commode distanciation avec ces nantis, que ce soit par une lointaine troisième personne délatrice ou que ce soit comme relevé avec justesse par boc21fr par une dégradation exagérée de la finesse ou de l’élégance du riche.
Bref, je n’ai pas suffisamment réussi à forcer le lecteur à s’identifier au personnage dont il doit détester certains côtés. J’aimerais faire comprendre que je ne raconte pas « eux » mais avant tout « moi » narrateur et puis « vous » lecteurs. D’où un mal-être désagréable introverti et culpabilisant pour nous plutôt qu’une n-ième critique renvoyée à l’anonyme Société.
Je réfléchis à une réécriture en ce sens mais aimerais auparavant votre avis à ce sujet. (Vous aurez tous compris que je ne cherche pas à ouvrir ici le moindre débat politique ou même de société mais que je recherche plutôt à discuter le transfuge émotionnel par ce noble média qu’est le verbe de fiction)

@ boc21fr :
Le passage avec le serveur qui déchaine la haine d'un des participants, pour brève qu'elle soit, dévoile à elle seule, plus encore que les scènes "du dehors", que quelque chose cloche dans ce beau tableau, et que la haine et le désir de puissance ont seuls amené ces riches privilégiés où ils se trouvent.
Chose amusante j’ai hésité avant d’ajouter ces 3 lignes, in extremis juste avant de poster ce texte. Pour cinglantes qu’elles soient, dans l’éclairage de mon paragraphe ci-dessus ce passage n’est-il pas coupable de couper toute empathie entre narrateur et lecteur dès le tiers du texte ?

Personellement, j'aurais aimé voir cette péniche transfigurée en nef des fous, laissant à chacun des passagers la liberté de voir que les fenêtres ouvrant sur les brumes de la misère n'étaient que des miroirs dévoilant leur propre pauvreté d'âme.
Très joli en effet ! Mais là aussi je renverrais à mon paragraphe ci-dessus : j’aurais voulu montrer que le miroir de notre (et non leur !) âme est encore plus proche.

@ Procuste & Rebecca
Je pense que votre texte gagnerait en force à être raccourci et élagué, notamment côté adverbes / […]s'il était allégé, subtilisé
Vous pensez juste bien-sûr. Par delà les lourdeurs que vous avez eu la gentillesse de pointer du doigt (que je vais reprendre bien entendu), j’aimerais être sûr de vous comprendre.
Sur le style il me semble qu’un texte aussi court peut tolérer de l’emphase à tour de bras, d’autant que je l’ai un peu voulu comme tel.
Sur le subtil, je ne renierais pas mon goût de l’explicite. Le jeu du cache-cache m’ennuie tout à fait. Une fois l’idée choisie, il faut en être fier et la brandir tout devant. En revanche si l’idée est dite, ou du moins explicite, les éclaircissements inutiles sont nauséeux et à pulvériser.

Quoi qu'il en soit voilà mes idées sur la structure du texte pour lequel je réfléchis tout de même à l’élagage. Je passe outre les maladresses de forme qui sont à revoir n’en parlons plus jusqu’à leur revoyure, mais par exemple les petits fours n’apportent rien à l’histoire sinon un gras fort mal à-propos. Le champagne aussi devrait disparaître à profit. Je m’interroge enfin sur le virage Tarantinesque de la fin qui là encore hormis laisser libre court à de puériles macabreries ne sert rien.

A vous lire !

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Message  Rebecca Mer 3 Nov 2010 - 7:10

"je n’ai pas suffisamment réussi à forcer le lecteur à s’identifier au personnage"

Alors là je m'insurge !!!!
Tu voudrais empiéter sur mes prérogatives de lecteur ! Désolée mais l'auteur propose et le lecteur dispose !
Tu n'as pas à nous dire à qui on est censé s'identifier ....Le processus d'identification à un personnage n'est en aucun cas obligatoire...personnellement je crois bien que ça ne m'arrive jamais ....ce que j'aime c'est entrer dans l'univers d'un autre mais comme une découverte libre ....bien sur il y a des affects quon ne maitrise pas et l'on émet des jugements positifs et négatifs sur les personnages ...mais de là à s'identifier c'est une autre histoire
D'autant dans le cas précis de ton texte qu'il est plutot comme une description onirique et symbolique basée sur des personnages trés caricaturaux et des situations extrêmistes dans lequel le lecteur lambda ne peut être qu'un passager voyeur , anonyme et impuissant et certainement pas un des convives du drame qui se joue.
Ensuite chaque lecteur se fera sa propre représentation son propre film en fonction de ce qu'il a vécu déjà en tant qu'individu certes mais aussi en tant que lecteur. Chacun aura un degré de lecture différent et des grilles de décodage personnelles et ce quelque soit le type de texte offert. Tu proposes une vision, et nous en disposons en la recontextualisant avec la notre.
Mais je n'ai pas le temps de m'étendre.J'y reviendrai
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Message  blathouzalem Mer 3 Nov 2010 - 10:05

Et si précisément je voulais rendre les personnages moins caricaturaux et l'histoire moins onirique ?
Ceci pour développer l'empathie et le partage de la subjectivité du narrateur. Oublions l'identification et ce vilain forçage sur lesquels vous réagissez. La distinction que je recherche s'apparente plutôt à une caméra à l'épaule vs. un lointain cadrage éventuellement équipé d'un zoom.

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Message  elea Ven 5 Nov 2010 - 22:39

Bien difficile de se sentir concerné vu la situation choisie qui est loin d’être le quotidien de la majorité, pas le mien du moins.
La distanciation joue donc au contraire à fond, si je devais me sentir concernée par un groupe du texte ce serait celui des pouilleux et pas celui des nantis, l’identification avec le narrateur n’a donc pas du tout été présente pour moi, l’empathie encore moins et je rejoindrais plutôt la vision qu'ont eu les commentateurs précédents.
Sinon j’ai apprécié cette lecture et son écriture.

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Message  wald Ven 5 Nov 2010 - 23:04

Le côté ultra-caricatural m'a pour ma part totalement empêché de rentrer dans le texte. La première personne n'y change rien, quand vous écrivez cela par exemple:

Mais qu’est-ce devant nous ? Des dizaines de pouilleux s’approchent pesamment de nous. Leurs yeux ont une expression horrible. Mais allez vous-en pauvres diables ! Ils nous supplient, tendent leurs mains pleines de croûtes. Nos serviteurs font barrage, ils sont malmenés. Notre élégance barbelée elle-même est moquée.
Est ce que ce sont les mots que vous auriez vous-même utiliser pour décrire cette scène si vous l'aviez vécue? J'aimerais beaucoup lire la version empathique de ce texte, et ça passe sans doute par une simple introspection sincère.
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Message  blathouzalem Sam 6 Nov 2010 - 14:29

@ Wald : l'exemple que vous donnez est à la toute fin du texte il ne me semble donc pas significatif pour la rentrée du lecteur dans le texte. Bien plus, il relève du virage Tarantinesque que j'évoque ci-dessus et que je réfléchis à reprendre.
Donc je vous rejoins tout à fait sur le caractère plus que caricatural de la fin, on vire à l'onirique, et retiens que mon texte n'a pas su vous emmener.

@ elea : Le sentiment de culpabilité et de malaise est certes violemment exacerbé ici mais est pour moi de la même famille que ce que je ressens parfois dans un bon resto, lors d'un repas ou même dans un musée. Je pourrais allonger la liste... Une sorte de réflexe me vient parfois et d'une joie me fait sentir par contraste l'amer privilège.

Bref je ne m'étends pas de trop, il faut savoir écouter et, grâce à vous tous, je crois un peu mieux comprendre ce qui fonctionne ou pas dans ce texte.

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Message  silene82 Dim 7 Nov 2010 - 14:23

A première lecture, j'ai trouvé le trait appuyé, voire lourdingue ; quant à l'aparté sur le point gris revêtant soudainement une existence de chair et de sang, je n'ai pas bien saisi l'à-propos de la digression, d'autant que la narration repart sur ce ton primesautier et badin. Je ne suis pas très séduit par le contraste entre un énoncé d'évidences pour le locuteur et une certaine pomposité du discours qu'il tient, en général.
Je vais relire.
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Message  Sahkti Mer 1 Déc 2010 - 16:07

Pas vraiment accroché. Le narrateur a le don d'agacer mais le trait souvent forcé m'empêche de le personnifier totalement et dès lors, je passe pas mal à côté. Idem pour l'histoire qui se voudrait marquante, frappante, mais n'évite pas les écueils du genre "remarquez-moi à tout prix !". Trop visible, trop voyant, trop je ne sais quoi qui fait que cette artificialité me bloque, je ne reconnais pas en elle ce qui pourrait caractériser ces gens mis de la sorte en évidence.
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