Les religieuses à la vanille

[Ba]

Nous devînmes prudentes un matin d’octobre quand notre voisine, Mme Richelieu, se fit verbaliser pour avoir abusé de graines aux pigeons dans le petit square de la rue Notre Dame Qui Etes Zosseux.
Son fils l’avait pourtant prévenue :
- Maman, ne sors pas aujourd’hui, le quartier est bouclé
- Et pourquoi ça Urbain je te prie ?
- C’est la visite du chef de l’Etat de Laputa
- Je ne connais pas cette Laputa. De toute façon je dois nourrir mes Mondains ; si tu crois qu’un monsieur des mœurs va m’en empêcher…
Sur ce, Mme Richelieu se rendit à son rendez-vous quotidien et prit une prune de mille euros. Elle avait, paraît-il, franchit le cercle interdit au-delà duquel tout billet de retour est non valable.
Ensuite, ce fut la petite nièce de notre bouchère qui nous raconta ses mésaventures dans la boutique entre deux côtes de porc :
- Je roulais tranquille grave dans la voie des scooters, quand un keum m’a stoppée au feu vert, ce ouf me demande mes papiers. J’étais dans une voie réservée aux convois.
Nous n’avons pas tout compris, mais ce que j’ai retenu c’est que notre petite ville était quadrillée. Il semble même que des tireurs d’élite, aux dires de Mr Habib, étaient postés sur le toit des PTT et de la mairie. Mais qu’allaient-ils faire sur le copolymère ?
Horace, mon second et sans doute dernier compagnon de missel, ne me répondit rien quand je lui posai la question. Plongé dans les informations chevalines (son dada), il était loin de nos préoccupations, lesquelles, du reste, ne l’auraient nullement intéressé dans la mesure où les problèmes de femmes sont mineurs et parfaitement stupides. C’est d’ailleurs un gros point noir entre nous que ce désintérêt.
Je me rendis donc à la paroisse pour consulter notre curé, le père Augustin.
- Ma fille, il faut vous soumettre aux volontés du Seigneur impénétrable mais toujours bien éclairé
- Bien sûr mon père, mais je ne comprends que le président de Laputa exige un tel déploiement de tireurs d’élite sur les tuiles de la mairie et de la poste, que notre jardin communal soit bloqué et nos rues fouillées. Non ? Pensez à cette pauvre madame Richelieu qui, telle notre bon Saint François, nourrit les oiseaux de Dieu et se fait amender par les forces du mal.
- Avez-vous fait votre signe de croix en passant devant Sainte Gisèle ?
- Oh, suis-je étourdie mon père, pardonnez-moi, je ne sais plus ce que je fais !
- En effet, en effet. Je vous recommande de bien réciter vos prières de repentance à genoux et de ne plus vous tourmenter pour l’organisation de notre ville chérie.
Là-dessus, il me planta dans le confessionnal pour s’en aller boire son vin de messe.

Je décidais donc de rendre chez ma meilleure amie, Gladys, mercière de son métier, depuis 40 ans. Gladys est une femme au courant du moindre frémissement dans les branches de salsifis, elle peut vous dérouler l’historique du bourg depuis l’époque la plus reculée jusqu’à la dernière minute.
Notre lieu de mémoire en quelque sorte.
A peine le grelot de la porte d’entrée tintinnabulant, que ma vieille complice sortit de sa « réserve ». Hélas, elle n’avait rien de plus à déplier. Elle ignorait tout du déplacement, de Laputa et de sa présidence. Nous convînmes que cela nous étonnait, nous interrogeait et nous inquiétait sourdement. D’autant qu’en fin d’après-midi, alors que je rentrais chez moi vers les 16h30 pour échapper à la nuit croqueuse de rhumatismes, je fus arrêtée par deux hommes en civil à la mine de craie.
- Vos papiers madame
- Messieurs, je suis désolée, mais ils sont restés chez moi
- Avec qui ?
- Avec mon époux
- Qui s’appelle ?
- Horace, Paul, Pierre Dubord
- Vous êtes ?
- Irénée, Blanche, Marguerite née Galbot
- Vous pouvez le prouver ?
- C’est que…
- Alors suivez-nous au commissariat
Le ton et les manières auraient glacé un fort des halles, alors pensez une petite dame comme moi. Je dus m’exécuter, les jambes en caramel mou et la honte sur le sac à main. Tous les passants de la rue St Grégoire s’étaient arrêtés de passer et j’entendis naître des murmures « dangereuse, drôle de tête, louche, je vous l’avais bien dit, mais oui je la reconnais, je l’ai vue à la télé chez…mais non, c’était à l’émission… ». Ils devaient parler de quelqu’un d’autre, me confondre avec la délinquante à la Une des journaux qui venait de trucider toute une bande de jeunes dans un quartier mal famé.
Pendant quelques minutes j’eus très peur pour ma mise en plis, ma robe repassée et mes bas tout neufs. Peur que la foule clairsemée ne forme un gros tas de mains, de pieds et menaces sur ma tête afin de m’étriper corps et âme.
« Seigneur, prends pitié de ta créature égarée dans cette vallée de… »
Heureusement les deux hommes repoussèrent les intrus à coup de matraque et me firent monter dans une très jolie voiture blanche. On aurait dit la voiture de Simone, la nièce des bouchers de la rue Courbet. En cinq minutes nous arrivâmes au commissariat du boulevard de la Faisanderie et c’est là que les ennuis commencèrent à s’attrouper…

[CROISIC]

Le titre alléchant est un délice.
Le reste est à l'avenant. Un pur péché pas du tout veniel. Je suis toute contrite du plaisir que j'ai pris à cette lecture. Que Ste Gisèle et le Père Augustin me pardonnent.
Je reste à genoux en attendant la suite...

[elea]

Une gourmandise à la Ba, savoureuse, succulente même et toujours à déguster sur plusieurs niveaux. J’ai adoré engouffrer le chapeau de la religieuse, il me tarde de goûter la collerette et le corps.

[Le Greico]

Ça m'a donné faim.

[Le Greico]

La gourmandise c'est un pêché?

[Sahkti]

Il y a une suite ??
J'aime, comme toujours. C'est cruel et drôle, tendre et ironique, avec des personnages que toi seule peux inventer !

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