Le choix de Jacques

[Joseph]

Bonjour à toutes et à tous, je poste un premier texte. Au plaisir de vous lire.

L’effervescence animait la gare, la foule, mouvante, écumait les quais, et Jacques cherchait son chemin. Grand, le visage émacié, les cheveux bruns foncés contrastant avec la lividité de son teint et visiblement mal à l’aise, un sentiment étrange bouleversait ses sens : il avait l’impression d’être épié et terriblement seul malgré les vagues de voyageurs se croisant dans un brouhaha indescriptible. C’était l’heure de pointe, soit le meilleur moment pour ne pas être remarqué et agir discrètement. Afin de ne pas éveiller les soupçons, il tirait une valise à roulettes vide. Sauf qu’il ne partait nulle part et n’arriva d’aucun lieu.

L’ami du frère d’un cousin policier l’avait rencardé sur la démarche à suivre. Le deal était simple, il consistait à fournir tous les documents requis pour identifier la cible : état civil, descriptions physiques, habitudes particulières… Les informations devaient être exhaustives ; Pour ensuite les déposer dans un casier dont le lieu et le numéro vous étaient transmis par mail sous la forme d’un SPAM impossible à tracer. A cela s’ajoutait la moitié de la somme demandée pour remplir le contrat. Jacques pris de l’avance, il décida de payer la totalité comptant.

Après une heure d’infructueuses recherches, réticent à l’idée d’adresser la parole à quelconque badaud pour lui indiquer son chemin, c’est avec soulagement qu’il trouva enfin le coin où s’érigeaient les murs de casiers métalliques. Cette partie de la gare était plus calme, et, balayant promptement l’endroit de son sombre regard, il remarqua qu’elle était même déserte. Mauvais signe. Jacques arrivait à un moment de sa vie où il n’avait plus rien à perdre, s’apprêtait à engager un homme pour en tuer un autre, et pourtant, il frémit en imaginant d’obscurs individus lui tendre un guet-apens. Cette pensée s’envola aussitôt lorsqu’il se rappela être dans un espace public et bondé. Enhardi, il s’approcha du numéro « 134 ». Un rapide coup d’œil à sa droite, puis à sa gauche, le décida enfin : il ouvrit le casier qui ne contenait qu’une clé, y déposa les pièces demandées, et le referma, et souffla, soulagé de la tâche accomplie.

Plus tard, assis à une de ces tables de bistrot parisien obstruant le passage des piétons, il but un kir royal à la pêche. Sa boisson préférée. Celle des femmes en général lui disait-on et de la sienne en particulier pensa-t-il. Le palet exalté à la première gorgée, comme transporté par les bulles, son esprit vagabondait dans la clameur urbaine. Il se souvint de leur premier rendez-vous lorsqu’il était maladroit ou faisait semblant de l’être, et cette fameuse balade en mer sur son petit voilier -lui, l’amoureux des horizons marins-, qui scella leur destin, puis : le baiser, l’étreinte, l’amour, la vie à deux, la confiance, le mariage, l’enfant, la méfiance. La fin. Elle était partie à cause de cet homme. Il devait payer. La faute était trop lourde, l’issue irrémédiable.

La nuit est douce, le zénith affiche comme chaque soir à cette période de l’année ses étoiles étincelantes, image trompeuse d’astres déjà éteints. Une ombre se déplace avec aisance et fulgurance sur la cime d’un immeuble : c’est un mouvement qui frappe, une force qui se meut, une menace qui défie les lois de la gravité et maîtrise les éléments tel un esprit supérieur. La silhouette s’allonge derrière le mur acrotère, ultime frontière avant le vide, puis effectue ses analyses : direction et puissance du vent, distance de la cible, vitesse d’exécution. Par chance, la vision est dégagée et la cible bien en évidence. De plus, elle est immobile. La détonation est sourde, l’air fendu à plus de 1000 mètres par seconde, imperceptible, la fenêtre ne semble pas s’apercevoir de l’impact.

Quelques instants auparavant, Jacques ouvra la porte de chez lui et découvrit l’appartement nu que lui avait laissé sa femme. Il posa ses clés sur un des meubles massifs habillant le palier et qui n’avait pu être déplacé, traversa le couloir d’entrée s’ouvrant sur un salon exsangue, se dirigea vers les rideaux et les ouvrit. A travers la vitre, un monde nouveau s’ouvrait à lui. Alors il s’assit sur le fauteuil trônant comme une nature morte au milieu de la pièce, posa ses bras sur les accoudoirs en cuir et chercha une position confortable. C’était chose faite. A présent, puisque la corde rompit, que les médicaments n’eurent pas l’effet escompté, et qu’il manquait de courage pour le choix des armes, les yeux clos et les perspectives lointaines, le poids de la faute s’envolait. Il ne regrettait plus de l’avoir trompé. S’ensuit le souffle qui s’immisça à travers la fine toile tissée par la balle dans la fenêtre. Puis cette bise cinglante lui rappelant l’odeur du large avant d’appareiller vers cet espace sondant désormais son âme.
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[elea]

Une belle chute surprenante, je m’attendais à une chute mais pas celle-là.
Un petit peu long pour moi avant d’y parvenir, mais les pistes sont bien brouillées, j’ai cru au meurtre commandité de l’amant de la femme.
Bienvenue.

[Procuste]

Bon, en toute franchise j'avais compris très vite que le type voulait se faire tuer, quelle autre chute prévoir pour un texte aussi court où on ne présente qu'un seul personnage ? Dans le désir de brouiller les pistes, je trouve que vous avez trop tordu l'histoire, l'avez embrouillée, ce qui est dommageable. Vu la fin prévisible, peut-être serait-il au contraire intéressant de ne pas chercher à dérouter le lecteur sur de fausses pistes, mais de se concentrer sur la manière dont l'individu vit ses derniers instants ; par exemple, le coup de la dernière bière au bar m'a bien plu...

Bienvenue sur Vos Écrits, à vous lire bientôt !

Quelques remarques :
« les cheveux brun foncé ( et non « bruns foncés », on n’accorde pas quand l’adjectif de couleur est altéré par un autre adjectif, ou un nom, parce que c’est comme si on écrivait « les cheveux d’un brun foncé » ; exemple : « des yeux bleu turquoise », « des lèvres rouge cerise », etc.) »
« Sauf qu’il ne partait nulle part et n’arriva (je pense qu’un imparfait, comme au début de la phrase, serait bien préférable à ce passé simple) d’aucun lieu »
« devaient être exhaustives ; pour ensuite les déposer »
« Jacques prit de l’avance »
« d’adresser la parole à (un) quelconque badaud »
« Le palais exalté à la première gorgée »
-lui, l’amoureux des horizons marins- : typographie, le trait d’union « - » ne suffit pas à délimiter une incise, il faut prévoir le tiret demi cadratin « – » ou le format au-dessus, « — » ; par ailleurs, on encadre chacun de ces caractères d’une espace de chaque côté
« Jacques ouvrit la porte de chez lui »
« Il ne regrettait plus de l’avoir trompée. S’ensuivit le souffle qui s’immisça »

[Reginelle]

Juste une question : que vient faire cette clé dans le casier ? Quelle porte, quel lieu, ouvre-t-elle au personnage ? Que ce dernier dépose dans ce casier documents ou argent pour l'homme qu'il a engagé, c'est tout à fait logique. Mais je ne vois pas quelle clé "l'assassin", lui transmettrait ainsi.

Bon... je vais relire, un truc a dû m'échapper.

[Reginelle]

oups... ok... en fait, le casier est ouvert et à l'intérieur est déposée sa propre clé pour pouvoir le fermer.

Désolée... certainement une lecture trop rapide.

[Invité]

La fin m'a surprise mais uniquement parce que tout ce qui précède n'était pas limpide à mes yeux, pas à la première lecture (le passage à la gare, en particulier). Après, quand tout s'est plus ou moins mis en place, j'ai bien aimé même si je pense qu'on peut épurer, éclaircir.

[Joseph]

Bonjour à toutes et à tous,

Merci pour vos commentaires, en effet le texte est peut être déséquilibré, la partie à la gare prenant une place trop importante. Néanmoins, et comme le disait un contributeur, c'était aussi pour brouiller les piste. Trop cette fois ci. Je tâcherai d'être plus concis!

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