Ténèbres

[nini031]

Aux idées éparses, aux idées révolues,
Qui d’un temps lointain sont déjà revenues,
Mordiller mes journées de leur aura d’absence,
Je souffle à consumer vos trop fortes fragrances.

Les soleils aux manteaux de ce pourpre et cet or,
Qui jadis luisaient dans mes yeux enfantins,
Et la mer qui cherchait à bercer mes remords,
Et teintait de ce bleu tous mes moindres refrains.

Les rivages douteux où sifflent des mouettes,
Et le ressac houleux et les sombres silhouettes,
Ombragés aujourd’hui de sillons de pensées,
Avançant dans le ciel du cri d’un aigle armé
De rubans noirâtres aux présages hissés
Il est temps aujourd’hui de tout faire écrouler,
Et les cieux fragmentés en des verres luisants
Ont laissé paraitre un total néant
Des lambeaux tapissant des mâchoires affamées
Avides de rêves et d’effluves passés

Si le temps revenait, pour couler à ses sources,
Si ce choix je l’avais d’arrêter cette course,
Si je pouvais encore attraper cette brume,
Ou ces faisceaux naissants qui ont figé ma plume.

Si pour grandir il faut toujours s’attendre au pire,
Ne conserver alors que les lambeaux d’un rire
Entrer vaillamment dans des danses contrefaites,
Jeter rapidement un rêve aux oubliettes

Si pour cela je dois oublier qui j’étais,
Et ne plus croire alors à des rêves ébréchés
Laisser ces rivières de sanglots m’envahir,
Et couler tel du miel sur mes moindres délires

Alors j’aimerais bien jeter l’ancre aux ténèbres,
Et refaire mon monde de ces relents funèbres…

[regaramical]

Magnifique poème, très travaillé ! qui nous entraîne, nous tient en haleine, nous bouscule, nous émeut. J'ai bien aimé le rythme de la montée, crescendo, dans la longue strophe à perdre le souffle, et le ralentissement progressif dans les strophes de la fin. Voilà un texte qu'on aimerait entendre récité par un grand acteur.
J'avoue que je n'ai pas compris : "les soleils aux manteaux". Les manteaux seraient les habits qui habillent les yeux ?
En tout cas, on sent bien, à votre énergie, que la solution de la fin n'est pas pour vous. Vous ne risquez pas "jeter l'ancre aux ténèbres", quelle belle image !
Bravo et bonne année !

[Annie]

Un regard touchant sur le "vert paradis" - qui ici est bleu,

mais je trouve beaucoup de maladresse dans l'écriture,
le pire étant "Et les cieux fragmentés en des verres luisants"

et beaucoup d'images conventionnelles "des danses contrefaites," qui ne veulent pas dire grand chose
"de sillons de pensées,
Avançant dans le ciel du cri d’un aigle armé
De rubans noirâtres aux présages hissés"

Pourtant: un beau vers, simple et sincère
"Si pour grandir il faut toujours s’attendre au pire,"
Il faut toujours s'attendre au pire
et au meilleur, et puis en rire.

[Artnow]

Voilà une belle découverte.

J’ai bcp aimé, tant l’écriture, les mélodies que les sens et images poétiques.

Il est néanmoins un passage qui m’a moins plu car j’y ai ressenti un essoufflement. Ce passage est mis en gras et m’a semblé trop long à ce niveau. Peut être qu’un arrêt de lecture m’aurait davantage convenu. Cela ne correspondant qu’à ma lecture.


Les rivages douteux où sifflent des mouettes,
Et le ressac houleux et les sombres silhouettes,
Ombragés aujourd’hui de sillons de pensées,
Avançant dans le ciel du cri d’un aigle armé
De rubans noirâtres aux présages hissés
Il est temps aujourd’hui de tout faire écrouler,
Et les cieux fragmentés en des verres luisants
Ont laissé paraitre un total néant
Des lambeaux tapissant des mâchoires affamées
Avides de rêves et d’effluves passés


Sans trop citer, parce qu’il y a bcp de bonnes choses, j’ai trouvé ce quatrain très réussi à tous niveaux :

« Si le temps revenait, pour couler à ses sources,
Si ce choix je l’avais d’arrêter cette course,
Si je pouvais encore attraper cette brume,
Ou ces faisceaux naissants qui ont figé ma plume. »

quelle belle poésie, bravo

[Hellian]

Tout cela est beaucoup trop chargé , comme une caricature de texte romantique. Un galimatias d'images maladroites et inutiles ne suffit pas à faire un poème.

En outre, j'ai cherché en vain la logique syntaxique de certains passages tels :

Les soleils aux manteaux de ce pourpre et cet or,
Qui jadis luisaient dans mes yeux enfantins,
Et la mer qui cherchait à bercer mes remords,
Et teintait de ce bleu tous mes moindres refrains.

Déjà, le premier vers s'engage fort mal : " Les soleils aux manteaux......" ah ben, s'ils ont des manteaux, les soleils, comment vont-ils briller, ces petits frileux ?et puis, jugez de la complexité alambiquée de votre métaphore : Les soleils ( pourquoi "les" ?) qui sont revêtus de manteaux, lesquels sont constitués de ce pourpre qui luisait dans les yeux ( bon, l'or, peut-être, mais le pourpre...)

Quant au deuxième vers, il est boiteux: 11 au lieu de 12 pieds.

Mais surtout, vos deux propositions relatives ne sont suivies d'aucune principale !
Les soleils...qui...
Et la mer qui...

Y font quoi, les soleils et la mer ?


Ce n'est pas parce que vous écrivez de la poésie , qu'il vous faut faire systématiquement compliqué, long et fastidieux. Recherchez d'abord la simplicité tant dans votre message que dans vos images. Dés que vous avez l'impression qu'une expression va "faire poétique" chassez la sans pitié, sous peine de perdre en sincérité. Et surtout, dites-vous que l'on ne naît pas poète, qu'il faut y travailler et retravailler année après année, se garder de l'illusion d'une écriture spontanée et immédiatement inspirée. Ceux qui affirment écrire dans la "fulgurance " sont des charlots...

[nini031]

Merci beaucoup pour vos commentaires. Je sais parfaitement que j'ai encore énormément de choses à travailler, et en effet on m' a déjà reproché Hellian le fait que l'ensemble de mes poèmes étaient lourds, et maladroits. Mais c'est surtout la dernière partie de votre message qui répond à certains de mes questionnements sur la poésie et l'écriture en général, et je vous remercie même si vous me livrez là votre conception personnelle puisque certaines personnes ne considèrent pas la sincérité comme indispensable et préfère la poésie "objective". Peut-être que c'est parce que j'accorde une plus grande importance aux images et au pouvoir d'évocation(et là je ne parle pas de mon écriture) dans les poèmes que l'émotion que celle-ci procure, même si les deux doivent être liés.

Enfin bref, les commentaires sont toujours précieux sur Vos Ecrits.

[Hellian]

Peut-être ne parlons-nous pas de la même sincérité. J'évoque quant à moi, celle de l'écriture qui impose de "ne pas écrire comme", de ne pas se loger dans la posture du poète, car il n'existe pas plus de poète que de père Noël. Nous sommes tous des besogneux qui devons aborder le travail d'écrire avec humilité pour avoir la chance, parfois, rarement d'en faire un art.

Cela étant, nous avons, bien sûr à revendiquer le droits au mensonge, la poésie , comme tout art est un mensonge qui forge une vérité, celle que construit le lecteur. Tout lecteur ou spectateur ne croira à votre oeuvre que si vous lui avez suffisamment bien menti pour lui donner le sentiment de sa vérité. Dites-vous bien, lorsque vous écrivez un poème que vous êtes dans la position du conteur ou du prestidigitateur qui s'adresse à l'enfant. Il faut lui faire perdre ses doute, au lecteur, l'émerveiller pour le transporter. Si vous jouer du cliché du convenu, comme l'enfant au mauvais magicien, il vous dira : Bon ça va, on le connaît ton truc " et vous n'aurez plus qu'à remballer votre matériel.

[Camille Acristem]

Je ne vais pas jouer au docteur, au sens de quelque détention d'un savoir faire. De fait, je rejoins Hellian, mais avec quant à moi le sentiment de sentir en moi rugir, profondément et encore bien trop dans tous les sens, la capacité à ériger ce que j'écris au rang de l'art. Il n'empêche que j'ai une fascination véritable pour le sujet que vous avez abordé dans votre poème, au titre de quoi je me suis penché dessus, avec la curiosité de découvrir ce que faisait la demie génération suivante sur la question. Effectivement, il y a trop de volonté de poser pour moi. Je n'ai pas été touché, j'ai été ravi, au sens où il y a des idées sympathiques, pathétiques (prendre ces mots dans leurs sens puristes et non vulgaires) mais rien de viscéral, rien de profond, d'infernal - et c'est un comble lorsque l'on s'intitule Ténèbres. Elles sont une chose noble et puissante, il n'est pas correct de les invoquer pour des futilités. Merci de ne pas me prendre pour quelque prophète du satanisme, je me contente de parler de poésie.

Il y a donc des bonnes idées, des rimes faciles exploitées avec liberté et aisance ; il y a de la culture. Il y a du bon-sens, du goût et une certaine facilité au maniement de la langue. C'est tout. Vous avez évoqué l'émotion, je n'en ai pas lu. En revanche, je ne vais pas aussi loin que Hellian qui pour moi fait de la mécanique avec les mots et rejoint dans mon Élysée ceux-là qui m'accablent en cours à décortiquer, comme on décortique les crevettes ou les crabes pour aspirer leur chair et leur moelle dans des succions atroces et voraces, la langue, la désincarnant totalement puis la remontant pièce par pièce, en faire quelque chose de contre-essence. Je suis pour la contre-nature, je suis contre la contre-essence. Enfin, enfin, probablement un commentaire inutile. Si je devais donner un conseil à votre plume, je vous inviterai à une quantité triple d'humilité face à vous-même, à cesser de vouloir mener votre plume là où ça vous chante. Vous savez ce que vous aimez, vous ne savez pas ce que vous êtes. Tentez l'écriture automatique (qui ne l'est jamais tout à fait), juste pour qu'elle vous montre vers quoi vous inclinez. C'est le test de la brindille placée à l'embranchement de deux flots, voyez vers où elle s'en va. Et suivez la.

Bien à vous (je ne commente jamais, voyez dorénavant pourquoi!).

C.A.

[Jano]

Hélian a écrit :

la poésie , comme tout art est un mensonge qui forge une vérité

Un demi-mensonge puisque l'art est d'abord une transformation du réel, une représentation subjective du monde. Ainsi le poète s'appuie sur du tangible qu'il modifie à sa guise selon sa sensibilité, ses références, ses valeurs. La vision des choses qu'il délivre doit venir du fond de son être et non pas d'une quelconque imitation, car alors ce n'est plus de la création.

Ceci dit Nini031, je pense que vous êtes en bonne voie pour affirmer votre style.

[Contenu sponsorisé]