L'aveugle, ou Introduction à la fin du monde

[redstar]

Spoiler:

« Hé, vous faites quoi là ? »
L'homme sursauta à peine en entendant qu'on l'interpelait et répondit quelques secondes après:
« J'ai un flingue sur la tempe, ça se voit, je crois. »
Sa voix s'envolait loin contre les falaises; il parlait fort pour couvrir le bruit du vent qui balayait la plage et soulevait le sable.
« J'ai bien vu. Mais pourquoi ? Qu'est-ce que vous vous apprêtiez à faire ? »
« Je vous laisse deviner; ou alors vous attendez un peu et vous constatez. »
Le deuxième homme, celui qui n'avait aucune arme braquée sur la tête, s'avança et resta à deux pas de l'autre, le regardant en plissant des yeux.
« Vous devriez pas faire une connerie comme ça. J'suis sûr que ça en vaut pas la peine. »
Il n'eut pas de réponse. Il fixa l'horizon; l'océan, et comme pour casser le silence, il continua:
« C'est quand même beau, l'océan, non ? »
« J'en sais rien; j'suis aveugle. »
Embarrassé de cette réponse, le deuxième homme se racla la gorge et demanda plus doucement, comme si l'homme aveugle était son ami:
« Pourquoi vous voulez vous tuer ? »
Soupir de l'homme aveugle.
« Écoutez, j'comprends même pas que vous me demandiez, c'est la merde; et me sortez pas des conneries sur la beauté de la nature et tout parce que j'en ai plus rien à foutre, en plus il reste rien. »
« J'comprends pas du tout de quoi vous parlez. »
« Bah, la fin du monde, mon vieux, les villes désertes, l'errance, le manque de bouffe, tout ça. J'ai fais mon choix et je préfère plus vivre dans cette merde. C'est trop glauque, trop difficile. »
Le deuxième homme toussa, étonné, et dit simplement, parce qu'il ne trouvait rien d'autre à dire pour s'expliquer:
« Cest pas du tout la fin du monde … »
Il avait parlé un peu fort, sa voix d'évanoui lentement dans l'air et l'aveugle, curieusement, tourna la tête vers lui.
« Non ? »
« Mais non, absolument pas. »
L'aveugle, sortant d'un rêve, jeta son arme dans l'écume d'une vague mourante, devant lui, et se laissa tomber sur le sable pour s'asseoir. Lentement, l'autre tourna les talons et partit. A quelques mètres, il se retourna, et dit en regardant l'homme aveugle qui lui tournait le dos:
« N'empêche que vous devriez garder votre arme, à c'qui paraît, c'est pour bientôt. »

[Invité]

Après avoir sauvé cet aveugle du suicide, la fin est déroutante : humour noir ? Cruauté mentale ?
Un texte bien écrit sauf ces deux petites fautes :
J'ai fait mon choix (et non fais)
sa voix s'évanouit lentement (et non d'évanoui)

[redstar]

Bonjour et merci de ta lecture.
Navré pour ces fautes notamment la deuxième qui est une faute d'attention assez ridicule.

C'est en quelque sorte de l'humour noir dans ce contexte où le texte est isolé mais mon intention, en l'écrivant (envie qui me démange depuis un moment) était d'en faire une introduction à une série de nouvelles qui traiteraient de la vie de personnages dans un monde post-apocalyptique; dans "la fin du monde", donc.

[elea]

Un bon dialogue, court mais qui contient tout ce qu’il faut, notamment, de cruauté latente.

Juste un détail mais qui m’a interpellé à la lecture : si l’aveugle a déjà jeté son arme dans l’écume, l’autre devrait peut-être dire : "vous auriez dû garder votre arme" ou bien "vous devriez récupérer votre arme". Je sais, je chipote mais c'est la phrase de fin et elle est importante.

[redstar]

En effet on chipote un peu, mais la garder c'est à dire ne pas l'abandonner, elle est dans un centimètre d'eau sur la plage, elle est récupérable, bref; il peut toujours la garder.

[Vigdys Swamp]

Oui sauf qu'il y voit que dalle et que de toute façon, effectivement, ce n'est pas clair non-plus pour le lecteur.
Bref, ça te couterait pas grand chose de modifier ta phrase au lieu de te lancer immédiatement dans une justification malvenue.

Quant au texte, j'avoue n'avoir pas compris le message global, ni le twist final, ni gouté spécialement à la forme.

[Sahkti]

Je suis quelque peu passée à côté, notamment en raison des dialogues que je ne trouve pas naturels, voire carrément laborieux et d'une concision qui fait défaut dans ce texte alors que par moments, ça serait bien de ne pas trop en dire, histoire de renforcer le dramatisme de la scène. Pas pour moi cette fois.

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