Parlons franchement

[Calvin]

Tenez, moi qui vous parle... Là, maintenant... je parie que vous ne vous souvenez pas de vos vingts ans. Ni de vos seize. De vos dix, encore moins. Qu'êtes vous devenus ? Vous avez filé sans doute, et puis ? Quelle nouvelles pour cette génération. C'est d'une tristesse... Tous les fantasmes de l'aventurier vous égarent : vous avez du rebrousser chemin, et quel triste spectacle de retour au miroir. Il ne reste plus qu'a se brosser les cheveux. Certains choisissent le silence ; d'autres... et tous enfin, vous êtes fous, mais vous changez il est vrai, selon les jours. Vous n'avez rien trouvé : rien qui ne vaille la peine de dormir. Où sont vos espoirs d'antan ? qui les as pris, sinon vous même. De quel bois pensez-vous que l'on taille les rêves. C'est du bois d'os. D'acacia au tronc d'ivoire, à peau laiteuse, habillé d'une tunique de cachemire, et d'une broche que l'on porte fièrement à l'épaule comme un sexe. Vous vous êtes je crois trop regardés, trop fantasmés, ne prenant pas la peine d'aller avec lenteur, de suivre le détail, tel agencement des matières, des évènements... C'est qu'on ne dompte pas si facilement un ensemble de situations... L'on est pas fait pour la synthèse, la cohérence, cela s'apprend. C'est contre-nature. Vous vous êtes laissés déborder, voilà, sottes comme des pucelles, vous ne vouliez pas voir sans doute, mais une fois retournés l'on s'exclame : quel chemin parcouru ! Vous ne vous doutiez pas de la régularité de votre course, de sa vitesse... son harmonie avec les vents... vous fixiez un point, le courant vous portait vers un autre, feignant de ne pas le comprendre... pourtant ce sont là de nouvelles terres à explorer. Tenez-vous, tenez-vous... continuez. Cette marche ne devra pas s'arrêter avant d'arriver à bon port, où il vous sera loisible d'user à nouveau du compas. Disons franchement les choses : deux chemins s'offrent à vous. L'un a l'œil douloureux de l'impasse. Courage ; tenir le pas gagné. Le premier pied parait impossible. Aujourd'hui, puisque vous ne dormez pas, voyez : le ciel se lève, et la nuit remue ; vous n'avez qu'a établir pour décor ce paysage. La mise en scène, les acteurs... la distribution des rôles... c'est volontiers que je laisse cela à votre discernement...

[Calvin]

Toi même Guillaume, tu pourras me dire... Comment tu la vis ta solitude ? Qu'est ce que ça fait d'entendre chaque voix, de la comprendre, de la faire sonner au diapason, d'extraire le "la" de ces bouches qui sonnent justes, sans jamais y mêler la tienne... Cela manque, n'est ce pas ? Sans doute que oui... Oh, il y a les joies de l'esprit, je te le concède... Tu penses que tu vas pouvoir devant le miroir mal éclairé te guérir de tes reflets... Mais laisse moi te dire, Guillaume, ce n'est pas choses qui se font toutes seules. Certes tu penses maintenant mieux cerner le poison des autres, maintenant que tu t'en es détaché tu vois leurs effets, leurs roueries, tous leurs petits mécanismes de l'esprit, mais laisse moi te dire... Continueras-tu longtemps à pleurer sur ton sort ? De l'audace, mon dieu, de l'audace.

Marie est sortie de la pièce en emportant le printemps. Elle a défait ses longs cheveux blonds que sont les poisons que l'aube entrave, elle a agrafé sa robe à sa ceinture, elle a eu un regard comme pour dire ca y est... Ainsi naissent les orages que le dormeur hume. Marie partie remue les ombres, remue les vases, ses pas résonnaient dans le couloir comme des sentences inflexibles... cela fait mal, n'est ce pas, de devoir se détacher de ce que l'on a créé, de tout monter pour le bonheur et de ne pas en jouir... comme un sève de jouissance restée au bord des lèvres... mais que veux-tu... tu ne peux le reprocher à d'autres que toi-même. Marie a eu raison. Elle est partie. Elle est partie parce que c'est cela qu'il fallait faire. De ces départs odieux, qui ont le goût de l'exil. Mon Dieu tous ces mots, tous ces mots comme des mensonges, ils ont des yeux d'exécutions, il restent en travers de la gorge, en travers de la gorge, mais c'est ainsi que font les hommes... Ils partent... Ils partent quand on leur demande. Tu étais bien obligé de te résoudre à la renvoyer, Marie.

Je me souviens, Guillaume, de tes naïvetés quand tu les avais encore, et qu'elle ne sonnait pas faux comme ces aubes aux yeux d'étain. Tu croyais alors en une vie fade, fade certes, mais simple, avec ses joies et ses peines, en un mot toutes ses spontanéités, ses enthousiasmes sans calcul. Mais tu es devenu un monstre de calcul, Guillaume, plus roublard que le vert qu'on masque au costume d'acteur... Comment vas-tu faire à présent ? Le vide nait ainsi, sous les cheveux de paille, dans le couloir tout en longueur, que chaque pas fait de Marie résonne un peu en emportant le Printemps.

[Calvin]

Mon Dieu, ce que je peux avoir comme vieux lyrisme... C'est le fond de tiroirs que je fais ici pour toi... Guillaume. Souviens toi bêta, tout allait bien pourtant, tu t'étais fixé ici, dans cette ville... ce décor de possibles bourgeonnement... sous chaque pas que l'inconnue fait quand elle bat le printemps. C'est beau, n'est-ce pas ? C'était ta formule même. De grands morceaux de printemps, décollés comme des peaux mortes du derme métropolitain... Ces printemps pustuleux, furoncleux, boutonneux... Ah qu'elle est douce l'expression de nos délicatesses...

On a beaucoup promis certes, mais sans jamais rien faire... Tu n'as pas levé le petit doigt... Les promesses voix-tu ont ceci de pénible, vois-tu, qu'elles ne font qu'exprimer un possible à la réalisation heureuse pour tes appétits... Mais il faut y mettre du tien, surtout quand tu te promets pour toi-même... Ce n'est pas la Saint Glin-Glin que je sache.

[Modération]

Ces textes n'auraient-ils pas tous tenu sur une seule page ? Parce que on a quand même plutôt l'impression ici de trois textes postés en une fois... Ça passe pour cette fois mais la modération vous demande de veiller à l'avenir à ne pas abuser du système. Merci.

[Invité]

Exercice intéressant que ces variations sur le thème (ou du moins, ce que je lis comme tel). Et à mes yeux extrêmement bien vu, notamment parce que le discours évite l'amertume ou la morale. Et on sait combien c'est facile de s'y laisser aller sur ce genre de sujet.
Donc, oui, j'ai aimé ces évocations du temps qui a passé, ce recul peu satisfaisant, cette image décevante dans le miroir.Avec un énorme coup de coeur pour ceci, qui résume toute une vie en quelques mots. Dieu, que c'est cruel, ironique et fort ! : De quel bois pensez-vous que l'on taille les rêves. C'est du bois d'os. D'acacia au tronc d'ivoire, à peau laiteuse, habillé d'une tunique de cachemire, et d'une broche que l'on porte fièrement à l'épaule comme un sexe.

Aïe aïe aïe !

[CROISIC]

Ceci est fort bien écrit, mais très masculin. Il y a des femmes qui dés leur plus tendre enfance ne sont dupes de rien et sans la redouter, imagine la fin. Merci pour ces textes car j'ai la curiosité de l'autre et de ses blessures ou fêlures.

[midnightrambler]

Bonsoir,

Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

Amicalement,
Midnightrambler

[Calvin]

Mais si ça se trouve mon petit midnighttrambler j'ai menti sur mon âge ! je n'ai pas 19 ans ! mais 91 ! ça te la coupe hein ? hihihihihihihihihihihi

[midnightrambler]

Bonsoir mon gros Louuis!

Il est assez rare que l'on ait des partiels à réviser à quatre-vingt-onze ans !
Mais on peut être vieux à dix-neuf comme ces lycéens ou ces étudiants que des adultes aigris ont téléguidés dans la rue et utilisés contre la modification de l'âge de la retraite, pour tenter en vain de préserver leur rente de situation.

Amicalemant,
Midnightrambler

[midnightrambler]

Amicalement ... j'en perds mon orthographe !

[Calvin]

On ne commente pas les commentaires, merci.

[Modération]

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