Dangereuse Conviction

[Yugoski]

I/ Agatha

Face à Face. L'haleine de l'un sent l'ail et l'oeil de l'autre louche, puisqu'il n'en a qu'un seul. Éborgné à l'âge de huit ans par un coup de couteau, le quatorze juillet. Un peu après le feu d'artifice. Les deux se sont rencontrés à plusieurs reprises. Jamais ils n'ont été départagés Le seront-ils un jour, d'ailleurs ? Probablement pas ce soir, à cause de la pression. La pression vous change un homme. Pourquoi tant de haine. L'embrouille est partie de rien et à la base ce n'était qu'une vague histoire de territoire. L'un avait le pouvoir, l'autre tentait de prendre le dessus, ça s'arrêtait là. Au bout d'un moment, à force d'approximation, les gens commençaient à s'intéresser à d'autres histoires, un peu plus consistante. 

"Je t'ai dit de ne plus revenir ici. 
- Je suis chez moi. Je suis né ici. 
- Je t'ai interdit 
- Rien à foutre." 

Au début, ils se croisaient. Ils ont même failli être amis. 

"FERMEZ VOS GUEULES !" 

La voix survient par derrière. Le cercle qui s'est formé autour des deux ennemis se dissout en un éclair. Un homme dégarni et moustachu brandit un Glock-9 en leur direction. Un homme de sang froid. Tueur professionnel et plus de trente contrats à son actif. Jamais une bavure. Jamais une erreur de précision. Deux décharges. Deux hommes à terre, ensanglantés. La foule se disperse, les rues se vident comme un chiotte après avoir tiré la chasse. 
Il a remplit son contrat. Remonte dans sa voiture, met la radio à fond. Bouge la tête comme une poule d'avant en arrière. Queen. 

I want to break free. 

Il aurait voulu voir Freddy Mercury en concert à Wembley. Hélas à cette époque il suivait une formation très stricte en Moldavie. Sirènes assourdissantes et stridentes. Timing parfait. Kavinsky jette un œil à sa breitling. Tout juste le temps de rejoindre son employeur au Stripper. Il gare sa Jaguar dans le parking de la boîte et s'asperge de parfum. Enlève ses gants, réajuste son noeud de cravate. Il aime faire bonne impression. Sa courtoisie, son élégance et sa vague connaissance des bonnes manières fond de lui un travailleur discret et consciencieux, une pointure en la matière. A l'entrée du club, un videur d'environ deux mètres le salue d'une respectueuse inclinaison de tête. Une consommation lui est offerte et c'est un Screw Driver, comme d'habitude. Elle l'attend au comptoir, sirotant un Mojito sans glaçon. Grande, brune, un regard pétillant et une robe griffée qui lui sied à merveille. 

"Vous avez fait vite. 
- Oui madame. Vite et bien. 
- Je ne regrette pas de vous avoir fait confiance. Les deux cibles ont-elles été éliminées ? 
- Une balle dans le crâne chacun." 

Elle lui tend une enveloppe de papier jaune bien fournie en billets de banque. Kavinsky profite de ce moment pour lui attraper la main, et la serrer affectueusement. 

"Agatha. Venez avec moi, dit-il plein d'espoir. J'ai remplit mon contrat. Partons ensemble, partons loin. 
- Je ne veux pas revenir là-dessus. J'ai des engagements envers Marcus que je me dois de respecter. Et personnellement, j'ai mon confort, mes habitudes 
et tout ce qu'il faut ici. Je n'ai aucune raison de partir, Monsieur Kavinsky. 
- Croyez-moi, ça ne va pas durer. La mort des deux meneurs ne signifie pas la mort des partisans. Marcus ne s'imposera jamais aussi facilement qu'il le croit. 
- Si. Puisque vous allez l'y aider." 

Sans lui laisser le temps de préparer sa défense, elle extrait une nouvelle enveloppe de son sac à main, plus épaisse cette fois-ci. Un temps d'hésitation, Kavinsky vide son Screw Driver et regarde Agatha dans les yeux. Il est tombé amoureux dès les premiers instants. Malheureusement cela ne semble pas réciproque mais il a la tête dure. Son objectif à présent, c'est une retraite à Bora-Bora et cette bombe pour lui faire à bouffer. Il veut y arriver. 

"La moitié tout de suite, et la fin lorsque l'emménagement est terminé. Bonne chance, Monsieur Kavinsky. 
- Très bien. Quand est-ce qu'on pourra se revoir ? 
- La semaine prochaine. Même heure, même endroit. Marcus est dans le carré V.I.P au fond du club, vous voulez boire un verre ? 
- Non, je n'ai pas le temps. A bientôt Agatha. Je t'aime."

[elea]

Les bases de l’intrigue sont posées, donnent envie de connaître la suite. J’aime bien les phrases courtes, nerveuses.
En revanche le personnage du tueur est étrange, j’ai trouvé que les dialogues ne collaient pas au reste. Il y a un décalage entre sa description et la manière dont il parle à cette femme. Peut-être que c’est voulu mais pour moi ça ne fonctionne pas.

[midnightrambler]

Bonsoir,

J'ai lu sans déplaisir ...
Mais :
- la relation entre Agatha, commanditaire des deux meurtres, et le tueur manque de véracité ; Agatha, même voulant garder ses distances ne donnerait pas du Monsieur à Kavinsky, et celui-ci s'interdirait farouchement de tomber amoureux d'elle !
- Même s'il n'a pas de Rolex mais seulement une Breitling - la montre des aviateurs - Kavinsky fait bien plus qu'impression, c'est une véritable gravure de mode (Glock-9, Jaguar, parfum, Bora-Bora) ... pas très discret !
J'ai apprécié l'écriture souple et fluide ... on n'est pas dans un roman de Balzac !

Amicalement,
Midnightrambler

[plumedoie]

je trouve que c'est un bon début : on a envie de continuer...

[Yugoski]

II/ Mirabelle

Cet entretien ne doit pas éveiller les interrogations des plus curieux et surtout pas celles du barman qui essuie le même verre depuis le début de leur conversation. Kavinsky fourre les enveloppes dans la poche intérieure de son veston et se retient d'embrasser Agatha. Elle est mariée avec Marcus. Dommage. En sortant, il ne prête même pas un œil au videur et quand il s'installe dans le siège en cuir de sa Jaguar il pleure. Plus rien à faire ce soir. Pas même d'autre disques que celui de Freddy Mercury qui tourne en boucle depuis six mois dans l'auto-radio. 

Son appartement est situé en banlieue, à deux arrêts de tramway du centre ville. Lorsqu'il ouvre la porte, l'odeur lui soulève le cœur. Et pour cause : il ne s'est même pas débarrassé du corps de cette prostitué qu'il a violé, puis lacéré puis étranglé puis violé et tué ensuite. Un travail donné par un mac qui avait fini par trouver cette fille prise de tête à propos de son salaire. Le pire, c'est qu'il n'a pas l'intention de se débarrasser de la charogne maintenant. Au lieu de ça, il découpe un par un les membres de la pute et les enfile dans le congélateur. Après avoir allumé la lumière de la cuisine, il fait de même avec celle de l'aquarium dans lequel réside ses unique amis : Joe, Helmut et Ophélie. Il leur demande si ça va et ils ne lui répondent pas puisque ce sont des piranhas. Cela dit, si ils pouvaient, il diraient que oui, ça va bien, surtout en vue du casse-dalle qui les attend. Généreux et surtout heureux de retrouver ses uniques compagnons, Kavinsky attrape une main et la balance dans l'aquarium. Aussitôt l'eau trouble devient rouge et Kavinsky active la pompe pour dire de nettoyer tout ça. 

"De rien les gars. Vous me revaudrez ça, un jour." 

Trop épuisé pour traîner son cul sous la douche, il s'écroule sur son lit et attrape le téléphone. Il compose le numéro de sa mère avant de se raviser. Malheureusement sa mère est morte depuis trois ans déjà, mais il peine à le réaliser. Il se rappelle. 

"Mon fils. Promet moi d'arrêter tes bêtises 
- Je ne peux pas. Je ne sais rien faire d'autre. 
- C'est toi qui m'a tué. C'est toi et toutes tes bêtises. Tu es un meurtrier.
- Non. C'est toi qui m'a tué." 

Pour abréger ses souffrances, il l'avait étouffé avec l'oreiller. Il n'en pouvait plus de la voir souffrir. Repensant à ce tragique moment, il avale deux cachets d'amphétamine et sort dans la rue vêtu d'un bas de survêtement et d'une casquette noire. Le quartier des prostituées n'est pas bien loin. Néanmoins il décide de prendre sa voiture et aborde une racoleuse, pas très jolie. Elle mâchouille un chewing-gum et ses boucles d'oreilles semblent trop lourde pour ses oreilles. Il sourit du mieux qu'il peut, ne négocie pas sur les tarifs et invite la pute à s'assoir auprès de lui dans la Jaguar. 

"Comment tu t'appelles ? 
- Bob. 
- Okay... dit la pute, refroidis par le ton glacial de son client. Moi c'est Mirabelle. 
- Mirabelle ? répète-t-il en fronçant les sourcils. C'est moche." 

Moment silencieux, bruit du moteur. Freddy Mercury. A kind of magic. 

"Tu suces, Mirabelle ? 
- Oui, évidemment. 
- Et tu avales ? 
- Ça dépend. Si il y a l'argent, je fais tout." 

En guise de réponse, Kavinsky jette l'enveloppe verte sur les genoux nus et dodus cette grosse fille trop maquillée. Celle-ci manque de s'évanouir. Avec tout ce pognon, elle peut s'affranchir et partir rejoindre sa famille, dans le sud du pays. Malheureusement, tuer étant la seule distraction de Kavinsky, elle n'en n'aura pas l'occasion. Une fois arrivée dans l'appartement, la travailleuse est outrée par cette odeur infecte qu'elle n'a jamais sentie auparavant. 

"Qu'est-ce que ça pue ici ! 
- Normal, il y a un cadavre dans le congélateur. 
- Quoi ?" 

Trop tard. Le cliquetis du verrou. Le sang de la pute ne fait qu'un tour. Tandis que Kavinsky enfile des gants de cuir, elle balaye la pièce d'un regard terrifié et aperçoit Joe, Helmut et Ophélie, tous trois les yeux braqués sur ce dîner potentiel. Elle comprend, Kavinsky n'est pas un banal client. 

"Quoi ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu veux faire une partie de playstation ?" 

Elle hurle encore et c'est la fois de trop. Kavinsky saisit un couteau posé sur la table basse et l'enfonce dans la gorge de Mirabelle qui est décidément de moins en moins belle avec tout ce sang sur son visage. Lorsqu'il retire sa lame, un jet de sang est projeté en l'air. Ses trois amis effectuent un déplacement rapide et synchronisé, comme un rite funéraire ou une danse de joie. 

"Helmut, cesse de t'impatienter. Regarde moi ce carnage :" 

Mirabelle gesticule par terre et tapisse les murs de son sang dégueulasse. Elle se vide comme un tuyau d'arrosage percé.  

"Arrête de foutre le bordel, salope ! Tu vas réveiller les voisins !" 

Un coup de pied dans le ventre. La pute crache une flaque qui semble être une fusion de vomi et de sang. Il attrape sa main boursouflée, de plus en plus froide, et l'attire sur son lit une place, bien décidé à la baiser puis à la tuer à coup de marteau.

[Invité]

euh... pardon, je viens juste de lire le premier extrait... Bon voici mon humble opinion sur ce que j'ai lu.

D'abord je trouve le ton de la narration très bonne, directe, dynamique, avec des formules sympa, ça fait plaisir

Par contre, mais bon, je suis un lecteur disctrait, j'ai eu un peu de mal à comprendre la situation. J'ai passé plusieurs paragraphes - un peu après l'évocation de Queen- à me poser la question "Où on est, c'est quoi la scène exactement ?"... Encore une fois, ça vient peut-être de moi, le problème, mais c'est toujours bon, je crois, de savoir l'effet d'un texgte sur un lecteur pas super attentif, c'est à dire les trois quarts d'entre eux quand ils commencent une lecture...

Sinon, j'ai aussi un peu tiqué sur les dialogues, qui me paraissaient un peu cucul par rapport à la situation. Mais peut-être que c'est fait exprès ?

[Invité]

Mouais... Un remake de American Psycho ? J'espère que tout ça n'est pas gratuit. La suite donc. Par curiosité.

[Invité]

Côté extrait 1, je trouve le début considérablement explicatif (et lourd et pas hyper limpide) comparé à l'écriture sèche qui suit.

[elea]

Il y a un truc qui me dérange dans ce texte, je ne sais pas exactement pourquoi mais je n’arrive pas à prendre ce personnage au sérieux, il fait des choses glaçantes, terribles et ça me donne envie de rire. C’est peut-être moi qui ne suis pas réceptive.
Et c’est dommage (pour moi) parce que plein de trucs me plaisent, l’idée des piranhas par exemple et leurs interventions, le fait que ce soit très visuel, cinématographique. Mais le passage avec la mère et les dialogues… et puis peut-être le fait d’avoir choisi Freddy Mercury en fond sonore aussi.
Je ne sais pas trop. J’attends de voir la suite pour mieux me prononcer.

Côté cinéma, le premier extrait m’a fait penser au personnage de Belmondo dans Le magnifique, à cause des dialogues et de la description je pense.
Ici ce serait plutôt le personnage de Mr Blonde dans Reservoir Dogs, mais en moins déjanté, décalé.
Je ne cerne pas ton personnage, c’est peut-être fait pour et c’est peut-être ce qui crée mes réserves.

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