Un baiser

[san-a03]

Il ne m’a pas vu. Qu’il est beau… plongé dans son bouquin, sur un banc. Je me rapproche de lui, discrètement. Il ne m’a toujours pas remarqué. Taquine, je place mes mains sur ses yeux.

- « Ouh, surprise ! »

Il sursaute, étonné. Je retire mes mains de ces grands yeux bleus, pour mieux les contempler. Il semble ravi de me voir. J’avance lentement mes lèvres vers les siennes pour lui offrir un baiser, notre premier baiser. Il semble intimidé. Ma bouche rencontre la sienne, c’est de la folie. Quel bonheur ! Nos langues se mélangent, je suis perdue. L’instant dure, se prolonge… Des constellations traversent mes yeux fermés… Nos souffles se rencontrent, se poursuivent comme deux chevaux lancés à travers champ… Ma main droite se place derrière sa nuque pour l’attirer à moi, sentir la pulpe de sa bouche, goûter encore à ses lèvres … les secondes, ces malheureuses dégringolent dans le vide… pendant que nous goûtons à cette paisible romance…

[...]

J’suis peinard sur un banc, les yeux rivés sur un bouquin de qualité supérieure. Le passage du roman est épique. Le personnage principal remonte un train lancé à pleine vitesse… paf ! deux mecs en costards font irruption à l’avant du train… l’un des deux mecs dégaine son flingue… il a notre héros dans le viseur quand soudain…

- « Ouh surprise ! »

Rha p’tain, des doigts visqueux viennent de se poser sur mes yeux… Merde, c’est vrai.. c’est elle.. J’avais zappé qu’il était déjà midi trente… pas vu l’heure passer avec ces conneries… Je lui souris, quand même… elle est sappée avec originalité, c’est le moins qu’on puisse dire… Ses bottes vertes jurent avec la couleur de son pantalon rose en tissu à tel point que je regrette presque de ne pas m’être muni de mes lunettes de soleil… Mon Dieu ! Elle avance sa frime, la bouche en avant ! C’est mon heure… Mes naseaux sont soudainement agressés par une odeur infâme, à faire pleurer un oignon. C’est de sa bouche, ce cloaque, ce ventre de crapaud éclaté, dont s’échappent ces répugnantes odeurs, ces lourds remugles, ces miasmes putréfiés… il est trop tard, j’encaisse le coup… comme il vient… sa langue perfide s’insinue entre mes lèvres… c’est à vomir ! J’en ai les larmes aux yeux, bordel ! Quel supplice ! Les secondes s’éternisent… Son souffle de poney mal bâté m’empoisonne les bronches… J’ai les poumons en torche… De diou, sa main… ses doigts gras m’enserrent la nuque, me tractent vers elle… je suis pris au piège… elle tient mes sens en otage… les secondes, ces malheureuses dégringolent dans le vide… pendant que je goûte à cette pénible souffrance…

[midnightrambler]

Bonsoir,

Excellent, je suis passé d'un ennui poli à une franche hilarité ...
Construction précise dans laquelle chaque détail du second plan entre en résonance avec son image dans le premier !

Quelques remarques :
- Il ne m'a toujours pas remarquée
- Je retire mes mains de ses grands yeux bleus
- à travers champs
- deux mecs en costard (sans "s" à costard)
- deux "p" à zapper, oui, mais un seul à sapée
- "frime" me paraît impropre ici ... frimousse ? minois ?

Amicalement,
Midnightrambler

[Jano]

Vraiment très bonne cette rencontre abordée sous deux angles différents. Romantique d'un côté, prosaïque de l'autre.
Une interrogation tout de même, l'homme paraît tellement dégoûté qu'on se demande ce qu'il fait avec cette greluche ! Les conséquences d'une soirée trop arrosée peut-être ...

[Invité]

Je viens faire la note discordante. J'ai trouvé très forcée la deuxième version, de mauvais goût (sans jeu de mots), le parti pris crève les yeux. Ce que j'aimerais lire maintenant, c'est un renversement des rôles, agrémenté d'une pincée de finesse, ça pourrait donner quelque chose d'intéressant.

[elea]

Une idée marrante, et bonne. J‘aime beaucoup les textes qui montrent une même situation de deux points de vue différents, mais pas forcément aussi antagonistes...
Ton texte m’a fait rire mais il est too much pour moi.
Le point de vue féminin est chargé en envolées lyriques et le masculin force trop le trait pour mon goût. Cela se comprend étant donné ce que tu veux faire mais c’est un peu caricatural alors que ce pourrait être plus profond. Il suffirait de pas grand-chose, quelques nuances de gris et je crois que tu as ce qu’il faut sur ta palette.

[Invité]

ben non.
Je trouve ça déplaisant, pas drôle, lourd, désolée !

[Invité]

Le trait est un peu forcé, quand même la grande majorité des femmes se brosse les dents avant d'embrasser, mâchent une pastille, un truc dans le genre. Bon , on l'aura compris c'est un exo sur une écriture bipartite, pas de quoi en faire un commentaire plus long que le texte .

[bertrand-môgendre]

C'est pas juste !

[CROISIC]

ça m'a rappelé un vieux sketch : La drague avec Guy Bedos et sa femme Sophie Daumier !
On était un peu benêt, on riait de choses simples, bon... au suivant !

[Sahkti]

Gaffe aux fautes, il y en a tout de même un paquet.
Sinon... je suis passée complètement à côté tant je trouve cela caricatural. Tu es complètement tombée dans le piège de l'opposition à tout prix, qui fait que pour monter à quel point deux visions d'une même scène peuvent être différentes, tu enfonces des portes déjà largement ouvertes et tu n'hésites pas à tirer les ficelles les plus grosses. Dommage.

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