1970

[Calvin]

Sur les bords du chott. C'était la saison où les doigts calleux épluchaient les dattes une par une et les faisaient glisser, contre la paume rugueuse. Derrière les breloques clignotaient au rythme bédouin. Dans le sable,
ça faisait des marées. Petites marées - venez vous aussi, vous tremper comme plume où s'écrase
l'onde. le sable lui coule d'un vase l'autre c'est une vie
pétillante. Et les collines maquillent leur bouches de reflets brulants. Sur les bords du chott les voyageurs passaient leurs amphores contenant les liqueurs pour un soir (et ce qui coule du ciel quand il fait sombre), des pluies apportées par les semelles étrangères, des tissus pour couvrir
la mer. le soleil assis sur l'horizon
fait claquer ses émeraudes.
Ici,
c'est long.
Ici l'on s'ennuie.
Peut importe qu'octobre s'étire et se brise les hanches. On y écrira a la plume incurvée les formules revigorantes comme les cris de langes
aveugles. Et tout le langage a roulé et s'est écrasé dans la
bouche. pleine de fruits murs, mâchés,
les dents broyèrent leur peau tendre pour en faire sortir un son. Ici c'est long. Ici l'on
s'ennuie. Les pas du chameau nous bercent. La nuit maquille chaque oeil et la faune s'y accorde. Allons. Allons marcher dans la nuit à la
bouche édenté. Ici c'est
long.
Les voiles dégrafés du burnous sont une permission aux liqueurs. J'hèle un sabre dans la rue bondée. Le muezzin s'exclame à son tour. Par ses habits de longueurs on appelle la ville la bruyante. Deux cernes la disposent aux pas de ceux que j'écoute. Ma semelle est plus dure, ma jambe s'allonge avec le désir, et toutes les lettres sont comme chiques de tabac. Noires et fraiches encore elles ont de ce qui vieilli bien le parfum de vanille.
Tout le chagrin vient des lettres.
Il est midi. Je peste contre le taximen qui ne vient pas. Il chauffe, dans les corps aux odeurs.

[midnightrambler]

Bonsoir,

I am a poor lonesome ... la solitude du premier commentateur ...

Amicalement,
Midnightrambler

[Invité]

Une belle prose poétique qui nous retranscrit de très belle manière l'ennui, la chaleur du désert.

J'aimerais savoir, un de ces quatre, comment tu t'y prendrais pour des textes plus longs et plus construits. Mais peut-être ne l'as-tu jamais envisagé ?

[elea]

Les retours à la ligne sont tous fait exprès ? J’ai trouvé la mise en forme étrange, elle hache la lecture et pas toujours de manière heureuse pour moi. Idem pour la ponctuation.
En faisant abstraction de ça, je me suis laissée bercer par les images, la langueur, la chaleur et la poésie qui en émane.

[Aire__Azul]

Bonjour,

J'ai été déroutée par cette lecture dont j'ai pourtant savouré de belles images, par-ci, par-là, comme les maquillages et les parfums. Le passage d'un temps à un autre a pourtant freiné ma lecture, m'a fait relire ce texte duquel j'avais de mal à suivre les lignes.
Merci cependant pour ces belles images.

[Invité]

Des images me demeurent impossibles à appréhender mais dans l'ensemble j'ai apprécié ce voyage. Moins les ruptures de phrases qui à mon avis vont à l'encontre de cette sensation d'ennui qui s'étire et que tu essaies de faire passer...

[Calvin]

Sur les bords du chott. C'était la saison où les doigts calleux épluchaient les dattes une par une et les faisaient éclore, contre la paume rugueuse. Derrière les breloques clignotaient au rythme bédouin. Et les collines maquillaient de reflets leur bouches brûlantes. Sur les bords du chott, les voyageurs passaient leurs amphores contenant les liqueurs pour un soir, des pluies apportées par les semelles étrangères, des dattes, et des étoffes pour couvrir le ciel.
Sur les pelouses les bris d'étoiles avaient tout calciné et leur métal de fusion couvrirent les arbres d'un bleu Israël. Le muezzin avait chanté.


Chaque heure que l’on veille, la nuit, semble préparer l’éclosion d’un poème au point du jour comme le langage que l’on chique dans la bouche avant d'écrire. A mesure que l’aube approche les strophes, qui ne faisaient que filer comme l’eau d’un ruisseau, se condensent en glaise jusqu’à l’eau d’une voix.

La nuit tout est un théâtre, tout devient lent et noble, mesuré. Chaque geste on le dirait prévu infiniment. Tout se répond. Il y a des mailles. Les silhouettes veulent se confondre avec les arbres, le vent un acteur comme un autre.

Dans la solitude le geste est toujours pour soi seul, il est toujours théâtre. Le théâtre aussi aboli le regard de l'autre, qu'il visse au statut d'œil omniscient et imaginaire. Le geste, dans la solitude, a le parfum lourd et capiteux de l'opium, l'insistance des couleurs nauséeuses. Ici. C'est l'une de ces nuits que l'on dit orientale. L'orient est le geste dont la fin ne peut être calculée, parce que chantée sans cesse, et sans cesse, chantée, elle s'incarne en chaque seconde que l'on fait et s'oublie. La solitude est le théâtre oriental du geste.
C'est un désert habité, traversé de corps aux odeurs.

Et tout le langage a roulé et s'est écrasé dans la bouche. La faune s'accorde a mon archet : "lalala, lalala"
Eh végétation luxuriante.



Ici je décris ce long désert aux mains bordées de caravanes et de chameaux de bédouins aux pas famélique dont les rides sur le sable sont des souvenirs visages visages qu'on égrène vous n'êtes pas tout à fait la tristesse pas tout à fait l'attente ce n'est pas tout à fait l'ennui et encore moins la misère on a tiré sur les étoiles cependant qu'elles sortaient du sein de notre propre berceau et les mères en nous se sont réveillées et elles ont malaxé la terre pour y sculpter nos enfants oh marchez engeance de glaise marchez de vos pas vengeurs avec le silence des révolutions venez dans les coeurs prendre ce qui doit être pris. "Ma parole est de l'or et je suis prodigue" Venez goûter à la générosité de nos ennemis et huons le ciel crachons sur ce qu'on nous offre et les mères en nous ont des mains de vengeuses elles ont récité les strophes du premier feu Prométhée était de ma race de celle aux doigts de marbre puisqu'elles apportent le froid a tout ce que l'on touche nous sommes nous sommes des artisans nous sommes des sculpteurs nous sommes des peintres et nous vénérons l'oiseau qui tire la terre notre travail est modeste mais notre gravité, lunaire et les mères en nous se sont réveillées Elles ont gravé aux idoles le pain et le sel Elles ont injurié la mer comme une offense sur le ciel Parce qu'on ne supportait plus cet odieux reflet mais moi j'aime quand il pleut
j'aime ci j'aime ça
j'aime bien être amoureux
et si ça ne vous plait pas je vous emmerde.

[bertrand-môgendre]

Quelques petites remarques :
... était la saison où les doigts calleux épluchaient les dattes une par une et les faisaient éclore, contre la paume rugueuse... Étant porté sur l'esthétisme des mains, la paume me semble plutôt calleuse et les doigts rugueux.
... Derrière, les breloques clignotaient au rythme bédouin.
... des dattes, et des étoffes pour couvrir le ciel.
Sur les pelouses les bris d'étoiles avaient tout calciné et leur métal de fusion couvrirent les arbres d'un bleu Israël.
Beaucoup d'autres répétitions. La chute ne me plaît pas, je suis bien "emmerdé".

[Invité]

Comme disait Brel, ça fait du bien d'être amoureux. C'est le privilège des amoureux d'emmerder le monde et ils ont bien raison.

[milo]

Je sors de ma lecture avec une impression de beau. C'est très étrange comme sensation, et difficile à décrire...
Quoi qu'il en soit, je trouve que ton texte est riche.

[milo]

Je préfère nettement le premier texte au second. ( mais ça reste un avis très personnel )

[Invité]

Salut Mingus.
ça faisait longtemps que je ne t'avais pas lu.
j'ai été infidèle et volage ces derniers temps.
C'est spécial ton truc à toi : je me le dis à chaque fois.

Pidgim d'amours tremblantes comme la lumière transpirée de bas en haut par le chott.

Une petite question : pourquoi 1970 ?

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