Le Lac St-Jacques

[Ratz19]

Après le travail, je prenais mes tranches de pains de leur sac et j’allais au lac St-Jacques. Je m’assoyais sur un banc et je regardais le bleu. Je lui lançais des miettes et les canards approchaient. Les becs en nez de fouine, Martine apparaissait. Puis, Jean-Marc, Lucie et Jacob. Les petits apparaissaient quelques fois, mais pas ce matin, ce sera pour une autre fois.

Et sans plus, plus une tranche, j’attendais. Une main sur l’autre, je regardais les canards partir, un par un, vers d’autres visiteurs.

Et sans plus, plus une tranche, je repartais à la maison. Un pied devant l’autre, et l’un derrière naturellement, jusqu’au pied de ma porte et jusqu’à celui de mon lit.

Avant le travail, je m’achetais du pain.

Et je pensais à Martine qui surgissait. Comment allait Jean-Marc. Je crois que Lucie l’aime bien, même si Jacob aime Lucie. Et les petits à Martine. Je laisse des soupirs rêveurs. Les canards…

Après le travail, je prenais mes tranches de pains et Paul m’interpellait, mais je l’ignorais. Et je repartais pour le lac St-Jacques.

Un pas devant l’autre, le pied de mon lit que j’appelais Romain. Car je ne connaissais personne de ce nom et car j’aimais à dire que je dormais auprès de lui.

Le pain, le travail, Paul, les canards. Les pieds. Romain et Suzie l’allumette qui enflammait Benoit la bougie. Je me lavais aux bras d’Océane dans la cabine de Maxim, me frottait la peau de la douceur de Rose. Et je mangeais aux mains des assiettes. Jean-Patrick la soucoupe, Fragilité la cuillère. Jean-Pierre à soupe et Suzette à thé.

Paul m’interpellait, mais je l’ignorais. Une main sur l’autre, Frank et Françoise, j’attendais. Coco devant Coquette. Au pied de ma porte. Et Suzie l’allumait. Je les regardais se bécoter. Tout comme Frank et Françoise. Au berceau de leurs creux et au coin-coin de mon lit. Paul m’interpellait, mais je l’ignorais. J’attendais le silence.

Le reste, ça’m fatigue.

[Intemporelle]

Étrange, mais intrigant aussi, je reste assez partagée entre une réaction où je ne vois pas trop où tu veux en venir, et une autre où je trouve cela génial cette manière de raconter l'absurdité d'une existence.

[Invité]

Drôle de petit texte sans repères, drôle de narrateur, solitaire, distant, mais qui sait induire une complicité avec le lecteur. J'aime bien. J'aime ne pas vraiment savoir. Et j'aime être congédiée par cette dernière phrase.

[Invité]

Y'a de l'idée. T'as beaucoup d'intelligence et de sensibilité et t'as pas peur de te lancer dans des machins trapus : t'as raison. Tant pis si ça se broute un peu. Qui ne tente rien n'a rien.
Comme souvent avec toi, je trouve que la tentative valait le déplacement.
Continue, t'es bon.
C'est des brouillons pleins de promesses tout ça.

[Rebecca]

"Le pain, le travail, Paul, les canards. Les pieds. Romain et Suzie l’allumette qui enflammait Benoit la bougie. Je me lavais aux bras d’Océane dans la cabine de Maxim, me frottait la peau de la douceur de Rose. Et je mangeais aux mains des assiettes."
J'adore cet univers insensé, drôle et mélancolique, j'aimerai avoir l'ingénuité et le talent d'écrire comme ça.

[Invité]

Peupler ainsi la solitude.... quelle idée de lutin !

[Vigdys Swamp]

Cela mériterait d'être développé car, tel quel, on voit bien que tu tiens une idée, mais on s'aperçoit aussi très vite que tu la déclines à loisir sans trop savoir quoi en faire ni où tu veux en venir.
Donner un nom aux objets afin de lutter contre la solitude, ok. Pas de quoi baptiser l'ensemble du mobilier et du contenu des tiroirs. Par contre, on aimerait en savoir plus sur le personnage. Comment en est-il arrivé là, quelle est sa routine ?
Est-il ou non, complètement taré ?
Moi, ça m'intéresse.

[Invité]

ok avec la théorie du canard, que j'ai exposée en son temps dans une ratatouille de nouvelle.
Je t'encourage aussi pour continuer cette ébauche, que l'originalité soutienne un peu plus de fond.

[elea]

Gracieux, léger, ces petits noms donnés au quotidien pour se créer une bande d’amis, personnaliser les choses pour contrer la solitude. Avec ton style, ton invention et ta poésie. J’aime beaucoup mais c’est un peu court.

[midnightrambler]

Bonsoir,

D'habitude, ce sont les vieilles dames un peu perdues qui lancent des morceaux de pain aux canards ou aux pigeons ...
J'ai souri en lisant et j'ai souhaité que votre texte ne soit pas trop long !

Amicalement,
Midnightrambler

[Lizzie]

Ah, j’aime beaucoup. D’abord, je n’ai pas compris (oui, je sais…), et puis ensuite, hop, et là… On devine tout un univers décalé, et ça j’aime. La dernière phrase fait frémir, parce que tu passes d’un registre léger à la profondeur de la lassitude, de la solitude avouée. Enfin, c’est comme ça que je l’ai lue, du moins. Chouette lecture.

[ombre77]

Hou là ! Un petit texte, une petite claque. Mais bien frappée, celle à laquelle tu ne t'attends vraiment pas tant l'univers parait innocent au premier abord. Je dois être un peu maso mais j'en redemanderais !

[Aoshi]

Petit texte sympathique. Comme l'ont dit les autres, dommage que tu n'aies pas développé effectivement.
L'idée est bonne, ça donne quelques phrases intéressantes et poétiques mais ça ne m'a pas vraiment transcendé.
Il faudrait plus mêler l'absurde à l'émotion.

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