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Message  Yugoski Lun 7 Fév 2011 - 13:57

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Vitrines, rampe de néons rouges, rideaux rouges, chaleur des cafés, odeur de fumés. Rue étroite, brique rouges et anciennes, dessins colorés. Œuvre d'art contemporaine, corps exhibés et frétillants. Les clients se croisent sans se voir, s'ignorent peut-être et le gris du ciel se substitue à celui des chats, vagabondant au hasard de gigantesques monts d'ordures. Un rideau s'ouvre, une jeune femme à la peau pâle, étoile tatouée autour du nombril, ondule. Ses hanches, fines et gracieuses, s'agitent de gauche à droite, de haut en bas. Elle ne porte qu'un string, assez léger et passe langoureusement ses mains sur sa poitrine, à défaut de posséder un soutien-gorge. Comment en es-tu arrivés là ?

Sitôt un homme trapu, vêtu d'un duffle-coat et d'un bonnet noir, s'approche de la vitrine. Formation de buée. La fille ne perd pas son sourire, au contraire : Il redouble d'intensité et le type au bonnet colle ses deux mains contre la barricade en verre, tente de suivre les mouvements vertigineux d'un corps sans défaut, sans trace de vie. Un signe de la main, qui veut dire « vient », et le type au bonnet s'enfonce dans un couloir étroit qui mène à une porte, couverte d'inscriptions et de dessins en tout genre. Quatre chats y ont été peint, il y a probablement plus de dix ans. Leur couleur oscille entre le violet et le pourpre, sur un fond vert. Ils me matent. Le rideau se ferme, laissant les autres à leurs fantasmes les plus élaborés. Un peu plus loin un mec qui porte une veste de costume et une cravate rouge sur chemise blanche tire une femme par le bras, l'oblige à l'accompagner dans une ruelle. Elle se débat, crie, mais personne ne semble l'écouter. Ils disparaissent tous les deux et je pense ne jamais les revoir. Dix minutes s'écoulent et le type au bonnet ne porte plus son bonnet, il a dû l'oublier. Le rideau s'ouvre encore, dévoilant le théâtre des besoins animaux et primaire, scène d'une perversité assumée. Pas de détour, pas de camouflage : Ici tout est vrai. Tout ce que le monde offre en matière d'image et tous ces désirs volontairement inculqué à la masse sont réalisable ici, dans le Red Light District. Rive gauche et rive droite, sexe, argent et drogues en tout genre. Urinoir à l'air libre, la fille me fait signe. Elle est une Chose mentale, elle donne à réfléchir. Au spectateur de faire sa propre dissertation. Son corps teinté par les néons me donne le tournis, picotement sous le nombril. D'un pas hésitant, j'emprunte le chemin emprunté un quart d'heure plutôt par le type au bonnet.

Chaleur atroce, froid paralysant, une odeur de foutre mêlée à celle d'un désinfectant bon marché flotte dans une atmosphère étouffante. La pièce est sombre, glaciale et brûlante, le carrelage est blanc, les murs sont blancs. Une armoire, une table de chevet. Elle me propose une cigarette, j'accepte en refusant. Je voudrais lui parler, lui demander ce qu'elle fout ici, connaître sa vision du monde mais d'un autre côté je m'en tape et je pense qu'elle aussi. Elle retire son bas, attrape une capote dans une boîte qui en regorge. Effrayé, je me colle contre un mur, un mur mou dans lequel je devrais m'enfoncer mais il n'en est rien : Le désir survient, imprévisible, incontrôlable. « Comment tu t'appelles ? »

Elle ne répond pas et se contente de me montrer son matelas, posé directement sur le sol. Elle n'a pas de prénom. Elle ne s'appelle pas. Elle vit sans « être » réellement. On l'a transformé en machine et quand je touche son corps, je le sens vide, désincarné. Il n'est pas doux, ni dru. Pas ferme, ni mou : Je palpe un emballage. Pas besoin de caddy dans ce supermarché. On perçoit l'industrie de consommation à son meilleur, là ou les vitrines défient les églises, payante elles aussi. Aucun monochrome de Malevitch ne peut retranscrire cette sensation de vie intense, celle qui émane aussi des grandes surfaces, des casinos et de la Maison-Blanche.

Je quitte l'endroit, comme tant autres. Je ne serais certainement pas le dernier, il est encore tôt. Elle doit être Morte, vivre dans un autre endroit, plus rassurant que cette chambre lugubre et poussiéreuse. Une espèce de file d'attente s'est formée. Les types ne font pas la queue, mais c'est tout comme. La fille sans nom danse encore, les néons l'embellissent. Elle sourie et cela me fait rire : Comme elle, j'ai renoncé à mon humanité.

Amsterdam, le 05/02/11

Yugoski

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Message  Intemporelle Lun 7 Fév 2011 - 21:53

Intéressant. Un petit regret pour les phrases en italique, on ne comprend pas trop leur utilité, puisque l'usage en est rapidement interrompu, et du coup je ne vois pas trop ce que tu voulais signifier avec. Pourtant l'effet produit au départ n'était pas mal, il y avait un contraste à exploiter entre cette description presque journalistique, parfois satirique, et cette brusque incursion de phrases en italiques qui marquent par leur caractère intimement personnel en comparaison ; par le "tu" qui surgit dans la première question, et dans la plainte à peine suggérée que l'on perçoit dans l'autre phrase en italique, plainte d'une intimité qui ne s'appartient plus. Je pense que ça aurait pu être mieux exploité, au moins jusqu'au moment où le narrateur lui-même prend part véritablement à l'action et où là, un tel contraste n'est plus utile puisque précisément le regard distancié n'existe plus.
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Message  Invité Lun 7 Fév 2011 - 23:12

J'ai bien apprécié. Surtout la seconde partie du texte, la première ça se cherche un peu, à mon avis. Mais après, tu arrives très bien à retranscrire cette impression de vide, je trouve. Jusqu'aux limites du dégoût.

J'ai remarqué que tu ne décris que son nombril, à la meuf, jamais son visage. Et tu as raison, elle ne s'appelle pas, et elle n'a pas de gueule. Bref, un très bon texte, selon moi.

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Message  Invité Mar 8 Fév 2011 - 8:22

J'ai compris ça :
Ici tout est vrai : Au Bonheur des Hommes !
"Pas de détour, pas de camouflage : Ici tout est vrai."
Je crois avoir compris ça :
"Elle me propose une cigarette, j'accepte en refusant."
Mais je trouve ça trop elliptique.
A mon avis ça hésite entre trois parti pris :
- regarder les vitrines de l'extérieur comme un enfant pauvre regarde une vitrine de Noël dans Dickens
- se plonger dans la turpitude et nous emmener dans la tête d'un client (c'est le trip de Brad Easton Ellis, tu connais ?)
- porter un regard accusateur de moraliste, rester quelqu'un de bien.
Tu hésites. Un axe unique serait le bienvenu.
Sinon, la torpeur de l'ensemble est très bien rendue.
D'accord avec Vincent : le nombril. C'est un bon style que tu tiens là.

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Message  Yugoski Mar 8 Fév 2011 - 9:15

Vos commentaires sont vraiment instructifs, j'ai l'impression de découvrir ce que j'ai voulu faire avec cette nouvelle.

Narbah, tu as parfaitement cerné mon délire, le truc des trois axes, même s'il est un gros résumé, est plus ou moins vrai, mais je pense que ces trois concepts font jaillir celui (plus crucial et plus généraliste) d'une violente hésitation face à l'immoralité qui tend les bras au narrateur. regarde "Le Cri" d'Edvard Munch, c'est une bonne toile.

se plonger dans la turpitude et nous emmener dans la tête d'un client (c'est le trip de Brad Easton Ellis, tu connais ?)

Bret Easton Ellis ? mon auteur préféré, j'ai tout lu de lui :-)

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Message  Yugoski Mar 8 Fév 2011 - 9:19

Intemporelle : Ouais c'est vrai, j'suis d'accord pour les phrases en italique c'est très subjectif en fait. J'ai voulu appuyer sur ses phrases pour les faire ressortir, surement pour donner un effet quelconque, et c'est raté. Les seules qui marchent à mon avis sont "Comment en es-tu arrivés là" et "ils me matent" . Mais j'avoue que dans l'ensemble ça fait précieux, voire pédant. Merci pour ta petite analyse.

Vincent : Merci pour tout.

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Message  Invité Mar 8 Fév 2011 - 9:56

Yugoski a écrit:Vos commentaires sont vraiment instructifs (…) d'une violente hésitation face à l'immoralité qui tend les bras au narrateur. regarde "Le Cri" d'Edvard Munch, c'est une bonne toile.
Bon, il serait peut-être — étant donné que la discussion devient chaude et que les échanges gagneraient à se développer un peu — et que tu risques de te faire taper sur les doigts par le service d'ordre de Vos Écrits qui à besoin de faire respecter la discipline dans les rangs sous peine de voir son forum se transformer en champs de bataille sanguinolent (les Sanguino Lents des Violents —pardon, j'ai pas pu m'empêcher), si tu veux continuer à discuter avec moi, faisons-le en privé.
Alors je réponds quand même ici car ça à me semble-t-il un intérêt pour ceux qui suivent cette conversation (ouh, ouh, il y a quelqu'un ?). Cette citation du Cri de Munch est typique de ta manie du raccourcit. Tu penses voir dans ce tableau un rapport avec les trois axes entre lesquels je t'accuse d'hésiter. Soit, je peux comprendre que l'expressionnisme de la toile te fasse penser à l'horreur libidineuse que tu éprouves face à une vitrine "à Anvers ou ailleurs" (citation de Brel), cependant, permets moi de te faire remarquer que ça n'a aucun rapport : le cri est l'expression d'un enfermement paroxistique. C'est l'opposition du silence de l'image (muette par définition) et de la représentation d'un son que l'on entend pas qui génère un tel sentiment d'angoisse.

Le corps nu de la pute est soit derrière une vitre, comme le cri, mais la comparaison s'arrête là selon moi.

Il n'y a aucune ambiguïté dans le Cri. L'axe est clair et unique : c'est la souffrance, l'enfermement psychique qui veut sortir et qui n'y parvient pas. C'est un hurlement silencieux.
Il n'y a aucune morale, aucune immoralité, aucun autre regard sur cette souffrance que le notre. On en oublie qu'il y a eu un peintre pour le peindre.
Je crois personnellement qu'il n'a pas peint ça : il l'a crié. C'est en cela que c'est l'emblème plus que parfait de l'expressionnisme non ?
Excuse-moi, mais tu ne te mouche pas du coude pour penser t'appuyer sur le cri pour justifier tes approximations (rire : je sais que tu as de l'humour).

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Message  Yugoski Mar 8 Fév 2011 - 10:05

merci narbah. J'ai assez longuement étudié cette foutue toile (philo des arts, des heures de supplice...) pour avoir mon propre avis dessus. Enfin bon, c'est bien d'avoir le tiens aussi hein, c'est très enrichissant de découvrir d'autre vision ! Au fond J'ai donné cette référence pour illustrer mon texte, tout simplement parce qu'il m'inspire en ce moment, et c'est très subjectif. C'est pareil pour le texte sur Dawson et sur pas mal d'autres que je ponds en ce moment. Oui, pourquoi pas discuter en privé mais je risque de passer pour un con en avouant ne pas savoir comment faire D. Y'a une fonction particulière sur ce forum ? ou par msn ?

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Message  Invité Mar 8 Fév 2011 - 11:32

Sous mon image il y a un bouton "mail" qui fonctionne. J'ai ce privilège !
Je crois que c'est parce que je suis très bavard et que la modération préfère me voir discuter hors de VE (rire) !
Sinon, il y a aussi "www" et c'est mon blog par lequel tu peux me joindre.
A bientôt.

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Message  Invité Mar 8 Fév 2011 - 20:41

On voit bien les 3 influences, Marguerite Duras, Alexandre Dumas, mais alors vraiment, celle de Mireille Dumas.
La semaine prochaine, le cubisme dans la sexualité des nains à Djibouti.

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Message  Invité Mar 8 Fév 2011 - 20:53

pandaworks a écrit:On voit bien les 3 influences, Marguerite Duras, Alexandre Dumas, mais alors vraiment, celle de Mireille Dumas.
La semaine prochaine, le cubisme dans la sexualité des nains à Djibouti.

Toi aussi tu as remarqué qu'il est porté sur la sexualité avec les nains de jardin ?

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