Non-lieu

[milo]

L'air avait le goût de la chique ; la vie, celui des décors calcaires mâchés et remâchés par le temps. L'empreinte du vent.
C'était des paysages durs.

La vigne, partout, enracinées jusque sous les ongles, parlaient aux Hommes de le la terre, parlaient à mes mains de la boue. Et la rosée, que toute une vie j'avais voulu taire, se posait là par à-coups
sur ma cornée par clignements.
J'étais à l'endroit même, rouge-sang, où le schiste se mêle au blanc des yeux.

J'étais chez moi, je m'en souviens

Il y avait des montagnes, des arbres, des cailloux.

[Marvejols]

Un claquement, un éclair de paysage et de vie d'un homme. C'est bref, ça claque mais en même temps ça dure. Intense brièveté...
....Du côté de Cabrerolles?

Cela me rappelle un petit texte que j'avais commis en présentant un livre d'archéologie:

" Ouvrez donc ce volume de Soumaltre, au nom ininventable:
vous y verrez qu’il a un peu de la lumière des
vignes orangées qui grimpent les coteaux d’Aspiran. Vous
y entendrez de ces paysans «romains» grommeler contre
ces sauces ibériques fortement poissonnées, livrées en
amphores et qu’on sert à l’auberge. Vous percevrez sans
doute l’écho du maître qui ordonne en son domaine. Vous
y verrez peut-être le troupeau de brebis descendu des
croupes lie-de-vin du Lodèvois, s’abreuver et bêler à la
fontaine de Soumaltre. Il jette un regard habitué et nonchalant
au charroi qui porte vers Narbonne ces céramiques
écarlates venues de Millau. Par cette fenêtre de mémoire
vous entreverrez sûrement l’humble cortège funéraire
s’immobiliser non loin du bûcher et enterrer, avec pour
offrande une aile de poule et un pain, les cendres d’un
familier mort trop jeune. Vous vous tournerez alors négligemment
vers le fleuve Hérault où glisse un train de bois
noir. Il vient des portes de la Gaule, de ces causses bientôt
pelés par la fabrique de poix maritime et militaire, par la
charpenterie aussi. À cet instant, vous vous laisserez
surprendre par un léger parfum de garrigue chaude. De
celui qui s’échappe quand sous le pas on écrase le thym,
et quand le cade vaporise sous midi. "

[Invité]

L'universel et l'intime. C'est Milo, économe des mots mais pas des émotions.

[Invité]

Tu me fais toujours un effet fulgurant, Milo...

[Arielle]

L'envers du bavardage : Tout un paysage enfermé dans une larme. Chacun y est chez soi.

[Polixène]

La vigne, partout, enracinées jusque sous les ongles

J'étais à l'endroit même, rouge-sang, où le schiste se mêle au blanc des yeux.

Que dire, quand l'émotion naît de quelques mots, de quelques pierres blanchies?
Même si les singuliers et les pluriels m'ont semblé étranges, je suis conquise, et pas seulement parce que mes os sont de calcaire...

[loic]

Milo merci pour cette lecture

cette veine "métamorphique" est rare, comme ces couches de sédiments où naquit le charbon

[Invité]

Une bien belle façon de clore février.

[zenobi]

J'imagine que ce sont LES vignes.
Il manque des points, de ci, de là.
Je n'ai pas accroché.

[Jano]

J'aurais beaucoup aimé si la métaphore de la rosée ne me laissait perplexe. Je ne la comprends pas. J'ai beau retourné le poème dans tous les sens, rien à faire, ce passage m'est hermétique.

[Maryse]

Touchant.
J'ai vraiment bien aimé.

[mitsouko]

on ne s'attarde pas sur les images...........elles cavalent et nous percutent de plein fouet
un roulement tellurique et la beauté sauvage

j'aime la force de ce texte



ah au fait , moi aussi pour la rosée........je sèche !!!!!!

[Invité]

Bien aimé aussi.
Pour moi, la rosée qui vient par à-coups sur la cornée,c'est les larmes aux yeux qu'il avait toujours refoulées. Là,l'émotion est trop forte...

[Invité]

Ah oui, grande classe !

[Loreena Ruin]

Un texte que j'ai lu depuis longtemps, mais je n'avais rien de plus à dire que : magnifique. Et encore plus émouvant à chaque relecture. Très beau.

[Invité]

Pareil. C'est pour ça que je ne l'avais pas d'abord pas commenté !

[Polixène]

Pour ceux qui l'auraient loupé...
J'aime vraiment ce texte, avec sa sincérité, sa pudeur, son évidence.
Milo, tu donnes la parole au silence.

[Yoni Wolf]

Le talent

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