Transmettre

[Arielle]

Sous le pas léger d'un marmot
semer des mots
jeter les graines

Lui ayant passé le flambeau
soulever un coin du rideau et pousser l'enfant sur la scène
des bouts de phrases plein ses poches
à chaque doigt une comptine
et des grappes de doubles croches
se balançant à ses oreilles

Parmi des riens
germent les grains
avec ces riens poudrés de rires
confiant
miser sur l'avenir
et la naissance du poème

Dans le pas léger d'un marmot
entendre le printemps fleurir

[Carmen P.]

J'ai longtemps cotoyé le monde de l'enfance, je le retrouve bien dans tes mots.
Auprès de l'enfance on ne triche pas et tout (re)devient émerveillement.

[CROISIC]

J'espère Arielle que jamais tu ne te lasseras de "m'entendre" t'écrire que j'aime - qu'il est petit ce verbe - lire et relire tes poèmes.
Tu mets de si belles images sur les instants magiques que je partage avec ma belle Apolline (bientôt 3 ans), qui, comme le dit si bien Carmen P. redonne du merveilleux à mon quotidien.

[Loreena Ruin]

J'ai été moins réceptive à ce poème qu'aux précédents... peut-être y a t-il ici une vision très maternelle, un peu idéalisée, du marmot, comme personnification du renouveau et de la transmission, du poème aussi, qui est offert au monde comme un nourrisson. Au même titre qu'on attend souvent beaucoup, et peut-être trop des enfants, je crois qu'il ne faut pas mettre trop d'espoir dans ses créations, au risque d'être déçu : mieux vaut leur laisser faire leur chemin et se laisser surprendre...

Lui ayant passé le flambeau
soulever un coin du rideau et pousser l'enfant sur la scène

ceci m'a renvoyé à ma propre enfance et à ma terreur lors des spectacles de théâtre ou de danse avant de monter sur la scène, lorsque ma mère me poussait à y aller alors que je n'en avais pas envie ; ainsi qu'à cette fierté mal placée des adultes, qui voient dans leurs enfants la possibilité de réaliser ce qu'ils n'ont pas fait étant jeunes, ou de continuer ce qu'ils ont commencé (très égoïste je trouve) ! Moi je dis : vive l'adolescence et la révolte !

Bref, beaucoup de bonheur, d'espoir, de tendresse, dans ces vers, mais le tout est trop rose bonbon à mon goût.

[Rebecca]

Il s'agit de la scène de la vie Loreena je pense...
Offrir à un enfant ce qu'on peut lui offrir de doux de joli et d'harmonieux, pour qu'il aie un petit "capital bonheur" à développer..."miser sur l'avenir" c'est avoir confiance en lui pour être capable de se créer sa vie comme on crée un poème.
Joli , Arielle!

[Loreena Ruin]

Il s'agit de la scène de la vie Loreena je pense...

j'avais bien compris, justement !

[Invité]

Je ne sais pas ce que tu as reçu comme grains de mots pour semer si joliment ...

[François T]

C'est la chanson douce qur me chantait ma maman . J'aime cette façon euphonique de définir la mission des grands parents .

[Invité]

Ouf ! La relève est assurée ;-)
Comme c'est joliment dit - ne serait-ce cette répétition, volontaire sûrement mais trop criante à mon goût :
Parmi des riens
germent les grains
avec ces riens poudrés de rires

[loic]

Arielle, nous sommes une sorte d'antithèse
a toi le léger, l'élégant, le souriant

une douceur de lecture en quelque sorte...

[Arielle]

Merci aux braves jardinier(e)s qui ont tendu la main vers mes petits paquets de graines… Je trouve particulièrement intéressante ta lecture Loreena Ruin qui me fait découvrir ce poème sous un tout autre aspect que celui que je voulais lui donner et cela me réjouit, la polysémie étant pour moi un des atouts majeurs de la poésie.

Contrairement à ce qu'il pourrait laisser croire ce texte m'a plus été inspiré par la nostalgie et le goût du passé qu'il n'est tourné vers l'avenir. J'y cultive les souvenirs de mon métier d'éducatrice (EJE) qu'on nommait tellement plus joliment autrefois "jardinière d'enfants" – d'où cette histoire de graines et de semaison- Transmettre un héritage oral, donner le goût des mots qui conduit à celui de la lecture me semble un des rôles essentiels que j'avais alors à jouer auprès des enfants qui m'étaient confiés.

Pour moi, chaque enfant est un poème en cours d'écriture (et je ne suis pas de ceux qui s'en tiennent au premier jet …) il y en a de plus ou moins réussis, de plus ou moins bancroches… les doigts sur le clavier, on fait ce qu'on peut, humblement, en faisant confiance à l'avenir, à l'enfant qui a en lui tant de ressources en voie d' éclore, tant à nous donner en retour.

J'arrive à l'âge de la retraite et la porte du jardin enchanté se referme définitivement devant moi, sans doute avais-je besoin de mettre en mots une certaine mélancolie mais j'aime bien aussi ta version Loreena Ruin : "Le poème offert au monde comme un nourrisson" c'est pas faux, y'a qu'à voir comme on le défend son petit !

[Ba]

Joli travail que de " pousser " l'enfant sur la scène avec des mots plein les mots...:-)

[Invité]

"Chaque enfant est un poème en cours d'écriture" jolie réflexion.
En te lisant, j'ai pensé à d'autres poètes s'étant penché sur ce sujet: Ferrat dans "Comprendre" très beau texte sur la transmission inter générationnelle,
et Anne Sylvestre dans "Les gens qui doutent" parlant de "ceux qui veulent bien n'être qu'une simple fenêtre pour les yeux des enfants." Permettre à ses enfants et petits-enfants de voir mais pas n'importe quoi n'importe comment..."à travers soi".
Servir de philtre, en somme, pour leur transmettre le meilleur. Beau programme.

[jfmoods]

Cela fait un certain temps que je me penche sur l'écriture d'Arielle. Cela fait un certain temps que je me demande ce qui la caractérise véritablement. J'avoue que je ne trouve rien de précis à formuler pour exprimer mon ressenti sur ses textes... sinon de dire qu'ils coulent de source. C'est une coulée qui va de soi, qui présente les apparences extérieures de la facilité, d'une facilité déconcertante, mais qui exige, très probablement, un fort polissage pour atteindre cette transparence.

Ainsi, ce poème qui s'égrène doucement, sans anicroche. Comme ce glissement, subreptice, délicat, qui met en perspective le chemin parcouru entre le début et la fin ("Sous le pas léger", "Dans le pas léger") sous l'égide des champs lexicaux de la germination ("semer", "graines", "germent", "grains", "naissance", "printemps", "fleurir"), de l'abondance ("plein les poches", "à chaque doigt", "grappes", "doubles croches") et de la présentation de soi au monde ("rideau", "scène",  "bouts de phrases", "poème"). La gradation ("des riens", "ces riens poudrés de rires") appuie sur l'image de la détente, de la décontraction nécessaire à la maturation de l'enfant. La forme infinitive, qui jalonne le poème (s'élargissant au titre lui-même), présente le propos comme une consigne à suivre, permettant au lecteur adulte de se projeter, de s'identifier avec plus de force à la situation décrite.

Merci pour ce partage !

[isa]

J'ai lu une première fois, lentement, ce poème dans ma tête et je n'ai pas pu m'empêcher de le lire une seconde fois à voix haute pour ralentir le débit et mieux le savourer.
Que du bon pour moi ici: la musicalité du texte bien présente sans être répétitive, le lexique imagé, la douceur qui se dégage...
Bref, merci!

[So-Back]

la transmission, quel plus bel héritage

[JI]

Dans ces vers, j'y retrouve douceur et fluidité.
Tout va de soi.
Je l'imagine sans problème ce marmot, paré de ses comptines, marchant sur les graines...

De belles images, un bel écrit.

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