Double

[Loreena Ruin]

Laisser glisser le soleil
sur nos doigts enlacés

Le vent nous traverse —

Crier la joie d’être deux

— Les feuilles blanches de nos vies —

Refouler le temps

et échapper
enfin
à

l’indicible

(Être soi)

Parce que
Nous

Juste parce que

Nous
sommes


vivants.

[Invité]

Ah que j'aime !!!
Si simple et si fort !

Et dans un tout autre ordre d'idées :

Spoiler:

[Invité]

C'est drôle comme sur un sujet somme toute assez commun, tu évites l'écueil des expressions toutes faites ou rebattues. J'aime particulièrement ceci, le double sens :
— Les feuilles blanches de nos vies —

J'aime aussi ce que j'interprète comme la voix off en italiques, ces pensées à part soi, ces observations de l'intérieur.
En plus, je trouve que les espaces, les sauts de lignes sont parfaitement significatifs ici, ils laissent respirer le texte ou plutôt lui impriment une lenteur, une respiration qui contribue à l'impression de douce sérénité qui se dégage de tout le texte.

[loic]

loreena, tu es pleine de jeunesse, à te lire ça se sent.

[Invité]

Toujours cette symbiose, cette communion avec la nature, et cette célébration de la vie, du fait d'être, au mépris de tout ce qui pourrait saper le moral (le temps qui passe, l'ineffable...)
Une poésie extrêmement ressérée, synthétique, de toute beauté ! J'ai adoré sans réserves.

[Polixène]

De l'extrait de joie!
Merci .

[Loreena Ruin]

Merci à tous pour vos commentaires !

@ Alex, j'ai toujours autant l'impression d'être comprise quand je te lis !

@ Easter, je suis heureuse qu'ici, tu trouves que la forme sert le fond. J'aime l'idée de pouvoir créer un rythme de lecture avec la disposition, à défaut de parvenir (peut-être ici ai-je réussi) à accentuer grâce à elle le sens des mots. Par ailleurs, l'italique est toujours plus ou moins une "voix off" dans mes textes, une voix de l'intérieur...

[Invité]

Tu me rassures : j'avais une fois de plus l'impression de m'être complètement égaré et d'avoir glosé à vide ! Je suis donc ravi d'avoir bien interprété.
:-)

[Artnow]

Si je peux me permettre et vu que la forme et le rythme sont centraux ici, j’ai trouvé qq désaccords, justement dans ce rythme et cet épurement d’expression, ici :

« — Les feuilles blanches de nos vies — »

pour les 2 tirets superflus (en trop) à mon avis

et ici :

« (Être soi) »

pour la parenthèse.

Sur cette courte expression, vous utilisez 4 signes ou types typo :

- 1 tiret
- 2 tirets
- 1 parenthèse
- italique

c’est trop pour générer parfaite fluidité

sinon l’ensemble est bien maitrisé et rythmé

[Loreena Ruin]

Je me permets de répondre immédiatement car mon texte est "en haut".

Merci Artnow de ce commentaire sincère et très constructif à mes yeux : si la parenthèse (Être soi) me semble indispensable dans l'idée de "mettre en parenthèse le questionnement sur soi, meme si ce questionnement demeure, comme un murmure de fond, une volonté sous-jacente", les tirets cadratins des "feuilles blanches de nos vies" peuvent être remis en cause, et je m'interrogeais sur leur pertinence. Si d'autres pouvaient me donner leur avis sur ce point... Merci donc de ton passage !

[denis_h]

quelque chose me gène :

"et échapper
enfin
à

l’indicible "

c'est quoi l'"indicible" ? l'angoisse ? la mort ? le temps ?

c'est un peu facile de dire l'"indicible", c'est comme l'infini, ça ne recouvre pas grand chose.

si on écrit "indicible", c'est qu'on rennonce à dire ce qu'on aurait voulu dire.

et puis bon, l'emploi du verbe "refouler" si connoté par la psychanalyse...

[denis_h]

et pourquoi vouloir à tout prix "échapper" à l'indicible ?

[Loreena Ruin]

c'est quoi l'"indicible" ? l'angoisse ? la mort ? le temps ?

un peu tout ça, toutes ces peurs qui nous traversent, que l'on voudrait combattre ou expliquer, mais qui sont finalement sans réponse. L'indicible, c'est aussi "soi" qu'il est si difficile de définir, d'exprimer... Pour moi, ça parle des limites du langage, y compris poétique.

Échapper à l'indicible, ne serait-ce qu'un instant, ce serait donc arrêter de réfléchir à tout ce qu'on voudrait dire sans y parvenir, arrêter d'angoisser, arrêter finalement de trop penser : c'est s'abandonner à l'instant agréable, en l'occurrence ici, la réconciliation entre le Je et le Tu. Je et le monde, Je et l'autre, Je et je, masculin/féminin.

Tu vas me dire, alors pourquoi pas "Fuir l'indicible" ? Tout simplement parce que fuir, ça traduit quelque part une peur, un refus d'accepter, alors qu'il n'y a pas de peur ici et que l'indicible demeure présent, qu'il est simplement mis de côté.

Je rappelle que le sens premier de "refouler" est "faire reculer". Ici, c'est l'idée toute simple que je voulais traduire.

Merci de ton commentaire.

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