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Fragments #198 199 200

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Message  Altair Mer 4 Avr 2007 - 8:26

Lundi 02 Avril 2007
Tsunami et oubli
Dijon
Julian

Il y a eu ce message, hier, en fin de soirée. Un peu comme si les longs doigts malingres du passé essayaient de s’infiltrer dans le présent pour y ouvrir une brèche et s’y contempler. Non, pas déjà, pas si vite. Etes vous sûr de vouloir supprimer ce message ? Ok. Message supprimé. De la terre noire, des kilo-tonnes d’oubli. Et rien ne viendra désormais réveiller Lola enfouie dans les vestiges de notre amour perdu. Je suis tellement désolé, moins pour elle que pour moi, car dans cette histoire je suis le lâche, et ce titre n’est pas glorieux. Moi je préfère oublier. Noyer le bébé dans les eaux pâles du Léthé.
« Garçon !
- Hein ? »
J’émerge de mes rêveries. La femme me lance un regard courroucé. Asiatique, chinoise sans doute, la quarantaine bien entretenue, cheveux noirs coupé courts à la garçonne et gominés, style vestimentaire assez chic, haute bourgeoisie je présume, avec une robe aux teintes rouges qui flamboie au milieu du bar.
« J’attends toujours mon verre, me lance-t-elle impérieusement.
- Excusez moi, je ne me souviens plus de votre commande, je ne l’ai pas notée et… »
La femme soupire, agacée.
« Une coupe de champagne, dis-je en souriant, ça me revient maintenant… »
Elle me gratifie d’un sourire ouvertement hypocrite en me regardant sortir un long verre au tintement cristallin. Louis sort de sa cabine et vient se poster à côté de moi.
« Tu as entendu ? Il paraît qu’il y a eu un nouveau tsunami en Asie du Sud-est.
- Comme en décembre 2004 ?
- Non, ils ont cru, mais heureusement il n’y a « que » treize morts à l’heure actuelle. La vague a seulement touché les îles Salomon. »
La femme chinoise, soudainement, éclate en sanglot. Dans un même mouvement, nos têtes se tournent vers elle. Dans ses mains, elle tient un téléphone portable rose dernier cri, tremblant. Son visage durement aristocratique se tord en une moue des plus déplaisantes et son apparat de grande dame semble fondre comme de la cire sous les larmes qui coulent à torrent.
« Qu’est-ce qui se passe, Madame ? lui demande Louis.
- C’est… c’est… hoquète-t-elle, une amie vient de… de m’apprendre qu’on a… retrouvé mon petit chien et que… qu’il est… il s’est fait écraser… Mon pauvre petit Mao… »
Elle me ferait presque de la peine, soudainement, cette femme qui pleure son défunt animal, si ironiquement baptisé. J’esquisse un sourire de compassion mitigée en lui tendant sa coupe de champagne. A côté de ses sanglots et gémissements fort bruyants, et tandis que Louis lui propose un mouchoir en papier qu’elle refuse pour en sortir un, en tissu brodé, de sa poche, le vieux Jack se met à grogner.
« Ressers moi un verre, Julian. »
Alors, dans mon esprit, s’effacent les souvenirs parasites, pour laisser place à ma nouvelle vie.

______________________________________________________________

Mardi 03 Avril 2007
Nostalgie du temps qui passe
Dijon
Julian

La fille est brune et plutôt jolie. Infime piercing sur le nez comme une minuscule étoile d’argent. Chignon fait à la va vite, éclaboussant de mèches désinvoltes le pourtour de la petite boule de cheveux à l’arrière du crâne.
« Cette publicité sexiste m’agressait, je l’ai donc arrachée ; faites comme moi ! C’est ça qu’il y avait écrit. C’était un de ces panneaux comme on en trouve sur chaque arrêt de bus, sauf qu’il n’y avait pas d’affiche, juste ces mots écrits au marqueur violet, vite fait.
- J’ai vu ça aussi, dis-je en m’insérant dans la conversation.
- Ah oui ? s’exclame la fille en se tournant vers moi. C’est plutôt bien, hein ? Y en a marre de montrer des femmes à poil pour un oui et pour un non. Même pour vendre des perceuses, ils ont besoin de montrer des seins, c’est dingue ! Marre de ce machisme ambiant, toute cette hypocrisie, et vivement qu’on l’aie enfin, notre parité ! Ca fait plaisir de voir que des gens se bougent.
- Mouais, je réponds en baillant, mais bon, on peut pas non plus se permettre d’arracher une affiche sous prétexte qu’elle nous agresse en tant qu’individu… Et cet appel à faire pareil, je trouve ça complètement nul, si on faisait tous ça, on irait où ? Il me semble que Kant…
- Oh, m’arrête Louis, tu vas chercher bien loin là… »
Je me tourne vers le patron et lui lance un regard noir. Pourquoi arrêter une conversation sous prétexte que j’ai eu le malheur de citer un philosophe qui, en terminale, je me souviens, m’avait vraiment marqué ? Ca devient trop intellectuel, c’est ça qui vous dérange ? Votre bêtise est insupportable.
Agacé, je me dirige vers les deux clients qui viennent d’arriver. Il y a une fille, et puis un garçon. Et ce dernier occulte complètement sa compagne de mon champ de vision. Il fait beau, il fait chaud. Je regarde son visage de lycéen à la peau tendre et fraîche, comme on convoite avec appétit un morceau de viande saignante. Son look qui baille et son allure décontractée, ses bras de jeune homme imberbe aux veines saillantes, sa bouche légèrement entrouverte à la manière des jeunes chiens qui ont soif. Et de ses cheveux bruns en désordre jusqu’à ses baskets abîmées, tout excite en moi une pulsion sauvage, un vif désir de rentrer en lui, de m’insérer dans sa chair et d’y exploser. Durcissement.
Ils commandent un demi. Je prends note et retourne derrière le comptoir, où la discussion a pu s’épanouir à son ridicule petit niveau. Mon cerveau fulmine à l’encontre de Louis, plus encore que contre cette fille jolie, mais stupide.
Le temps du lycée me manque. Nos cours de philo, notre envie de dehors, de regarder le monde fleurir, notre air continuellement blasé, allongés dans l’herbe irisée de soleil. Mathieu et Nalvenn qui flirtaient dans leur coin, tandis que je refaisais le monde avec Sylvain en rêvant à ces douces années de fac qui nous tendaient les bras. Et Cathy qui impulsait les fous rires entre amis, ces instants qui nous font oublier tout ce qui est, a été et sera, nous coupe du temps et cristallise un bonheur inconscient et savoureux. Aujourd’hui mes amis sont partis, et je dois trouver un nouvel appartement, car sans l’argent de Papa, je ne pourrai plus continuer à vivre dans un des immeubles les plus chers de Dijon comme un petit enfant gâté. Est-ce que ma paye au Dionysos suffira à payer un loyer plus précaire ? Je n’en sais rien, je n’y connais rien. Mais il est hors de question de retourner avenue Victor Hugo.
« Tu es vexé ? »
Je relève la tête, Louis me regarde ; la féministe est partie. D’un geste machinal, je prépare les demis sans lever les yeux vers lui.
« Excuse moi, reprend-il, j’ai jamais aimé Kant. Enfin j’en sais rien, disons que ça m’embête d’adhérer à ses idées. J’aurais préféré être un hédoniste accompli. »
Et voilà, je me suis encore planté. Peu importe. Au lycée déjà, nous ne parlions jamais de philosophie. Tout au plus un peu de politique, histoire de faire comme les grands. Rien ne saurait égaler les sommets intellectuels que nous atteignions, dans le Clan, avec Maya, Sethi, Sylvia et les autres.
Je regarde le lycéen.
Le passé me manque.

______________________________________________________________

Mercredi 04 Avril 2007
La Bête, aveugle et muette, a cessé de crier et de se regarder
Dijon
Julian

Je ne me reconnais plus. Je suis comme un nouveau Julian. Comme si le Dionysos avait secrété sur moi une chrysalide d’or d’où je sors semblable à un papillon, d’une âme-larve infecte devenue esprit-lépidoptère aux couleurs irisées. Je souris, je regarde les gens, je les écoute, je leur parle. Mes ailes diaprées aux battements diaphanes multicolores vont et viennent entre les tables du bar, je tourbillonne. Me reconnaissez vous ? Où est le dieu des glaces, le dépressif angoissé ? Il a cédé sa place à un Julian altruiste et épanoui, un Julian-soleil. Terrassés les vertiges, vidées les angoisses ! Cette poche pleine d’ego, de liquide saumâtre dégoût mépris haine je l’ai crevée en plein cœur, et mon Cœur rongé par les amours nocives achève sa lente guérison. Ce sentiment nimbé, cette douce latence, d’une tranquillité toujours en action. Courir, servir, ranger, nettoyer, servir, courir, ranger, servir, nettoyer, courir…
Je n’ai pas le temps de penser. Le Miroir me boude chaque matin et chaque soir, de ne plus se mirer en moi. Déjà il sait que mes jours sont comptés dans le temple du sommeil, et que bientôt nous nous séparerons à jamais. Cette armure d’amour-propre que je m’étais forgée, t’en souviens-tu Miroir ? Pour lutter contre l’angoisse que tu instillais ; je l’ai perdue. Mais mon costume aujourd’hui ne ment pas. Je suis garçon de café, pantalon noir, chemise blanche. Je sais ce que je suis.

Il est tard. Le jet d’eau de la plonge heurte les verres un à un sous mon contrôle, tandis que défile devant mes yeux fatigués la lente procession du souvenir des clients d’aujourd’hui. Un carnaval de peaux, de bouches, d’yeux et de nez, d’oreilles et de cheveux, de mentons et de joues, de cous et d’épaules, de formes et de tailles, de voix et d’odeurs. Les gens. Les Autres. Je les regarde et le « je » s’efface.
Nous ?
Vous.
J’apprends à être là pour vous, à vous aimer.
Aimer. C’est ça qu’il y a dans tes yeux Louis. Dans ce bleu marine sans pic ni corail, ce velouté plein de calme. Quelques remous d’amour pour les autres.

La Bête solitaire s’est échouée parmi les autres Créatures, et le contact a crevé ses yeux et arraché sa langue sanguinolente. Ainsi la Bête aveugle et muette ne peut plus crier ni se regarder. Alors elle se met à écouter les autres Créatures. Sous le crépuscule qui envahit la plage, on pouvait voir au coin du feu, un homme dont les orbites suintaient des glaviots rougeâtres, un filet de sang coulant de sa bouche hagarde entrouverte d’où s’échappait un râle. Autour de lui les crabes aux multiples formes, tailles et couleurs, claquaient de leurs pinces et bavaient frénétiquement. L’homme-Bête écoutait, désemparé, ce concert dysharmonique s’orchestrer dans son champ auditif. Un sourire de perplexité émue frappait son visage fatigué.

Il était si difficile de sourire. Je le savais. Maintenant je dois enseigner la technique à ceux qui l’ont perdue. On peut sourire à nouveau, le savez-vous ? Malgré l’horreur noire et folle qui palpite en nous. La chaleur des Autres réchauffe l’Iceberg endormi.

Jack est toujours assis au bar. Il n’y a plus personne. Son regard triste plonge dans les tréfonds d’un verre vide, lorgnon d’un monde qu’il s’est recréé. Et dans cet unique œil valide, je ressens une profonde amertume, une tristesse enfouie qui me surprend comme une houle glacée. Mon cœur se met à battre plus fort et voilà que je ressens cette tristesse, que je deviens cette tristesse.
Car c’est cela, mon pouvoir. Je suis le Dieu-Cœur, celui qui ressent ce que vous ressentez et devient ce que vous êtes.
L’Empathie. Tout ça me revient.

J’allume mon ordinateur et lance MSN. Il est connecté. Je ne me demande pas pourquoi. Plus maintenant.

Julian : Bonsoir Nathan.
N : J’ai quelque chose pour toi.
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Message  Sahkti Mer 4 Avr 2007 - 13:31

Premier fragment (198): je trouve l'opposition tsunami-perte du chien un peu trop caricaturale à mon goût, ça passe assez moyen. Je me rends compte aussi du décalage qui existe entre les longs monologues confus de Julian et les scènes de bistrot, je préfère les secondes aux premiers, ton style m'y paraît plus abouti.

Second fragment (199): A part l'énoncé des prénoms des copains, un peu long, qui approte peu, j'aime bien ces regrets qui naissent chez Julien et comment il les perçoit. J'aime aussi l'interruption provoquée par Louis, c'est un de ces petits plus du quotidien que j'apprécie dans ces fragments.

Troisième fragment (200): Je suis plus réservée, je sens qu'il me manque des éléments pour pouvoir apprécier ce texte. Je suis aussi mitigée sur la fin, je me serais volontiers passée des deux phrases échangées entre Julian et Nathan, je me serais arrêtée à MSN qui s'allume.


J'ai une petite remarque générale à propos du regroupement des fragments. Si j'étais plutôt pour au départ, histoire de ne pas "inonder" le forum de textes courts, je suis plus réservée en constatant ce que ça donne. On a tendance à les lire à la suite, comme une histoire continue, sans vraiment prendre de recul entre chaque morceau. Or ça me semble important de pouvoir le faire, parce qu'il s'agit d'ambiances et de scènes différentes, d'autres humeurs, d'autres gens... faut respirer entre les coups. A moins que je ne lise et commente le premier un jour, ferme les yeux devant le second et y revienne le lendemain... je vais voir comment faire au mieux :-)
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Message  Altair Mer 4 Avr 2007 - 15:28

Sans doute, mais j'ai peur de noyer le forum quand même. Et puis je me rends compte que mes fragments n'ont peut être pas tellement leur place ici, puisqu'ils font sans cesse référence à un passé qui vous est inconnu (les 180 fragments précédents) et à ceux des autres Etoiles du site. Bref, je suis assez perplexe.
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Message  mentor Mer 4 Avr 2007 - 16:43

moi je suis pas perplexe, mais surtout navré de ne pas avoir le temps de tout lire, parce que ça me semble intéressant, même décousu.
j'essaierai de faire l'effort de revenir à tout ça dans une dizaine de jours. Désolé

mentor

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Message  Charles Jeu 5 Avr 2007 - 7:59

198 : ça m'a paru un peu incongru la coupe de champagne, seule, au bar, d'autant plus que son chien chéri avait disparu.

199 : je préfère les fragments ou l'histoire perso de julian avance, j'aime moins les tranches de vies "jetables". Mais bon, je suppose qu'on ne peut pas faire avancer l'histoire chaque jour sans quoi on perd la notion de réalité et de temporalité.

200 : un peu perplexe sur le début du fragment, ça sonne un peu trop égocentré comme passage, limite nombriliste

un peu de mal avec certaines phrases et expressions où il me semble que tu en fait un peu trop dans le côté image littéraire. Par exemple :

198
- "Un peu comme si les longs doigts malingres ..."
- "enfouie dans les vestiges de notre amour perdu."
200
- "Comme si le Dionysos avait secrété ..."

enfin ça, c'est peut être simplement un feeling perso.
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