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Atacama

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Message  Lord Longford Mar 15 Mar 2011 - 16:38

Bonjour à tout le monde ! Je reviens avec un petit texte, que j'espère pas trop surchargé !

"Lorsque le vent souffle sur le sable brûlant, il arrache les grains loin de leur terre, dans les cieux tourmentés, pour les noyer ensuite dans les vapeurs du monde et les faire retomber au sol, très loin de leur pays originel. Une goutte d’eau qui s’écrase sur la terre et y pénètre jusque dans ses plus grandes profondeurs.
Imaginons un instant, un instant seulement, que cette goutte d’eau à la fin, que ce grain de sable au début, que tout cela dans son ensemble ce soit moi.

Il est des villes comme Los Angeles dont la lumière me manque. Je la contemple du haut du balcon, sur ces terrasses ouvertes et mondaines, lorsque la nuit recouvre le monde de sa noirceur ; je grave le scintillement des réverbères, des phares et des insignes en tous genres au fond de ma rétine et tente vainement d’en garder la teneur, la beauté, l’étrangeté même. Je voudrais que ce kaléidoscope danse dans ma tête et ne s’arrête jamais de tourner, de vibrer, de réveiller en moi la conscience entière du monde et des âmes qui la colorent. Mais l’illusion ne dure pas : sitôt les paupières closes, la ronde n’est plus et n’a plus lieu d’être. Et je n’arrive pas à retenir cet instant que les lumières de la ville rappellent à ma conscience. Une envie de rêve mélancolique éveillé, d’un exil intérieur au goût de douceur et d’amertume. Même si cela coûte, même si le danger guette comme un ennemi tantôt craint, tantôt désiré.

La terrasse fleurie offre ce panorama dont j’aime et admire l’étendue, elle est la porte ouverte sur un intérieur bavard et une extériorité dont la brise fraiche et délicate purifie ; mais elle est aussi le siège même d’un étrange découpage de l’humanité, d’un partage aux tons contrastés entre ceux d’en haut, étincelants d’artifices, et les autres qui font briller le monde de leur nombre et de leurs modestes vies.

J’ai préféré sortir de cette masse, de ces riches à profusion qui évoquent avec cynisme ce qu’ils nomment l’essentiel, quand le monde leur hurle aux oreilles de s’en détourner. Ils sont aussi loin des humbles que moi des lueurs que j’entrevois devant mon champ de vision, sur le sommet d’une colline. Qui suis-je pour rêver d’abandonner ceux qui ont fait ma fortune ? De quoi me traiterait-on si je déclarais une autre vérité, plus brillante à mes yeux que celle qui règne dans leur milieu et partout autour ? Qui serais-je auprès de ceux qui m’ont arraché du néant et mis à la lumière de la vie ?

Je suis sorti pour m’abandonner à d’autres songes, d’autres rivages où j’aurais voulu atterrir. Je ne vois pas la ville et ses lumières de haut, comme tous les convives ou presque de cette obséquieuse fête. Je les vois simplement d’en haut. Je n’ai pas non plus l’envie d’y marcher, de m’y fondre comme un grain de sable dans le désert. Juste le désir de regarder le monde et de le comprendre, de saisir en lui toutes les nuances, mouvantes ou fixes, les subtilités, les alliances complexes dont il forme le tableau. Comme un grain que le vent emporte loin au-dessus des terres, et qui semble l’inviter à admirer ce dont il est issu, ce qui est, ce qui doit être et doit rester, dans sa simple et infinie beauté.

Vanessa me rejoint sur cette terrasse, dans cette nuit mondaine. Auprès de moi, elle pose ses coudes sur la balustrade et se penche en avant. J’ai vu dans son mouvement, comme toujours, la finesse de ses bras blancs et de son cou, si fragiles, si implorants mais pourtant plus forts, bien plus forts qu’aucune arme que la main d’un homme ne pourra jamais saisir. D’où vient que le monde n’est pas toujours ce qu’il parait être ?

Les portes de la salle bondée se sont refermées sur sa beauté radieuse, sa robe rouge flamboyante et ses brillants cheveux noirs. Il semble que toutes les couleurs de la ville se reflètent dans ses yeux pâles alors qu’elle me regarde et me sourit doucement. Peut-être saisit-elle comme moi toutes les gammes de lumière, peut-être essaie-t-elle aussi de graver avec ces teintes, dans ses iris, toutes les évanescentes impressions qui lui viennent et bouleversent le rythme de son coeur. Je ne peux vraiment le savoir, tant ces choses-là se vivent mais rarement peuvent se partager.
J’aime sa grâce, cette mystérieuse harmonie entre sa voix, ses gestes, son corps et son âme. Elle semble tout à la fois entière et émaillée de mille étincelles multicolores, qui paraissent s’être unies pour mettre au monde un véritable arc-en-ciel humain. Mon arc-en-ciel, celui qui parait dans mon horizon, celui qui comme un pont relie ma réalité à mes désirs.

Vanessa prend alors ma main dans la sienne, et son regard imite clairement le mien, vers le monde, les autres, les lueurs de Los Angeles. Je passe mon bras sur ses frêles épaules. Ses cheveux caressent ma peau, son parfum titille mes narines. Je la sens frissonner sous la brise côtière, je sens sa chaleur lutter contre le froid qui l’envahit, sa chaleur qui m’irradie comme un halo, cette chaleur de vie et d’âme si puissante, si protectrice. Voici ma femme, sur cette terrasse, penchée en avant sur la balustrade, à partager avec moi le bonheur fugace d’impressions nébuleuses et nostalgiques, à se glisser dans ma conscience et mes rêves en même temps que les couleurs, les myriades de couleurs de la ville.

Il me faudra bientôt, très bientôt je le sais, rejoindre ce pays de convenances et de futilités, dans cette chaleur étouffante qui m’inspire le pire des déserts, le plus brûlant, le plus inhospitalier que le monde n’ait jamais pu faire. Il me faudra m’arracher à ces impressions aussi souterraines que magnifiques, et retourner alors d’où je viens : sous les projecteurs. Mais je laisse l’instant m’emporter encore, me noyer dans ses effluves et ses évocations encore et encore, dans l’intention de m’enivrer, sans jamais y parvenir, dans l’ébauche perpétuelle, dans l’inachèvement... Qu’importe, je reste jusqu’à ce que le froid mordant me rappelle à mes devoirs, porté jusqu’à mon visage par le vent devenu cruel. Après la glace, la chaleur, après la fournaise, encore la glace, et le cycle jamais ne se rompt. Alors j’embrasse la lumière du monde, j’essaie de la figer dans ma rétine comme on s’attache désespérément à des instants éphémères, j’embrasse Vanessa, ses lèvres fraiches contre ma peau encore chaude, puis nous franchissons ensemble la porte, en harmonie, cette entrée, cette limite entre une intériorité chaotique et un extérieur plus calme, entre les projecteurs d’une part, et les étoiles de l’autre.

Lorsque l’on passe d’un monde à un autre, d’un rêve à la réalité, il s’impose à notre esprit comme une sensation de chute abyssale. Comme si je tombais d’un gratte-ciel. Comme si le grain de sable, devenu goutte d’eau dans le ciel lumineux, s’était écrasé sur un sol lointain, très lointain.

Les nuits glaciales alternent avec des journées torrides. Le sable, à perte de vue, forme des dunes ondoyantes, capricieuses, mordantes comme de gigantesques serpents. Le soleil ici brille sans partage, et sa lumière s’incruste dans les moindres rochers, donnant par ici une teinte rougeâtre à un monolithe, par là la pureté de l’or à une éminence en forme d’arche. Il y a l’aube et le couché du soleil, avec leurs cortèges de parures célestes, de traines multicolores, de filaments d’argent, d’or et de bronze ; il y a l’ocre infini des dunes, le vert inattendu des rares cactées, le nacré des cristaux érigés sur la pierre par un heureux hasard, il y a la couleur, la nuance indescriptible et innommable des paysages qui s’étendent bien au-delà de la conscience humaine, le tout saupoudré de la clarté dorée du peintre et de son âme. Le Soleil.

Il est un endroit où même les cactus et les alicantes peinent à pousser, où même la roche parait souffrir et hurler sa douleur en se crevassant jour après jour ; et où, surtout, les étoiles brillent plus que nulle part ailleurs, dans un des cieux les plus purs et incommensurables du monde. Le désert d’Atacama, au Chili.
Je marche, seul, dans ce paysage lunaire et hypnotique, hostile aux hommes et à la vie. Je marche pourtant et espère ne jamais m’arrêter. Pour des souvenirs d’amour et de lumières, les déserts ont le meilleur miroir. Le mirage scintillant."



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Message  elea Mer 16 Mar 2011 - 13:17

Un texte plein de couleurs et teinté d’une certaine mélancolie dans laquelle je ne suis pas entrée. C’est bien écrit, il y a de belles images, au sens propre comme au sens figuré. Je ne sais pas dire exactement pourquoi ça m’a laissée de glace, peut-être qu’il y a une difficulté pour moi à entrer dans cette introspection.
J’ai beaucoup aimé le dernier paragraphe, qui donne du sens au reste et est, je trouve, émouvant.

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