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Exo journal : Errare humanum est

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Message  Gobu Lun 21 Mar 2011 - 22:53

Exo Journal d’un Autre

Personnage choisi : inquisiteur du XIIIème siècle (et non du XVIème, mille excuses Vincent, mais j'ai mes raisons)

Contrainte du jour : Parent proche disparu.



PERSEVERARE DIABOLICUM

Errare humanum est, perseverare diabolicum. Bien fut inspirée Notre Sainte Mère l’Eglise d’adopter cette sage maxime des anciens romains. Et mieux inspirée encore fut la Sainte Institution à laquelle j’appartiens d’en faire l’alpha et l’oméga de son ministère. C’est en l’an de Grâce 1240 après la Passion de Notre Seigneur Christ que je fus désigné par le Chapitre de l’Ordre des Frères Prêcheurs, fondé en en 1216 par notre Maître Saint Dominique de Guzman, comme premier inquisiteur du diocèse de Carpentras, à la demande expresse de Notre Saint Père le Pape.

Non possumus, eussé-je dû répondre lorsque chut sur mes épaules ce fardeau écrasant, mais le souvenir des souffrances de Jésus portant seul sa Croix, ainsi que la règle d’absolue obéissance qui est la nôtre suffirent à clore ma bouche. Veritas, telle est notre devise, et c’est à la recherche de celle-ci que je devais consacrer toutes mes faibles forces et tout mon humble savoir. Or si l’on connaît que la Vérité est une et indivisible, l’erreur et le mensonge ont autant de visages que leur diabolique inspirateur, qui a pour nom Légion. Et c’étaient les innombrables masques dont il s’affuble que j’avais désormais la tâche de lui arracher.

Point n’étais-je pourtant prédestiné à cette sacrée mission, bien au rebours. Fils aîné du Sieur Aymeric de Chanzy, vassal direct du Comte Thibaut de Champagne, je me devais préparer à servir celui-ci par les armes ainsi que le doit faire un chevalier, choisir épouse honorable afin d’assurer descendance à notre lignée, et reprendre le fief familial après que mon père eût été rappelé à Dieu. Le Destin, qui n’est que le nom que nous donnons à la Divine Volonté, en décida autrement. Adoubé à quinze ans par notre suzerain en personne, je fus par lui fiancé le même jour à notre voisine Ghislaine d’Andicourt, que j’aimais d’amour depuis mes plus tendres enfances. Mariés peu de temps après par l’évêque de Troyes, nous conçûmes un enfant que je me jurais de baptiser Thibaut en l’honneur de notre comte s’il était garçon, et Blanche en l’honneur de la Reine Mère, Régente du royaume, s’il nous advenait garce.

Ce fut un garçon que nous envoya le Seigneur. J’en conçus grande vanité. Vanitas vanitatum, omnia vanitas, comme l’avait prêché l’Ecclesiaste de l’Ancien Testament : ma pauvre Ghislaine périt en couches et son malheureux enfant ne vit le jour que pour recevoir in extremis le baptême avant de quitter à son tour ce monde pour l’Eternité. Amen

Frère Rambert de Troyes
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Message  Invité Mar 22 Mar 2011 - 8:44

Un douloureux destin que, j'imagine, son récipiendaire va se faire un devoir de faire expier à ses frères pêcheurs....
Début prometteur, onctueux à souhait !

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Message  CROISIC Mar 22 Mar 2011 - 12:13

Comme Coline j'attends la suite avec délectation !
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Message  Invité Mar 22 Mar 2011 - 13:28

J'avais déjà remarqué, dans un autre exo (l'histoire d'un fou qui repeint son plafond), cette capacité, en un temps record, de rédiger "à la manière" des religieux de siècles passés (et pas forcément chrétiens : juifs, musulmans...) : c'est très fort, parce que c'est extrêmement difficile de trouver le ton juste, et de ne pas être anachronique. D'autre part, pour ce thème, c'était très facile de tomber dans la parodie, mais pas du tout, nous avons là un personnage extrêmement complexe qui se profile. Chapeau bas

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Message  grieg Mar 22 Mar 2011 - 13:55

je crois bien que c'est le personnage qui me fait le plus flipper de tous...
froid ! damned !
j'ose à peine penser à ce qu'il va nous montrer

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Message  Ba Mar 22 Mar 2011 - 15:32

Les voix du seigneur sont inaudibles pour moi...
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Message  elea Mar 22 Mar 2011 - 17:59

Un cercle de tête en fleur tressées pour adoucir les mœurs

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Message  Rebecca Mar 22 Mar 2011 - 20:37

Intéressante genèse d'un dépositaire de la Vérité, cette terroriste.
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Message  Gobu Mar 22 Mar 2011 - 23:00



...A peine la dépouille de mon épouse et celle de mon fils ensevelies dans le caveau familial de notre castel de Chanzy, je fis serment devant Dieu de renoncer pour toujours aux plaisirs de ce monde et de consacrer désormais ma vie à l’abstinence, à la prière et à la gloire de notre Seigneur Christ. Mon père me maudit, mais mon frère se réjouit de cette décision qui faisait de lui l’héritier de nos titres et nos biens. Le renom et la hauteur de notre lignage m’eussent permis de rejoindre l’une des riches abbayes grassement dotées de la Province, et même d’en devenir rapidement le Père Abbé, avec tous les avantages que procure une telle situation. Mon père m’y encouragea ; à défaut d’illustrer notre nom sur les champs de bataille, je pourrais ainsi le faire briller au sein de l’Eglise. Je repoussai avec indignation cette tentation qui sentait le soufre. Point n’avais le goût de me joindre à ces moines bedonnants et parfumés, dont la goinfrerie ne le disputait qu’à la paillardise.

Sur le conseil avisé de notre chapelain, je choisis de revêtir la robe de mauvais drap des frères mendiants, de faire vœu d’absolue pauvreté et de quérir ma pitance sur les chemins aux milieu des plus misérables de mes frères, à qui j’apporterais en échange la lumière de la parole divine. Avant cela, pourtant, il me fallut subir cinq ans de dur noviciat, au cours desquels on m’enseigna les Ecritures, la règle de Saint Dominique et la manière de prêcher en public. Si l’amour de Dieu est à la portée du premier pécheur venu, pour peu qu’il se repente et fasse pénitence, propager Sa parole est un art, qui demande sagesse, éloquence et force de conviction. Dût ma modestie en souffrir, je dois convenir que je me fis rapidement connaître pour ces trois qualités, et que mes prêches attiraient des foules de plus en plus nombreuses dans tous les bourgs où me conduisait ma route de moine errant. J’aimais cette vie simple et frugale, et même si le commerce des vilains les plus grossiers me faisait chaque jour assister au spectacle hideux de l’ivrognerie, de la fornication et de la violence, je pardonnais à ces gens. Après tout, n’étaient-ils point mes frères en Christ, dotés d’une âme immortelle qu’il m’appartenait de les aider à sauver ?

C’est en cet état d’esprit que je pris mes nouvelles fonctions, en ce début du printemps 1240. La rumeur de mes talents de prédicateur était parvenue jusqu’en haut lieu, et mes supérieurs avaient jugé bon que je vienne exercer mes talents à Carpentras, où l’on disait que l’hérésie cathare, pourtant jugulée en Languedoc, avait répandu son poison. Comme il se doit pour un frère mendiant, j’arrivais dans les faubourgs de la ville pieds nus, par les ruelles les plus crasseuses, et sans la moindre compagnie, ayant refusé l’escorte armée et le héraut d’armes que l’évêque, soucieux de ne point déplaire à Sa Sainteté, avait dépêché à ma rencontre. Sanctas simplicitas, prêchait notre Maître Saint Dominique à ses fidèles, et onc ne fus plus ému de cette maxime qu’en ce jour béni où je vins me mêler à la foule des fidèles qui se rendaient à la messe, sous l’ardente lumière du soleil de Provence. Le Ciel semblait bénir la mission qui m’était confiée et mon cœur se gonflait des parfums d’arbres en fleur qu’exhalait la nature en fête. Deo gratias, murmurai-je en sanglotant d’humilité. Quelle hérésie pouvait tenir tête à tant de béatitude ?
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Message  Invité Mer 23 Mar 2011 - 7:50

Ouais, ça a l'air cool d'être aussi bien dans sa bure !
Il commence à inquiser quand ? Et il y avait un sonnet dans les contraintes du 2e jour, Gobu .
Je sais bien que La Règle est ta préoccupation majeure, mais faudrait voir à ne pas oublier les règles tout de même !
Et j'aurais préféré que ce 2e opus ne soit pas si lisse....

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Message  CROISIC Mer 23 Mar 2011 - 12:37

Je crois que les surprises attendues sont pour ce soir !!!
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Message  Gobu Mer 23 Mar 2011 - 15:16

coline Dé a écrit: Et il y avait un sonnet dans les contraintes du 2e jour, Gobu .

Suffit de demander, chère Coline...





SONNET DU FRERE RAMBERT DE TROYES
A CARPENTRAS


Lors que je me rendis pieds nus à Carpentras
Mes os estoient meurtris mais mon âme estoit pure
Je portois la besace et la robe de bure
Et c’estoit le Seigneur qui conduisoit mon pas

Poinct ne craignois ne dol ne chagrin ne trépas
Si de faim trémulois ma parole estoit sûre
Depuis que des Prêcheurs je reçus la tonsure
Et que je renonçois au monde et ses appas

Veritas Veritas telle estoit ma devise
Et je venois céans pour que nul ne s’avise
De répandre l’erreur et cracher le mensonge

Veritas Veritas je chérissois ton Nom
Avec toi je saurois démasquer le démon
Et purifier chacun du péché qui le ronge





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Message  Gobu Mer 23 Mar 2011 - 23:31

...Depuis 1229, Carpentras, ainsi que tout le Comtat Venaissin, était devenu fief papal. Le comte de Toulouse, ancien maître des lieux, en avait été dépossédé pour avoir soutenu les rebelles albigeois contre les croisés de Simon de Montfort. Même le Roi n'y possédait aucune autorité, sinon symbolique. Autant dire que nulle terre en tout le royaume de France n’aurait dû être plus à l’abri de l’hérésie. Et pourtant, dès que j’arrivais en ses murs, l’odeur pestilentielle du péché frappa mes narines. La noblesse s’y complaisait dans l’opulence et le mépris des humbles, le clergé y pratiquait ouvertement la luxure et la simonie, et les classes laborieuses, livrées à leurs plus bas instincts, s’y vautraient dans la débauche et le crime. L’or y régnait en maître, ceux qui le possédaient se cuidaient au dessus de tout, et ceux à qui il faisait défaut étaient prêts à tout pour s’en procurer. Les maris affermaient leurs épouses au plus offrant, les pères vendaient la virginité de leurs filles au premier venu et les enfants n’hésitaient pas à prostituer leur propre mère. Partout proliféraient les fleurs vénéneuses de la concupiscence, de la cupidité et du blasphème. Ce qui aurait dû être la Cité de Dieu n’était autre que Babylone.

Je résolus alors de porter le fer rougi dans la plaie, dussé-je m’y heurter aux plus puissants personnages. Après tout, n’étais-je point l’envoyé du pape, le représentant sur terre de cette Justice Divine que les hommes semblaient avoir délaissée ? Pour mener à bien mon œuvre de salubrité publique, je devais commencer par un exemple frappant. La Providence m’en donna bientôt l’occasion. A Carpentras résidait une puissante communauté de Juifs, pratiquant le commerce des monnaies et de toute sorte de biens, s’affichant sans vergogne ès rues et places publiques, et poussant l’outrecuidance jusqu’à mépriser ouvertement fêtes et usages chrétiens en travaillant le dimanche et les autres jours dédiés à la prière et à l’adoration des Saints. Je me plaignis amèrement à l’Evêque du scandale que représentait la prospérité de ces assassins du Christ, mais il me répondit vertement que les Juifs de Carpentras étaient sous la protection du pape, que même le roi leur accordait liberté de résidence et de culte et que de surcroît ils contribuaient par leur activité à la richesse de la cité. Je compris alors que la corruption avait atteint jusqu’aux plus hautes instances de l’Eglise et que je ne pouvais compter que sur une intervention divine pour me venir en aide.

Le premier jour du Printemps de l’an de Grâce 1240, j’appris par les informateurs que j’avais recruté au sein de l’administration locale que le juif Salomon Ben Nathan, négociant en grains de son état, était soupçonné d’avoir fraudé sur la qualité de sa marchandise. D’ordinaire, ce genre de délit relevait de la justice séculière et se soldait par une amende et la réparation du préjudice causé, mais j’usai de mon pouvoir inquisitorial pour porter l’affaire devant le tribunal ecclésiastique. Ma conviction profonde était que le juif, en trompant honteusement sa pratique, n’avait point seulement enfreint les lois en vigueur, mais qu’il avait sciemment cherché à nuire à des chrétiens et ainsi trahi la confiance qu’ils lui avaient accordé. Un tel crime portait de toute évidence la marque du blasphème et relevait donc de mon ministère. C’est pourquoi, en vertu des pouvoirs qui m’étaient conférés, je fis saisir le suspect à l’aube par la garde épiscopale et ordonnai sa mise au secret dans une cellule aménagée à cet effet dans l’évêché...
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Message  Rebecca Jeu 24 Mar 2011 - 5:04

Ah lire ça à l'aube et trembler dans le matin blême ! Un vrai bonheur !
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Message  grieg Jeu 24 Mar 2011 - 7:59

je suis toujours impressionné par ceux qui sont capables de faire leur un style, un vocabulaire depuis longtemps oublié. Ainsi je prends plaisir à découvrir les "simonie" et autres. Je m'amuse aussi à chercher les anachronismes - me demander si "prostituer" n'avait pas un autre sens en ces siècles reculés ; si "administration" était déjà usité ; "amende" aussi - je joue avec le texte sans toutefois perdre le fil de cette histoire bien narrée et me demande sans cesse comment va sonner l'horreur au sein de ce récit policé.

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Message  Invité Jeu 24 Mar 2011 - 10:02

Un texte qui m'intéresse particulièrement. Tout d'abord chapeau, parce qu'au niveau historique, ça tient sacrément la route. Croisade des albigeois, dominicains, situation de la Provence au début du XIIIème, tout et scrupuleusement conforme à l'histoire, et l'esprit de l'époque parfaitement retranscrit.

Je me suis livré, comme Grieg, au petit jeu des anachronismes, et franchement, je n'ai rien trouvé. Le terme "amende" existe au moins depuis le Haut Moyen. Je ne résiste pas à poster ici un petit bout de la loi salique, en vigueur chez les Francs

La loi salique
« Si quelqu’un vole ou tue un chien de berger, l’amende est de 3 sous.
Si quelqu’un vole un cochon, l’amende est de 17 sous.
Si quelqu’un vole ou tue un esclave, l’amende est de 30 sous.
Si quelqu’un arrache à quelqu’un une main, un pied ou un œil ou lui coupe le nez, l’amende est de 100 sous.
Si quelqu’un coupe l’index de quelqu’un [qui sert à tirer avec un arc], l’amende est de 35 sous.
Si quelqu’un tue un Franc libre, l’amende est de 200 sous.
Si quelqu’un tue un Romain, l’amende est de 100 sous. »
Si quelqu’un frappe autrui dans les côtes ou dans le ventre, il paiera 30 sous et pour les soins 5 sous.
Si quelqu’un arrache à autrui une main, un pied, un œil, le nez, 100 sous.
Si quelqu’un arrache à autrui le deuxième doigt, à savoir celui qui sert à tirer à l’arc, 35 sous.
(etc)


En fait, il n'y a qu'une question qui m'a un peu titillé : le fait qu'on ait un juif qui commerce avec le grain. Bien entendu, il n'y touche pas de ses mains, mais je pense que les juifs ne pouvaient pas participer, de près ou de loin, au secteur économique lié à la nourriture, et encore moins à celui du blé, à cause de la portée symbolique chrétienne liée au pain (le corps du Christ). D'autres activités commerciales, sans aucun doute, mais le pain, je tique un petit peu. Ceci dit, peut-être que je me trompe.

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Message  Invité Jeu 24 Mar 2011 - 10:04

Le haut moyen: age, bien sûr ^^

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Message  Gobu Jeu 24 Mar 2011 - 13:55

vincent M. a écrit:


En fait, il n'y a qu'une question qui m'a un peu titillé : le fait qu'on ait un juif qui commerce avec le grain. Bien entendu, il n'y touche pas de ses mains, mais je pense que les juifs ne pouvaient pas participer, de près ou de loin, au secteur économique lié à la nourriture, et encore moins à celui du blé, à cause de la portée symbolique chrétienne liée au pain (le corps du Christ). D'autres activités commerciales, sans aucun doute, mais le pain, je tique un petit peu. Ceci dit, peut-être que je me trompe.

En fait, les interdits qui pesaient sur les Juifs variaient considérablement d'une époque et d'une province à l'autre, quand ce n'était pas un fief. D'une manière générale, la persécution et la discrimination des Juifs n'ont cessé de s'accroître au cours du Moyen-Age, pour atteindre un climax lors de la grande expulsion de Charles VI en 1346, puis durant la contre-réforme. Mais c'est seulement Saint Louis, en 1265, et d'ailleurs sous l'influence des ordres mendiants, qui leur imposa le port de signes distinctifs (chapeau pointu, rouelle) et limita considérablement le champ des activités qui leur était autorisées

A l'époque où se situe mon texte, les Juifs du Languedoc bénéficiaient d'une situation relativement privilégiée par rapport à leurs corréligionnaires du Nord (l'Alsace exceptée) en dépit d'un ostracisme et d'une méfiance pour ainsi dire institutionnelles. Concernant le pain, il faut se souvenir que le droit de moudre du grain était un privilège seigneurial. Il va de soi que les détenteurs de fiefs ne se livraient pas à l'activité de meunier, indigne d'un chevalier, et louaient donc à ferme leurs moulins à des commissionaires au fait du métier. Or il se trouve que dans le Midi, et particulièrement en Provence, nombre de ces charges étaient confiées à des Juifs. Il y a cela de nombreuses raisons qu'il serait fastidieux de détailler ici, mais le fait est attesté par de nombreux historiens médiévistes. D'autre part, le grain qui alimentait ces moulins était lui aussi produit sur les terres seigneuriales, et la tâche de le commercialiser confiée à des intermédiaires chargés d'en tirer le meilleur prix. Là aussi, les documents historiques prouvent que dans cette région, c'étaient souvent à des Juifs que cette tâche était confiée, en dépit de l'hostitlité que cela pouvait susciter dans le peuple. Bien entendu, cela avait aussi un avantage : lorsque le pain venait à manquer ou que son prix s'envolait, on pouvait aisément coller cela sur le dos des Juifs. C'est un peu cette situation qu'illustre mon texte.

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Message  CROISIC Jeu 24 Mar 2011 - 21:07

Avec Gobu... jamais déçue ! Oui, je suis un peu simplette, mais devant tant d'érudition à nous offerte sans ostentation, je perds mes mots. Bravo !
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Message  Gobu Jeu 24 Mar 2011 - 23:31

...Lors que l’évêque et les autorités municipales connurent de ce que j’avais fait, ils entrèrent en une ire si violente que j’eusse subi un mauvais parti si la crainte et le respect qu’inspiraient ma charge d’inquisiteur ne les eussent retenus. L’évêque, en particulier, me cria que si j’avais été nommé en son diocèse, c’était pour y démasquer les cathares réfugiés du Comté de Toulouse, et non pour m’y mêler du commerce des grains et persécuter d’honorables négociants, fussent-ils juifs. Quant aux municipes, ils avaient jà mis la main à l’épée pour m’occire. A quoi je rétorquai, animé à mon tour d’une sainte colère, que je n’avais point décelé céans le moindre soupçon d’hérésie cathare, mais qu’en revanche tous les autres vices et péchés de la Création y fleurissaient, et que j’étais bien décidé à y remédier, avec ou sans leur soutien. Comme ils avaient tous peu ou prou à se reprocher, ils remirent leur arme à la ceinture.

Fort de ce succès, je fis opérer au domicile du suspect une perquisition rigoureuse, afin d’y saisir des preuves devant que ses proches les fissent disparaître. Et pour plus de sûreté, j’ordonnai itou que toute sa famille et sa domesticité fussent placées sous bonne garde, en attendant de les entendre à leur tour. Puis je me rendis, accompagné d’un scribe et d’un officier de justice, dans la cellule de Salomon Ben Nathan pour procéder à son interrogatoire. Comme prévu, il nia tout ce qu’on lui reprochait, accusant des concurrents jaloux de l’avoir traîtreusement calomnié, et me mettant au défi de fournir la moindre preuve de sa culpabilité. Prends garde, Salomon Ben Nathan, lui dis-je alors. Tu n’as point ce jour de comptes à rendre à la justice civile, mais à celle de Dieu, dont je suis céans le représentant. Si tu as fauté, ce dont je ne doute pas, tu peux encore te racheter en confessant ta faute et en te repentant sincèrement. En revanche, si tu persistes à mentir et refuses de t’amender, je serai contraint de te livrer au bras séculier pour que tu y reçoives le châtiment de tes crimes.

Les documents saisis à son domicile, ainsi que le témoignage d’aucuns chrétiens dignes de foi, établissaient irréfutablement qu’il avait à plusieurs reprises triché sur la nature et le poids des marchandises par lui vendues. Ceci suffisait à établir le délit de tromperie. Mais cela ne me suffisait point. Sa morgue et son opiniâtreté dans le mensonge ne pouvaient être inspirées que par le démon, et je me fis fort d’en apporter la preuve au tribunal épiscopal, qui devait statuer en dernier recours sur son cas. La procédure en vigueur me faisait défense d’user de la violence physique contre un accusé, un homme d’Eglise n’ayant point le droit de molester son semblable, fût-il le plus endurci des pêcheurs, mais elle ne m’interdisait pas d’en brandir la menace, même contre sa famille.

C’est pourquoi je fis mener sa fille aînée devant lui, entre deux gardes géantissimes, et l’informai solennellement que s’il continuait à nier l’évidence, elle serait livrée aux tourmenteurs municipaux pour y subir la question jusqu’à ce qu’il consente à se montrer raisonnable. Horrifié par cette menace, il se jeta à genoux, implorant Dieu dans la langue de son peuple, et se déclara prêt à reconnaître tout ce qu’on voudrait pourvu qu’on la laisse en paix. Avant que de laisser repartir la jeune fille, je lui fis signer de sa main et de son sceau une promesse de confession totale. Désormais, je le tenais...
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Message  elea Sam 26 Mar 2011 - 19:20

Admirative et sans voix devant le style, l’érudition et l’apparente facilité d’écriture. Quant à l’histoire, si elle a pris le temps de se mettre en place, accordant le soin qu’il fallait aux lieux, à l’époque et aux mœurs, je la trouve prenante et suis avide de connaitre la suite et fin.

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Message  Rebecca Sam 26 Mar 2011 - 20:50

Une narration habile et talentueuse. Un exo mené de main de maitre .
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Message  Invité Dim 27 Mar 2011 - 17:25

J'ai pas trop envie de faire le malin avec toi !

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Message  Gobu Mar 29 Mar 2011 - 20:49

...Durant les trois jours que dura l’inquisition préliminaire, je succédai aisément à confondre les membres de sa maisonnée. Ils me mentaient tous, pour défendre l’accusé, mais leurs mensonges se contredisaient, ce qui prouve bien que si la Vérité est Une, comme l’enseigne le Credo de notre Sainte Eglise, le mensonge a mille visages. Lors que je me présentai devant le tribunal épiscopal pour y exposer mes conclusions, mon siège était fait. Le Juif, sauf à se repentir sincèrement et s’agenouiller devant la Croix pour implorer de notre Seigneur Jésus son pardon, était coupable de cupidité, tromperie, parjure et même de blasphème, pour avoir plusieurs fois en son logis médit des prêtres, de notre Sainte Eglise et du Sauveur lui-même, qu’il avait qualifié de faux messie.

Cette dernière accusation fit grand effet sur le tribunal. Si l’Evêque et les gras chanoines cousus d’or qu’il avait choisis comme assesseurs n’avaient que peu d’ardeur à pourfendre la cupidité et la tromperie, dans lesquels ils baignaient pour ainsi dire, en revanche, ils ne pouvaient témoigner de la même indulgence envers le parjure, et surtout le blasphème, qui est crime majeur. Et de sucroît s’agissant d’un Juif, tenu par sa condition à respecter la religion de qui le protège et l’accueille. L’Evêque, impressionné, me demanda si je pouvais avancer preuves de cette accusation. A quoi je répondis que plusieurs témoins l’avaient attestée, sous la foi du serment, et que de toutes façons la procédure inquisitoriale, au rebours de la procédure classique, imposait à l’accusé de faire lui-même la preuve de son innocence et non l’inverse.

Ce dernier, lors qu’il eut conscience de la gravité des charges qui pesaient sur lui, se rétracta, et reniant sa promesse de confession sincère, clama qu’elle lui avait été extorquée par la menace et les pressions contre sa famille. Prends garde, Juif, lui dis-je alors. Si tu consens à reconnaître les faits et demander pénitence, ce tribunal pourra faire preuve d’indulgence et adoucir ta peine. En revanche, si tu t’obstines à nier l’évidence et t’enferres dans le mensonge, alors tu seras considéré comme blasphémateur et relaps, et même sa seigneurie l’Evêque, ton protecteur, ne pourra refuser de te livrer au bras séculier pour que tu reçoives le juste châtiment de tes péchés. Cela signifiait le bûcher, et nul n’en ignorait, à commencer par le principal intéressé...
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Message  jeanne75 Mer 30 Mar 2011 - 10:07

je m'associe aux autres membres du forum : ton journal est érudit, haletant, bref, j'attends la suite avec impatience. bravo!

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Message  bertrand-môgendre Sam 2 Avr 2011 - 7:25

Quel travail ! Cette peau te sied à merveille.
Rien à dire sur le texte qui dit tout. Lu avec plaisir.
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Message  Rebecca Sam 2 Avr 2011 - 11:44

Tu as endossé ton rôle avec une malignité sidérante. Quelle maestria dans l'art de distiller du cauchemar !
Rebecca
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