La danse du trône

[endjel eriennon]

Voici le début d'un texte que j'ai écris quand j'étais en seconde, pour un sujet d'invention, un petit peu retravaillé. Le style d'écriture est par contre loin d'être excellent. J'aurais également besoin de quelques conseils de mise en page, niveau aération du texte.

L’épaisse croix gravée dans la chair de son bras droit semblait reluire, nette et blanche, d’une pureté inestimable. La volonté de Dieu dessinée sur son corps.

La volonté de Dieu ancrée dans son âme, dans les moindres gestes qu’il faisait pour le servir. Chaque goutte de sang d’hérétique qui tachait ses mains lui donnait l’impression d’avoir accompli l’acte le plus pur et le plus respectable qui soit au monde.
L’homme promena ses doigts sur la trace profonde inscrite dans sa peau. Le signe de son éternel dévouement à la nouvelle papauté et à la geste radicale des Seconds Templiers.
Puis il passa lentement sa main dans ses longs cheveux blonds et fins, qui retombèrent aussitôt en une fluide vague d’or mat, encadrant son visage anguleux et puissant. Ses yeux bleus se rencontrèrent dans le vieux miroir. Il sourit avec satisfaction, faisant sourire son reflet.
Reflet parfait, digne du Très Haut. Reflet que l’homme lui-même appréciait par ses contours élégants, juste un peu tentants sans être désagréablement attirants.

Il se détourna de son image un instant, pour se vêtir de la toute nouvelle veste que le frère drapier avait confectionnée. Elle était extrêmement seyante, taillée avec raffinement et précision. Brodée de soie dorée aux revers et aux basques, ainsi que sur les bords du col en V, elle comportait également deux croix délicatement cousues sur le haut de chaque manche, de l’épaule au coude, de cette même teinte précieuse qui rayonnait sous la lumière glauque de l’ampoule dépassant maladroitement du faux plafond.

Matéo assembla sur son torse les boutons tressés, un à un, lentement, appréciant leur toucher noble et satiné. Si semblables à sa cicatrice, ils allaient parfaitement s’y accorder. Il sourit de nouveau, avec contentement. Ce soir la beauté allait être de mise. Le nouveau quartier qui lui avait été exceptionnellement attribué aura au moins mérité d’être épuré d’une belle manière. Quel regret, pourtant, de tacher un si beau tissu avec un sang souillé, tellement méprisable ! Mais telle était sa fonction, tel était son choix et sa fierté.

« Non nobis, domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam. »

Ce soir quelques hérétiques de plus allaient être relégués aux bons soins de Lucifer. Et cette idée lui procurait une joie immense.


***

Le monde s’était fait silence.

La vieille ne braillait plus en cognant ses casseroles, les rires de ses frères et les voix de ses sœurs s’étaient tus. Il n’entendait plus le grésillement de la vieille radio clandestine qui les tenait au courant du naufrage du monde et qui parasitait désagréablement sa propre musique, condamnée à une frustrante sourdine, ne percevait plus les pas lourds du père qui tournait en rond dans le salon en déversant ses nerfs sur ses enfants, sa femme et les nouvelles.
Etait-il déjà si tard… ? Sans doute.

Ils devaient déjà être en train d’adresser leurs sempiternelles et suppliantes prières aux ruines de la Mecque, lovés sur leurs tapis peut-être tournés vers l’Est. Son père allait débarquer, lui dire d’arrêter sa musique, « la prière c’est sacré mon fils, continues comme ça et tu seras puni ». Bientôt, ils iraient dormir. Et demain tout recommencera. Rares étaient les moments ou le jeune homme pouvait danser tout son soûl.

Finalement… il allait peut-être enfin venir à bout de ses pas se soir ! Ils l’avaient enfin oublié. Uriel le mauvais fils, Uriel sur qui était tombé le mauvais œil, Uriel qui n’obtiendrait que le mal après la mort car les prières l’ennuyaient et le pèlerinage ne le tentait pas. La seule consolation de ses parents était qu’il parlait l’arabe aussi bien qu’un vrai fils du peuple…

Il arrêta son enchaînement, le temps de changer de morceau sur le lecteur CD et si possible de monter le volume. Il fit défiler les sons. Silence entre chaque extrait, gêné par le bruit de sa respiration.
… La fatigue avait dû les emporter rapidement. Mais pas lui. Il débordait d’énergie. Sa peau mate luisait de sueur, dont ses cheveux noirs et soyeux étaient également noyés, à moitié emprisonnés dans un vague chignon laissant s’échapper plus de mèches qu’il n’en retenait. Ses yeux noisette étaient vifs et éclairaient son jeune visage, mieux en tout cas que le faible éclairage qui survivait dans la pièce.
La puissance du morceau qu’il choisit emplit l’atmosphère. Il augmenta un peu le volume, tendant l’oreille pour guetter une éventuelle réaction extérieure et courroucée. Rien. Il monta le son progressivement puis, n’entendant aucune protestation à hauteur critique, sourit et mit la musique à fond.

Il ne s’entendait plus penser. Tout son corps vibrait au rythme des basses et du synthétiseur qui se déversait du lecteur, dont le son n’était finalement pas si mauvais. Le monde était noyé, noyé de sensations, de pas, de nouvelles figures.
Dans une fureur intense et inestimable.
Uriel avait fermé les yeux, et laissait son corps s’adapter à la nouvelle dimension de la mélodie, qu’il avait pourtant écoutée quelques bonnes centaines de fois. Jamais elle n’avait été si large, si forte, si possible.
Un univers musical et gestuel inédit qui s’offrait à lui.
Plus aucune limite à sa passion. Plus aucune limite à sa vie.

Le jeune homme se mit à danser.

Il dansa comme il l’avait rarement fait. Il dansa comme quand il dansait parfois avec ses frères de pas dans la rue, quand son corps ne faisait plus qu’un avec le rythme. Quand il entrait en transe.
Il avait oublié sa misérable famille, trop pieuse et désespérée, anormalement silencieuse. Sa sensibilité se dévoilait, sa haine des principes et de la banalité. Par la danse il était, par ses steps, ses freezes, ses saltos, ses enchaînés, il devenait puissamment humain.

Il dansa pendant un temps qui lui parut une éternité, sereine et profonde. Puis la puissance de la musique diminua, pour finir par s’éteindre doucement, et Uriel mit un certain temps à émerger de son univers et à libérer son corps des pas qui l’avaient entraînés. Il était tout étourdi, son cœur battait à tout rompre. Ses jambes tremblaient et ne le tenaient plus, sa peau étincelait. Il s’étira longuement, en essayant de calmer sa respiration précipitée, puis, épuisé, s’effondra par terre.
S’il y avait un Allah quelque part, c’est maintenant que le jeune Musulman croyait en lui. Maintenant qu’il avait accompli le miracle auquel il rêvait.
Uriel sourit, son souffle se calmant peu à peu, lui fixant le plafond avec extase.
Enfin, détendu et ayant recouvré ses esprits, il se releva, attrapa son T-shirt et s’essuya le visage avec.
« -Ce genre de son est interdit par la loi, j’imagine que tu ne le sais pas, fils d’hérétique. Et même si tu le savais, j’imagine que tu serais passé outre. »

La nuque du jeune homme se hérissa. Il se figea un instant, passa son vêtement sur ses épaules puis se retourna lentement, très lentement.
Jamais encore il n’avait entendu une telle voix, un tel murmure.
Profond, sûr, emprunt d’une ironie glacée.

[FX-]

N'étant en rien spécialiste je ne me permettrais pas de répondre à tes attentes. Cependant j'ai tout de même envie de te laisser une note d'encouragement, j'ai trouvé ton texte bien mené, cohérent du début à la fin, une ponctuation agréable avec des phrases courtes et plutôt incisives, qui évitent majoritairement les lourdeurs et rendent le tout dynamique. Reste certaines tournures qui m'apparaissent maladroites, par exemple, fin du quatrième paragraphe, "juste un peu tentants sans être désagréablement attirants.", le " juste un peu tentants" peine clairement la fluidité de la lecture. Subsistent aussi quelques fautes à corriger.
Voila pour mon avis, si tu as réellement ton jeune âge, je t'encourage vivement à poursuivre ton travail, tu as à mon goût du talent. =)

[jeanne75]

d'accord avec le commentaire précédent. j'ai juste relevé une phrase qui ne m'a pas paru limpide :"Par la danse il était, par ses steps, ses freezes, ses saltos, ses enchaînés, il devenait puissamment humain."
rien à redire son ton style, agréable et recherché sans être pompeux. qu'est ce que tu lui reproches?
et sinon, y a t il une suite?

[Lifewithwords]

Je trouve ton style très agréable à lire. C'est fluide, et tu manies bien la description.
Tu devrais essayer de situer le premier texte, temporellement, de façon un peu plus claire. (Pour les lecteurs fatigués comme moi^^).

[elea]

Beau début, prenant. J’ai bien aimé le parallèle de présentation entre les deux personnages décrits ; tout les oppose, du physique à la foi, chacun la sienne. Et pourtant on comprend qu’hélas tout va mener à la rencontre et probablement au drame. C’est bien construit, bien écrit, avec un dosage parfait entre mystère et explication. Ce monde qu’on pressent, dont tu distilles quelques informations, est glaçant. L’ambiance est là.

Je ne m’y connais pas du tout en mise en page. Mais ici rien n’a gêné ma lecture.
Deux petits soucis de temps pour moi :
Ce soir la beauté allait être de mise. Le nouveau quartier qui lui avait été exceptionnellement attribué aura au moins mérité d’être épuré d’une belle manière

Bientôt, ils iraient dormir. Et demain tout recommencera

[endjel eriennon]

Tout d'abord merci à tous, c'est très encourageant. Voici quelques réponses: les steps, freezes, enchaînés, saltos sont des pas de hip-hop (héé oui, Uriel est un breaker !); Oui, il y a une suite que je publierai dès que j'aurais le temps (suspense); Le cadre spatio-temporel est intentionnellement vague: c'est dans un avenir proche, la seule indication étant que la Mecque a été détruite, cela se précisera au fur et à mesure dans le texte. Eh bien si mon style plaît finalement ca me rassure, j'ai enfin trouvé une manière d'écrire avec laquelle je pourrais (je l'espère) mener cette histoire à terme. Pardonnez moi mes fautes (aie aie aie) et je vous remercie encore, en espérant que vous suivrez encore un peu cette aventure ...
(Et oui, j'ai vraiment 15 ans! ^^)

[Contenu sponsorisé]