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Puits
Sainte Barbe
La recette pue comme il y a trente ans. Une odeur de métal et de graisse noircie, les cages sur leurs taquets, en équilibre sur le puits. Une percée de sept cent quarante deux mètres d’où remontent encore des effluves de vase, de roches humides et de bois trempés.
Les câbles d’extraction, encore à leur place sont tendus comme des flèches, sombres comme une sentence. Ils filent s’enrouler là haut sur les molettes d’un chevalement ferreux aux nuances de rouille.
Une grille efflanquée « houillères des Cévennes » et cet oxyde noir qui mange la peinture, un énorme cadenas qui git dans la poussière.
L’émoi d’un abandon
Sérénités anciennes, bout de petit jardin
Un mégot sur le bec, une vareuse râpée couleur ciel de misère
Un récent moyen âge tout encombré d’usines
Les cités ouvrières, parfumées d’indigences
La paresse des chats, une clameur de gosses
Une rumeur de scie déchirant la torpeur
Une fanfare dans la rue, ces journées d’obédiences et d’ateliers chômés
Nos mères « incoquettes » aux regards d’inquiétudes
Les boutiques foraines au bout de l’avenue
Le rythme des manèges aux couleurs incongrues
Sonorités anciennes
Espoirs sans lendemains
Dimanches effondrés
Étalés sur mon aire.
La recette pue comme il y a trente ans. Une odeur de métal et de graisse noircie, les cages sur leurs taquets, en équilibre sur le puits. Une percée de sept cent quarante deux mètres d’où remontent encore des effluves de vase, de roches humides et de bois trempés.
Les câbles d’extraction, encore à leur place sont tendus comme des flèches, sombres comme une sentence. Ils filent s’enrouler là haut sur les molettes d’un chevalement ferreux aux nuances de rouille.
Une grille efflanquée « houillères des Cévennes » et cet oxyde noir qui mange la peinture, un énorme cadenas qui git dans la poussière.
L’émoi d’un abandon
Sérénités anciennes, bout de petit jardin
Un mégot sur le bec, une vareuse râpée couleur ciel de misère
Un récent moyen âge tout encombré d’usines
Les cités ouvrières, parfumées d’indigences
La paresse des chats, une clameur de gosses
Une rumeur de scie déchirant la torpeur
Une fanfare dans la rue, ces journées d’obédiences et d’ateliers chômés
Nos mères « incoquettes » aux regards d’inquiétudes
Les boutiques foraines au bout de l’avenue
Le rythme des manèges aux couleurs incongrues
Sonorités anciennes
Espoirs sans lendemains
Dimanches effondrés
Étalés sur mon aire.
Re: Puits
pour cette petite musique grinçante comme une girouette rouillée et.......nostalgique
la conscience sociale chevillée au corps c'est que j'aime chez toi
amitiés
la conscience sociale chevillée au corps c'est que j'aime chez toi
amitiés
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 63
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Puits
Vraiment bon. Surtout l'"introduction". Juste: le dernier quatrain est un peu faible, par rapport au reste qui est, je le répète, vraiment très très bon.
Au plaisir de te relire.
Au plaisir de te relire.
Re: Puits
"Sainte Barbe
La recette pue comme il y a trente ans. Une odeur de métal et de graisse noircie, les cages sur leurs taquets, en équilibre sur le puits. Une percée de sept cent quarante deux mètres d’où remontent encore des effluves de vase, de roches humides et de bois trempés."
Et bing! Voilà de la matière, du plomb, du manger pour la rage comme dirait l'autre (qui se reconnaitra). C'est à saisir, à prendre sans ménagement. Non, vraiment, commencer un poème par ça c'est juste super classe.
La recette pue comme il y a trente ans. Une odeur de métal et de graisse noircie, les cages sur leurs taquets, en équilibre sur le puits. Une percée de sept cent quarante deux mètres d’où remontent encore des effluves de vase, de roches humides et de bois trempés."
Et bing! Voilà de la matière, du plomb, du manger pour la rage comme dirait l'autre (qui se reconnaitra). C'est à saisir, à prendre sans ménagement. Non, vraiment, commencer un poème par ça c'est juste super classe.
Re: Puits
C'est un vrai plaisir ,après tant de textes incohérents , de lire ce poème solide , utilisant avec bonheur la langue française avec respect , justesse et force . Je suis content d'ailleurs qu'un jeune comme Yoni Wolf soit touché par votre texte. J'en aime le vocabulaire exact qui évoque si bien ces installations minières périmées ( j'ai connu les Houillères du Nord et fait des visites du fond avec un oncle ingénieur) et je les vois ces "câbles d'extraction et "ces molettes du chevalement" . J'ai seulement calé sur les "journées d'obédience" et utilisé mon Littré . Il faut aussi saluer dans votre travail la façon délicate avec laquelle vous évoquez la nostalgie de cette activité disparue. Merci.
François T- Nombre de messages : 147
Age : 96
Date d'inscription : 13/02/2011
Re: Puits
ah Loïc, décidément, quelle que soit la façon dont tu tournes ton kaléidoscope, j'aime le résultat...
et ces "dimanches effondrés" pourraient racheter à eux seuls n'importe quelle faiblesse.
De faiblesse, il n'est pas question dans ce poème, où la " vareuse râpée, couleur ciel de misère" prend la dignité d'un drapeau.
Tes images sont en 3D : Densité, Délicatesse, Douleur
et ces "dimanches effondrés" pourraient racheter à eux seuls n'importe quelle faiblesse.
De faiblesse, il n'est pas question dans ce poème, où la " vareuse râpée, couleur ciel de misère" prend la dignité d'un drapeau.
Tes images sont en 3D : Densité, Délicatesse, Douleur
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Puits
Toute une ambiance, des images et des sons qui s'estompent, des traces d'un passé tellement bien évoqué. Un très beau texte.
demi-lune- Nombre de messages : 795
Age : 63
Localisation : Tarn
Date d'inscription : 07/11/2009
Re: Puits
Beau texte.
Quelque questions quant à la ponctuation et les majuscules. Mis un beau texte, vraiment.
Quelque questions quant à la ponctuation et les majuscules. Mis un beau texte, vraiment.
zenobi- Nombre de messages : 892
Age : 53
Date d'inscription : 03/09/2010
Re: Puits
J'ai beaucoup aimé. Notamment jusqu'à misère. Après , ça poétise un chouïa trop genre "je suis un soir d'été" à mon goût. Mais le début j'ai beaucoup aimé.
Invité- Invité
Re: Puits
Sous le ciel couleur de misère le décor de ces dimanches effondrés est planté de manière magistrale comme toujours, Loïc. Je m'attarde avec plaisir sur telle ou telle image si caractéristique de ces années-là dans ce milieu-là mais je regrette un peu (comme souvent, c'est ma marotte) cet "effet-catalogue" des phrases sans verbe qui fige le tableau en une suite de cartes postales agréablement sépia.
Sans doute as-tu recherché cet effet qui s'oppose à la première partie du texte, curieusement plus animée, alors qu'elle évoque un présent de mine abandonnée; ça se défend bien sûr mais comme tout système cela a ses limites.
A lire ainsi sur un forum, parmi d'autres textes traités différemment le procédé ne me gêne absolument pas et j'en redemande même de ces touchantes images du passé mais dans un recueil, je me demande si je ne trouverais pas lassantes ces énumérations aussi parfaites et évocatrices soient-elles.
Sans doute as-tu recherché cet effet qui s'oppose à la première partie du texte, curieusement plus animée, alors qu'elle évoque un présent de mine abandonnée; ça se défend bien sûr mais comme tout système cela a ses limites.
A lire ainsi sur un forum, parmi d'autres textes traités différemment le procédé ne me gêne absolument pas et j'en redemande même de ces touchantes images du passé mais dans un recueil, je me demande si je ne trouverais pas lassantes ces énumérations aussi parfaites et évocatrices soient-elles.
Puits
Comme toujours je suis extrêmement sensible à ce qu'à écrit Loïc, capable d'évoquer sans sentimentalisme, sans misérabilisme, le passé ouvrier qui est condamné, révolu. C'est un bel exemple de mémoire digne mais (pardon, mais hélas, il y a un mais) je reprends les critiques que j'ai formulées au sujet du texte "Le parti des imbéciles", et je constate que le même souci est exprimé par Arielle.
(Qui bene amat, bene castigat) Je voudrais que tu ne contentes pas
d'énumérer des observations, d'aligner des notations, mais que tu
élabores davantage cette riche matière. Tu enfiles des perles, oui ce
sont des perles, mais à mon sens, ce n'est pas assez écrit.
(Qui bene amat, bene castigat) Je voudrais que tu ne contentes pas
d'énumérer des observations, d'aligner des notations, mais que tu
élabores davantage cette riche matière. Tu enfiles des perles, oui ce
sont des perles, mais à mon sens, ce n'est pas assez écrit.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Puits
Annie et Arielle ont raison, pris à part ces textes ont quelque valeur, mais pour moi aussi les aligner dans un recueil serait sans nul doute lassant, je pourrais ajouter des verbes voire même un sorte d'intrigue, j'y pense parfois mais je suis atteint d'une malédiction bienheureuse: la paresse !
au bout de quelques pages (car je m'y suis essayé) je m'effondre en me disant "faut être cinglé pour faire l'écrivain..."
au bout de quelques pages (car je m'y suis essayé) je m'effondre en me disant "faut être cinglé pour faire l'écrivain..."
Re: Puits
Un mégot "sur" le bec, ou "dans" le bec?
pescaire66(oletouroque)- Nombre de messages : 28
Age : 38
Date d'inscription : 29/12/2010
Re: Puits
J'aime beaucoup ce poème, en deux parties, l'œil poétique se pose sur ce qu'il reste d'un passé minier, et par petites touches le décor revit son ancienne gloire (?) , comme on feuilletterait un album photo.
Invité- Invité
Re: Puits
J'adhère à tous les commentaires .
C'est beau. c'est grand. C'est fort.
Ca c'est du texte.
C'est du Loïc!
C'est beau. c'est grand. C'est fort.
Ca c'est du texte.
C'est du Loïc!
Maryse- Nombre de messages : 811
Age : 80
Localisation : Montélimar
Date d'inscription : 22/09/2010
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