A l'ombre des ferries (Gibraltar)

[pescaire66(oletouroque)]

Il y a ceux-là qui rentrent sans cadeaux

Gardent sur leurs doigts flétris par l'eau

Autre chose qu'une alliance en or froissé


Il y a ceux-là qui sans voir exactement la chute des pommes

L'évitent en agitant les jambes

Et glissent sur la dépression créée


Au-delà de ceux qui rentrent et qui tombent

Fraîchement débarqués fraîchement cassés

Une barrière de fer rouge aux airs de crucifix

[Invité]

Attiré par le titre (Gibraltar), j'ai lu... Et je n'ai rien compris. Mais alors rien du tout. Désolé.

[Invité]

Egalement lu pour le titre très évocateur.

J'ai bien aimé

"Il y a ceux-là qui rentrent sans cadeaux

Gardent sur leurs doigts flétris par l'eau

Autre chose qu'une alliance en or froissé"

mais ne comprend absolument pas ce que cela peut vouloir dire.

[Marvejols]

pescaire66(oletouroque) aime les textes à énigme. Il pousse l'évocation, la suggestion, une certaine technique de l'effacement jusqu'à la limite. Je me fourvoie peut-être totalement mais voici ce que je décode:
A l'ombre des ferries (Gibraltar)
... une histoire de bateaux donc. Et de passage étroit. Une histoire de maghreb ou du moins de Sud-Méditerranée. Et l'ombre suggère ce qui se passe justement dans l'ombre de, ce qu'on ne voit pas.

Il y a ceux-là qui rentrent sans cadeaux
Gardent sur leurs doigts flétris par l'eau
Autre chose qu'une alliance en or froissé
... là j'hésite entre une idée de mort (qui vient par l'association " rentrer sans cadeau" et "doigts flétris" + autrechose que de l'or) et celle d'un retour honteux et dépouillés, encore plus pauvre qu'avant. mais il est peut-être trop tôt dans le "récit" pour parler du retour


Il y a ceux-là qui sans voir exactement la chute des pommes
L'évitent en agitant les jambes
Et glissent sur la dépression créée
... la chute des pommes, c'est Newton, c'est la gravité. Ce peut-être aussi la chute des hommes, ou celle des paradis (paradis espérés). Agiter les jambes c'est nager. La dépression créée ce peut être la création (par les politiciens?) d'une situation qui happent des gens et les plongent dans le danger ? J'avoue cependant que le "sur" la dépression m'interroge: glisser sur , cela fait penser à la glace, à une pente plutôt qu'à glisser "dans"...

Au-delà de ceux qui rentrent et qui tombent
Fraîchement débarqués fraîchement cassés
... là je pense clairement à ceux qui entrent (en Europe) et qui tombent -à la fois de haut, de leurs rêves? et sur le sol comme battus, abattus, à peine débarqués ils sont "cassés", pareils à des esclaves

Une barrière de fer rouge aux airs de crucifix

... Le fer rouge c'est évidemment ce qui meurtrit les chairs, de manière indélébile. La barrière de fer c'est la prison, la cage. Et eut-êtr eun vague rappel du "mur de fer". Cette barrière se dresse et mutile ceux qui voudraient s'y accrocher.
Elle a de plus "des airs de crucifix" c'est à dire l'homme qui souffre pour sauver les hommes mais sans doute aussi cette image veut-elle signifier une hypocrisie: ce qui fait barrière aux hommes pauvres venant d'au-delà se pare des autours de la bonté et de la piété.

...D'autres diront leur lecture et si j'ai tout faux.

[Annie]

Comme Marvejols j'y ai vu une évocation des passages d'immigrés maghrebins ou noirs entre l'Espagne (l'Europe) et le Maroc (l'Afrique).

De nombreuses images négatives :
doigts flétris / or froissé / chute / dépression / qui tombent ...
et j'en passe, ne laissent pas douter de la tristesse du voyage.

Autrement j'avoue qu'à force de métaphores le texte est obscur. Je sais combien il est difficile d'écrire sur un tel sujet un texte qui n'ait pas l'allure d'un pamphlet, trouver des images suggestives sans être brutales, parler clair en respectant la part de l'ombre...

"L'évitent en agitant les jambes", plus qu'à un nageur, me fait penser à un pendu qui gigote sous l'arbre (Newton, la pomme).

L'impression d'ensemble est que le texte est attachant, sinon totalement satisfaisant. La dernière strophe me semble la plus réussie, sauf l'énigmatique "Au-delà".

[Invité]

Comme Marvejols j'y ai vu une évocation des passages d'immigrés maghrebins ou noirs entre l'Espagne (l'Europe) et le Maroc (l'Afrique)..

Oui, mais le problème, c'est que les "pateras" (radeaux) et le transit ne se fait pas du tout par Gibraltar.

Monte Gurugú -> Ceuta ou alors camps autour de Melilla (Maghnia par exemple, à la frontière Algéro-Marocaine) puis Melilla, directement depuis Tanger vers les côtes près d'Algeciras, ou encore vers les îles Canaries. Gibraltar est une vraie tour de contrôle anti-émigration clandestine. Donc dans ce cas, il faudrait revoir le titre.

[Annie]

"Oui, mais le problème, c'est que les "pateras" (radeaux) et le transit ne se fait pas du tout par Gibraltar.

..... Gibraltar est une vraie tour de contrôle anti-émigration
clandestine." disait vincent M.

Je ne sais pas quel est le trajet, mais c'est Gibraltar qui fait image, donc ce titre est légitime.
Ce qui serait une erreur dans un documentaire peut être bienvenu dans un poème.

[pescaire66(oletouroque)]

Merci pour vos commentaires.
Vincent M, je te répondrai comme Annie, Gibraltar est un des symboles les plus puissants de l'immigration clandestine aujourd'hui, avec Sangat. Mais Sangat est plus dans le camp de réfugiés que dans le passage par la mer. Et c'est le passage par la mer qui m'intéressait là.
Marvejols, je ne sais pas quoi dire, je trouve géniaux vos commentaires à chaque fois. Il faudrait en faire un recueil. C'est vraiment dantesque.
Merci également aux autres.

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