Exo schaltinienne : Libellule

[Arielle]

A force de nouer ses ombres affligées
avec le fil des jours le cocon se déchire
et la nymphe frissonne, évanescente, étire
ses membres engourdis qu'elle croyait figés

Voilà qu'en son sommeil lui sont poussées des ailes.
Quelque divinité passant par ce verger
a dû m'ensorceler, songe la demoiselle*.

Moi qui n'étais qu'un ver, lourde larve terrienne
je m'envole promue au rang de schaltinienne !

Parfois d'un noir brouillon jaillit une étincelle…

*demoiselle : autre nom de la libellule

[Invité]

Tu m'as devancé, je comptais trouver un moyen d'intégrer le nom de la forme dans un futur exercice !
Sinon, une progression implacable, une parfaite maîtrise de l'exercice à mes yeux. Coup d'essai, coup de maître, etc. Quelle grâce ! Quel talent.

[Phylisse]

Ah que c'est joli Arielle ! C'est frais, léger, poétique, délicat, j'aime beaucoup. Et quelle chute ! Ou quel envol...

J'ai juste été un peu gênée par l'enjambement du deuxième au troisième vers de la première strophe.

Une belle réussite de l'exercice, il faudra que je tente ça quand j'aurai un peu de temps.

[Polixène]

Absolument excellent, comme toujours ...
Il y a un point qui me chagrine, c'est ce "lui sont poussées des ailes" : j'écrirais plutôt "lui ont poussé des ailes" (les ailes ont poussé pendant la nuit, et non pas sont poussées ). Est-ce un choix, si oui pourquoi?

[Marvejols]

Absolument excellent, comme toujours ...
Il y a un point qui me chagrine, c'est ce "lui sont poussées des ailes" : j'écrirais plutôt "lui ont poussé des ailes" (les ailes ont poussé pendant la nuit, et non pas sont poussées ). Est-ce un choix, si oui pourquoi?

Oui, Lui ont poussé serait mieux car moins lourd. La raison doit être le refus du hiatus (ui / on) et sans doute le souhait d'une allitération, bruissante, en S.

[Phylisse]

Moi aussi je m'étais arrêtée sur "lui sont poussées des ailes", mais curieusement j'ai aimé cette forme là, peut-être parce qu'il me semble l'avoir déjà lue quelque part, utilisée ainsi. Je suis donc allée consulter le Littré et j'ai trouvé quelque chose d'approchant parmi les nombreuses utilisations du verbe pousser, en tout cas qui correspondait au sens que je lui avais donné :

Avancer, faire fortune.
- On sait que ce pied-plat... par de sales emplois s'est poussé dans le monde, MOL. Mis. I, 1.
- L'ambitieux fait consister toute sa sagesse à ne pas manquer une occasion de se pousser aux honneurs du monde, BOURDAL. Instruct. Prudence du salut, Exhort. t. II, p.425.
- L'âge viril, plus mûr, inspire un air plus sage, Se pousse auprès des grands, s'intrigue, se ménage, BOILEAU, Art p. III.
- Te voilà devenu habile garçon ; il faut songer à te pousser, LESAGE, Gil Bl. I, 1.
- Je serais privé de la protection... de MM. les comédiens ordinaires du roi, et je serais obligé d'aller travailler au feuilles de M. Fréron, pour me pousser dans le monde, VOLT. Lett. d'Argental, 19 janv. 1772.

C'est ainsi que je l'interpréterais dans le poème d'Arielle. Du coup, je suis aussi intéressée par l'explication qu'elle en donnera, si explication il y a.

[Arielle]

Merci pour vos commentaires élogieux et intéressants :
Concernant le vers "Voilà qu'en son sommeil lui sont poussées des ailes." à vrai dire, j'ai hésité entre les deux formes avec avoir ou être mais comme le remarque Marvejols la suppression d'un hiatus et une allitération tentante m'ont fait choisir la seconde sans être totalement convaincue de son bienfondé. Au singulier "lui est poussée une queue" me semble correct, mais si quelqu'un peut trancher avec de vrais arguments, je suis preneuse ;-)

[Annie]

Délicieux poème, comme toujours Arielle! Grâce et inventivité alliées dans un cadre prescrit.

Concernant le vers "Voilà qu'en son sommeil lui sont poussées des ailes." Les deux formes, verbe être et avoir paraissent grammaticalement correctes, je préfère celle ci, en quelque sorte une forme passive, qui marque mieux la surprise, l'absence d'intentionnalité de la bestiole.

D'autre part je découvre à la fois, la schaltinienne et l'exo schaltinienne. Quelle est l'origine et de la forme et du mot? On dirait un sonnet qui tourne court, l'auteur se fatigue, il supprime un quatrain et bidouille un atterrissage en douceur: 4 3 2 1, stop.

[François T]

Arielle a encore frappé. On ne peut pas la suivre. Elle a raison pourtant d'avoir accordé le verbe "pousser" avec son sujet "les ailes" même repoussé à la fin de la phrase . C'est du moins l'avis du célèbre Grévisse dans "Le Bon Usage". Dommage que " les membres" soient du masculin, ce qui nous prive de la rime féminine pourtant exigée par le règlement .Il est vrai qu'on ne pouvait pas remplacer" les membres" par "les ailes" utilisées juste après et que "les jambes" et encore moins "les cuisses" n'auraient pas convenu. Même avec ce handicap c'est de la belle ouvrage . Signé :un jaloux.

[Invité]

Un très bel exemple d'exercice réussi, où cette forme particulière sied si bien au sujet léger et gracile de la libellule, mis en scène par Arielle.

[zenobi]

C'est superbe. Raffiné et répondant élégamment aux consignes contraignantes.
Pour ce qui est de pousser... Dans le sens de croître et dans l'emploi que vous en faites, je ne vois pas bien ce qui autorise à user de l'auxiliaire être. Ce n'est pas un usage pronominal. (*nous nous poussons des ailes).
Bon, je dois passer à côté de quelque chose, éclairez-moi.

[Invité]

Comme je m'intéresse à cette forme, j'ai tapé "schaltienne" dans le rectangle "recherche"
et j'ai découvert ce joyau.

Cette libellule valait bien qu'on la remonte, tant elle est élégante et lumineuse.
Arielle, chapeau !

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