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Urgences

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Message  Clarisse Lun 30 Mai 2011 - 16:34

La porte s'est ouverte brutalement.
— Me v’là ! fut son seul bonjour.
Elle a enchaîné rapidement après avoir accroché mon regard.
— Figurez-vous que j’ai eu un accident ce matin !
— Pas trop grave, j’espère ? ai-je eu le tort d’interroger, la poussant ainsi à continuer (ce qu’elle aurait fait de toute façon, avec ou sans ma question).
— Pensez donc, ce matin, je me lève et hop, je perds mon utérus !
— …
— Remarquez, c’est pas la première fois. Des descentes d’organes, j’en ai déjà eu deux. Au début çà surprend, on se retrouve avec comme qui dirait quelque chose entre les jambes, enfin vous voyez c’que j’veux dire. Mais, je m’suis dit, Jeannine – je m’appelle Jeannine – il faut d’abord penser à pépère. Il s’ra bien temps de s’préoccuper de toi quand il s’ra plus là.
Pas vrai pépère qu’t’es prioritaire?
Son regard quitta le mien et alla se planter dans celui, vitreux, de pépère qui ne bronchait pas.
— Une descente d’utérus, çà s’compare pas à un cancer. Çà peut attendre, on n’en meurt pas, hein pépère.
Elle avait presque hurlé la dernière phrase pour être certaine d'être bien comprise par le vieil homme. Il leva doucement la main et la laissa retomber sur le lit en signe de soumission.
Comme à son habitude, Jeannine déplaça le fauteuil de repos de façon à le rapprocher du malade, s'y avachit et entama sa séance de torture quotidienne et légale en allumant la télé tout en poussant le son pour que pépère entende bien ...

Je me suis tourné côté mur et j’ai mis les boules Quiès. Quelle heure pouvait-il être ? Pas plus de 11 heures. Le toubib n’était pas encore passé. Les visites n’étaient autorisées qu’à partir de 13 heures, mais elle, elle était là, en terrain conquis, sûre de son bon droit.
J’ai fermé les yeux. Je ne l’entendais plus mais la pièce était pleine de cette femme. Je n’avais pas de révolver et je me sentais trop faible pour sortir du lit et l’étrangler. Surtout, je pensais aux cris de goret qu’elle pousserait avant de rendre le dernier soupir et aux relents de son haleine qui me terrasseraient avant d'avoir pu parachever mon oeuvre.


Tout avait commencé un vendredi soir par une arrivée, sirène hurlante, aux urgences. Ce n'était peut-être pas le meilleur jour, ni la meilleure heure, mais je jure que je ne l'ai pas fait exprès, n'ayant jamais, de ma vie, goûté aux joies d'un transport gratuit et impromptu vers une destination inconnue.
Les urgences d'un hôpital ressemblent à s'y méprendre au tri postal : à la réception du colis, on vérifie l'affranchissement : rapido, c'est à droite, rapidissimo à gauche. Accompagné des pompiers, vous avez d'office l'estampille rapidissimo, le dépose-minute, la civière, l'oxygène et le grand hall qui a plutôt des airs de grandes halles, juste avant la fermeture, quand il ne reste sur les étales que des marchandises avariées dont on ne sait plus quoi faire ni comment s’en débarrasser.
De là où j'étais, je voyais arriver les éclopés qui pouvaient tenir debout, certains sur un pied ou se tenant une main ensanglantée, d'autres encore le cou de travers, une poche de glace sur la joue, un bébé dans les bras … enfin il y avait le choix des maux. Eux étaient parqués dans la salle d'attente "rapido" où ils n'avaient droit qu'à un siège inconfortable certes, mais accès à un distributeur de boissons fraîches, les veinards. Ils étaient accompagnés d’un tiers, le plus souvent leur moitié. Mais parfois, on avait l’impression que la famille entière s’était donnée rendez-vous, histoire de passer une petite soirée en extérieur. De temps en temps, un valide retardataire accourait aux nouvelles, le visage grave, le pas nerveux, le verbe haut. Lui aussi était consigné de l’autre côté.

Les grabataires étaient prioritaires, mais la priorité, c’est long quand on attend. Ma voisine de gauche gémissait, toute recroquevillée. Je crus comprendre qu’elle avait confondu les escaliers avec une piste de ski et les avait pris tout schuss. A ma droite, un homme vomissait assez régulièrement, ce qui, en d’autres temps, m’aurait donné l'envie d'en faire autant. Mais là, rien. La fièvre m'anesthésiait et je me concentrais sur ma respiration, bloquée par un poids invisible.
Sans prévenir, ma vessie s'est réveillée. J’essayai en vain de héler une infirmière. Visiblement, elles s’entraînaient toutes pour le marathon de New York, même les moins athlétiques. Au moins dans leur sillage un petit courant d’air rafraîchissait mes tempes brûlantes.
Au moment où je désespérais et m'apprêtais, à ma grande honte, à pisser au lit, tout s'est débloqué : j’étais redevenu visible et audible. On s'occupait enfin de moi. Je pus me soulager discrètement puis les choses sérieuses commencèrent : auscultation, prise de température, prise de sang, radio, perfusion… et une mise à nue en bonne et due forme qui ne semblait troubler personne. La sentence fut sans appel : hospitalisation immédiate pour une durée indéterminée. Revêtu de mon uniforme carcéral et minimaliste, privé de mon avocat préféré, ma femme, que son amour immodéré pour Florence – je parle de la ville – avait momentanément éloignée, je n'avais d'autre choix que d'accepter.
C'est ainsi que mon calvaire a débuté.
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Message  Invité Lun 30 Mai 2011 - 16:48

Dommage... Elle me plaisait bien, mémère. Dommage de l'abandonner en cours de route...
Sinon, excellent compte-rendu de ce non havre de paix que sont les urgences. Un plus pour cette phrase : Les grabataires étaient prioritaires, mais la priorité, c’est long quand on attend.

Remarques :
ça (sans accent)
les étals (sans "e")

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Message  elea Lun 30 Mai 2011 - 18:29

Quel début sur des chapeaux de roues (de brancard), voilà qui donne très envie de la suite que j’attends donc avec impatience, le cœur serré pour pépère et son voisin de chambre.
Bien vue aussi cette description enlevée des urgences, centre de tri.

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Message  bertrand-môgendre Mar 31 Mai 2011 - 5:15

Le texte est une invite à poursuivre ton aventure, c'est déjà ça de gagner.
Pourquoi débuter avec cette scène "ordinaire" dans la chambre d'hôpital ?
J'aime bien ceci : Je ne l’entendais plus mais la pièce était pleine de cette femme.

Dans la salle d'attente, il te manque, à mon avis, un passage plus prononcé sur l'attente en elle-même en dehors de la salle, la soif de voir apparaître la personne en blouse blanche qui viendra te délivrer de cet enfermement tapissé de revues papier glacé et de souffrances sonores.
Je ne fais référence bien évidement qu'à ce que je connais, car pour le coup, même dans le but de m'informer, je ne désire plus en fréquenter d'autres.
J'aime bien ceci : Visiblement, elles s’entraînaient toutes pour le marathon de New York, même les moins athlétiques. Au moins dans leur sillage un petit courant d’air rafraîchissait mes tempes brûlantes. car je voue une admiration indéfectible envers ces professionnelles.
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Message  Clarisse Mar 31 Mai 2011 - 11:52

Merci aux lecteurs fidèles!
Easter, mémère est très âgée et se repose … pour le moment.
Elea, la suite n'est absolument pas prête, même si j'en ai une petite idée. Je n'ai malheureusement pas vraiment le talent de l'improvisation. Je pinaille parfois des heures sur une phrase qui ne me convient pas … J'ignore donc quand la suite sera digne d'être publiée mais vos réactions à cette première approche m'encourage.
Bertrand, je réfléchis au passage plus long sur l'impatience des malades ou de leurs accompagnateurs.
J'ai commencé par la scène de la chambre (scène vécue, bien que je n'apparaisse pas !!!) parce que je voulais que le lecteur soit choqué et plongé d'entrée dans ce monde parallèle qu'est l'hôpital, où l'on est propulsé dans l'intimité de gens que jamais on n'aurait rencontré dans l'autre vie, celle des bien-portants.
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Message  Invité Mar 31 Mai 2011 - 13:36

Criant de vérité ! J'ai adoré le passage sur la visiteuse et les sentiments qu'elle inspire, ayant moi-même songé intensément à devenir une meurtrière, en semblables circonstances.
J'aime le ton guilleret, l'ironie douce et aussi que tu n'essaies pas d'être exhaustive dans le catalogue des usagers.
Les urgences comme sortie familiale du dimanche soir, fallait y penser !
Je lirai la suite dès sa sortie en espérant que la fièvre ne retombe pas.

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Message  Lizzie Mar 31 Mai 2011 - 15:45

C'est alerte, drôle, efficace. J'aime beaucoup la première scène, elle accroche l'attention, on ne lache plus, ensuite. J'espère que tu garderas ce rythme dans la suite, que je viendrai lire avec curiosité. Merci !

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Message  Invité Mar 31 Mai 2011 - 16:35

Moi aussi j'ai beaucoup aimé ce début vif, enlevé... Il y a une espiéglerie dans le ton qui donne envie d'en savoir plus. Par certains aspects, ça m'a rappelé un livre que j'ai lu il y a quelques années : Mesdames, souriez, de Jessica Nelson (sans doute le deuxième paragraphe). Rafraîchissant !

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Message  Clarisse Mer 1 Juin 2011 - 15:56

Se posa alors le problème de trouver un lit dans le service adéquat. Mon brancard fut casé tant bien que mal, mais plutôt mal que bien car nous étions quelques-uns à avoir été sélectionnés auxquels venaient se rajouter d'autres dont le sort était encore incertain. Cette incertitude les rendait nerveux. Je remarquai un type, rougeaud et trapu, qui s’agitait ostensiblement, excédé par l’attente, impatient d’en finir.
- Puisque je vous dis que je n'ai rien, retirez-moi tout ce bazar que je rentre chez moi!
Plusieurs fois, des infirmières avaient tenté de le calmer. Mais lui n'en démordait pas. Elles avaient fini par l'ignorer complètement ce qui n'avait fait qu'augmenter sa colère. Je le voyais fulminer. Soudain, dans un ultime accès de rage, il descendit du brancard en arrachant sa perfusion. Un flot de sang jaillit qui le surprit, obligeant cette fois les infirmières à intervenir. Elles n'en avaient pas terminé avec lui qu'un groupe de jeunes fit le forcing, transportant un des leurs ensanglanté, exigeant qu'on s'occupe de lui sur le champ. Tout ce chambardement avait réveillé ceux qui somnolaient, la nervosité gagnait tant les malades que le personnel soignant. Je me suis demandé si c'était comme ça tous les soirs ou juste pour me distraire un peu. Je n'ai pas eu la réponse : un brancardier vînt m'exfiltrer de la cour des miracles.



Les trois premiers jours de ma détention sont restés assez flous. Je dormais ou somnolais la plupart du temps. De toute façon, le week-end, il ne se passe pas grand-chose à l'hôpital. Aucune visite n'était venue distraire le quotidien, ni pour moi, ni pour Michel, mon compagnon de cellule, un homme d'une cinquantaine d'années. Il n'était pas très causant, distillant ses phrases au compte-goutte et ça m'allait très bien. Il restait de longues heures, les bras croisés derrière la tête à fixer le plafond. J'appris qu'il était gardien de villa, une très grosse villa avec logement de fonction, qu'il entretenait à l'année. Son patron l'habitait les mois d'hiver et la louait le reste du temps. C'est lui, le patron, qui appelait tous les jours, à six heures précises pour savoir quand son employé allait se décider à reprendre le travail : la saison touristique allait débuter, les locations étaient bouclées, il n'était pas question de les annuler. Si Michel ne revenait rapidement, il serait remplacé. Les médecins, eux, voulaient le transférer dans un établissement de repos. Il avait beaucoup à perdre, dans un cas comme dans l'autre…

Nos seules distractions venaient du personnel hospitalier. Distractions est peut-être un peu fort. Disons plutôt coupures, mouvements, animations. Le matin, après le passage des infirmières, j'étais poliment mais fermement invité à aller faire un tour dans le petit cabinet de toilette. Je n'en avais aucune envie et mon harnachement ne m'y incitait pas. J'obtempérais pourtant. Je trimballais la potence de la perfusion en essayant de ne pas faire bouger l'aiguille plantée dans mon avant-bras droit, de ne pas me prendre les pieds dans le fil de l'oxygène que je devais garder jour et nuit. Puis, une fois à l'abri des regards, j'ouvrais le robinet du lavabo et m'asseyais sur la cuvette des WC, en attendant que les aides-soignantes refassent mon lit et nettoient la chambre.
Je ne touchais quasiment pas aux plateaux-repas, ce qui me valait quelques remontrances d'usage qui restaient sans suite…
J'avais perdu tous mes repères, j'étais de nouveau en attente, ni plus, ni moins.



Fabrice Luccini m'a surpris en plein sommeil. Il portait une blouse blanche. Il parlait mais aucun son ne sortait de sa bouche. Je devais être dans un film muet ! Puis j’ai aperçu Jeannine affalée, pépère dans son lit et deux infirmières. Encore quelques secondes pour tout remettre en ordre, écarter l’hypothèse d’une surdité brutale et retirer les boules Quiès.
— …Vous sortez à 15 heures. Voulez-vous une ambulance ?
— Euh, 15 heures, non, ma femme…
— Très bien. J'envoie le compte-rendu à votre médecin traitant. Bonne convalescence.
Et hop, il a disparu.
Çà faisait plus d'une semaine que j'avais sous les yeux le docteur Guise et je remarquais seulement maintenant combien il ressemblait à Luccini. Je me suis dit que peut-être, un jour, je verrai Luccini en vrai et que je lui donnerai du bonjour Docteur et qu’il me prendra pour un malade !
Puis j'ai fait semblant de me rendormir pour ne pas avoir à subir les assauts verbaux de Jeannine.

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Message  Espérance Mer 1 Juin 2011 - 16:37

Je commente tout d'abord la première partie que tu as postée, en te promettant de lire la suite plus tard.
Véritablement, j'ai beaucoup aimé. Le côté pittoresque, le rendu des expressions de langage de mémère met tout de suite le lecteur en face d'elle et je dois dire que c'est très appréciable. De bons jeux stylistiques, on ne sait pas très bien qui "pèpère" désigne au départ, j'avais pensé à un chien avant d'aller plus loin dans le texte. Beaucoup d'humour, vraiment, on a envie de te lire et découvrir le reste. Commencer par la chambre est très intéressant à mon sens, car deux intrigues nous sont proposées, ce qui nous amène à avoir deux fois plus envie de découvrir les ressorts de ta trame.

Des choses que j'aime beaucoup :
"le grand hall qui a plutôt des airs de grandes halles"
"on avait l’impression que la famille entière s’était donnée rendez-vous, histoire de passer une petite soirée en extérieur. De temps en temps, un valide retardataire accourait aux nouvelles, le visage grave, le pas nerveux, le verbe haut. "
"Revêtu de mon uniforme carcéral et minimaliste, privé de mon avocat préféré, ma femme, que son amour immodéré pour Florence – je parle de la ville – avait momentanément éloignée, je n'avais d'autre choix que d'accepter."

Cependant, petit bémol : la première lecture est très agréable, mais la deuxième nous apporte déjà moins, et la troisième assez peu. Un texte très sympa à lire, donc, mais une fois, sans grandes surprises. Mais je maintiens mon appréciation première.

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Message  elea Jeu 2 Juin 2011 - 21:45

Je suis avec plaisir cette remontée dans le temps, des urgences à la chambre. J’ai bien aimé l’apparition de Lucchini, pas seulement pour lui mais pour la manière dont tu as traité la chose.
Et j’apprécie la façon dont les personnages prennent corps sous ta plume, c’est vraiment agréable de te lire.

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Message  Clarisse Ven 3 Juin 2011 - 19:29

Au troisième jour, Elle apparut et ce fut le début de ma résurrection.
Pascale, ma douce, ma légère, mon insouciante, ma femme-enfant. Elle m'a serré très fort dans ses bras, en écrasant une larme et par la même occasion l'aiguille de la perf., mais je ne lui en ai pas voulue. J'étais si heureux de la voir.
Je ne sais pas si elle avait pris des cours de rattrapage à Florence, mais elle me revenait transformée, un subtil mélange de mamma italienne et de mère juive. La ménopause peut-être?
Elle m'a lavé, elle m'a rasé, elle m'a coupé les ongles, m'a couvert de vêtements propres et décents. Elle m'a donné la becquée, a remplacé les fruits durs comme de la pierre par d'autres, mûrs et de saison. Elle m'a apporté un peu de lecture. Dans son sillage, s'immisçait la vie, la vraie. Je n'ai pas de souvenirs de ma toute petite enfance, je crois bien que ça y ressemblait.

Nos retrouvailles avaient été facilitées par le départ de Michel, convaincu par les médecins de la nécessité d'une convalescence médicalisée. Nous avions droit à un peu d'intimité. Ce n'était pas le paradis mais ça commençait à lui ressembler.

Les meilleures choses ont une fin. La nuit même, débarquait pépère.
Quand Pascale est arrivée, j'ai vu son regard de louve se poser sur l'intrus qui squattait la tanière. Elle a fait comme si de rien n'était mais j'ai bien senti que ça la contrariait. D'autant que pépère endormi, c'était l'usine à ronflements. Des décibels, à faire pâlir un raveur.
- C'est comme ça tout le temps?
- Tant qu'il dort, sinon, il est plutôt tranquille!
Je n'ai pas osé lui dire qu'en fait, il dormait presque tout le temps.
- Je vais demander une chambre individuelle, tu seras beaucoup mieux!
Pascale n'avait qu'une idée approximative d'un CHU qu'elle croyait être Confort Hospitalier Universel. Je ne voulais pas la contrarier et l'ai laissé faire les démarches.

En début d'après-midi, Jeannine a déboulé, accompagnée de sa fille et de son gendre :
- M'sieur, Dame
- Ben dis donc, il a l'air bien!
- C'est les drogues!
- T'avais dit que c'était la fin!
- Attend d'voir qu'il se réveille!

Joignant le geste à la parole, Jeannine a secoué Pépère. Pour le coup, le bruit de fond a cessé mais je me demande encore s'il n'eut pas mieux valu qu'il persiste. Parce qu'une fois pépère réveillé, ils ne s'en sont plus occupé. Ils ont parlé de tout, de rien, du partage des biens, du dernier épisode des feux de l'amour – si ça doit durer encore longtemps, moi, je veux bien m'en occuper mais faut lui mettre la télé.


Tout cela est très loin aujourd'hui. Mais, parfois, quand je cauchemarde, j'entends encore la voix de Jeannine !
- Ils aiment pas la télé, ils aiment pas la télé, en attendant, ils en profitent, et qui c'est qui paye, c'est bibi!
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Message  elea Sam 4 Juin 2011 - 17:27

Le retour de Jeannine et pépère ! Avec toute l’horreur sous-jacente des dialogues. Mais ici, mon passage préféré c’est Pascale, et toutes les petites réflexions amusantes à son encontre.
Pas grand-chose de constructif à dire, je lis avec plaisir.

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Message  Invité Dim 5 Juin 2011 - 10:24

Clarisse, tes urgences me font du bien !
Juste une remarque sur la chronologie, ici :
Les meilleures choses ont une fin. La nuit même, débarquait pépère.
Quand Pascale est arrivée

peut-être préciser pour être absolument clair par rapport à son retour en début de passage : "Quand Pascale est arrivée ce matin-là"

Sinon, j'aime bien aussi les petits détails qui donnent une légèreté au récit : Elle m'a serré très fort dans ses bras, en écrasant une larme et par la même occasion l'aiguille de la perf.

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