Aubade

[Nathanaël Zenou]

Mes lèvres ce matin ont embrassé ton front,
Et mes yeux reposés contemplé ton sommeil ;
A l’heure où le soleil n’est à l’horizon
Qu’une grenade verte entachée de vermeil.

J’écoutais recueilli la rumeur de l’été :
Le coq et sa chanson, comme un chef de caserne
Ferait frémir dans l’air des notes répétées,
Annonçait cette aurore à l’ombre qui nous cerne.

Je t’observais dormir, trésor vivant, que cache
Une tente de chair en ce moment de trêve.
Es-tu de ces Hébreux qui courraient le Néguev,

As-tu pris de cet or qui recouvrait leur arche ?
Dans le noir de la chambre, au plus fort du secret,
Voici je croyais boire un hydromel sucré.

13 Mars 2011

[Espérance]

"Mes lèvres ce matin ont embrassé ton front,
Et mes yeux reposés contemplé ton sommeil ;
A l’heure où le soleil n’est à l’horizon
Qu’une grenade verte entachée de vermeil."
Magnifique, surtout le dernier vers. Une image nouvelle dans ce type de poème.
Le terme "caserne", j'aime pas, ça m'évoque le froid, le métallique, les barres qui descendent sans courbes d'un étage à un autre. Mais c'est sans doute profondément subjectif, peut-être que d'autres ne partageront pas ma vision.
"Hydromel sucré", une pointe de cliché qui m'a déçu. (par rapport à la première strophe, toujours, qui happe le lecteur.)

"Es-tu de ces Hébreux qui courraient le Néguev,

As-tu pris de cet or qui recouvrait leur arche ?"
La sonorité en "èv", magnifique à la fin de ce vers.

[solfa]

La guerre, par petites touches (d'où la caserne, non?), reste dehors; et la paix entre nous, dans l'ombre... Je me suis laissé prendre au jeu!

J'ai donc bien aimé, mais les défauts de ma culture m'empêchent de comprendre "Es-tu de ces Hébreux qui courraient le Néguev, / As-tu pris de cet or qui recouvrait leur arche ?". Je sais que Google est mon ami, mais bon... Et je ne saisis pas non plus le dernier vers, principalement à cause du "Voici".

[Mure]

Je doute.
Plusieurs termes évoquent la guerre et cela suffit à m'interroger sur le sommeil.
Mort ou pas ?

J'aime "Une tente de chair".

[Nathanaël Zenou]

pour vous répondre, le coq qui fait le chef de caserne, c'est simplement parce que j'ai vécu à la ferme, et c'est très exactement sa démarche, on dirait presque qu'il marche au pas ! et inconsciemment oui le mot "caserne" avec "ombre qui nous cerne" sont venus d'eux-même,


"le voici je croyais boire un hydromel sucré", c'est un effet de boucle à la Eluard, vous savez le poème sur les yeux

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur

... ici le reste du poème qui finit par:

Et tout mon sang coule dans leurs regards.


j'ai voulu que

"
mes lèvres ce matin ont embrassé ton front,
voici je croyais boire un hydromel sucré,


pour toi solfa
L'arche, c'est l'arche de l'Alliance, dans le Tabernacle, là où selon la Bible résidait la présence et la gloire de Dieu, (Schékina en Hébreux), la tente était de toile, et l'arche d'or, et dans le poème j'ai voulu faire un parallèle entre "la tente chair" et l'essence de la personne à qui je m'adresse, "Schékina", et l'or symbolise la justice la pureté, pour dire que je m'attache à la beauté intérieure + physique,

Certains clichés comme l'hydromel, mais il y a tant de poètes derrière nous et on a tant écrit que presque toutes nos productions litteraires pourraient faire cliché, moralité: je m'en fiche de faire cliché,

après tout le monde sent ce poème comme il le veut et il est libre de toute interprétation

[Nathanaël Zenou]

d'ailleurs j'ai changé le dernier vers, " le trait " par un
Et moi je croyais boire.. pour accentuer l'effet boucle

[Mure]

Merci de ses explications Nathanaël Zenou, j'arrive désormais à lire ce poème autrement et à me l'accaparer.
Le titre vient bien mieux coller à la perception que j'en ai.
Je n'y lis plus la guerre ni la mort.
A voix haute, la virgule après "Je t'observais dormir" ralentit la lecture. Et pourtant, elle paraît indispensable.
Je ne sais pas comment il serait possible de modifier ce frein mais, je tenais à vous en faire part.
J'ai remplacé "Voici je croyais" par "Et moi je croyais" comme vous l'avez modifié et j'approuve.

J'ose dire que ça coule dans la gorge comme un hydromel sucré.
Merci.

[Marvejols]

J'ai lu -et apprécié ce poème- en quelque sorte au premier degré. Comme une contemplation amoureuse. Puis j'avoue, la lecture guerrière de Mure m'a semblé très plausible. D'abord il est -de manière appuyée- daté du 13 mars. Autant dire des ides, date de l'assassinat de César. Mais de plus si l'on lit s-cette séquence de termes, Mure semble avoir senti juste:

Mes lèvres ce matin ont embrassé ton front,.............le front c'est militaire et embrassé le front ça fait veillée funéraire (au sens noble de l'image)
Et mes yeux reposés contemplé ton sommeil ;.............le repos... et... ton sommeil
A l’heure où le soleil n’est à l’horizon
Qu’une grenade verte entachée de vermeil.............. le vermeil cela pourrait être le sang du à la grenade, comme les deux trous du dormeur du val

J’écoutais recueilli la rumeur de l’été :........................recueilli : prière qui collerait avec une veillée funéraire
Le coq et sa chanson, comme un chef de caserne.............la caserne parle d'elle-même et le coq est bien martiel lui aussi
Ferait frémir dans l’air des notes répétées,.............les notes répétées dans l'air pourraient être des coups de feu ou de canon
Annonçait cette aurore à l’ombre qui nous cerne..............l'ombre qui nous cerne pourrait être le voile de la mort

Je t’observais dormir, trésor vivant, que cache.............dorrmir...
Une tente de chair en ce moment de trêve..............la trêve existe lorsque la guerre existe; la chair après le canon...
Es-tu de ces Hébreux qui courraient le Néguev,

As-tu pris de cet or qui recouvrait leur arche ?
Dans le noir de la chambre, au plus fort du secret,.............le noir de la chambre : veillée mortuaire à nouveau?
Voici je croyais boire un hydromel sucré.

Mais malgré cette interprétation possible -qui ne sera toutefois pas infondée totalement- une lecture en termes d'amour reste plus que possible: sensible.

J'ai longtemps cherché à placer un QUE après ce VOICI JE CROYAIS. En vain, pourtant ce que est indispensable. Alors: Me voici croyant boire un hydromel sucré ?

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