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Ici, c'est ma maison, je voudrais que tu démènages. S'il te plaît.

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Ici, c'est ma maison, je voudrais que tu démènages. S'il te plaît.  Empty Ici, c'est ma maison, je voudrais que tu démènages. S'il te plaît.

Message  Espérance Mer 1 Juin 2011 - 16:47

Ici, c'est ma maison, je voudrais que tu déménages.
S'il te plaît.


Lundi

La main cherche encore le réveil. La chambre est encore sombre, éclairée seulement de la lueur tamisée d'un soleil qui brille de l'autre côté du store véluxien. De petites raies blanches ondulent sur le sol satiné de la pièce à coucher. La respiration de Marc monte et descend faiblement. Son bras droit est coincé sous l'oreiller et supporte sa tête, emprisonnée encore dans la glace du sommeil. Les veines palpitent, comprimées depuis la veille, et la main droite engourdie repose sagement sur le couvre-lit bleu, d'un joli noir dans l'aube de ce petit matin.

Chambre. Le store s'ouvre. Grand océan de couleurs qui s'effondre sur le planche de la chambre à coucher, et se ternit doucement pour revenir à une lueur normale. C'est l'œil de Marc qui s'est habitué, en quelques secondes, au passage de sa nuit artificielle à la teinte de l'astre éclatant.

Salle de bains. La douche coule sans grand bruit. L'eau grouille sagement hors des tuyaux, et descend en cascade sur les épaules de Marc. Branches incolores qui se perdent sur le blanc de ses épaules. La tête de Marc se lève vers la pomme, et ses yeux endoloris scrutent la vingtaine de petites pores métalliques qui laissent échapper leurs minuscules ruisseaux. Il se demande ce qu'il y a derrière. Trous noirs. Sa main grimpe et redescend partout sur son corps. Le savon s'épuise dans le tube, et de grosses bulles impudiques éclatent à la place du bouchon, à l'embouchure du tube. Les pieds de Marc, trempés, se frottent maladroitement, fatigués, encore, à un tapis de bain d'un jaune un peu sale. Une mouche a été catapultée sur le miroir au dessus du lavabo, au milieu des éclats gras de furoncles. Marc attrape sa serviette. Celle de sa sœur, rose bonbon, atrocement flashi à huit heures du matin, tombe dans les cheveux morts et la poussière du carrelage.

Cuisine. Une tranche de pain de mie Harry Ultimate Generation se dore dans le grille-pain. Les néons brûlants font sortir de la grenouille verte un nuage de vapeur rouge, et la cafetière d'à-côté émet de sourds grondements dans un nuage violent. Noir. Les gouttes grossières qui s'écrasent sans dignité dans la colonne de verre regardent les miettes amassées au fond du grille-pain. Des cendres s'accumulent. La future tartine est éjectée sans ultimatum, dans un cliquetis froid et inhumain. Marc sursaute. Ses doigts flétris par la douche jouent avec la tranche, brûlante, et la tranche de pain de mie Harrys Ultimate Generation dérape sur toute la longueur de la table, avant de s'arrêter, dans un équilibre parfait, sur le rebord bleu et plastifié du set de table. Un soupir déchire à nouveau le silence. Verre opaque sorti de la seconde armoire des meubles équipés. Jus d'orange.

La radio émet un son continu et expectore des ondes nasillardes. Le doigt de Marc monte le son, au bouton tout d'abord, puis à la télécommande. Une vieille chanson des Rollings Stones. Une des premières. 1962. Cuba, grands missiles. Bienvenue dans l'ère atomique. Fukushima dégringole en milliards de particules des enceintes du poste de radiographie et inonde les oreilles de Marc. 7H30, les informations du lundi matin, 6 juillet 2011. Sept heures, quarante minutes et vingt-trois secondes s'affichent sur une horloge digitale, à côté de l'évier crasseux, grise elle aussi de poussière synthétique et monochrome. Marc plonge la tête dans son bol de thé et ses narines se froncent aux vapeurs qui s'en dégagent.

La rue. Sa désertification. La brume de poussière qui s'élève doucement à chaque rafale de vent, les tourbillons de feuilles mortes, au bout, près du peuplier très vert. La chaleur du petit matin, les rayons jaunes qui s'affalent sur les pieds nus. Marc prend garde. Marc marche. Marc dépasse la maison aux volets verts où le chien du voisin tonitruait, avant, de violents aboiements. Il va jusqu'au bout de la rue, regardent toutes les fenêtres, scrute toutes les piscines aux eaux vertes et stagnantes. Les larves et les feuilles se sont accumulées. Pas un bruit ne vient troubler le silence. Seulement cet air de musique classique qui ne s'arrête plus depuis un mois. A bien tendre l'oreille, on croirait entendre du Bach, mais en réalité, c'est du Mozart qui sort de l'horizon.

Marc rentre chez lui, ferme la porte à clef. Simple habitude.
Il va se recoucher. Ferme le store. S'allonge dans son lit.
Ferme les yeux.

Mardi

Midi-douze. Marc se prépare un sandwich. Des chips, du bacon séché, un reste de pâté, des sardines et des feuilles de salade s'enfournent entre deux tranches de pain. La feuille d'aluminium, déchirée dans un craquement métallique, s'enroule autour du pain de mie Harry Ultimate Generation. Le rouleau échappe des mains de Marc, et heurte violemment le sol, irrécupérable. Dix minutes passées à réenrouler les feuilles argentées dans leur axe, autour du mince cylindre cartonné, dix minutes pendant lesquelles le beurre un peu rance sur le plan de travail commence à fondre dangereusement dans son emballage plein d'omégas 3. Un deuxième sandwich est en préparation. Celui-là n'est pas pour Marc, mais il en prend grand soin. Aucune miette ne tombe de la table. Les mains passent en refus, fébrilement, les moins recoins du bois, et nettoient leur peau nue et flétrie par la douche au dessus de l'évier.

Marc est parti avec son sac à dos. La chaleur est encore plus ardente que la veille, et les volutes de poussières, plus foncées, transportent de drôles d'odeurs. Un bruissement léger, presque imperceptible, s'échappe de l'eau brune des piscines, chez le voisin de droite. Deux enfants, deux piscines. Ils n'étaient pas désagréables. Deux bouteilles d'eau. Les sandwiches. Marc coupe à travers les champs jaunes qui bordent le kilomètre de route qu'il doit effectuer pour atteindre le centre. I descend au village. Pas de regard pour les moissonneuses-batteuses qui sommeillent dans la chaleur. La lumière se reflète sur la route, et sur les pares-brises des quelques voitures qui dorment sur le parking, cinq minutes avant d'arriver devant l'ancien collège, un grand reflet de l'astre surprend à chaque fois la paupière énervée. La route est très chaude sous les pieds. Un peu de sang est resté coagulé en dessous de l'ongle du gros orteil de Marc.

Marc s'arrête un instant pour regarder à travers le battant des deux grilles du collège. La cour grise s'étend comme une mer, et le terrain de foot y dessine une jetée. Aujourd'hui, les enfants n'ont pas école. Plus personne n'a école.

Le village. La Poste. La Mairie. L'Eglise.
Le Centre Aéré. Les bâtiments de la Garderie.
Une Fontaine. Marc s'assied sur le rebord en pierre, plonge sa main dans l'eau tiède. Il ne reste plus beaucoup d'eau., et bientôt les ongles de Marc devront gratter le fond. La chaleur est vraiment forte, aujourd'hui. Le front sue, et la main qui s'y risque retire de grosses peluches de graisse et de sébum qui coulent dans les yeux et s'installent sur les cils. Marc frotte ses yeux noirs brûlés par la lumière. La place du village, privé des jaillissements d'eau froide de la fontaine, seulement rafraîchie par les rafales de vent sec qui balayent l'asphalte et les commerces, est baignée d'une étrange torpeur. Le soleil se reflète sur des petites boules qui tournent aux toits des maisons, pour effrayer les oiseaux. Si bien que le silence est complet. Tout est vraiment très calme. Marc imagine les lourdes boules de pétanque traverser l'air opaque, lourd et venimeux et s'échouer sur le sol dans de grands hurlements métalliques. Le terrain de tennis rougie très fort. Le goudron rouge fond à grande vitesse, et des flaques de ce sang épais étincèlent un peu partout.

Le deuxième sandwich est posé sur le rebord.
Quelqu'un, peut-être, le mangera cette fois-ci.
Il faut garder les habitudes.

Marc revient chez lui. Une heure dans cette puissante journée d'été vient de s'écouler. Marc s'installe dans le jardin. Un vieux bouquin a été puisé dans une de ses bibliothèques, dans le salon, près des photos de famille. L'histoire d'une vile dévastée, désertée brusquement. Comme tant d'autres. L'idée est un peu clichée, mais le roman n'est pas mal écrit. Un auteur français, pour une fois. Des étoffes cotonneuses sont portées par les courants d'air chauds. Des fruits en formation, des cadavres de fleurs qui éclosent dans la chaleur. 38 degrés Celsius à l'ombre. Marc redoute les allergies, et il sent dans son nez les prémices d'une sternutation douloureuse. Plus de mouchoirs en papier. Des feuilles de cerisier feront l'affaire.

Marc a un fol espoir au cœur. Un jour les cinémas sauront recréer cette ambiance particulière des romans américains, mais avec des productions françaises. Marc pense qu'il aura aimé aller au cinéma, en ville, dans la fraîcheur d'une salle, aujourd'hui, à la séance de 18 heures, avec sa petite amie. Elle porterait une robe blanche qui ferait ressortir ses formes, les cheveux dénoués, et ses poignets encerclés de lignes argentées serait un peu glacés. Il l'embrasserait, vers la fin du film, et tous deux resteraient bien après l'éclat blanc de la fin, serrés l'un contre l'autre dans la demi-lumière d'une salle de cinéma. Fauteuils rouges. Pas beaucoup de place pour les jambes, mais ça ne fait rien. Manteaux de chaque côté, sur les sièges voisins, comme des gardes du corps silencieux pour que personne ne s'asseye et vienne troubler de ses dents collées de pop-corn jaune le délicieux attendrissement du moment. Main qui se serre. Action. Rue déserte, encore. Pas pour les mêmes raisons. Froid qui balance contre la peau, musique dans les oreilles, petite amie dans la main et dans le cœur. Restaurant.

Le soir prend Marc dans ses rêveries. Un ancien bouton de moustique le gratte à l'épaule et l'empêche de dormir, vers minuit, quand le soleil et la lampe se sont éteints ensemble.


Mercredi

Huit heures et treize minutes. Passage au toilettes. Il y a un peu de sang. L'or mêlé de rouge s'écoule en tourbillons désordonnées dans la cuvette toute blanche. Pour ne pas voir, Marc tire la chasse tôt au moment d'uriner, et ses éclaboussures mousseuses trempent l'intérieur de ses cuisses. Il est fâché. S'installe devant la télévision, avec l'intention ferme de regarder les dessins animés. La télé reste noire. La diode est verte, mais l'écran ne scintille plus de ses milliers de pixels colorés. Quelqu'un a oublié, à des milliers de kilomètres de là, de mettre le pilote automatique en marche au moment de sa mort, langoureuse et terrible. Il n'y aura plus jamais d'images, alors Marc les invente, et les contes sans chutes sortent à toute vitesse de son crâne étrange pour se catapulter, comme la mouche de la salle de bains, mais en centaines de mouches, dans le cadre vide de la télévision. Avec programme Canal Sat inclus, trente euros quatre-vingt dix-neufs par mois. Quatre-vingt dix-neufs centimes de centimes. Centimes de centimes.

Marc se balance sur les balançoires de ses enfants. Il les utilisent l'une après l'autre. Il se propulse avec les pieds contre le sable granuleux du sol, dans le bac qu'il avait aménagé avec sa petite amie quelques années plus tôt. Achat de la maison. Peinture sur les murs. Enfants dans les chambres. Télévision dans le salon. Juste à côté de la haie de Pirhacantas, sous un massif bordé de pierres, Caramel. Mort de paralysie arrière, lapin roux, de ferme, assez géant, affectueux et sans myxomatose, ce n'est pas elle qu'il l'eût importé, il aurait mieux valu. Marc l'a amené chez le vétérinaire un jour d'été comme celui-ci, aussi morne et aussi chaud, aussi mort, aussi poussiéreux, cadavérique comme le lapin, et la chose allongée sur le lit froid de la table d'opération n'avait plus rien de Caramel. Marc, avec une petite belle, a enterré la créature. Les enfants avaient un peu pleuré, puis étaient passés à autre chose. Eux sont sous l'autre massif, près des roses trémières et du lilas violet, à quatre-vingts centimètres en dessous du niveau de la mer. Rose est restée dans sa petite jupe courte, celle qu'elle portait au début du mois de juillet, et Jean a été enterré tout nu. Après le bain, Marc n'a pas eu le courage de le rhabiller.

Fin d'après-midi. Les grillons crissent doucement. Le ciel est plutôt joli. Marc ne parvient pas tellement à sourire. Il y a quelques jours, les sentiments qui le poussaient existaient encore, mais la chaleur de cette journée d'été vient de les condamner. Fête nationale. Cette année, Marc n'ira pas voir le feu d'artifice.

Vingt-deux heures. Marc a allumé le feu sur la bâche qui recouvre la piscine de ses voisins d'en face. Les libellules jaillissent dans de grandes traînées de flammes, étoiles filantes dans le cœur frais et noir de cette belle nuit, et les araignées d'eau se consument doucement. Quelques têtards coulent paisiblement, enflammées de passion, au fond de la piscine, et Marc se ravit enfin de ces lumières qu'il a pu provoquer. Finalement, il n'a pas eu tort de se forcer. Le spectacle est agréable. Des insectes grésillent doucement, braisés dans la fumée, et les grillons sautent partout en arcades invisibles. Seuls les mouvements de l'air, dans ce noir sans vent, trahissent leur présence. Marc se sent bien, plus qu'il ne l'a été au cours des jours précédents. La fraîcheur de la nuit apporte un réconfort. Marc ne se sent pas seul, au milieu de ces effluves olfactives et de ces jeux visuels. Petits plaisirs auditives. Marc saisit une fourmi qui craque sous la dent. Il se demande s'il pourra se résigner à en manger en permanence, quand son garde-manger personnel, puis, plus tard, le supermarché du village sera entièrement vide. Il faudrait marcher, suivre les routes, tenter de parvenir jusqu'aux villes voisines. Loin pour une âme solitaire. Marc n'est pas si bien que ça, finalement. Il éteint rapidement le feu, en faisant gicler partout l'eau de la piscine, et décide à rentre chez lui, dans la maison d'en face. Se couche, les chaussures trempées, s'en oser les enlever. Demain matin, il y aura de l'eau partout dans les rainures du parquet.

Marc n'a pas fermé le store. La nuit le regarde, seule et tranquille. Quelques étoiles lointaines brillent sur le verre du Velux.


Jeudi

Marc urine dans les toilettes. Aujourd'hui, il y a beaucoup de sang. Le plasma rouge s écoule en tourbillons dans la cuvette toute blanche. Marc ne parvient pas réellement à s'inquiéter. La vie elle-même, dans cette solitude, est devenue relative.

Onze heures du matin. Marc prépare un barbecue. Les derniers morceaux de charbon de la fin de paquet se déversent avec une lenteur exaspérante dans le petit bac noir. La grille est restée graisseuse de la dernière fois. Marc n'a jamais été très ordonné. Il ne sait pas quoi faire cuire. Un peu plus tôt, il a pris son vélo et est allé chercher des saucisses et une côte de porc au rayon viandes, frais, de l'alimentation du village. Le système de réfrigération électrique est restée intact, par un miracle inconnu. Il faut bien manger. Le vent transporte les odeurs et ravive les flammes, sous l'éclat métallique de la grille luisante dans le soleil d'été. Marc ira apporter aux voisins quelques saucisses qu'il aura faire cuire en trop, s'il ne se sent pas de les manger plus tard. C'est un échange convivial, qui amène de bons sentiments.

Les saucisses grésillent doucement dans un fond d'huile d'olive. Un peu de fumée vient s'échouer contre la vitre de la cuisine.

Marc mange, debout. Il a pris les saucisses dans ses doigts et les mâchonne du bout des lèvres, sans ardeur ni conviction. Il faut bien manger. Sa lèvre est luisante de graisse, et il s'essuie du revers de la main. D'ordinaire, il l'aurait détesté, surtout de la part de ses enfants. Lui, encore, aurait pu le faire sans problème, mais il incarnait l'exemple, l'autorité, la dimension familiale suprême, le géniteur anxieux et exigent. Les masques sont maintenant tombés. Il peut manger ses saucisses avec les doigts et se torcher le dos de la main contre la poche arrière de son jean, bourrée de vieilles plaquettes de médicaments, sans que personne ne lui fasse de remarques condescendantes. Il y a du bon aux changements.

Vendredi

Sur la fontaine, le sandwich n'a pas été touché, et commence à pourrir doucement. Encore un peu plus de sang dans la cuvette, ce matin. Marc a tiré deux fois la chasse, consécutivement, ce qui avant aurait été totalement impossible. L'eau semble emplir la cuvette avec davantage de rigueur. Plus besoin d'attendre, pour effacer les traces de caca que la première douche lunettale n'a pas effacés, le jet puissant et salvateur de la seconde chasse d'eau.

Marc est parti directement dans la colline. Il s'est assis sur un rocher saillant et observe le village, en contrebas. Les toits rouges et pointus sur lesquels l'orage dégoulinera bientôt. De grosses écharpes brouillassera se forment sur les monts et enrobent les arbres d'un halo grisâtre. Le soleil resplendit encore, juste derrière le clocher, dans l'ouverture que fait le carillon pour laisser passer les tremblements des cloches. Trente jours qu'elles ne sonnent plus, aujourd'hui. Les nuages s'effilochent et se rapprochent, et Marc distingue dans leur sillon les lourdes sécrétions de la grêle. Il n'aime vraiment pas ça. La pluie ne le dérange pas, mais les grêlons qui s'abattent sur la terre et la tête, le torse et les épaules, lui sont généralement insupportables.

Quatorze heures. Marc est revenu à la maison quand l'orage menaçait. Quatrième pipi de la journée. Marc ne se sent plus très bien. Il reste assis longtemps sur le trône, durant presque une heure, plongée dans une méditation douloureuse. Le tonnerre qu'il entend par le vasistas, derrière lui, ne semble pas le tirer de ses rêveries. De temps en temps, il tire la chasse d'eau pour se laver le postérieur. Du sang s'enfuit à chaque fois dans les canalisations, va rejoindre la mer. Les poissons gouttent un peu de l'acide désoxyribonucléique de Marc, à chaque demie-heure, lorsque l'eau qui glougloute dans le trou des toilettes emporte avec elle des effluves visqueuses. Des glaires. Marc tousse. Il n'y en a plus pour très longtemps. Il pense au sandwich laissé sur la fontaine, et ferme les yeux, pris brusquement de déception. Dernier sentiment. Il n'en aura plus. Marc songe qu'il n'a pas eu le temps d'aller vérifier s'il avait été mangé. S'il restait quelqu'un, de toute façon, ça serait pour ce dernier une preuve de la trace d'un autre être vivant que lui-même. Pour l'instant. Marc ne se sent vraiment pas bien. Il ira se coucher tôt.

Samedi

Marc agonise. Le Vélux est resté fermé, et l'homme ne peut plus voir le jour. Marc s'est couché trop tôt.


Dimanche

La feuille du sandwich se racornit brusquement, à neuf heures trente-cinq du matin.
Un oiseau chante. L'air qu'il fredonne ne couvre plus Mozart.
Personne n'arrête le tourne-disque.

Marc est mort. Heure du décès : Neuf-heures quarante-huit. Soleil travers Vélux.
Il est étrange que le dernier bastion de civilisation, héritage de milliers d'années de vie, ait été quelqu'un comme Marc. Le lierre commence à recouvrir doucement les murs de la maison, près du côté nord de la terrasse. Des mouches vertes bourdonnent doucement, dans la chambre de Marc, sous le Vélux, autour de son cadavre. Les guêpes fouillent son corps. Une flaque de sang, sous ses hanches, traduit le processus.


L'horloge de la cuisine, chiffres romans, continue de tourner.
X IX VIII VII VI
V IV III II
I

Espérance

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Message  Invité Mer 1 Juin 2011 - 20:46

Le début , la première fois que j'ai ouvert ce texte, ne m'avait pas emballée : le xtore veluxien, le sol satiné et la glace du sommeil... bof. J'avais zappé.
Mais le titre m'intrigant, j'y suis revenue et je ne regrette pas ! L'angoisse qui s'installe à travers de multiples petits détails suit une progression intéressante et j'aime le parti pris de froideur qui met sur le même plan la mort d'un lapin et celle des enfants.
Par ci par là, quelques maladresses ou fautes d'ortho, mais globalement, ce texte a d'indéniables qualités !

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Message  Invité Mer 1 Juin 2011 - 20:47

store, pas xtore !!!

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Message  Miinda Jeu 2 Juin 2011 - 14:59

Terrifiant, ce texte. Et l'angoisse naît surtout des non-dits, pour ma part.
J'aime bien l'idée de comparer la vie à une semaine.
Et ce temps qui continue, malgré tout, de passer.
Je ne regrette pas d'avoir pris le temps de le lire, merci pour ce texte .
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Message  Rebecca Jeu 2 Juin 2011 - 15:25

3 juillet 2011 la fin du monde...
le concombre masqué qui est le responsable sans l'être de l'épidémie de diarrhés sanglantes et mortelles a encore frappé !
ambiance très bien transcrite...on est plongé dedans ...on sent la chaleur la maladie le silence et ce ridicule petit espoir qui pousse notre héros à laisser trainer un sandwich au cas où...
(Le pain de mie Harry Ultimate génération déride un peu les zygomatiques )
Félicitations
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Message  elea Jeu 2 Juin 2011 - 22:07

Petit à petit l’ambiance se fait glaçante, le mystère se dévoile un peu sans tout à fait se laisser pénétrer et l’espoir s’envole avec le pourrissement du sandwich et des entrailles de Marc.
Une réussite, prenante, poignante et déroulée sans heurt jusqu’à la fin. Le silence, les couleurs, les petits détails sont très présents, ce qui rend l’histoire aussi « vraie » et distille si bien l’angoisse. Bravo !

(Juste pas mal de petites coquilles, des lettres manquantes, c'est dommage de ne pas aller au bout de la qualité de ce texte).

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Message  bertrand-môgendre Ven 3 Juin 2011 - 11:48

La main cherche encore le réveil... Son bras droit est coincé sous l'oreiller et supporte sa tête, ... et la main droite engourdie repose sagement sur le couvre-lit bleu, ...
Position difficile à exécuter.
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Message  bertrand-môgendre Ven 3 Juin 2011 - 11:58

La douche coule sans grand bruit. L'eau grouille sagement hors des tuyaux, et descend en cascade sur les épaules de Marc. Branches incolores qui se perdent sur le blanc de ses épaules. La tête de Marc se lève vers la pomme, et ses yeux endoloris scrutent la vingtaine de petites pores métalliques qui laissent échapper leurs minuscules ruisseaux. Pour avoir testé les deux, douche et cascade, je n'arrive pas à rapprocher l'un de l'autre. C'est sûrement parce que la fonte des neiges avait été importante. L'image des minuscules ruisseaux se prête plus facilement à la scène.
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Message  bertrand-môgendre Ven 3 Juin 2011 - 12:03

Verre opaque sorti de la seconde armoire des meubles équipés.. N'est-ce pas la cuisine qui est équipée de meubles ?
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Message  bertrand-môgendre Ven 3 Juin 2011 - 12:26

Ton texte me fait penser à différents courts métrages vus à droite et à gauche. (Je tente de les retrouver).
Si j'ai bien compris, Marc a enterré ses proches. Qu'en est-il des maisons voisines dans lesquelles il n'y a pas de survivants ? Je te laisse imaginer l'odeur des cadavres en plein mois de juillet, les mouches, les asticots, les pies, les corbeaux, rats et autres charognards. Ce côté réaliste me manque.
Sinon, l'histoire est bien menée.
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