A Johan

[Nathanaël Zenou]

Comment est ton visage ? Et le fond de tes yeux,
Sera-t-il vert ou noir ? Marron ? Peut-être bleu ?
Auras-tu en riant le même pli aux joues
Qui embellit ta mère aussi bien qu’un bijou ?
As-tu pris de nous deux ce que l’on a de mieux ?

Cette bouche qui s’ouvre, attend-elle une source ?
Cette main que tu tends que veut-elle saisir ?
Des parcelles de temps ? Un bout de l’avenir ?
La ceinture d’Orion ? Un peu de la Grande Ourse ?
Ces pieds que tu remues pensent-ils à la course ?

Seras-tu un grand homme ? — On n’est grand que d’aimer, —
Seras-tu un chercheur ou un aventurier ?
Ecrivain ou poète ? Oh, que ton cœur soit bon,
Qu’à tous tes idéaux ton esprit soit d’aplomb.
Et je verrai ainsi mes vœux être comblés.

L’or du monde n’est rien, toute fleur se fait cendre,
Cette feuille emportée par le vent va l’apprendre.
Tu sauras comme moi que le temps passe vite,
Que le bonheur est là qui de ses mains invite
A vivre le moment présent sans rien suspendre.

La coupe où tu boiras ne sera pas que fiel.
Tu trouveras toujours une étoile à ton ciel,
Un endroit où dormir, un chemin où marcher,
Tu seras à l’abri des flèches de l’archer ;
Tu sauras le vinaigre, et tu sauras le miel.

Tu trouveras toujours la tente à ton désert,
Ton oasis au loin, ton phare au bout des mers,
Le grain dans ton grenier sera comme un trésor
Dont tu te nourriras, et nourriras les forts.
Dieu t’éclairera au cours des heures amères.

Tu sauras où marcher, le Christ sera ton guide,
A travers les chemins et les plaines arides,
Tu ouvriras les yeux et tu verras sa gloire
Une gloire dont tu te feras le miroir,
Comme un Daniel avant toi, ou comme un David.

Je voudrai tant t’écrire, or que puis-je t’apprendre ?
Il arrive aux papas souvent de se méprendre.
Le papa ne détient pas tous les grands secrets
Le papa ce n’est rien qu’un enfant plus âgé,
Qui a peur quelques fois, lui qui dit te défendre.

Donner à ton enfance un ciel des plus dorés,
Le gazon le plus gras à tes pieds adorés,
Les fruits les plus vermeils à ton jeune palais,
Ce que j’ai de plus cher, de plus inégalé,
C’est mon désir pour toi, qui ici transparaît.

**************

Toi qu’un rêve pur doit porter en ce moment,
Alors que tu vis dans le ventre de maman,
Quel est donc le secret qui se cache en ton âme ?
L’esprit qui est en toi a-t-il déjà des flammes ?

Petit bout, petit bout de chou, bout de chair rose
Habité d’un feu pur et vibrant de sang, chose
Qui dépasse le sens quand on y a pensé :
De nos vies réunies ta vie s’est élancée !

Formes-tu des pensées ? Entends-tu, comprends-tu
Ma voix ? La seule idée, celle que ton fœtus
Possède des poumons, un cœur, la vie en somme,
Me replace devant ma condition d’homme.

Toi dont les yeux n’ont rien pu voir dans cet écrin
Que la forme d’un ventre, ou l’esquisse d’un rein,
Sais-tu que là dehors sont deux êtres qui t’aiment,
Souriant au Destin pour les trésors qu’il sème.

Toi qui es enfermé dans ce lieu cotonneux
Je me demande quels peuvent être tes jeux.
Tu n’étais pas plus gros que le bout de mon doigt,
La première fois où l’on m’a parlé de toi...

[Maryse]

Une écho... graphie émouvante
Un echo de vie, un simple echo de vie.
Bravo pour ce papa si tendre.

[Clarisse]

Beaucoup de questions pour cet être à venir et qui est déjà là!
Un poème qui m'a touchée comme, je l'espère, il touchera celui ou celle à qui il est destiné quand il (ou elle) sera en âge de le lire.
Et si c'est une fiction, c'est une bonne fiction !

[Jean Lê]

Note : peut-être : tu nourriras les faibles aussi bien que les forts
Le prosélytisme religieux et son dogme me parait dommageable d'autant plus qu'il s'agit de la construction idéale d'un fils par son père. Le pèlerin en marche est avant tout dubitatif.
Pour le reste, indéniablement c'est un beau texte émouvant.

[gaeli]

Une très belle poésie très émouvante qui me rappelle des moments très tendres...
``Un enfant ça vous décroche un rêve
C'est le dernier poète
D'un monde qui s'entête à vouloir devenir grand...
Mais un enfant
Et nous fuyons l'enfance
Un enfant
Et nous voilà passant
Un enfant
Et nous voilà patience
Un enfant
Et nous voilà passés ``.

Bravo!






bravo!

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