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Une valse de Chopin

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Message  Edgar-Allan Mar 14 Juin 2011 - 21:15

Lorsqu’Arthur s’éveilla, doucement kidnappé à ses songes par les premiers faisceaux dorés et cotonneux, il fut très surpris de l’étrange silence qui résonnait en la pièce bleue.
Habituellement les chiens jaunes étaient déjà là et le tiraient du lit grâce à de longs baisers humides et à un concert chaotique de glapissements aigus et plaintifs.
Ce matin-là, pas une seule truffe rose n’était au rendez-vous.
Il se leva, jeta un coup d’œil au miroir tout en passant une main endormie dans sa jeune crinière délavée et, entrouvrant les persiennes, offrit à ses yeux ensommeillés l’aube de la plus belle journée du monde.
Devant lui s’étendait une mer immense, d’un bleu de menthe à l’eau, où le Soleil venait narcissiquement se mirer tout en caressant le rêve secret de s’y venir noyer un jour.
Arthur relâcha les persiennes et vint s’asseoir sur le bord de son lit, pensif.
-Peut-être ont-ils voulu se baigner avant de venir, cela expliquerait leur retard… pensa t’il.
Afin de se changer les idées, il décida de s’offrir un petit déjeuner royal où se croiseraient et se chevaucheraient langoustes princières au thym, œufs de pingouins sibériens, cornes de gazelles à la kenyane et nombre d’autres mets délicieux dont il raffolait depuis sa plus tendre enfance. Il enfila son tablier orange et, tout en se mettant à cuisiner, alluma le vieux poste radio. « All my loving » des Beatles envahit alors joyeusement la pièce.
Arthur vivait en cette immense pièce bleue qui lui tenait lieu de chambre à coucher, de cuisine, de salle de bain, de salle à manger et de tout ce genre de choses que l’on trouve habituellement dans un habitat digne de ce nom. Il la tenait de ses parents qui eux-mêmes la tenaient de leurs parents qui l’avaient obtenus d’un amiral anglais que rendit fou l’omniprésence de la couleur aquatique. Hormis l’immense mâchoire de requin préhistorique qui trônait au-dessus de la porte d’entrée, la décoration était assez sobre : seuls quelques coquillages antillais et de vagues aquarelles provençales paraient le domicile.
Comme Arthur l’avait espéré, le petit festin matinal qu’il s’était octroyé avait parfaitement remédié au mal être qui l’occupait depuis l’intrigante découverte de l’absence des chiens jaunes.
–Maintenant, une petite promenade me fera le plus grand bien, dit-il à haute voix.
Il aimait à l’annoncer ainsi pour lui-même chaque matin après son déjeuner, comme s’il eut s’agit d’une résolution nouvelle, extraordinaire de bravoure et d’allant.
S’habillant d’un pantalon de toile beige, d’une chemise blanche de légèreté et d’un grand chapeau de paille tressée, il sortit, les pieds nus, comme à son habitude.
Il fut alors frappé par l’atmosphère rose et vibrante qui l’enveloppa immédiatement. L’air était chaud et sentait la fraise des bois. L’idée lui vint donc d’effectuer sa petite promenade quotidienne dans le grand champ de fraises désaffecté situé juste derrière la plage et séparée de celle-ci par une mince forêt de bambous. Il se mit en marche dans cette direction.
Quel ne fut pas son bonheur surpris lorsque, après quelques pas à peine, il fit la rencontre de la troupe des chiens jaunes ! Ceux-ci, au regard de leurs mines satisfaites et de leur poil encore mouillé, revenaient de la plage. Dès qu’ils aperçurent Arthur ils s’envolèrent à sa rencontre, langue pendante, haletant et glapissant comme de jeunes chiots, après avoir abandonnés leurs petits baluchons de plage à même le sol. S’en suivit un mémorable moment d’amitié, de représailles faussement fâchées, d’excuses implorantes et gémissantes, de câlins et de pardons. La compagnie des joyeux canidés, dans l’euphorie des gentilles bagarres aquatiques et de l’exploration des fonds marins à la recherche d’un poulpe, avait totalement laissé passer l’heure de l’habituel réveil.
- Comment pourrais-je vous en vouloir, mes petits chiens ? leur dit Arthur, attendri par tant de désolation de la part de ses amis. Il les rassura une fois encore, oui s’était déjà oublié, puis ils se quittèrent en se faisant de grands signes de pattes et de mains. Arthur reprit sa route de poussière pourpre et dorée et se hâtait à l’idée de retrouver le champ de fraises. Cela faisait bien longtemps qu’il n’y avait pas été.
Il marcha encore quelques temps et finit par se trouver nez à nez avec l’immense étendue rouge vif constellée de fines étoiles vertes et survolée par de charmants papillons, multicolores et joueurs.
Les fraises s’étendaient à perte de vue et nul autre qu’un témoin de cette scène extraordinaire n’aurait pu croire à tant de magnificence et de féerie réunies sous la même voûte.
Soudainement envahi d’une intense euphorie, il se prit à courir, tel l’enfant qu’il était, au travers de cet océan couleur grenadine où pas un fruit ne s’enorgueillissait d’une jolie charlotte de feuilles de menthe.
C’était un bien charmant spectacle que cet épanchement de puérilités, cette noyade de l’esprit dans le rire et l’insouciance.
Arthur était heureux et voilà bien tout ce qui comptait.
Il était sur le point d’aborder une phase d’engloutissage de ces si appétissantes fraises lorsque son regard extasié s’arrêta sur une indescriptible onde dorée enflammée de lumière, jaillissant d’un petit bosquet situé à quelques pas. Elle semblait s’envoler éternellement vers les confins et les mystères du bleu infiniment pur qu’un génie avait peint sur le ciel. A demi aveuglé, Arthur s’approcha prudemment de ce qui se révèlerait être la chevelure de Poesy.
Derrière le petit bosquet était étendue une intrigante créature au visage doucement merveilleux, au teint si pâle qu’on eut pu le croire de lait, aux jambes nues et croisées, aux hanches fines, aux cheveux d’or, donc, et à la jeune poitrine gracieusement dévoilée par une légère et malicieuse brise. Cheveux d’or où un hibiscus, perle de sang mélancolique, agitait délicatement ses grands pétales rouges au rythme de l’air.
La créature referma un temps le livre qu’elle lisait, comme pour mieux s’imprégner de ce qu’elle venait d’y voir, et Arthur put ainsi distinguer « Cyrano de Bergerac » sur la couverture de cuir bleu marine. Ce geste, qui parut à Arthur d’une cristalline délicatesse, permit à la jeune fille de s’apercevoir de la présence inconnue.
Tout en restant allongée, elle le dévisagea de ses grands yeux turquoise.
Elle finit par se relever, posant avec précaution son livre dans l’herbe et, prenant la main d’un garçon si surpris que tétanisé, susurra doucement : -Viens-tu cueillir quelques fleurs avec moi ? Dans la roulotte, pas une n’a pas fané…
Hypnotisé, Arthur hocha lentement la tête.
Prenant cela pour un « oui », Poesy découvrit ses jolies dents et emmena l’innocent cueillir les fleurs du Mal.
Les deux enfants vécurent une journée heureuse, brodée d’harmonie, de regards malicieux, de fous rires et d’amours naissants.
Toutes sortes de fleurs peuplaient le champ de fraises et, à chaque instant, l’une d’entre elles, couleur merveilleuse et odorante, venait s’ajouter au bouquet de Poesy.
La jeune fille avait un joli rire, clair et musical. Arthur aimait à l’entendre lorsque, passionnément maladroit et se précipitant vers elle pour lui offrir le fruit de sa cueillette, il trébuchait piteusement sur un bosquet.
-Que tu es comique mon Arthur ! lui disait-elle, bienveillante et amusée. Pas une fois Arthur ne s’offusqua de ces gentilles moqueries.
Il était bien trop occupé à sentir son cœur se vêtir lentement d’une étrange et profonde valse bleue.
Un papillon battit de l’aile et les heureux moments prirent fin.
Le ciel se fit rose-orange, l’air doux, l’atmosphère voluptueuse.
On aurait pu croire qu’un gentil géant y avait éparpillé quelques lambeaux de barbe à papa.
Poesy leva doucement la tête et, plongeant ses beaux diamants bleus dans l’enfer sublime, dit à Arthur d’un ton empreint d’une imperceptible mélancolie : -Il se fait tard… Garde les fleurs, le chemin pour la roulotte est long et elles seraient fanées d’ici que je sois rentrée. Merci pour cette bien jolie journée… Au revoir Arthur.
Et Arthur se retrouva seul, au beau milieu des tourments incendiaires du crépuscule orangé. Il tenait à la main le bouquet de Poesy, tristement beau vestige des instants merveilleux.
Alors il reprit la route de poussière rouge et dorée, s’efforçant de revivre chaque seconde de cette journée, se remémorant chaque mot, chaque geste qu’elle eut pour lui.
Quand il fut arrivé le ciel scintillait déjà et au loin, sur la plage sans doute, les hippies chantaient « Imagine ». Une légère odeur de feu d’eucalyptus flottait dans l’air.
Arthur s’aperçut que la Lune le regardait tendrement.
Poesy l’aimait, c’était certain.
Ces yeux qu’elle avait eu pour lui en le regardant manger des fraises, cette intonation dans sa voix quand elle lui avait dit qu’elle aimait à être avec lui, cette façon de lui avoir tendrement pressé la main en le quittant… Cela ne faisait aucun doute : elle l’aimait, elle éprouvait de l’amour pour lui…
Arthur tourna cette passion, en criant presque, de toutes les façons possibles, si bien qu’aucune d’entre elles ne pourrait bientôt plus lui échapper.
Il ouvrit en grand les fenêtres de la pièce et, laissant s’installer une douce obscurité, alluma une cigarette à bout doré et le vieux poste radio. Pink Floyd et « Shine on you Crazy Diamond » s’immiscèrent alors lentement dans son cerveau, le portant peu à peu dans le grand tourbillon scintillant, bizarre et sucré qu’est celui du sommeil.


Si vous pouviez me dire ce que vous en pensez.. Si cela vous plait, la suite arrive.. Merci

Edgar-Allan

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Message  midnightrambler Mar 14 Juin 2011 - 23:05

Bonsoir,

Je ne vois pas trop où l'on va, mais on y va avec des semelles de plomb de scaphandrier, c'est lourd, lourd ...

Amicalement,
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Message  elea Mer 15 Juin 2011 - 20:49

Intriguée par ces personnages et ce monde étrange, très coloré, empreint de poésie qui oscille entre rêve et allégorie. Mais parfois un peu trop appuyée, avec des phrases alambiquées qui semblent peu naturelles, et, dans la rencontre avec Poesy, de la guimauve un peu trop sucrée à mon goût.
L’emploi de certaines négations m’a laissé perplexe, fait exprès ?
au travers de cet océan couleur grenadine où pas un fruit ne s’enorgueillissait d’une jolie charlotte de feuilles de menthe.
Dans la roulotte, pas une n’a pas fané…

Je lirai la suite.

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Message  Edgar-Allan Jeu 16 Juin 2011 - 10:43

Le lendemain matin, les chiens jaunes étaient là et sonnèrent gaiement le réveil d’Arthur. Encore honteux, sans doute, de leurs errances de la veille, ils s’évertuaient à lui démontrer leur amour de toutes les manières imaginables. L’un d’entre eux lui avait même apporté le journal.
Une fois défait de leur tendre emprise, Arthur se servit un grand bol de café fumant, croqua dans une pastèque bien mûre et entreprit donc la lecture attentive des nouvelles du jour.
Entre autres, Arthur lut avec tristesse un petit article jaune racontant comment un jeune enfant s’était tué en plongeant, fort maladroitement il faut le dire, depuis le grand ponton en bois qui servait habituellement de Quartier Général aux pécheurs locaux.
Les dernières pages du journal, elles, contenaient une fraîche interview du bien connu Frédéric Chopin, pianiste mélancolique de son métier.
Arthur les parcourus avec attention car il appréciait beaucoup la musique et notamment celle de cet homme.
L’un des passages de l’interview l’intéressa tout particulièrement.
Le journaliste demandait à Mr Chopin de brosser, en quelques sortes, un petit portrait moral de lui-même.
Le journaliste posait donc la question suivant à Mr Chopin :
-Mr Chopin, quelle est la plus grande qualité que vous estimez posséder ?
Et Mr Chopin y répondait très simplement :
-Eh bien, j’estime posséder celle qui fait de moi un génie.
Le journaliste enchaînait :
-Et, au contraire, quel est votre défaut majeur pensez-vous ?
Mr Chopin :- Celui qui, un beau matin, m’a fait prendre conscience de cette qualité, indéniablement. Notez, pour mon plus grand malheur car il est de nos jours bien rare et difficile de rencontrer des gens capables de discerner ce trait ce caractère si particulier qu’est celui du génie.
Cela fait douter parfois, voyez-vous.
Arthur, qui lui-même peinait à se forger une opinion concrète à propos de la présence ou non de génie chez Mr Chopin fut alors éclairé sur la question. Il se dit qu’aucun être dénué de cette qualité ne pouvait avoir l’assurance de s’en réclamer de la sorte. Il apparaissait donc parfaitement logique que si Mr Chopin se disait un génie, c’est bien qu’il devait l’être, ne serait-ce qu’un petit peu.
Satisfait de sa petite déduction, il ébouriffait affectueusement la tête de l’un des chiens jaunes quand soudain ses yeux tombèrent, un peu par hasard, sur le grand bouquet de fleur. Celui-ci semblait d’ailleurs légèrement hébété. Il devait sûrement se demander comment, ayant passé la journée dans un champ, il pouvait se réveiller ici même, dans un grand cube bleu, en présence d’un étrange troupeau d’animaux bizarres au pelage canari et d’un jeune garçon à la chevelure désordonnée et à l’air rêveur, un peu triste et un peu gai.
Cette humeur mélodieusement panachée, Arthur la devait aux flots de souvenirs qui, à la vue des fleurs, avaient entrepris de se déverser sur son esprit amoureux. Dans un grand feu d’artifice d’images colorées, il revoyait. Il revoyait ce sourire éclatant, il revoyait ces fraises rouge sang, cette peau délicieusement nacrée, cette incroyable journée…
A ces pensées, l’étrange valse bleue reprit sa marche et son âme se mit à danser de la même façon mystérieuse que la veille.
Bien décidé à retrouver la jeune fille, il repoussa brusquement le journal, se leva, pris son chapeau d’une main, de l’autre les fleurs et se précipita dehors.
Le premier pas qu’il fit fut emporté par un torrent déchaîné de jeunes gens portant fourches et drapeaux. A leur tête, un barbu sans âge, coiffé d’un béret étoilé, beuglait dans un énorme mégaphone.
Il invitait ses fervents disciples à entonner avec lui « Revolution », hymne dissonant de quatre garçons mal coiffés.
Tous se mirent alors à chanter avec entrain.
Certains étaient entièrement nus, d’autres légèrement vêtus de rouge et de blanc. C’était un fabuleux spectacle que cette cascade de jeunesse, de cheveux longs et de beauté. Le barbu qui menait la troupe était certainement le plus beau d’entre eux mais son visage paraissait curieusement dévoré d’une folie sans nom, une sorte d’inassouvissable désir d’amour et de haine, comme un cri terrible de désespoir, destiné à mourir à petit feu dans les confins d’une galaxie lointaine. Il portait un lourd revolver noir à la ceinture. A eux deux ils extermineraient les compromis, ils asserviraient l’injustice, ils vaincraient la vie, la mort et les hommes.
Arthur, un peu inquiet de sa situation, entreprit de remonter l’impétueux torrent à contre-courant. Evidemment, il fut très rapidement mis à mal par les violents remous qui agitaient l’onde révolutionnaire et il ne dut son salut qu’à un vieil homme qui lui tendit le bras alors que la foule enragée s’apprêtait à le piétiner sans même y prêter la moindre attention.
-Merci, monsieur… dit Arthur d’une voix tremblante et tardant à rendre son bras au vieillard. Celui-ci arborait fièrement une grande moustache blanche, un vieux feutre qu’il portait de travers et avait un air très noble et digne, presque orgueilleux. Il balaya les remerciements d’Arthur d’un grand geste de la main et l’invita à le suivre dans la foule : -Viens avec nous ! lui dit-il, la guerre sera longue et difficile, tu ne seras pas de trop !
-Mais, contre qui partez-vous vous battre ? répondit Arthur, interloqué.
-Contre le Monde mon garçon ! Nous nous battrons contre les riches, contre les pauvres, contre les fous et les génies, les noirs et les blancs, les jeunes comme toi et les vieux, comme moi…
Arthur, qui ne comprenait pas grand-chose aux propos du vieil homme, demanda encore :
- Pardonnez-moi Monsieur, mais pourquoi se battre contre tous ces gens à la fois ?
-Pour la simple et bonne raison qu’ils sont des hommes, comme nous, et que par ce fait ils sont dignes de haine. Et puis, peut-être aussi parce que nous n’aimons pas ce monde… Se battre contre lui tout entier n’est-il pas le moyen le plus sûr de le changer ?
-Si, peut être… dit Arthur, songeur.
Et l’homme fut happé par ses congénères.
Arthur parvint alors, tant bien que mal, à se frayer un chemin parmi les révolutionnaires et à se faufiler dans une petite ruelle avoisinante, vierge de toute agitation néfaste.
Désormais à l’abri de ce monde malade il s’assit sur le sol gris et poussiéreux, ôta son chapeau, posa les fleurs à ses pieds et pleura en silence. Il était alors persuadé qu’il ne retrouverait jamais Poesy.
Tout à coup, au beau milieu d’un sanglot, il sentit quelque chose de très léger se poser sur sa tête dans un petit bruit de papier. C’était une fine affichette bleue, tachée de grosses gouttes rouges, et sur laquelle on pouvait lire les choses suivantes :
« Le brillantissime Frédéric Chopin donnera ce soir un concert unique et exceptionnel dans les jardins du Domaine du Loyar.
Tenue décente exigée, enrhumés s’abstenir »
Les larmes d’Arthur se firent alors de petites perles de joie qui frissonnaient de bonheur.
-Voici l’occasion de revoir Poésy, se dit-il en croquant doucement dans sa lèvre inférieure.
En effet, Poésy aimait la musique, ils en avaient longuement discuté lors de leurs charmants papillonnages de la veille. Elle irait écouter Chopin ce soir, Arthur en était intimement persuadé. Il plia donc soigneusement le petit papier, le mit dans sa poche et se releva, la tête pleine de projets, d’espoirs et de songes heureux.
Au loin, des flammes s’élevaient d’une petite maison de brique rouge. Une odeur noire et âcre s’empara sournoisement de ses narines.
Les révolutionnaires avaient entamé leur première bataille.

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Message  elea Ven 17 Juin 2011 - 19:06

Je suis toujours, assez intriguée. En dehors du mystère du personnage, de l’époque, du lieu et des chiens jaunes, ce passage est plus clair, l’histoire commence à prendre un rythme de croisière. J’ai seulement accroché sur le passage de l’interview de Chopin, ce discours sur le génie.
Il y a quelque chose dans ton personnage d’Arthur que j’aime beaucoup, la naïveté, l’insouciance, l’entièreté des sentiments, cela le rend attachant et émouvant. Un être lunaire.

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Message  Invité Dim 19 Juin 2011 - 7:09

Rhôôôô........ de la barbe à papa !
Honnêtement, je n'ai pas lu la 2e partie, la première m'a rendue diabétique suffi.
Cet univers tout sucré me file déjà des boutons quand il s'adresse à des gamines, mais me le fourguer à moi, c'est trop !
Peut-être la 2e partie est mieux, mais j'ai pas le courage....

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Message  Edgar-Allan Dim 19 Juin 2011 - 7:27

Il est bien dommage, et triste, de n'avoir jamais acheté une grosse boite de bonbon dans le seul but de s'en rendre malade... Mais louons les apôtres des grandes tragédies, de la misère, de la faim, de la guerre, des vies banales et sans interêts, louons ceux là qui posent des mots dessus.. Eux, rendent malade en nous faisant bouffer de la viande avariée, je prefère, pour ma part, vomir d'excès que d'infections. Mais ceci n'est qu'un point de vue et j'imagine qu'il déclenchera l'hilarité, ou le mépris, chez la plupart des grands Realistes de ce forum. A eux, je dirais, comme à vous même, que la gamine de 5-6 ans que vous etiez rêvait certainement d'un monde comme le mien, "à en devenir diabétique". Si dès cet âge vous rêviez, au contraire, d'histoires d'automnes, de petites vies mornes ou de déchirantes existences narrées dans une écriture écorchée jusqu'au sang, il ne me reste plus qu'à vous conseiller de ne plus vous occuper de mes écrits tant ceux ci se trouvent aux antipodes de vos propres idéaux.

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Message  Edgar-Allan Dim 19 Juin 2011 - 7:38

post-scriptum: à lire le dégoût que vous vous contenez d'exprimer devant cette histoire, je n'imagine pas que, ressentant la même chose pour l'un des textes postés, j'aille le faire savoir à son auteur. En effet, s'il me semble n'avoir aucune critique ou objection positive à lui transmettre, je m'abstiendrais donc de lui donner connaissance de mon avis, sans aucun interet donc.

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Message  Edgar-Allan Dim 19 Juin 2011 - 20:03

Le soir arriva. Arthur, après sa petite aventure du matin, avait passé le reste de la journée enfermé chez lui. En effet, de grosses gouttes d’eau claires s’étaient mises à tomber et le ciel tout entier s’était vêtu d’un grave manteau de fourrure grise et blanche. Arthur avait donc allumé un grand feu de cheminée et invité les chiens jaunes à le rejoindre.
Tout ce petit monde passa un après-midi douillet, avec, pour seules préoccupations, celles de boire du chocolat chaud et de lire des romans policiers à l’abri d’épaisses couvertures de laine écossaise.
La nuit était tombée et le bal enivrant de la pluie sur les vitres froides ne se faisait plus entendre. Arthur leva le nez de son livre. Les petits chiens et le feu s’étaient doucement endormis sans même qu’il s’en rende compte. Il pensa qu’il était alors temps de se préparer pour le concert. Tout en se faisant beau, il pensait à Poesy, à ce qu’il lui dirait en la croisant par hasard, à la main qu’il lui prendrait et qu’il porterait à ses lèvres, au baiser qu’il recevrait au beau milieu d’une valse, peut être… Ses pensées semblaient désormais guidées par un seul et même objet : les grands yeux couleur d’azur de la jeune fille…
Il se parfuma de quelques vapeurs de son eau de réglisse et, tout en s’essayant vaguement au maniement de la brosse sur son indomptable crinière, il se surprit à prononcer délicatement le doux prénom :
-Poesy, Poesy…
Cela lui procurait un plaisir inouï et il fut si content de sa découverte qu’il l’approfondit, encore et encore, telle une incantation magique, jusqu’au fiacre qui l’attendait dehors.
Le cocher lui fit un compliment discret et admiratif sur son élégance et la voiture se mit lentement en route, bercée par le pas régulier des chevaux sur le sol détrempé.
Arthur, le nez sur le carreau humide de buée, regardait la ville respirer doucement, se préparant à la nuit. Tout semblait calme et serein, les lumières des magasins de jouets s’effaçaient peu à peu, laissant place à un grand flou noir et coloré, étrangement rassurant. Les petites échoppes se taisaient une à une et l’on pouvait distinguer des silhouettes inconnues qui se croisaient et se fondaient dans un halo pâle et ancien, voile du soir de la cité ensommeillée. Certaines de ces silhouettes pressaient le pas, d’autre s’arrêtaient brutalement et disparaissaient alors aussitôt. Parfois, une lanterne ouvrait un œil brillant et fatigué. Le vieux bois sombre du fiacre, qui dégageait une odeur de siècles, faisait résonner la rumeur estompée des extraordinaires secrets. Arthur en trembla d’effroi.
Soudain, au détour d’une étroite ruelle, une vitrine de cristal, à l’éclat lunaire et aux brillants reflets arc en ciel, fit irruption dans le regard envoûté d’Arthur. Une enseigne dorée, en forme de grand sucre d’orge, était suspendue aux murs de nuit qui l’encadraient d’un air las.
Arthur eut à peine le temps de distinguer les chaudrons entiers de friandises multicolores entreposés à l’intérieur: caramels d’Egypte, sucettes de Flandre, macarons bleu et jaunes, arlequins acides et sucrés, pommes d’amour rouge vif, pains d’épices, bonbons à la rose… Sur les étagères, derrière le comptoir, des centaines de pots de confitures étaient soigneusement empilés. Il y en avait à la mûre, à la banane, au ciel, à la framboise et au citron, à la mangue et à la pêche…
Etrangement, le magasin était désert, pas un enfant n’y avait accouru pour s’extasier devant tant de merveilles, pas une gentille grand-mère ne l’avait suivi pour lui en offrir un plein sachet.
Mais Arthur s’en étonnait à peine qu’il était déjà loin. Le cocher avait lancé les chevaux au galop et les rues inquiétantes défilaient maintenant sous ses yeux sans qu’il puisse même s’apercevoir des choses abominables qui s’y déroulaient.
L’enfant s’étendit sur la banquette de velours, se recroquevilla, un peu mordu par le froid étoilé, et s’endormit.
Pendant ce temps, le cocher fouettait les chevaux à chaque instant davantage, poursuivi par de terribles souvenirs.
Enfin, le grand portail de fer du Domaine du Loyar se dressa devant l’attelage. Le cocher, s’appuyant sur le marchepied, frappa quelques petits coups sur le carreau. Arthur s’éveilla immédiatement, gêné de s’être endormi comme cet enfant qu’il était. Il rajusta sa redingote, serra son nœud papillon rouge et ouvrit la portière en tournant la poignée rouillée et grinçante. Des files entières de vieux bourgeois enrubannés dans de grands châles de soie blanche s’engouffraient entre les grands piliers de granit qui soutenaient l’imposant portail.
Arthur les suivit. Une longue allée de palmiers donnait accès à la grande bâtisse rose pâle, demeure délabrée d’une grande famille déchue. D’antiques volets verts, rongés par les vers, tentaient d’égayer tristement les murs décrépis. Une vieille dame aux cheveux blancs coiffés en chignon accueillait les gens devant la porte d’entrée. Elle avait l’air pensif et faisait un petit sourire affectueux mais distrait à chaque nouvel arrivant. Pour accéder aux jardins, il fallait traverser l’immense salle de réception, à peine éclairée par de pauvres candélabres agonisants et poussiéreux. Celle-ci donnait, de l’autre côté, via un immense balcon de pierre délavée, sur l’ébène infini de la mer endormie. Une petite brise souffla légèrement et Arthur frissonna un peu. Seuls quelques lampions de barques lointaines faisaient scintiller faiblement l’imposant miroir d’eau. Arthur descendit lentement l’un des deux escaliers qui desservaient le balcon et s’engagea, derrière les vieux bourgeois, sur un petit chemin de terre qui s’enfonçait entre les eucalyptus et descendait vers la mer. Le cortège avançait, silencieux, guidé par de brûlants photophores disposés de part et d’autre du chemin. De temps en temps, une petite étoile filante faisait irruption dans la voûte et chacun faisait alors le même vœu, en y pensant très fort…
Enfin, le petit chemin déboucha sur une grande clairière d’herbe sèche. Une imposante pergola y siégeait paisiblement, fière d’une élégante architecture blanche ciselée d’étranges motifs. Ses longs piliers de marbre, qui semblaient tendre vers la nuit leurs grands bustes veinés d’argent, lui donnaient un air antique. Au beau milieu de l’étrange monument, trônait un superbe piano à queue, brillant d’une laque noir orage. Son clavier était découvert et laissait apparaître une rivière glaciale de petits joyaux blancs et nacrés. Arthur s’assit sur l’un des vieux bancs de pierre gris et mousseux qui faisait face à l’irréelle scène, brumeuse des temps passés. Autour de lui les ombres en faisaient de même et se taisaient religieusement. L’air était délicatement froid, le ciel tout entier s’emplissait maintenant d’une ronde enfantine de bluettes éclatantes. Cela sentait bon l’eucalyptus et l’océan.
Une petite main de velours et de neige pris doucement celle d’Arthur. C’était Poesy.
Son parfum enveloppa voluptueusement le garçon d’un voile sucré de pomme d’amour et d’été. Elle lui sourit, d’un air un peu gêné, et Arthur lui rendit son sourire. Tout se mélangeait alors en lui, dans un subit dérèglement de sa pensée la plus profonde, une sorte d’effervescence insensée de l’âme. Poesy était belle et lui ne savait que faire, que dire, que croire même… Une petite robe couleur nuages couvrait légèrement la peau délicate de la jeune fille et celle-ci avait attaché les longs rayons de soleil de sa chevelure dorée avec un fin ruban de soie bleu ciel.
Arthur voulut dire quelque chose mais son murmure périt dans la longue plainte qui, tel un bruit de cristal tourmenté, s’échappa lentement du grand piano de bois noir.
Frédéric Chopin était un homme un peu maigre, à l’air malade d’avoir trop rêvé et à la longue chevelure claire, mélancoliquement ondulée.
Ses doigts glissaient maintenant à une allure folle, ponctuée de vertigineuses pirouettes, sur le grand clavier blanc. Les notes s’envolaient, se mélangeaient, puis se fondaient toutes ensembles dans un tumulte clair et enivrant. Arthur et Poesy, ivres de cette mystérieuse magie, étaient emportés par le courant irrésistible, triste et envoûtant, des petits éclats chauds et scintillants.
Enfin, vint la valse. Les âmes des deux enfants se prirent alors la main et s’élancèrent majestueusement vers le plafond ténébreux du monde. Celles-ci s’engageaient à peine dans la ronde éternelle et vertigineuse des étincelles fascinantes que les lèvres d’Arthur se joignirent à celles de Poesy. Tendrement, Chopin les regardait. Il mourrait d’envie de les rejoindre, là-haut, et de danser avec eux le ballet de l’éternité. Mais il le savait bien, sa place ne serait jamais ailleurs qu’ici, devant le grand piano noir. Il s’était résigné depuis longtemps à ne jamais pouvoir utiliser les grandes ailes blanches qu’il distribuait autour de lui, clés merveilleuses des portails les plus lointains et beaux. Tristement, il ôta donc à ses yeux brillants de désir la vision enchanteresse des deux enfants qui s’aimaient et joua de plus belle, fou d’une douleur superbe et incurable. Des siècles passèrent, ou quelques secondes peut être, et un glas, rauque et lourd, fit vibrer au loin sa voix grave.
Chopin s’arrêta brusquement de jouer.
Son visage torturé paraissait encore plus pâle qu’à l’accoutumée et l’on pouvait voir ses mains osseuses trembler un peu.
Il se leva précipitamment de son petit tabouret de chêne, fit un bref salut au public interdit et disparut en un battement de cil dans l’encre épaisse de la végétation luxuriante des jardins.
Des murmures d’indignation surprise parcoururent alors la foule des vieux bourgeois.
-Mon cher, de mon temps, chose pareille eut été impensable ! disait l’un.
-Disparaître ainsi, a-t-on idée ? s’en offusquai une autre.
Arthur et Poesy, eux, ne s’étaient pas même rendu compte de la fuite soudaine du pianiste. Même le caquètement des vieux bourgeois, désormais infernal, peinait à percer le petit nuage d’argent dont l’amour les avait maternellement enveloppé, comme pour mieux les protéger du monde mesquin et odieux de suffisance dans lequel ils devaient pourtant s’évertuer à vivre.
C’est ce même monde qui céda le premier, impuissant et furieux.
En un rayon de lune, Arthur et Poesy se trouvèrent donc seuls, au beau milieu de la grande clairière doucement éclairée du chant rassurant des animaux de la nuit.
-Regarde Arthur, il n’y a plus personne… s’étonna Poesy, tirée peu à peu des bras protecteurs de son amoureux par le chant charmant d’un petit grillon.
Arthur, un peu déconcerté, constata à son tour l’étrange calme qui régnait despotiquement sur les jardins endormis.
La laque noire du grand piano abandonné semblait s’écailler, dans un ruissèlement mélancolique de petites paillettes, comme déjà touchée par la grâce maudite du temps qui passe et des valses anciennes.
En voyant cela, Poesy laissa une petite perle bleu cristal s’échapper de l’océan de ses yeux attristés. Elle la sécha hâtivement d’un revers de velours enneigé et, enfouissant son beau visage dans l’épaule rassurante d’Arthur, murmura en regardant vaguement la Lune :
-S’il te plaît, allons à la roulotte…








Edgar-Allan

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