Exo Ravissement : Délivrance

[Arielle]

Euh...soyeux, long, lent au féminin ça passe ou ça casse ?

L'ennui bâillait obèse
en son palais de marbre
promenant ses soupirs comme une armée de rats
soyeuse
...........lasse
..................et lente
attachée à ses pas

L'ennui sur une flûte
écrasait quelques larmes
requiem encombré de souvenirs gauchis
qui nous rognaient le cœur
et nos corps avachis
sans honte
se vautraient ayant rendu les armes

Des relents d'urinoir fleurissaient sur les douves
et l'aube ravalait un cauchemar suri
quand elle s'annonça
discrète
nous sourit

Et le ravissement endormit nos défaites

Telle une bonne louve
allaitant ses petits
Alzhi*
la tendre gueuse
en nous offrant l'oubli
nous délivre des maux d'une trop longue vie

Spoiler:

[Ba]

Lu et gardé en mémoire...

[Invité]

Ah oui. Voilà un poème qui place la barre très haut ! Et ce rythme. Et ce rythme ! Après Arielle, on devrait tous se taire.

"attachée ses pas" : manquerait-il un "à" ?

[Arielle]

Merci Alex et surtout que personne ne se taise !!!

"attachée ses pas" : manquerait-il un "à" ?

Aïe ! oui bien sûr ! Si la main secourable de Modération pouvait passer par là ...

Modération est passée par là

[zenobi]

Superbe.
Une élégance souveraine. Tout y est, le sens balance.

Le premier vers- vous savez que je trouve toujours à redire, surtout à vos vers, ce qui est hommage pour une fois se disant- le premier vers, disais-je, ne me convainc qu'à moitié. Cet obèse en final... bof... Je conçois, bien sûr, que ce soit voulu, placé là pour arrêter la voix et l'oreille, tout au début... Mais bon, je le conçois, mais je le regrette.

J'avoue enfin - mais je n'engage là que ma propre et douloureuse connaissance d'Alzie- que la dernière strophe m'a heurté. Il n'y a pas d'Alzie heureux et cet oubli-là entache au plus profond la dignité de l'homme.
Bref, je le relirai tranquillement encore et encore- sans la dernière strophe.

[Invité]

Beau poème, mais je ne suis pas d'accord avec les trois derniers vers.
Je rejoins Zenobi dans sa remarque. Non seulement il n'y a pas d'Alzhi heureux, mais on ne peut résumer et tout englober dans l'oubli. Il y a la désorientation, la perte des repères, la perte des fonctions du corps et quantité de souffrances intérieures que l'on peut entrevoir mais dont on ne saura jamais avec précision ce qu'elles sont, étant donné qu'un Alzhi a perdu la capacité à s'exprimer.
Alzhi est une gueuse, mais elle n'est pas tendre. Elle torture l'être pour l'anéantir, lui retirer sa personnalité, le rabaisser jusqu'à un état végétatif. L'oubli définitif et "salvateur" ne vient que très tard, après trop de souffrances.
Il me paraît hasardeux de traiter de ce sujet en poésie.

[Invité]

Ah superbe ! Rythme, images, atmosphère douce-amère, comme tu sais faire...
Comme j'aimerais qu'Alzhi soit telle que tu la décris !

[Jean Lê]

Flute ! (de champagne) après les relents d'urinoir j'ai pensé que l'Alzhi était une marque de bière (gueuse) qui m'était inconnue. Dès fois on fait bien d'attendre les commentaires des autres.

[Maryse]

Jean Lé m'a trop fait rire!!! Je n'ai plus rien à dire après lui....
Sauf bien sûr que le texte est superbe

[Arielle]

Z'avez tout à fait raison. La louve, plutôt que de chercher à l'apprivoiser, il vaut mieux lui limer les crocs !
Je vous propose donc une seconde version, disons plus anonyme, dans laquelle chacun peut mettre sa propre interprétation. (dernières lignes)

L'ennui bâillait obèse
en son palais de marbre
promenant ses soupirs comme une armée de rats
soyeuse
lasse
et lente
attachée à ses pas

L'ennui sur une flûte
écrasait quelques larmes
requiem encombré de souvenirs gauchis
qui nous rognaient le cœur
et nos corps avachis
sans honte
se vautraient ayant rendu les armes

Des relents d'urinoir fleurissaient sur les douves
et l'aube ravalait un cauchemar suri
quand elle s'annonça
discrète
nous sourit
nous délivrant des maux d'une trop longue vie
en nous offrant l'absence

Et le ravissement endormit nos défaites

[Invité]

Ariane, je trouve cette version excellente.
Tu as gommé les certitudes dont on sait, hélas, qu'elles sont très aléatoires dans ce domaine si particulier.
Merci pour ta capacité de compréhension et pour ton talent. A te lire encore et encore, toujours avec grand plaisir.

[zenobi]

Je m'associe aux mots d'Embellie.
La classe.

[Annie]

Je préfère aussi cette deuxième version, qui correspond à ma sensibilité personnelle: brièveté et énigme.

[Invité]

Pardon, ARIELLE, d'avoir changé (involontairement) ton nom dans mon com. Je ne sais ce qui m'a pris...

[Arielle]

Pas grave, Embellie, j'avais compris... nous tenions toujours le même fil ;-)

[Damy]

1° morceau: quel ravissement de lecture, quelle musique et quelle mise en scène ! malgré que les contraintes de l'exo font un peu tâche.

Perso, je n'y vois ni un requiem, ni un film d'horreur mais plutôt une sonate, un adagio et un court métrage romantique à la Lelouch, quand il est bon (j'ai beaucoup aimé Ces amours là par ex), si cela ne vous paraît pas trop trivial, ou quelque chose comme ça.

Ce poème est d'une sensibilité personnelle non compassionnelle mais aimante, qui m'émeut.

2° morceau: oui, bon soit, mais j'aime le 1°, c'est ainsi. Il n'y a pas d'Alzhi heureux ? Qu'en sait-on ? Ma mère est morte Alzheimer. C'est vrai qu'au début j'ai senti beaucoup de difficulté à supporter, mais à un certain stade, j'ai vu son visage calme, reposé, lisse et ses yeux ailleurs, peut-être dans un paradis ?

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