Avance que je recule
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Avance que je recule
(…)
- Sinon, vous continuez de reculer en arrière ?
- Absolument votre Honneur, autant que je le peux
- Dans quel sens ?
- Que je le peux ?
- Non, que vous reculez
- Tout dépend de la manière personnelle dont on envisage le sens de la marche
- Mais encore ?
- Et de l’épaisseur du moellon conjuguée à l’imperfection du but
- Cela ne nous avance guère
- Plus que vous le croyez, Sire. Ainsi, à l’instant précis où nous échangeons ces propos raisonnables, le salon dans lequel nous nous trouvons vient d’effectuer un tour complet sur lui-même, et ce, sans que nous ayons bougé la moindre queue d’une étoile
- Savez-vous Henri que j’ai beaucoup de mal à vous suivre ?
(Un long temps semble peser sur les semelles des protagonistes que j’ai placés à dessein auprès d’une jolie baie vitrée donnant sur un jardinet de satin. Ils sont immobiles, les mains serrées devant leur braguette fermée. Ils portent de fines chaussures en cuir beige tournées vers la fontaine muette. Henri porte une tristesse de dentelle sur le visage, et « Sire votre Honneur » un soupçon de fatigue dans les moustaches. Je trouve qu’ils vont bien avec le décor très kitch de cet hôtel bruxellois. Ils sont doux et feutrés comme des souvenirs à la brocante)
- Ce que je peux vous dire votre Honneur c’est que je n’ai rien trouvé de mieux pour demeurer sur place
- Certes. Mais comment faites-vous au pied du mur ?
- Rien, je ne fais rien, que voulez-vous entamer dans un mur ?
- Le pied pour commencer
- Ensuite ?
- Je ne sais pas moi, des trous pour vous hisser au sommet
- Je ris ! Au sommet pourquoi ?
- Voir ce qu’il y a de l’autre côté
- Sire, ne vous laissez pas emporter par l’imagination de notre auteure égarée ; vous comme moi savons qu’elle ne va jamais bien loin et qu’elle nous perd souvent en cours de route en particulier près de la cime
- Je vous trouve paresseux Henri, et j’irais même jusqu’à dire pusillanime
- Oh ?
- Oui, pusillanime, j’ignore si le fait de ne jamais vous retourner quand vous reculez influence votre démarche, mais je vous sens moins crabe que gaufre
- Si je ne vous connaissais pas, je prendrais votre dernière remarque pour une insulte, car enfin qu’ai-je à mouler d’une gaufre ?
- C’était une image Henri, juste une image…
A ce moment-là, on entend provenant de l’ordinateur, l’ouverture du Gloria RV 589 de Vivaldi, les personnages sont désormais suspendus au-dessus de leur fauteuil, figés et muets. Il était temps, face à ces reculades sans espoir, que la musique leur rende une humanité dense en coupant le contact inutile de mon bavardage.
- Sinon, vous continuez de reculer en arrière ?
- Absolument votre Honneur, autant que je le peux
- Dans quel sens ?
- Que je le peux ?
- Non, que vous reculez
- Tout dépend de la manière personnelle dont on envisage le sens de la marche
- Mais encore ?
- Et de l’épaisseur du moellon conjuguée à l’imperfection du but
- Cela ne nous avance guère
- Plus que vous le croyez, Sire. Ainsi, à l’instant précis où nous échangeons ces propos raisonnables, le salon dans lequel nous nous trouvons vient d’effectuer un tour complet sur lui-même, et ce, sans que nous ayons bougé la moindre queue d’une étoile
- Savez-vous Henri que j’ai beaucoup de mal à vous suivre ?
(Un long temps semble peser sur les semelles des protagonistes que j’ai placés à dessein auprès d’une jolie baie vitrée donnant sur un jardinet de satin. Ils sont immobiles, les mains serrées devant leur braguette fermée. Ils portent de fines chaussures en cuir beige tournées vers la fontaine muette. Henri porte une tristesse de dentelle sur le visage, et « Sire votre Honneur » un soupçon de fatigue dans les moustaches. Je trouve qu’ils vont bien avec le décor très kitch de cet hôtel bruxellois. Ils sont doux et feutrés comme des souvenirs à la brocante)
- Ce que je peux vous dire votre Honneur c’est que je n’ai rien trouvé de mieux pour demeurer sur place
- Certes. Mais comment faites-vous au pied du mur ?
- Rien, je ne fais rien, que voulez-vous entamer dans un mur ?
- Le pied pour commencer
- Ensuite ?
- Je ne sais pas moi, des trous pour vous hisser au sommet
- Je ris ! Au sommet pourquoi ?
- Voir ce qu’il y a de l’autre côté
- Sire, ne vous laissez pas emporter par l’imagination de notre auteure égarée ; vous comme moi savons qu’elle ne va jamais bien loin et qu’elle nous perd souvent en cours de route en particulier près de la cime
- Je vous trouve paresseux Henri, et j’irais même jusqu’à dire pusillanime
- Oh ?
- Oui, pusillanime, j’ignore si le fait de ne jamais vous retourner quand vous reculez influence votre démarche, mais je vous sens moins crabe que gaufre
- Si je ne vous connaissais pas, je prendrais votre dernière remarque pour une insulte, car enfin qu’ai-je à mouler d’une gaufre ?
- C’était une image Henri, juste une image…
A ce moment-là, on entend provenant de l’ordinateur, l’ouverture du Gloria RV 589 de Vivaldi, les personnages sont désormais suspendus au-dessus de leur fauteuil, figés et muets. Il était temps, face à ces reculades sans espoir, que la musique leur rende une humanité dense en coupant le contact inutile de mon bavardage.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Avance que je recule
Hum, j'aimerais en lire un plus large -extrait- pour voir plus précisément ce qu'il en est.
L'imbrication, le vertige, le Nouveau roman sont des trucs dangereux : ils peuvent devenir très vites stériles et redondants.
J'aimerais donc lire l'avant et l'après pour mieux voir et me faire une idée. C'est en tout cas intrigant.
L'imbrication, le vertige, le Nouveau roman sont des trucs dangereux : ils peuvent devenir très vites stériles et redondants.
J'aimerais donc lire l'avant et l'après pour mieux voir et me faire une idée. C'est en tout cas intrigant.
Bouli- Nombre de messages : 25
Age : 56
Date d'inscription : 09/03/2011
Re: Avance que je recule
Je profite juste que ce "petit bout de truc" est au début pour répondre à Bouli : non, ce n'est pas du nouveau ni de l'ancien roman, aucune tentative de ressemeler les influences afin qu'elle éclaire les mots, juste un télescopage entre des impressions reçues ailleurs et leur retour ici. Je sais, ce n'est pas clair, mais je n'ai pas mieux à dire.
;-)
;-)
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Avance que je recule
C'est vrai qu'on a l'impression d'un moment suspendu, comme les personnages à la fin du texte (sinon passage). Et qu'on aimerait en savoir plus, sur les personnages, leur situation, ce qu'ils font là, le pourquoi de leur conversation. Ce court texte suscite un intérêt qu'il ne satisfait pas.
Voilà pour moi. Et aussi que j'aime, je ne sais pas pourquoi, ce mot de "pusillanime", du moins à l'oreille.
Voilà pour moi. Et aussi que j'aime, je ne sais pas pourquoi, ce mot de "pusillanime", du moins à l'oreille.
Invité- Invité
Re: Avance que je recule
J’aime beaucoup les dialogues absurdes, la possibilité d’y voir autre chose que le bavardage de l’auteure et de laisser sa pensée prendre le relais et triturer la chose pour en extraire le suc. Et au-delà de cette discussion pour le moins énigmatique mais souriante, j’ai encore plus aimé le descriptif du lieu et de la manière dont ils se tiennent.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Avance que je recule
Je suis essorée d'admirer, Ba, c'est comme ça que je voudrais écrire... mais j'y arrive pas !
Invité- Invité
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