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N'a pas peur du voyage qui aime en silence

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N'a pas peur du voyage qui aime en silence Empty N'a pas peur du voyage qui aime en silence

Message  boudi Jeu 7 Juil 2011 - 4:29

Ce qui est délicieux chez toi, ce n'est pas ton être, pas ton odeur même, mais le parfum que tu déposes quand tu t'en vas, ce regret qui traine dans l'espace que ton corps abandonne. Cette ombre de senteurs gorge le silence. C'est sur cette effluve que j'écris, c'est cette vapeur que je rassemble, c'est par là que prennent effort mes mots. Dans ce périple du langage, dans ce côté d'ange mourant de la colombe brisée, dans le bord encore secret de ton visage, ma candeur s'épaissit. Dans ton sourire toujours plein qui encombre tout entier le cri, et ne laisse aucune place aux misères, la mélancolie s'est faite un bonheur. J'ai blotti mes mains dans le reflet iridescent de tes genoux, il remonte jusqu'à la perle de tes oreilles, au nadir de l'ongle, à la tropique de tes pupilles, et toutes ces choses qui souffrent pour occuper ton visage, tous ces événements qui le possèdent, qui l’embarrassent et le nimbent, toutes les balles qui passent et flottent, suspendues autour de toi, comme autant d'idées funèbres qui se rejoignent dans ta traîne, qui t'accompagnent, et qui t'entourent, sans pouvoir t'atteindre, et au contact de ta peau le mot de mort même se dissout. Ton immortalité est celle des muses d'Antiquité. Tu as des vêtements de papier pour aller faire hésiter ta grâce dans les lignes.

Tu as une odeur de poudre et de plomb en stase, et dans tes veines, dans le bain de tes muscles, c'est le vin des victimes qui trempe et qui s'écoule en fredaine, c'est le cri de martyr, c'est la couverture du condamné à mort qui grelotte de froid dans un coin de la chambre. Mes mains, sur ta nuque, se serrent amoureusement. C'est la forme de corde d'un pendu mon étreinte. Tu donnes aliment à la nuit quand tu t'abandonnes à la fête, à l'alcool et aux jours en bouton.
Sous tes paupières le jour impressionné ne bouge plus. Tes dents claquent et déposent de l'écume de lumière. Ta chambre est un matin raté quand entre les stores de tes dents le soleil d'hiver veut s'y faire une place. Il a bu à des étoiles impotentes, il a bu des lueurs stridentes pour t'être reflet. Pour être au miroir même miracle que tu es à la vie.

J'ai vu avant toi bien des choses, et je les disais des amours, j'ai cru leurs yeux de poèmes, de rimes et de strophes et je ne savais rien la couleur délicate des filles de sacre, de la peinture d'huile farouche qui te monte sur le teint, des tons qui te dissolvent, qui te dilatent, et le blond, le bleu, l'auburn, les polissures des cheveux à ton cou, agenouillés à tes lois et pour ta grâce dociles.

Chaque matin, ce qui m'éveille, avant le balbutiement de l'aube, avant le ricanement des tramways, et les poumons d'encre des oiseaux, chaque matin ce qui m'éveille, qui me surprend dans mon sommeil,c'est la joie de te savoir faire de ton pas des gestes de peintre. De puiser dans les forges enrouées de Jijel des actions et des mouvements. Dans ta voix est venue la note primitive du chant grégorien, dans l'étuve de musique de ton corps, du sanglot sacristain de ton foie, avant que les rossignols ne viennent déranger la nef de nuit, c'est toi qui parjure le jour, toi qui couvre d'une eau neuve le sifflement brun de l'angélus..

Tu es à ma bouche le tourment des langages oubliées, le caractère muet du sanskrit. Cette sorte d'asile où mes hurlements, à tes seins capitonnés, bondissent se résorbent, se réduisent, tu es mon audace malade où la folie diminue, s'éclaircit comme un ciel en juillet. Dessus les lèvres, la peau se couvre du duvet d'espoir, la truelle du peintre répand sur la palette les couleurs du bientôt, quand la confluence de l'encre et des larmes creusera un lac de doux matin. Que les pigments arrachés de soir quitteront les saisons pour faire des flanelles une demeure où l'on ne vit qu'à l'étroit. Tes yeux devinent tous mes gestes, les crachent lentement, les caresses je les donne mille fois, dans le désordre de mes cheveux fiers, je les donne en aveux, je les donne en prophéties, je les donne en effroi.

Je me souviens des lundis d'avril, tu faisais succomber la folie publique, avec tes rires soyeux. Sous tes semelles j'ai trouvé des baisers d'enfants interdits et des hommes étonnés de ne t'avoir ralentie, tu as marché dans tant de villes, que tes pas craquent du paysage toscan, on entend des murmures flamands dans ta course, et un peu du tambour d'Arcole. Tu fumais des Craven A et tu disais dégarnir tes poumons de la vie lourde à garder, tu voulais en raccourcir la natte pour la porter plus légèrement. Parfois tu tendais un verre de miracle, et je croyais que tu y avais pleuré. Je le buvais comme un vin de messe, psalmodiant les prières qu'on lit bien, les yeux étonnés d'absinthe. Au liquide consacré tu offrais ton mégot, pris d'ivresse il jetait son masque d'aurore. Le vin déboutonnait ton chemisier, les cigarettes rendaient tes doigts d'audace. Et moi avec des reliquats d'enfance, je tournais la tête, je disais « je crée, je crée, s'il te plaît je crée, je dois fermer les yeux pour jeter des images de rêve ». Ce monde inerte, accompli, fatal, tu l'as transmuté en un espace de possible, enchevêtré au sommeil, pris dans une ronce de délire. Avec tes airs de garçon manqué, tu t'es mise en moi, tu as gonflé de morsures mes petits pas timides. Je crois, tes dents sont de rage. Tu es en moi, je suis incrusté de nuit, ça se soupire longtemps cet amour, ça fait de longues foulées autour d'un monde perpétuellement rénové. Qu'est ce que sont les kilomètres quand on sait s'aimer en silence...

Quand je croyais épuiser ton existence, je te découvrais deux nouveaux prénoms, deux marches dans la pénombre vive et pluvieuse, quand je croyais avoir tout bu ton parfum, je le vis se mélanger dans deux autres complexes, inventer des théorèmes où ces trois chants se mêlent en bourrasques, dans le rythme symphonique du tercet et se détachant et se reformant de l'infinité des formes qui les raconte, les fractionne, les assemble. Quand je croyais ton existence un bois sec d'avoir déjà consumé dans mes veines, je te sens une existence sous le masque calcaire, dessous l'évidence visible du concept, et qui au contact de tes trois prénoms, ô Diane, ô Sarah, ô Lise enflamme mes nerfs, et embrase cette bouche de moi qui n'était avant tes lèvres faites pour rien que la liturgie et le cantique, mais s'apprend douée au baiser. Nouvelle idée de moi. Demain la cire des veillées funèbres fera à l'auge une eau consacrée au baptême, aux figures arithmétiques, aux vigueurs destituées. Tu es toute présente à mes cernes, dans la pression contre mes muscles, dans le geste fatal d’écrivain où se déploient tes trois prénoms, chacun corrompant de sa douleur propre, altérant de ses dents, de son rein. Ces trois folies superposées donnent à voir aux autres, un air d'ordre que trahit un regard qui grince. De tes trois petits désordres noués, tu fais autour du cou une toile vierge, où toutes les couleurs prennent et ta folie, pleine d'appétit, les absorbe. Du crépuscule ne reste rien que l'ombre, et les taches sur la grande figure de la folie douce, qui dévore, avec des petites dents de chatte suave, boit les sueurs mélangées des trois fleuves de l'enfer, mis dans la fiole d'un seul corps. Trois senteurs unies tiennent dans mon poing clos en myosotis.

Les bougies s'éteignent mais non tes yeux.

boudi

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Message  Invité Jeu 7 Juil 2011 - 7:28

Tout d'abord je salue une écriture sans scorie, c'est impressionnant.

Un texte éminemment poétique, aux formules emphatiques mais toujours renouvelées. Je m'étonne qu'il ait la capacité de se dérouler sur plusieurs paragraphes sans que l'inspiration s'épuise. Au contraire, on dirait que plus on avance, plus le fantasme prend corps. J'ai trouvé la fin assez dérangeante, l'histoire des trois prénoms, après quelques autres indications plus haut dans le texte ("Mes mains, sur ta nuque, se serrent amoureusement. C'est la forme de corde d'un pendu mon étreinte.") il y a là quelque chose de trouble qui me fait penser qu'on pourrait basculer dans une autre dimension. J'aime bien rester à douter, à m'interroger, même si j'ai ma petite idée : " Trois senteurs unies tiennent dans mon poing clos en myosotis.

Les bougies s'éteignent mais non tes yeux."

En conclusion, si ce n'est pas vraiment ce que je choisirais de lire, pas ma tasse de thé, je n'en apprécie pas moins le travail d'écriture et son résultat qui (m')en impose.

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Message  boudi Jeu 7 Juil 2011 - 14:46

Hum. Il y a une ambiguïté instaurée sous l'aître de la trinité. Si elle est d'un sacré religieux, elle n'est pas chrétienne. Il s'agit d'un amour d'Avril, qui ne devait pas durer jusqu'après le printemps. D'où l'énumération suivante "ô Diane, ô Sarah, ô Lise", prénoms qui me révèlent d'elle son ombre, son obscurité, les secrets que je croyais épuiser de fouiller une identité incomplète. Expliquer l'écriture poétique en gâche la saveur, l'on dit d'où le parfum inquiétant s'exhale, on en décompose les éléments chimiques et on en traduit en sciences les effets. Mais ce n'est qu'un peu de lumière dans tout ce noir.



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Message  Invité Ven 8 Juil 2011 - 20:00

Une sacrée patte, Boudi, je salue bas !
Et oh surtout, n'explique rien ! Les trinités ne gagnent rien à s'expliciter !
J'ai trouvé cette écriture somptueuse, velours.
Sous tes semelles j'ai trouvé des baisers d'enfants interdits et des hommes étonnés de ne t'avoir ralentie,
Sous tes paupières le jour impressionné ne bouge plus
Parfois tu tendais un verre de miracle, et je croyais que tu y avais pleuré.
des petites dents de chatte suave

Je n'en finirais pas de noter tout ce qui m'a plu...
Petite remarque : Tropique et effluve sont tous deux masculins ( c'est désolant, je sais ...!)

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Message  Ba Sam 9 Juil 2011 - 8:49

Une source à suivre vers son fleuve...
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Message  echalot-lover Dim 10 Juil 2011 - 22:46

C'est très bien écrit, j'ai apprécié
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Message  Polixène Mar 12 Juil 2011 - 21:30

C'est très beau cette densité presque végétale qui s'enroule et se déploie et tisse et tresse le sens . Grande élégance et belle ampleur.
Polixène
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Message  Invité Mer 17 Aoû 2011 - 17:25

c'est par là que prennent effort mes mots
étrange formule, étrange rythme.

Mes mains, sur ta nuque, se serrent amoureusement
Mes mains, sur ta nuque, se serrent, amoureuses. Ma langue a dicté cette modification.
C'est la forme de corde d'un pendu mon étreinte
belle omission du verbe mais sans virgule, c'est un peu trop courageux.
et aux jours en bouton.
l'accord de bouton est impossible à comprendre vu d'ici.
ta grâce dociles
sans virgule qui suit grâce, l'accord de docile est impossible.

J'aime ; il y a une hystérie sous-jacente derrière ce déluge de corps et de couches.
Techniquement; le premier texte contient un nombre considérable de que et de qui je ne trouve pas le fait trop dérangeant, assez pour l'avoir noté. J'aime beaucoup ton travail en général, je le dis ici.

PS La mise en page n'est pas au poil.



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