L'enfant qui vit en moi...

[gaeli]

Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami.
Le Petit Prince (1943)
Antoine de Saint-Exupéry



Je suis une femme indomptable
Brodant le velours noir de l'espoir
J'ai un baluchon rempli de fils d'impuissance.

La fillette bavarde et dépeignée
Est resté dans la cour de mon enfance.
Des fois, elle me harcèle en sifflant
Ou se glisse près de moi qui rêvasse.
C'est ma première réalité venue
Un fantôme brillant
Mon petit fantôme à moi.

Enfant du soleil et pareil à la mer,
Elle chante et rit aux éclats
Boit la rage, les peurs, la colère
Qui remplissent mon univers.
Parfois la petite pleure
Veut se replier
Partir
M'abandonner

Alors je lui dis en la berçant:
Je t'aime
Ça va aller...


[center]

[Maryse]

Gaeli
Aimer l'enfant qu'on a été
C'est très émouvant et comme c'est bien dit.

[Invité]

Ton poème me parle énormément.
D'abord, je me retrouve tout à fait dans les deux premiers vers.
Ensuite, dans les moments de doutes, de désespoir, j'ai toujours fait appel à la petite fille que j'ai été, moi aussi enfant du soleil et de la mer, parce que biterroise.
Seule différence je crois, elle n'a jamais voulu partir, elle s'est repliée avec moi "dans ma coquille", en attendant des jours meilleurs. (Oh ! Ce n'est pas un commentaire que je fais là, pardonne-moi)
Mais quel beau sujet tu as traité ! J'aurais voulu avoir cette idée. Merci pour l'émotion.

Remarques : Je comprends que tu aies mis "velours noir" mais la couleur de l'espoir c'est le vert me semble-t-il.
"Est restée dans la cour..." Et enfin j'aurais mis "pareille au soleil" puisque tu dis ensuite "elle" donc enfant est supposé ici au féminin.

[gaeli]

Maryse: un gros merci

Embellie: J'apprécie ton commentaire.
On devrait lire: Brodant le velours noir EN espoir ( erreur que je n'ai pu corriger enfin!)
En effet est resté avec un e et pareille aussi au féminin. Désolée... MERCI

[Damy]

"Tout le monde a été un enfant et il ne l'est pas resté"
Je ne sais plus de qui est cette phrase célèbre. Je ne sais pas non plus si elle est exacte.
"N'a pas su" peut être ou "n'a pas voulu" ??
En tout cas celui qui a dit "On ne peut pas être et avoir été" n'a soumis sa pensée à l'expérimentation sur des échantillons anonymes
lol

[gaeli]

Merci Denis pour ton commentaire.
L'enfant intérieur est un concept élaboré par le psychologue et psychiatre suisse, Carl Gustav Jung. Il s'agit de la part enfantine vraie et authentique que nous possédons en nous. Jung l'appelait l'enfant doué. Il correspond à cette partie de nous-mêmes qui recèle en puissance, nos dons innés pour la découverte, l'émerveillement et la création. L'enfant intérieur représente la partie de nous qui est sensible, vulnérable, régie par l'émotion. Ce sont nos tripes. Il faut donc être attentif à notre corps, à son ressenti, pour entendre cette voix fragile et précieuse qui nous fait part de sa tristesse, de ses chagrins et de ses peurs. Cet enfant a ses blessures, son histoire et regagner sa confiance est un plus dans notre comportement d'adulte attentionné.
Se rapprocher de son âme d'enfant et reprendre le dialogue avec lui, Quoi!

[milo]

Je n'aime pas trop le titre... Mais je ne regrette pas d'avoir quand même clické dessus.
Un texte sensible et émouvant. Je suis ressorti de ma lecture avec une sensation étrange, quelque chose qui ressemble à la mélancolie...

[Invité]

Je n'aime pas trop le titre, moi non plus (l'enfant intime ou mon enfant intime... peut-être), mais ce texte dit bien ce que la plupart d'entre-nous vit : un enfant personnel qu'il nous faut bercer ou consoler et qui parfois nous berce et nous console...

"Boit la rage, les peurs, la colère
Qui remplissent mon univers."
Pas très heureux ce "remplissent" selon moi...

[gaeli]

Merci Milo et Dusha pour vos commentaires encourageants. Je prends bonne note de vos critiques constructives.

[echalot-lover]

J'aime cette forme de sensibilité bien qu'elle me soit assez étrangère

[Carmen P.]

Je suis partagée à la lecture de ce poème, partagée entre l'intérêt que ce sujet représente pour moi (le monde de l'enfance et notre enfant intérieur) et son écriture destinée à un lectorat adulte. Sans doute est-ce parce que ce n'est pas l'enfant en moi qui lit ces vers, mais l'adulte !
Rien à dire jusqu'aux deux premiers vers de la deuxième strophe, ensuite il faudrait que je bascule en mode enfant et ça ne se passe pas. Pourtant les derniers vers en italique ne me gênent pas.
En y réfléchissant bien, je ne sens pas la proximité que tu as avec cette enfant. C'est peut-être ce "elle" qui me gêne, elle est petite, on parle d'elle on ne se donne pas la peine de lui parler directement...oui, c'est exactement ça qui m'empêche d'apprécier ce poème : j'aurais aimé qu'à partir du troisième vers de la deuxième strophe tu interpelles cette enfant !

[Rebecca]

On n'a pas seulement l'âge qu'on a . On a tous les âges que l'on a eus. Plus on avance en âge plus notre expérience se multiplie , plus il y a de personnes en nous . Le risque c'est l'épaississement des épidermes en même temps que du mystère. L'enkystement dans une période révolue du passé. Du dialogue intérieur avec tous les fantômes de nous mêmes peut naitre la légèreté qui n'est pas un attribut spécifique de l'enfance mais à mon avis un but à atteindre , en prenant des chemins certes parfois détournés. Je ne suis pas pour l'idéalisation de l'enfance. C'est juste une facette du kaléidoscope . Un fragment de l'espace temps qui nous constitue. Juste une étape du chemin .
Mais j'ai bien aimé ce poème qui fait surgir du néant une reflexion qui en appelle une autre , comme ces jeux de miroirs à l'infini ou ces poupées russes emboitées les unes dans les autres.

[gaeli]

Merci Echalot-lover, Carmen P et Rébecca.

L'enfant intérieur grandit avec le cheminement...L'ego est le petit enfant meurtri et blessé qui a appris à devenir "adulte''. C'est "l'adulte-enfant" envahi de peurs, de croyances erronées, et constamment en recherche de protection extérieure. Si l'ego nous a aidés à survivre... il a fait obstacle aux échanges authentiques et à la connexion spirituelle que nous cherchons tous. Les thérapies basées sur l'enfant intérieur ont pour objectif de faire de nous des "adultes-enfants'' capables d'aimer, et donc d'écarter les peurs et fausses volontés qui nous empoisonnent le quotidien et s'opposent à notre épanouissement. Au plus on développe son enfant intérieur, au plus on accroît la connaissance et la capacité d'amour qui est enfouie en nous. La souffrance diminue en proportion.

[Invité]

Un écriture toute simple, et la fin qui si bien conçue et qui donne toute sa force au poème.

[La tête dans les nuages]

J'ai apprécié cette lecture qui me touche puisque, comme plusieurs d'entre nous, elle vient directement me parler et faire vibrer cette enfant bavarde et dépeignée qui vit en moi. et de plus, la première strophe, qui met ''l'adulte '' en perspective, est vraiment forte et l'image, malgré le noir du baluchon, reflète bien le combat de l'adulte qui tient à ses espoirs nés de l'enfance. Merci de ce beau partage.

[Louis]

La première strophe est une déclaration paradoxale : le « je » du texte se dit à la fois femme indomptable, comme en une bravade, et femme fragile, faible, comme dans un aveu, femme transportant avec elle dans le voyage de la vie un « baluchon rempli de fils d’impuissance ».
Cette femme fragile trouve sa force dans un autre bagage qui l’accompagne tout au long de son existence, elle porte en elle la petite fille qu’elle a été. Elle est hantée par cette enfant « fantôme brillant, mon petit fantôme à moi ». Le passé n’est pas passé, il reste présent en une figure fantomatique.
La petite fille est une enfant joueuse, « dans la cour de mon enfance », bavarde, fougueuse et rieuse, ébouriffée.
Elle est ce côté solaire et océanique qui permet d’avaler rages, peurs et colères, sans être abattu ; elle évite à l’adulte de sombrer. Cette part d’insouciance et de légèreté permet de ne pas plier sous le poids des difficultés de la vie.
Soutien de la femme dans sa maturité, elle reste pourtant une petite fille qui pleure et qu’il faut consoler. Peut-être pleure-t-elle sur le sort de la femme qu’elle est devenue, peut-être parfois veut-elle fuir parce qu’elle ne trouve plus place, avec ses rires, sa joie, son insouciance, dans le mode de vie de l’adulte. Il faut alors la « bercer », lui redonner vie encore, conserver pour elle un espace où elle se manifeste dans l’existence, un lieu où elle joue encore à travers l’adulte.
Si l’infantilisme doit être dépassé, il semble bon, en effet, comme tu as su l'exprimer, Gaeli, de conserver une part d’enfance en soi. Nous serions bien démunis « sans au fond, au fond de soi, le merveilleux et le miraculeux placé par l’enfance» comme disait Paul Valéry.

[gaeli]

Éclaircie: Merci de ton appréciation. J'apprécie vraiment.

La Tête dans les Nuages: Le goût de pleurer est présent chez tous les adultes mais combien se le permette vraiment... merci à toi pour ce beau commentaire.

Louis:
L'analyse que tu fais de ma poésie me touche vraiment. Je n'aurais su mieux le dire. Ne jamais oublier le merveilleux et le miraculeux de l'enfant que nous avons été. Merci à toi.

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