La vitrine dérangée ou le monologue externe

[Ba]

Je viens pour la première année « signer » un exemplaire de mon dernier recueil « Zoula mort », une suite de réflexions ombragées sur la fin des haricots blancs. Mon éditeur, esthète et fumeur de bio sans nicotine, m’a vivement conseillé votre charmante station balnéaire. Il m’a dit, en novembre dernier, un soir de chaude pisse automnale :
- Marcel, il est temps de vous rappeler au bon souvenir du lecteur
- Bien sûr cher ami, bien sûr
- Un lecteur s’entretient comme la crème fouettée sur les chouquettes quand sonne l’heure de la communion solennelle (ah, quel délicieuse expression passa sur son visage de faune…Communion…Tous ensemble, tous…)
- Surtout le seul
- Certes, mais quel lecteur !
- Un condensé de la sub…
- Épinière
- Oh combien vertébrale ! Dites moi Ursule, êtes-vous certain qu’il viendra cet été ?
- Ma main à couper Marcel, avec les doigts ! Je vous garantis !
Je me suis pris à rêver d’une rencontre sublimée aux portes du silence, lui plongé dans les rails transversaux de mes pensées, moi à l’écoute du frémissement des ondes longues qui passent entre les âmes ouvertes. Tous deux assis devant la boulangerie dans les rayons dorés d’un pain de campagne fraternellement partagé. Les badauds remontent leurs sandales dans leur slip en ruminant l’envieuse complicité, les badaudes dégrafent leur maillon de rien pour nous offrir un peu de sentier battu. Je vois la rue transpirée essorer la sueur de vos rires compacts, s’étirer à l’infini jusqu’au belvédère de carte postale que vous tourniquez distraitement. La joie de l’instant marque vos haleines de cris touffus pendant que les mâts des navires en carbone tressent leur cliquetis de départs éminents. Les mouettes menues et ardentes saluent notre rencontre. Nous sommes.
- Marcel ?
- Oui Ursule ?
- Avez-vous corrigé la dernière épreuve ?
- Une bonne raclée comme il se doit
- Il était temps que vous repreniez les choses en chemin mon ami, j’ai craint pour vous la rage blanche et définitivement vierge
- Pour tout vous dire, moi aussi. Heureusement que le hasard me tricote des manches longues pour dissimuler mes mains vides
- Heureusement. Vous êtes donc fin prêt ?
- Prêt
Nous nous sommes quittés sur ces derniers serments. Aujourd’hui je vous attends devant « Nini le pain authentique artisanal d’autrefois » face à l’océan retiré des avoines. Ma table de formica bleu est juste écornée au coin gauche, sans gravité, ma chaise est un instable mais je viens de la caler avec une feuille de papier toilette. Mon stylo bille au garde à vous pique le ciel pâle, impatient de clouter une dédicace charmante à l’unique goûteur de mes déraisons ; je suis là, paisible, je vous guette, une goutte tombe sur le dos de ma main, il va pleuvoir. Il va pleuvoir…
Il va…

[CROISIC]

Savoureux, unique, drôlatique et profond... mon coeur Ba quand je te lis !

[Rebecca]

Tout à l'heure assise à une terrasse de café de ma station balnéaire , regardant passer la foule claquant de la tongue et enroulant sa langue autour de boules de glaces savamment échafaudées, je transpirai mon ennui un stylo à la main, me disant : il faudrait que j'écrive l'histoire de chacun de ces badauds, ici, maintenant. Et l'espace d'un instant le vertige a culminé à des températures inhumaines sous mon parasol, j'imaginai le silence soudain et l'immobilité , tous ces corps en marche vers leur mort suspendue, leur passé présent et futur et l'immortalité que leur conférerait non pas mon regard mais celui d'un lecteur, éventuel, un jour venu.
Mais je n'ai pas trouvé la zapette magique qui me permettait d'immobiliser à jamais et pour toujours cet instant I en ce jour J et la vie ordinaire a repris son cours dont elle n'avait en réalité jamais dévié.
En arrivant ici, sur ce texte, je me suis dit qu'il y a des voyages mentaux avec stationnement illicite et ballades linéaires qui valent toutes les excursions et stations balnéaires :-)

[Polixène]

Lire vos textes reste une expérience vivifiante, on en sort toujours grandi . Pas forcément plus intelligent, mais plus vif, en éveil , voilà .
Le problème étant de vous rencontrer, comme chaque été je m'en venais au-devant de vous, de votre sempiternelle table écornée, guettant entre les badauds le bleu du formica, quand un genre de flash mental m'a immobilisé en pleine rue : tout se figeait, chaque passant statufié...oh, ce fut si fugace, furtif ,que pour tout dire j'ai cru avoir rêvé! Quelqu'un aurait voulu arrêter le temps qu'il ne s'y serait pas pris autrement...Mais cessons là, votre autographe, cette année encore, je ne l'aurai pas, ne m'attendez que ce qu'il faut, je vous lirai dans une autre dimension .
Mes hommages appuyés à Nini la boulangère.
Votre L.

[echalot-lover]

Merci de vouloir extraire mon pantoun du fond de la mine, tandis que vous êtes en plein pétrin !

[Invité]

Ba tond sur coussin d'air...

[Lisa Decaen]

Humour, subtilité, que du bonheur !!

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