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Perte des eaux

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Lifewithwords
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Yali
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Message  Yali Mer 17 Aoû 2011 - 17:19

Chapitre I
Perte des eaux

J’ai décapsulé ma bière. Lui la sienne. Il faisait un temps de chien. Précisément un temps à ne pas mettre un clebs dehors. Ce qui fait que nous étions dedans, nous, les deux corniauds du quartier. Encore que lorsque je vous dis ça, je ne compte pas le troisième, Émile, dit «Mimile» siégeant derrière son comptoir de bistrot belle époque. C’est-à-dire faisant stagner sa graisse ventripotente sous zinc brossé.
— Tu peux pas dire ça, il a dit.
— Dire quoi ?
— Que c’est un bâtard le Mimile.
— De un, j’ai dit corniaud et pas bâtard. De deux, je vois pas la différence avec nous, vu qu’il passe ses journées ici tout comme nous, en vidant des verres, tout comme nous.
— Sauf que…
— Sauf que ?
— Sauf qu’il est payé pour ça !
J’ai regardé la pluie s'abattre sur le trottoir et puis lécher la vitre jusqu’à ce qu’elle en devienne lisse, si lisse qu’à un moment j’ai bien cru que nous étions dans un aquarium. Un peu plus tard, le poisson que j’étais devenu s’est posé mille questions sur la vie, sur ce qu’elle serait devenue si je n’étais pas né ici, à côté de celui-ci. Mon frère, mon ami. Mon compagnon d’ivresse, mon pote des sales nuits, des sales coups, des vertes et des pas mûres, des trop mûres surtout. Celui des éternités de chômage, des petits larcins, de la clope partagée parce que pas un sou en poche, et vas-y que je te fouille les fouilles : tiens voilà une pièce, une autre, c’est bien assez pour une avance chez Mimile.
— Tu rigoles, ça suffira jamais.
— Eh, il baise ta sœur, oui ou non ?
— Sais plus. Mais dans tous les cas si il baise pas la mienne, il baise la tienne. Non ?
— Bien ce que je dis. Ça devrait suffire comme avance.
— Dans le doute, tenter. Toujours tenter.
— Tenter…
Et à force de tenter, nous avons résidé. Et à force de tenter nous nous sommes figés.
Et depuis la pluie s'abat, le moleskine s’use sous nos fesses, et la pluie recommence et s‘éternise aussi implacablement que le chômdu, l’ennui, et les filles qu’on aura jamais, les amours qui…
— Eh, arrête de broyer du noir. Fouille plutôt tes poches pour voir s’il te reste pas une petite pièce.
— Pour l’avance.
— Pour l’avance. Et dis-moi ce qui te tracasse.
— Nous sommes dans un aquarium !
— Et ?
— Et à ma connaissance il existe pas de poisson chien.
— Des poissons-chats pourtant.
— Oui, mais pas de poisson chien, aucun.
— J’ai pas étudié comme toi, mais je dirais que t’as raison. Et je dirais aussi, enfin si ça t'intéresse ?
— Dis toujours.
— Qu’un jour la pluie cesse.
— Et après la pluie le beau temps, et si ma tante en avait…
— Exactement. Tu prends quoi ?
— Un whisky.
— Je sais pas si avec l’avance ça va suffire.
— Eh, en ce moment il baise ma sœur, oui ou non ?
— Rien de moins sûr. Si ça se trouve c’est la mienne.
— Alors un double.
— …
— Et sans eau.
— J’avais compris.

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Message  mentor Mer 17 Aoû 2011 - 18:56

Savoureux.
J'aime qu'on arrive en si peu de mots à installer une atmosphère et à m'entrainer aussitôt à y rester jusqu'au dernier mot.

Et le titre... un peu en avance, non ? Avant de lire je me suis dit que... et puis non :-)))

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Message  Lifewithwords Mer 17 Aoû 2011 - 23:11

On est vraiment assis avec ces personnages, on se retrouve près d'eux, bref la mise dans l'ambiance est parfaite. Simplement je me suis un petit peu ennuyée avec ces dits-personnages... Je salue quand même votre talent pour les dialogues je les trouve expressifs.

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Message  Invité Jeu 18 Aoû 2011 - 12:22

Une vraie "brève" de comptoir. tu installes l'ambiance et tu te casses, je reste sur ma faim.

Sinon, eh bien je retiens la leçon :
— Dans le doute, tenter. Toujours tenter.

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Message  Moket Jeu 18 Aoû 2011 - 15:17

Ah dommage! J'aime bien les phrases assez courtes qui donnent une certaine dynamique au texte. J'aime bien aussi quand un auteur ne se prend pas la tête à trouver des mots compliqués et des phrases que l'on doit systématiquement relire deux fois quand c'est tellement plus agréable pour le lecteur de lire simple! Je trouvais cela très bon, et puis, j'ai envie de dire ... Et après?
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Message  Jano Jeu 18 Aoû 2011 - 15:36

Il tourne en rond ce dialogue. L'atmosphère est bien campée, les protagonistes à peu près crédibles mais franchement il ne se passe rien. Difficile d'éprouver de l'empathie. Un simple dialogue de loosers qui se concentre sur : "il baise ta sœur, oui ou non ?" Un peu juste tout de même.
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Message  Marine Jeu 18 Aoû 2011 - 15:38

Oh, personnellement je trouve que le texte se suffit à lui-même. Je n'éprouve pas le besoin d'avoir une suite, c'est une bonne esquisse, une ambiance installée en peu de temps, un décor qui distrait le lecteur quelques secondes dans son quotidien. Un joli tableau, droit, sincère, au vocabulaire et simplicité de style intéressants, aux dialogues efficaces, sans sur-jeu.
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Message  Marine Jeu 18 Aoû 2011 - 15:40

Désolé pour le double-post, ça me vient à l'esprit : Je vois bien une scène première de film, avec les passages plus narratifs en voix-off, voire une bande-annonce, un court-métrage. Qu'en penses-tu ?
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Message  Yali Jeu 18 Aoû 2011 - 17:50

Que c'est effectivement le départ d'un moyen métrage.

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Message  mentor Jeu 18 Aoû 2011 - 21:15

Yali a écrit:Que c'est effectivement le départ d'un moyen métrage.
Chouette !

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Message  Yali Jeu 18 Aoû 2011 - 21:15

Chapitre II
Grandeur et des cadences

La pluie, celle qui inlassablement s’abat sur le pavé et qui se fout de tout. De nos sœurs et du reste et qui nous fait poissons-chiens.
— Si ça se trouve il baise aucune des deux. Il a murmuré en jetant sa clope.
— Possible. J’ai dit. En écrasant la mienne, en la poussant, d’un bout de chaussure. « Possible » j’ai répété en la regardant s’en aller au caniveau aussi pleine d’eau. « Possible » et j’imaginais déjà ce mégot imbibé jusqu’à la moelle flirté dans le port de Marseille, voire plus loin…
— Raconte encore.
— Raconter quoi ?
— Tu sais bien, notre histoire.
— On a pas d’histoire Momo.
— N’empêche que la dernière fois t’as fini par « On s’ennuyait », et puis y avait aussi l’histoire des cent filles
J’ai respiré..
Respirer.
Et.
Regarder la pluie.
Regarder.
Rallumer une cibiche.
Et puis je l’ai regardé lui. Lui tellement énorme, tellement particulier tellement lui et grandissant à l’infini et tout le temps. Et puis la rue et :
— Tu préfères pas qu’on rentre ?
— Dans le bistrot ?
— Ben oui.
— Marre de la gueule de Mimile. Marre de chercher une avance. Marre. Raconte. Et raconte-moi à la troisième personne. Comme un vrai personnage.
— Momo, y a pas de vrai personnage.
— M’en fous !
— « Ok. On s’ennuyait. Disais-je. On s’ennuyait tels deux navires échoués sur la plage zinguée d’un troquet de banlieue.
Rien ne nous faisait rire et rien ne nous intéressait, pas même reboire un verre. C’est dire…
Le ciel aussi s’ennuyait, mais lui chialait, ce qui fait qu’il s’occupait un peu quand même. Limite si on l’enviait pas, lui et ses larmes d’occupation.
On avait compté toutes les jolies filles du quartier, y en avait quatre-vingt dix neuf. Peut-être cent, mais de la centième on n’était pas certains. Ni toi ni moi, on pouvait garantir qu’elle était vraiment du coin.
On avait grandi ici, alors forcément on savait de quoi on causait question jolies filles en résidence. Adonc, ce quartier on le connaissait depuis toujours, contrairement à l’autre loufiat de Mimile fraîchement débarqué dont on ne savait trop où, et qui affirmait l’avoir déjà croisée, la centième. Ta sœur, peut-être la mienne, celle d’un autre…
Il travaillait là depuis deux semaines. Qu’est-ce qu’il en savait lui ? »
— Rien !
— Eh, tu m'interromps pas, sinon.
— Je t'interromps plus. Fais comme si j’étais pas là.
— Vraiment ?
— Vraiment, et fais comme si tu t’adressais à quelqu’un d’autre.
— T’es vraiment tordu.
— Ok. « Momo et moi, on avait grandi ici, je vous l’ai dit, mais on avait grandi assis. Assis sur les bancs de l’école pour commencer, puis sur ceux de la rue en alternance avec ceux du commissariat, et plus tard, sur ceux de l’ANPE. C’était donc naturellement qu’on avait fini notre croissance sur ces chaises-ci.
Faut dire que le troquet était pile en face de l’ANPE.
Momo était plus grand que moi, Momo avait grandi assis plus vite.
Et pour l’instant, Momo lisait la rubrique "Offres d’emplois", centième page d’un canard tout spécialement conçu pour ça.
Cent jours qu’on n'avait pas dégotté un boulot, cent jours qu’on avait les poches aussi vides que le cerveau d’une présentatrice de météo, cent jours qu’on s’ennuyait ferme.
Moi, j’y croyais pas à ses recherches. Qu’une entreprise ait tout soudainement besoin de deux types spécialisés dans la position assise pour tester des fauteuils, des canapés, des chaises paillées, des tabourets ou toutes autres choses sur lesquelles poser son cul, et qu’elle passe une annonce expressément pour ça… J’y croyais pas.
D’autant que même si la chose s’était avérée genre rubis sur l’ongle, que l’annonce nous ait appelés par nos prénoms respectifs et nous ait en sus proposé un salaire mirobolant pour nous asseoir et ne faire que ça, on n'avait pas les moyens de s’offrir les tickets de métro pour se rendre jusqu’à son siège.
On s’ennuyait, j’en profitais pour rêvasser :
À dix-huit piges, dans notre période ANPE on faisait la même taille Momo et moi, puis il s’est mis à grandir d’un coup, tout assis qu’il était. Je m’en souviens comme si c’était ce matin : une fille passait dans la rue, derrière la vitrine du bistrot elle trimballait sa beauté comme à l’étal vitré. J’ai sifflé, puis j’ai dit :
— Bordel, c’est devenu une perle la cinquante-huitième. Elle s’arrange avec le temps.
Et j’ai resifflé.
Momo avait relevé la tête de sa bière, et corrigé :
— C’est pas la cinquante-huitième, c’est sa petite sœur : la vingt-deuxième.
Puis, comme si ça lui faisait pas de me faire la leçon de quartier, il avait rebaissé la tête pour ajouter :
« On apprend. Tentant toujours de s’instruire un peu plus, on apprend. On apprend déjà certains que nous ne serons jamais davantage que ce que nous avons toujours été, nus, perdus, seuls, et, comme au premier jour, paumés dans la merde et dans les pleurs avec cette vague idée de réintégrer le ventre d’une femme, n’importe laquelle mais pas la même. On apprend sans cesse : la diversité de l’espèce. »
J’ai demandé s’il allait bien ?
« On apprend la diversité de l’espèce » il a répété.
J’osais pas lui faire remarquer, mais j’avais bien vu qu’il avait grandi de dix centimètres.
Deux mois plus tard il récidivait :
— « Un "Je t’aime" c’est un mensonge à venir, égaré dans la réalité d’un présent, il avait dit alors que je lui demandais rien.
— Ça va Momo ? Momo ?
Et il avait pris encore dix centimètres.
Déjà que des deux, il avait toujours été le plus baraqué.
Je voyais pas bien d’où il pouvait sortir ce genre de phrases Momo, parce qu’à part les "Offres d’emplois" il ne lisait jamais, ni n’allait au cinéma ni rien d’autre. Sans parler qu’en vingt-cinq ans, je ne lui avais jamais connu une relation, en tout cas pas une du genre qui l’aurait incité à soudain réfléchir sur l’amour, la vie et toutes ces conneries…
— Elle habite deux bâtiments plus loin, avait affirmé le Mimile en me tirant de ma rêverie.
— T’entends Momo ?
Mais Momo n’entendait rien, semblait, penché sur sa page d’"Offres d’emplois", concentré comme un grand tube Nestlé.
J’ai tenté de faire diversion, parce que je le sentais bien qu’il allait recommencer ce con. J’ai dit à Mimile :
— Eh, on nous la fait pas à nous. On est du coin Momo et moi, alors s’il y avait une centième dans le quartier, même le potentiel d’une quatre-vingt dix-neuvième et demie, on serait au jus tu penses ! Hein Momo ?
Il avait respiré profondément.
J’avais frémi, plissé les sourcils, baissé les épaules.
— On habite toujours à deux bâtiments l’un de l’autre, même lorsqu’on partage le même lit. Il avait laissé tomber dans un râle genre tragédie hollywoodienne où tout plein de héros mouraient à la fin.
Et il s’était remis à pousser d’un bon vingt centimètres.
J’avais rallongé mon ardoise de deux bières. Le loufiat se plaignait un peu comme quoi c’était pas les ordres du patron, qu’il allait avoir un tas d’ennuis parce que c’était plus une ardoise qu’on avait mais une toiture châtelaine, et pas celle d’un petit château encore. Mais au vu d’un Momo de désormais deux mètres quinze, il avait pas cru bon d’insister plus avant.
On avait trinqué.
Je l’avais prié de ne rien ajouter, de ne surtout rien dire, ni à propos de la centième ni à propos de rien d’autre, les bâtiments, les filles, la vie connasse, vie qui passe, les lits, tout ça, on s’en tapait.
Il avait dit « Mais, mais… ».
J’avais répondu « Non, non. »
Il avait ajouté : « N’empêche qu’ils cherchent deux types pour essayer des fauteuils, et bien payés encore. »
— Où ça ?
— Là.
Et il m’avait tendu le journal ouvert à la rubrique "Offres d’emplois" et c’était marqué en toutes lettres. Pile notre profil.
— Un miracle ! j’ai fait.
J’aurais pas dû. Aussi sec il a répondu :
— Les miracles sont à la pensée ce que les mirages sont au désert.
Et on n'a plus pu le sortir du troquet vu qu’il mesurait dans les deux mètres soixante-dix maintenant.
Le temps passant je me console. Je me dis que tant pis, on avait, de toute façon, pas de quoi s’offrir des tickets de métro.
Sinon, c’était bien vrai ce que disait Mimile, vrai de vrai : elle était belle et bien la centième jolie fille du quartier.
Elle passe de temps en temps pour voir Momo, lui dire deux trois mots gentils à la suite desquels il réfléchit intensément.
Pour l’instant il ne dit rien, mais je sens bien que d’ici peu, il va parler, parler tellement bien qu’il se pourrait qu’on s’élève encore et pourquoi pas trinquer avec les touristes déjeunant au troisième étage de la tour Eiffel.
Ce qui tombe bien, parce qu’on n'a toujours pas les moyens de s’offrir des tickets de métro, Momo et moi, pour aller jusque-là. »
— Elle est belle ton histoire. Dis Momo, les yeux perdus au-delà de la pluie. Très loin là bas.


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Message  Invité Ven 19 Aoû 2011 - 11:16

Tout s'étire dans cette histoire : Momo, l'ardoise, l'ennui, le temps, la mélancolie... Je ne dirais pas que ce passage me remplit de joie, il aurait plutôt tendance à me ficher le bourdon. Alors, si je doute que nos héros sortent vainqueurs de leur combat existentiel, je suis néanmoins curieuse de les accompagner dans la suite de leurs aventures sur moleskine.

Le passage crucial se situe à mon avis ici, où on touche au coeur des personnages, de leur poursuite chimérique, de leur raison de (ne pas) être : Marre. Raconte. Et raconte-moi à la troisième personne. Comme un vrai personnage.

et là :

— Eh, tu m'interromps pas, sinon.
— Je t'interromps plus. Fais comme si j’étais pas là.
— Vraiment ?
— Vraiment, et fais comme si tu t’adressais à quelqu’un d’autre.


Beaucoup d'émotion en "quart de teinte" dans ces quelques lignes.





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Message  Moket Ven 19 Aoû 2011 - 14:28

Ah! Il y avait une suite! Alors, je retire ce que j'ai dit au sujet de "Et alors?"... En tout cas, j'adore ce style, un peu à la Harlan Coben. Si c'est un bouquin que tu écris, pour moi, nulles longueurs dans cette partie, il faut bien planter le décor à un moment ou à un autre! Moi, en tout cas, je ne me suis pas ennuyée de la première à la dernière ligne.
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Message  Moket Ven 19 Aoû 2011 - 14:29

Désolée pour le double post, mais comme il est impossible de rééditer... J'ai trouvé une petite coquille: moëlle
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Message  Yali Dim 21 Aoû 2011 - 13:27

Chapitre III
Cité deux, t’es pas un

Ça l'obsède Momo. Devenir un personnage lui ravage la caboche au jour le jour.
Constat. Mais constat sans accident notoire. À part l’encombrement Momo ne dérange personne. Jamais.
— Tu ferais quoi si j’étais pas là ? Il demande.
Répondre, à quoi bon. Alors je ne dis rien.
Je lui passe une main sur le front. J’allonge ses deux mètres trente, ses cent-trente sept kilos, je les borde. J’attends qu’il s’endorme un sourire extatique collé à ses lèvres de gamin, puis je file me faire un café et j’ouvre la fenêtre de la cuisine histoire de prendre un bol d’air, et, bol en main, consommer un bout de nuit avec une clope en bouche.
Volutes et fragrances de tabac.
Respirer.
Parfum de Craven A.
Café.
Consommé.
Consumé.
Et.
Et il est temps que je vous présente la cité.
Rangez vos idées toutes faites, ici rien ne se passe, ici rien ne vit si ce n’est le quotidien, Madame Machin chiante comme pas deux, Monsieur Truc anar à ce qu’il dit, Mademoiselle j’aime pas Dieu ni les Hommes, j’en passe et des plus ordinaires et, en contrebas, même pas question de se mettre sous la dent une voiture cramée ou un lascar qui se démonte les os ou se démonte l’âme à grands coups de course poursuite flicaille.
Rien.
Nous sommes loin de l’impulsion, de celle qui s’agite politique, de celle qui fait qu’un élu monte au créneau pour identifier un malaise et en parler dans un jargon qui nous ressemble pas.
Rien.
Paris et sa banlieue sont loin.
Rien vous dis-je.
Rien si ce n’est que pas plus tard que tout à l’heure j’ai croisé la quatre-vingt seizième. Belle comme une nuit Pigalienne, attirante comme c’est pas permis mais.
Mais je n’ai pas précisé que le plus beau de nous deux c’est Momo. C’est dire…
Sinon les immeubles poussent dans les bruits des marteaux-piqueurs et autres étrangetés mécaniques : du béton et du verre se dressent et en un rien de temps s’enfilent des camions de location sur parking nouvellement bitumé pour décharger l’essentiel d’une vie : meubles de qualités modestes, pour ne pas dire minables, objets vétustes, et rejoindre un premier, un troisième ou un onzième étage accompagnés d’une tripotée de mômes dont on imagine aisément le traumatisme sitôt que l’on croise leur regard.
La cité.
Square de béton, arbres malingres effilés comme des lames de rasoirs s’enfilant alignés au creux de l’absence et, pile en face, comme posé dans le vide de l'architecture, comme ouvert dans son néant, le café. Endroit de vie, endroit d'ennui. Le repaire de pas mal, le repaire de tous. Le café ou l’espoir de gratter le jackpot, de gratter l’enfin sortir de là, tirer un trait sur tout ça. L’espoir de rentrer chez soi ou partir ailleurs, avec la gueule revancharde et les fouilles chargées d‘oseille, tellement que pas un souvenir ne subsistera, pas un seul parce que sinon je ne me nomme plus Mohamed, Tonio ou Bogdan.
Et mon prénom à moi n’est pas l’un de ceux-là.
Il est pire que l’un de ceux-là. Mais il est trop tôt. Après tout nous nous connaissons à peine et cette cité malgré ce que j’en dis, malgré le café froid que je tiens désormais en main, malgré la dernière clope qui manque au paquet et la précédente qui dégringole quelque chose comme huit étages pour aller s’étioler de cendres incandescentes sur trottoir, cette cité, si il n’y avait pas Momo, je l’aurais faite mienne une éternité, voire deux.
Par fainéantise ou par bêtise, j’aurais jamais pensé à la quitter.
Mais qu’importe.

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Message  Invité Lun 22 Aoû 2011 - 17:20

Ok, décor planté et peut-être l'ailleurs qui suit. Avant ça, j'ai savouré :

sinon je ne me nomme plus Mohamed, Tonio ou Bogdan.



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Message  mentor Lun 22 Aoû 2011 - 19:40

Easter(Island) a écrit:j'ai savouré :

sinon je ne me nomme plus Mohamed, Tonio ou Bogdan.
Et moi : "je n’ai pas précisé que le plus beau de nous deux c’est Momo. C’est dire…"
:-))

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Message  Clarisse Jeu 25 Aoû 2011 - 16:26

J'ai bien aimé les dialogues, l'énigme du Momo qui grandit (jusqu'où ?), les considérations sur la "cité". Un très bon départ.
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