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Le cahier noir

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Le cahier noir Empty Le cahier noir

Message  Calvin Lun 5 Sep 2011 - 21:01

« Depuis enfant, j’étais frappé de ce que les choses me semblaient manquer d’une absolue forme d’ordre et de signification. Alors que ma naïveté naturelle me disposait, dans le premier geste, à accepter telles qu’elles se présentaient toutes choses, je ne tardais pas à remarquer dans le réel étalé à ma vue les craquelures, les manquements au relief, toutes ce qui de détail devient la guêpe bourdonnante vous empêchant de vous fondre dans la contemplation du paysage. Il me semblait que l’univers me rejetait ? Je ne lui en tins d’abord pas rigueur. Je cherchais l’explication dans une mauvaise complexion de ma nature. Dans cet équilibre précaire de donner et de prendre qui caractérisait mon rapport aux êtres, et qui, je le voyais, s’étendait aux choses. Puisqu’il me paraissait impossible d’appliquer au réel ses significations communes, j’entrepris de rétablir cette absence de mon propre effort : je dardais mon œil comme le muscle se gonfle de sang. J’interrogeais une abeille, une fleur, un clair de lune ; une feuille liserée de pluie et un lac gorgé d’étoiles. Je ne délaissais pas les choses obscènes. Je désirais retourner la peau de l'univers, pour le contenir entier...

Mais jamais je ne fus capable de plaquer aux objets ce sens que je croyais pouvoir déceler chez les autres. Jamais je ne pus de cette même intuition découvrir ce que je nommais l’agencement naturel du monde... Tout se passait comme si ce qui avait fini par devenir mon expérience personnelle fit jouer de secrètes connivences. Tout me devint familier ; les significations s’élançaient de mes doigts jusqu’à la gorge de l’être. Je perdais peu à peu le sens des contours de mon ombre. Je me voyais me prolonger, plonger mes racines au vent qui caresse et qui brise, à la peau incrustée de ligne lunaire, au moindre feulement du monde, au moindre regard, à la moindre lèvre de femme. J’en vins alors à accorder une importance mortelle à toutes choses. Je me serais tué pour le frémissement d’une passante, la remarque d’un proche, un geste que je disais mépris, un regard que je déchiffrais pitié. Le monde conspirait, la vie conspirait. Tout s’efforçait de me dire l’intrusion vulgaire que je faisais au monde.

J’atteignis alors cet a un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps. Il vient un temps où on cesse de voir la vie vivre. Le temps remplace la vie partout où elle semble prête à éclore. Autrefois la plante encore neuve se cristallise en un geste qu’on n’aurait pas prédit. Elle résume tous ses efforts passés et explique la déchéance à venir… Ces instants sont, pour moi, à barrer d’un trait rouge.

La vie s’échappe : il n’y a rien à faire. On reste inquiets sous le ciel muet, on se tient immobiles dans les replis de son âge. La nuit du noir vire au mauve. Les étoiles ne sont suspendues ni trop bas ni trop haut. C’est une distance aimable, semblable à celle qui permet avant de les embrasser de contempler à loisir les lèvres d’une femme. Tandis que ma vie se défaisait, je me débarrassais peu à peu de tout un bagage d'adjectifs. L'étroitesse de mon existence, je pensais pouvoir la maintenant sentir dans ma main, sa sombre présence, lourde de regrets, tandis qu'elle m'avait toujours apparue volatile... La jeunesse avait quitté mon corps ; mais j’apprenais à reconnaitre dans toute son authenticité, dans toute sa réalité, et dans mon exclusion complète, l'être des choses. Pour la première fois, je pouvais les regarder avec la sérénité d’un objet. Mon ombre exacte était circonscrite par le soleil. Dans ma déchéance, j’apprenais à vivre ; c’est-à-dire que j’apprenais à mourir. »

(...)

Calvin

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Le cahier noir Empty Re: Le cahier noir

Message  Invité Lun 5 Sep 2011 - 21:17

C'est exactement ça !

j'aime beaucoup ton écriture, Louis! il y a un jaillissement, un renouvellement constant, et toujours, cette façon oblique de regarder les choses en face !

Quelques petits problèmes de temps :

Je cherchais l’explication
comme il y a un passé simple avant, je penche pour "je cherchai"

idem ici
j’entrepris de rétablir cette absence de mon propre effort : je dardai

*J’interrogeai une abeille,

tandis qu'elle m'avait toujours apparue volatile.
j'aurais plutôt dit tandis qu'elle m'était toujours...

J'attends la suite que laisse présager tes points de suspension.

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Le cahier noir Empty Re: Le cahier noir

Message  Calvin Lun 5 Sep 2011 - 21:38

Tiens, je l'ai posté dans poésie ?
J'ai laissé outre les fautes, coquilles et répétitions : je posterais sans doute une version corrigée.

Calvin

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Message  Calvin Mar 6 Sep 2011 - 18:08

« Autrefois, j’étais frappé de ce que les choses me semblaient manquer d’une absolue forme d’ordre et de signification. Alors que ma naïveté naturelle me disposait à accepter, telles qu’elles se présentaient, toutes choses, je ne tardais pas à remarquer dans le réel étalé à ma vue les craquelures, les manquements au relief, toutes ce qui de détail devient la guêpe bourdonnante vous empêchant de vous fondre dans la contemplation du paysage. Il me semblait que l’univers me rejetait ? Je ne lui en tins d’abord pas rigueur. Je cherchais l’explication dans une mauvaise complexion de ma nature. Dans cet équilibre précaire de donner et de prendre qui caractérisait mon rapport aux êtres, et qui, je le voyais, s’étendait aux choses. Puisqu’il me paraissait impossible d’appliquer au réel ses significations communes, j’entrepris de rétablir cette absence de mon propre effort : je dardais mon œil, comme le muscle se gonfle de sang.

... J’interrogeais une abeille, une fleur, un clair de lune ; une feuille liserée de pluie et un lac gorgé d’étoiles. Je ne délaissais pas les choses obscènes. Je désirais retourner la peau de l'univers pour le contenir entier.

Mais jamais je ne fus capable de plaquer aux objets ce sens que je croyais pouvoir déceler chez les autres. Jamais je ne pus de cette même intuition découvrir ce que je nommais l’agencement naturel du monde... Tout se passait comme si ce qui avait fini par devenir mon expérience personnelle fit jouer de secrètes connivences. Tout me devint familier ; les significations s’élançaient de mes doigts jusqu’à la gorge du monde. Je perdais peu à peu le sens des contours de mon être. Je le voyais se prolonger, plonger ses racines au vent qui caresse et qui brise, à la peau incrustée de ligne lunaire, au moindre feulement, au moindre regard, à la moindre lèvre de femme. J’en vins alors à accorder une importance mortelle à toutes choses. Je me serais tué pour le frémissement d’une passante, la remarque d’un proche, un geste que je disais mépris, un regard que je déchiffrais pitié. Le monde conspirait, la vie conspirait. Tout s’efforçait de me dire l’intrusion vulgaire que j’accomplissais alors.

J’atteignis enfin un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps. Il vient un temps où on cesse de voir la vie vivre. Le temps remplace la vie partout où elle semble prête à éclore. La plante encore neuve se cristallise en un geste qu’on n’aurait pas prédit. Elle résume tous ses efforts passés et explique la déchéance à venir... Ces instants sont, pour moi, à barrer d’un trait rouge.

La vie s’échappe : il n’y a rien à faire. On reste inquiets sous le ciel mauve, on se tient immobiles dans le regret de son âge. L'obscurité lève un pan de sa robe. Les étoiles n'y sont suspendues ni trop bas ni trop haut. C’est une distance aimable, semblable à celle qui permet avant de les embrasser de contempler à loisir les lèvres d’une femme.

Tandis que ma vie se défaisait, je me sentais me départir peu à peu de tout un bagage d'adjectifs. L'étroitesse de mon existence, je pensais pouvoir la maintenant sentir dans ma main, sa sombre présence, tandis qu'elle m'avait toujours apparue volatile. La jeunesse avait quitté mon corps ; mais j’apprenais à reconnaitre dans toute son authenticité, dans toute sa réalité, et dans mon exclusion complète, l'être des choses. Pour la première fois, je les pouvais regarder avec la sérénité d’un objet. Mon ombre exacte était circonscrite par le soleil. Dans ma déchéance, j’apprenais à vivre ; c’est-à-dire que j’apprenais à mourir.

Un corps peut fixer la vie à lui comme un nom les adjectifs. Peut-être par leur danse secrète, le jeu compliqué qu’offre à l’œil leurs mouvements ? Peut-être par ces rides sur le bois du réel que leurs vies comblent d’une eau-forte pour faire émerger le monde. Le printemps est la saison des corps, puisqu’il laisse apparaitre le signe de leurs naissances odorantes. Tous leurs mouvements sont un fleuve heureux qui court de par les choses… Hors tout ce qui n’est pas fixé par le langage, n’est rien. Il passe. Et revient. Le mouvement, c’est ce qui ne se nomme pas, ne se décrit pas : la vie entre les choses mortes.

C’est pour cela que les corps sont à la fois l’intérieur et ‘l'extérieur, l’apparence de chair et leur secret dedans. J’assimile la vie de l’esprit à une délicate complexion d’organes. C’est pour cela que les corps ont des allures de dieux ou de soleils, et qu’il y a de l’aube et des genèses dans leurs révolutions. C’est pour cela que, maintenant que mon corps se défait, je peux reconnaitre alors qu’elle me quitte la beauté en toutes choses. L'action, avec la vitalité a déserté mes regards : tout m'apparait tel qu'il se présente, c'est à dire sans utilité, c'est à dire se reflétant nu dans un jeu de miroitements sans fin. »

Calvin

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Message  Invité Mer 7 Sep 2011 - 7:58

C'est renversant ! De lucidité, de maturité, de sobriété. Une chouette réflexion à travers une belle écriture poétique maîtrisée, je suis contente de cette évolution. Bravo.

"Hors tout ce qui n’est pas fixé par le langage, n’est rien." ("Or", je pense).

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Message  Invité Mer 7 Sep 2011 - 12:19

Quelques remaniements bienvenus. mais je regrette que tu aies conservé

"
tandis qu'elle m'avait toujours apparue volatile." que je crois incorrect.

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Message  Calvin Mer 7 Sep 2011 - 12:50

Coline, je suis incorrigible (tout comme mes textes).
Éternelle négligence de ma part. (au prochain remaniement ?)

Calvin

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Message  Calvin Mer 7 Sep 2011 - 20:26

Texte trouvé au verso racorni d'un cahier noir.


Journal d'une insomnie.


20 juin.

Je n'arrive plus à dormir : l'égoïsme du cœur.

C'est dans ces conditions que je t'écris. Tu me demandes comment je me porte. Je suis comme d'habitude.
mon visage est
long et
les yeux flous
la bouche fine
le nez droit
l'insomnie le rend verdâtre.

Encore, je veille. Il y a une ivresse tu sais, à suivre, dans une journée sans nuit, quand on l'emploie à veiller, le fil conducteur de son corps maintenu à conscience.

La nuit en vérité allonge ses ongles jusqu'au midi.
La lumière en saigne un peu.

Et, quand je suis suffisamment épuisé, je retrouve le sommeil. Alors avant de dormir je regarde mon corps. Je finis par y trouver un monde entier.

La cause de mes insomnies? Je l'ignore. Peut n'est ce que pure nervosité. J'ai toujours un fond de nervosité, je ne suis jamais stable : c'est l'anxiété. L'anxiété est une politesse que je concède au monde. Politesse ? c'est un joli mot que l'on entend plus, un belle excuse pour arranger la forme à ma manière.

Mais je bavarde, alors

Mes névroses, recouvrent le réel comme des aiguillages mal dirigés envoient tous les trains venant d'une certaine direction vers les mauvais rails. Elles font leurs trous, et se systématisent.
J'ai mes pauvres mysticismes aussi : insomnie, café et famine vous emmènent dans une journée dans un état à fleur de corps qu'il est drôle de voir mûrir auprès des autres. Les relations sociales, le rapport au temps, la perception que l'on a de soi prennent un nouveau visage. On se concentre sur une parole, l'on divague, l'on se répète des vers, des phrases, des bouts de musique, enfin l'on plane comme avec une drogue sauf que la sensibilité n'est pas ici déviée ou atténuée, mais au contraire accrue et presque blanche. Tu l'as déjà fait ? c'est beau, c'est drôle parfois.

S ne m'a pas répondu (je ne veux pas dire que c'est à cause de cela que je ne peux plus dormir). Pourtant si je ferme les yeux, je ne vois que sa bouche, qui se change en une offense, qui se charge d'une litanie, qui fait pousser des fleurs, à l'envers du soleil, qui étale son souvenir, comme un drap chargé de regrets, chargé de regrets, chargé de regrets, le drap, le suaire, des, amours, mortes-nés.
Y'a pas assez de plomb au fond des yeux pour qu'on puisse y lester un monde. La rancoeur s'envole aussi bien que l'univers. ADIEU.

Mais c'est assez bavardé.
Je t'embrasse
sur les yeux

21 juin.

Ici il n'y a pas d'orage, il fait un temps magnifique; une belle nuit couleur tache de vin rouge sur la nappe où viendra poindre le soleil.

Aujourd'hui je suis allé au parc. Je me suis assis sur un banc. J’ai regardé les enfants qui jouaient et j’imaginais que ces feuilles qu’ils foulaient, ces cris qu’ils lançaient, la terre froissée et le gravier qui éclatent étaient le cadavre de la saison à finir. Je me suis assis sur un banc, pour faire le deuil du printemps qui quittait les calendriers. Je n’ai jamais aimé l’été, sinon de loin, dans le col doublé de regret de l’hiver. Je n’ai jamais aimé l’hiver ; les saisons dogmatiques. Il n’y a pas de place dans leur humeurs pour mes indécisions enfantines.

Je trouve à tes derniers billets cela de comparable aux miens, qu'il y a une pompe. Ne le fais plus: tu es tellement plus aimable dans la simplicité.

Et ne me parle plus de S.
je ne sais pas si je l'aime.
je ne sais pas si elle m'aime
j'aime me construire autre chose, des fantasmagories des déformations toujours.
si on ne choisit vraiment ni ses amis ni ses amours on est toujours capable d'en faire le visage.
une présence ça pèse tellement sur la chair, quand on l'enrobe de significations, qu'on la laisse mûrir en soi et qu'on en récolte les fruits amoureux.

mais personne ne sait à quoi ressemble l'amour.

"Et toujours cette obsession : il nous faut compter avec nos rêves"
Crevel
que je lisais ce matin.

Oui, nos rêves.

Je suis mélancolique. Mais les évènements de ces derniers jours m'ont perturbé. J'ai nettement vu dans la rapidité et la franchise de ses réactions tout ce que je pouvais avoir d'odieux, et quelque part je la remercie pour cela.

Ne m'eusse-t-elle pas aussi volé le sommeil.

Allez,
ni fleurs ni couronnes :
ce fut une journée ordinaire.
Et la nuit est bleue à présent.


24 juin.



27 juin.

Nous sommes nombreux à rêver d'une vie qui soit paysage assez large pour que nous puissions y étendre nos quatre membres. J'ai trop fait l'expérience de la plurivocité et du changement brutal de mes humeurs pour ne pas dire que le "Moi" n'est qu'une somme de comportements.
Je ne crois pas en un "Moi" univoque ; tout au plus en un "Soi" inconscient et irréductible dont rien ne peut permettre la pure évidence, ni l'introspection ni les préceptes de psychanalyse.

Tu parles de liberté, mais je ne m'invente pas de liberté parce que je ne me considère pas prisonnier.
Je suis seulement dans l'étroitesse de ma vie, de mes amis, de mon milieu, de mes possibilités physiques et intellectuelles, comme tout le monde.
Mais je suis loin d'avoir épuisé tout ce que j'en avais à prendre pour me dire ou non libre. J'ai mes responsabilités, elles sont faibles, je les accepte telles quelles : globalement je sais ma chance de faire ce que je veux.
Je m'inventerais libre quand j'aurais un vouloir si énorme que pour lui je devrais me séparer de tout...

Oui, le souvenir est une matière immense.
Mais ce n'est pas une matière inerte comme quelque chose que l'on trouve en creusant quand on arrive au sol de sa mémoire, c'est toujours un joyaux dont on doit faire émerger la lumière : cela donne des indications, des axes. Il faut en liserer la perspective pour donner au tout sa cohérence.
Moi j'ai su quelles étaient mes obsessions parce que j'écrivais toujours la même chose
Pas parce qu'avec l'écriture j'ai permis l'expression d'un Moi profond.
Avec le peu de sensibilité, de talent qui m'étaient impartis, j'ai essayé de construire ce quelque chose.

Et, tu te rends conte, j’ai gâché deux années de ma vie, deux années à vouloir être autre chose que ce que je pouvais honnêtement prétendre. Durant deux années je me suis fuit. Personne ne me les rendra. Dans la lucidité, qu’apporte l’insomnie, qui ôte sa prise concrète aux êtres, j’ai l’étrange impression de me recouvrer moi-même. Quelle ironie que cela !

Mais dehors il y a de l'orage, et de jolis éclairs tout blancs, comme les robes des mariées, on fête avec bruit des noces dans le ciel.


30 juin.



2 juillet.

J'ai revue S l'autre jour, qui a grimacé. Mais j'ai réussi à lui sourire avant de m'enfuir :

je suis comme un petit chat
qui retombe toujours
sur ses pattes.

J'ai envie de te revoir, et surtout d'entendre ta voix. Peu-être pourrions nous nous appeler ? il n'y a rien que j'aime plus que d'échanger des pensées versées en une voix et non un corps : il me semble que c'est le vrai visage d'une idée.


5 juillet.

J'ai longtemps cru que l'insomnie était une complicité à la nuit, une offense aux vivants, non : c'est une soumission, je tend la bride aux glaive ténébreux où je reconnais mon maitre. La nuit a infiltré mon corps. Quand je me promène dans la rue le jour, j'ai l'impression d'être un échappé de l'asile.

S ne me manque pas.

L'on se demandait des choses, et l'on se prêtait toujours des intentions, on se regardait agir chacun dans cet espace rempli de silence qui donne à chaque histrion des gestes d'acteur. Drôle, drôle. Pourtant l'intention est toujours beaucoup plus simple, c'est le premier mouvement de lèvres avant que le mot ne sonne.

Et je ne suis pas, et veut être, quelqu'un de simple, parce que chez moi tout se mêle toujours d'angoisse. Elle est cette fois dissipée : puisque le jour se lève.

Simple, laissant à terre le vêtement d'orgueil qui donne à chacun, ici, des yeux qu'ils n'ont pas. Si je ne peux m'incarner en chair, je veux au moins garder la légèreté d'une voix.

Tu me disais avec un peu de justesse "je crois que tu crois beaucoup de choses fausses" parce qu'effectivement ce que je croyais, était vrai, mais organisé dans des combinaisons que je ne soupçonnait pas. Mais peu importe puisque le jour se lève, et que je suis simple (le beau refrain).

Si dans l'ennui je dois parler avec négligence, si je dois laisser ma parole à l'attention des passants... je veux au moins laisser de moi quelque chose à la forme nette, ciselée par des regards. L'on me prêtait des masques, par goût du mystère, mais je ne sais dire que la vérité puisqu'enfin je finis toujours par croire à mes mensonges.

La vérité tous les hommes la courtisent.
Elle ment à tous à baiser pour chacun.


9 juillet.

Je transporte mon corps d'un bout à l'autre de la nuit comme une épave heureuse.
je suis curieux de tout, je ne suis qu'une toute petite chose dans l'univers...
Je t'imaginais orgueilleuse, mais gentille. Finalement tu es gentille, et c'est l'orgueil qui ne s'applique qu'après, comme à la fin d'un geste on conclu d'une politesse.


12 juillet.

Et elle a été longue cette nuit, elles le seront longues encore avant que je ne transporte mon corps à *, où il sera tanné d'imprévus. Je l'espère, j'ai fait tout pour : y aller sans amis, sans famille, avec peu à faire, avec peu d'argent en poche, chez un inconnu trois semaines durant.
Je viens d'avoir ** au téléphone, il est drôle ce garçon. La chance de ceux pour qui la vie n'est pas sérieuse
Moi le sérieux m'est chevillé au corps, c'est "l'angoisse". Si souvent je m'en défait, il faut qu'elle me poursuive tout le temps de mes nuits, tout le temps de mes rêves, et que je la veille parce que je ne peux l'avaler. Il y a de ces corps qui ont l'impolitesse de faire oublier tout leur poids crépusculaire
Avant mon départ, je voudrais encore t'écrire. Moins je trouve de choses à te dire, plus l'envie m'en vient. J'ai rencontré *** l'autre jour. M'a-t-il trouvé aimable ?

Bien à toi
qui t'embrasse.

Louis

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Message  Polixène Mer 7 Sep 2011 - 23:19

Voilà ce qu'est écrire!
Bravo pour ce texte flamboyant!

Le second ("journal d'une insomnie") me plaît mais j'aurais préféré le lire séparément!!! (coquetterie de lectrice).Désolée pour la pauvreté de ce commentaire, j'y reviendrai certainement ...avec les idées claires!
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