Lettre d'un psychologue

[Manon Lunalice]

Lettre d’un psychologue

Mon petit,
Je serais supposé, sans doute, si j’étais quelqu’un d’autre, t’écrire une lettre dans laquelle je t’enseignerais mes valeurs, te mettrais sur le chemin de la sagesse, de la raison, de la connaissance, de la virilité, de la force ou même de tout ça à la fois…
Sauf que je ne veux pas que tu t’engages sur une voie que tu n’auras pas choisie, ou qui ne sera pas la tienne. Donc je vais te dire, avant tout, d’apprendre à te connaître afin de comprendre où tu veux aller, où tu ne veux pas aller, et si tu veux aller là où tu ne veux pas, ça me va aussi tant que ça te va. Apprends à écouter le noyau de ton être, à le suivre comme s’il était l’essence même de ton existence, connais-toi jusqu’au plus profond de toi-même et deviens juste celui que tu es, ou bien celui que tu veux être, ou même les deux si tu t’en sens capable. Interroge-toi sur ce qui est vraiment important pour toi, demande-toi si ce que tu veux est plus important que ce que tu es, interroge-toi sous tous les angles, prends les questions dans tous les sens afin d’être capable d’œuvrer pour devenir un homme heureux, ou malheureux si le bonheur te semble trop fade, ou si l’atteindre n’est pas ta priorité.
Si tu ne les partages pas, ne t’oblige pas à suivre les valeurs changeantes de la société dans laquelle tu te seras inscrit, tant qu’y déroger ne fera pas de mal aux personnes qui t’entourent. Ne te force pas à être artiste, bien-penseur, intelligent ou courageux. Laisse-toi juste couler le long de toi-même et le long de ta route, en t’affirmant, en t’estimant tel que tu es, sans te mentir et sans t’enfermer dans tes idéaux. Crois en ce que voudras croire et croîs en ce vers quoi tu te sentiras pencher, ne laisse pas les gens te dire que tu es fou.
Je pourrais m’arrêter ici et te dire au-revoir, mais je vais te dire d’aimer l’univers, d’aimer chaque grain de sable, d’aimer chaque souffle du vent, d’aimer tout ce qui est palpable et aussi tout ce qui ne l’est pas, parce que tout ce qui existe –et tout ce qui n’existe pas- est beau dans sa simplicité et sa complexité.
Enfin, aime les gens, ceux qui te ressemblent et ceux qui te ressemblent moins, accueille leurs différences avec chaleur et considère chaque personne comme ton égal, car chaque être humain, en portant en lui une vision du monde propre à son essence, possède un fragment de vérité. N’oublie pas que les hommes sont tous différents dans leurs choix, leurs origines, leurs idées, mais garde à l’esprit que si les choses qui font souffrir les hommes sont différentes pour chacun, ces hommes, eux, dans leur souffrance et dans leur joie, sont tous semblables. Aime ces gens, tous porteurs de richesses. Aime tes amis, aime tes ennemis, aime chaque passant comme j’aime ta mère, et comme je t’aime.
Avec espoir,

Ton père.

[Lord Longford]

Il y a dans ce texte, me semble-t-il, une vraie profondeur et une assez grande maturité, dans le fond comme dans la forme. Les phrases sont maitrisées, pas de fautes, un texte réussi selon moi.

"demande-toi si ce que tu veux est plus important que ce que tu es..." J'aime bien cette phrase, à méditer sur l'ambition, parfois bien destructrice.

[Invité]

Tu ne peux guère avoir tort, Lunalice... en ratissant aussi large !

J'approuve, évidemment !

Cependant, j'aurais préféré la leçon un peu plus infusée...

[Invité]

Le travail de toute une vie, et encore !

Remarque : "crois" (croîs" vient du verbe croître)

[Lyra will]

Oui, on approuve assez facilement ce que tu énonces là...
Cela dit, je me demande si c'est bien la forme adéquate, ici on dirait vraiment un "discours" de psycho, une discussion-conseil, un article de développement personnel, est-ce que le coup de la lettre n'est pas un peu artificiel alors ? Comme si l'énonciation des idées ne se suffisaient pas à elles-mêmes, et que la signature ton père était là pour introduire tout à coup une dimension affective, une émotion que je n'ai pas ressentie plus haut. Et justement c'est aussi la question que je me pose, si l'énonciation de toutes ces idées se suffit à elle-même... oui ce que tu dis est censé, qu'il y a une certaine profondeur, etc, mais j'ai plus la sensation d'une sorte de réflexion que d'un texte personnel, et je me dis que ça ne nous emmène pas assez loin.
Donc oui pour ce que tu évoques, mais je crois, à transformer tout autrement, à intégrer et distiller avec subtilité dans d'autres textes...

Mais bon, tu maîtrises la langue, ça coule, de la maturité oui, donc je ne m'en fais pas trop pour toi :0)

[Jean Lê]

Aime tes amis, aime tes ennemis, aime chaque passant comme j’aime ta mère, et comme je t’aime
Cette dernière phrase me semble malheureuse avec son coté prêchi-prêcha. D'une part, c'est vraiment très cruel d'aimer ses ennemis. D'autre part, l'enfant peut espérer que l'amour de son père à sa mère est différent de l'affection portée au simple passant.

[Manon Lunalice]

Merci à tous pour vos commentaires (ça sera ma seule réponse car je ne veux pas répondre systématiquement).

En réalité ce texte était le fruit d'un sujet d'invention que la prof nous avait donné, dans laquelle on devait écrire une lettre d'un père à son fils dans laquelle on inventerai nos principes d'éducation et nos valeurs, genre "mon fils sois courageux" et autres, voici donc ce que j'ai fait, et c'est pourquoi c'est fait sous forme de lettre. (et vu le contenu je risque d'avoir une sale note mais bon... (ah, les petites préoccupations des lycéens, comme c'est simpliste) !)
Mais en effet je suis d'accord avec tout ce que vous avez énoncé, non seulement ça n'est pas la forme adéquate pour ce genre de réflexion, mais en plus ça n'est pas assez creusé, et l'espèce de dimension affective que j'ai voulu donner vite-fait pour être dans le thème donné par ma prof ne prend pas du tout.

[Invité]

Bah, pour l'éducation nationale ça vaut sûrement la moyenne, je ne pense pas que suivre sa voie soit considéré comme hérétique !

[Lifewithwords]

C'est bien écrit et touchant, dommage que je sois si peu d'accord avec ce que tu y dis. Je pense que l'introspection et le désir d'épanouissement de soi poussé à l'extrême est un problème dans notre société mais je ne vais pas disserter là-dessus ici.
D'ailleurs je note une phrase qui m'a fait sourire :
"Si tu ne les partages pas, ne t’oblige pas à suivre les valeurs changeantes de la société dans laquelle tu te seras inscrit, tant qu’y déroger ne fera pas de mal aux personnes qui t’entourent. "
C'est la petite astérisque de bas de page ça !!

Sinon la forme de la lettre me paraît bien choisie, et j'ai aimé les derniers paragraphes.

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