Accostage

[solfa]

Le monde est d'une pâleur écrasante, qu'expirent - de leurs pores, entends-je - les passants entre deux mondes
et qui s'évaporent.
Haleurs d'une pâleur décorée de petits yeux
Pépiements joyeux de têtes maugrées
et qui maugréent:
La nuit s'assombrit encore en ce petit matin
pour certains.

La grisaille encore autour, c'est assez coloré la grisaille
Deux ou trois avions cassent le ciel d'amertumes rectilignes
de beaux lendemains.
Les voix n'écoutent pas.

Il y a une semaine que le train, une semaine que les rails, une semaine immobiles mais moi, je sais bien qu'ils se carapatent comme les fils courent de la bobine; on n'a pas bougé. Tout se dévide avec douceurs et sons. C'est agréable de se dire qu'on reste.

C'est un sautillement jovial, il y a du vert qui se brunit, et des arbres qui se déshabillent. Le vent leur fait la cour, il tourne autour et puis les couvre d'odeurs qui leur sont inconnues, des odeurs de terre et d'échappés.

Des odeurs d'eux qui s'endorment.
Bientôt j'aurai un costume en plus, un joli costume. C'est assez perturbant et drôle.
L'aversion à toute perte est inversement proportionnelle à l'amour que je ne lui porte pas encore.
Je noterai chiffres et friches.

[Yoni Wolf]

Pfiouuuu... Eh ben ! J'ai lu très vite et j'ai envie d'y revenir, plus posément, mais sens déjà que c'est un sacré poème !

"C'est agréable de se dire qu'on reste."

Tu pouvais pas mieux dire.

[Invité]

Lu à voix haute : un régal !
A part : Je noterai chiffres et friches où la langue s'embrouille un peu... Enfin, la mienne !

Un texte humain, pudique et profond.
J'aurais aimé citer, mais je prends le tout... sauf peut-être "le vent leur fait la cour" qui me rappelle trop une chanson, ainsi que le sautillement jovial.

PS : les fils courent, un seul R
Bientôt j'aurai, c'est le futur donc jamais S à la 1e personne (avec S, c'est le conditionnel)
L'aversion... est inversement proportionnelle aversion est du féminin.

[Janis]

Ah oui, j'aime bien
notamment le troisième paragraphe
mais tout

[Annie]

Bon... difficile d'exprimer... ce qu'implique ce poème très troublant .

Je chipote un peu l'homophonie pâleur / haleur; chiffres / friches par contre ne m'arrête pas... mais tout ça c'est pour avoir quelque chose à dire.

En fait je suis médusée par l'inventivité, la richesse, la sensibilité du propos qui ramène au monde, mais un monde totalement renouvelé.
On se découvre des yeux.

Bravo!

[Frédéric Prunier]

comme quoi, les méandres de la lecture et de l'écriture peuvent être compliquées,
et je ne saurai commenter votre texte
mais voilà
voilà ce qu'il vient de me faire écrire:

...

à lire sans comprendre
pour être sur
de ne pas s'en perturber le sens

et tout ouvert
aux transmissions emballées
à l'ouïe déchiquetée

mon esprit se veut une volonté
de ne pas disparaître
happer dans cette musique d'infini roulement

comme une voie lactée, à la courroie déchirée
de mon univers qui se dégonfle
en baudruche libérée

après, enfin, assis, épuisé,
d'attendre les beaux jours
en plein été
quand le soleil semble tout arrêter

vous voudriez me dire
de quel côté
je dois me mettre à tourner ?

[solfa]

Merci pour vos commentaires.

Il faut tourner dans le sens des vivants.

Ce poème est l'écho d'un autre, qui a pour titre A sa place.
Un écho neuf.
Si c'est possible.

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