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MST 3 : Confessions non grata

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Message  grieg Mer 20 Déc 2006 - 8:41

Rappel des contraintes :

1 - genre : journal intime
2 - thème général : un homme (ou une femme) raconte ses longues journées de travail avant de décider d'éliminer quelques uns de ses collègues.
3 - nombre de personnages principaux : ça va dépendre de la taille de l'entreprise: Commençons par le ou la narrateur-trice et une secrétaire de direction
4 - « ton » privilégié : ironie, méchanceté clairvoyante
5 - Et bien sûr, journal intime oblige, emploi du je.


Version précédente de blue et mentor :
https://vosecrits.1fr1.net/viewtopic.forum?t=676


Je me suis permis de déplacer, transformer… Sans demander la permission à mes petits camarades. Pardon. Mais dans l’ensemble, j’ai conservé l’essentiel.



CONFESSIONS NON GRATA





Bi. Ba. Bo.
Il faut bien commencer par quelque chose.
Première ligne.

Cher M. le psy,

Merci.

J’entame un traitement de fond à votre conseil, méditations sur papier, frustrations et mauvaises pensées.
C’est ici qu’elles viendront se loger, dans ce cahier à spirales, feuilles quadrillées, couverture cartonnée rouge, couleur de mes humeurs.
Sur les marges, vous pourrez annoter.
Diagnostic post-mortem.

Ah oui, j’oubliais la date.
Nous sommes le 20 Octobre 2006.


Cher journal,

Il ne faudra pas que je néglige de te souhaiter un heureux anniversaire, dans un an tout pile. Ce sera une bonne occasion de trinquer…

Mais je suis trop con, je ne me suis pas présenté et déjà je noircis ton espace, j’oublie même de te dire pourquoi je suis là, à te griffonner les pages sans craindre fautes ni taches !
C’est de la thérapie intime, Journal. Des confessions non grata. L’inclusion non exhaustive du stress professionnel sous forme littéraire non littérale, un délire oratoirement écrit. Ici, pas d’essai esthétique, j’écris comme d’autres crient, avec parfois la voix qui déraille et se perd dans les aigus.
Parce que j’ai un gros problème, cher cahier. Un réel problème.
Je suis une âme de destruction massive.

Tiens ! Je trinque à ta naissance, tant qu’à faire.
Peut-être même que j’oserai demander un congé parental – les hommes y ont droit maintenant.

Je vois la tête de Babeth à Firmtech.
Et quand je dis : « je vois la tête de Babeth », crois-moi sur parole. J’ai envie d’ajouter, pour ta culture générale, que Cabrel est un menteur : on n’écrit pas à l’encre des yeux ; il n’y a même pas d’encre des yeux. Babeth, elle a l’œil blanc maintenant, tout blanc, un seul ; je n’ai pas poursuivi l’expérience plus loin.
Elle me fixe d’un œil, à ma gauche, posée sur la table.
J’ai du me servir d’une édition reliée de « crimes et châtiments » pour caler sa tête tranchée. J’ai bloqué l’ensemble avec deux volumes de « l’Encyclopedia Universalis », univers sali en l’occurrence, rouge sang.
Elle fait moins sa fière, Babeth, la mort ne lui va pas bien.

Je t’ai choisi mince, journal. 30 pages. Mais ces 30 feuilles pèseront lourd, très lourd. Pourquoi 30 ? Mais parce que je veux une page par victime. J’ai bien compté, je suis sûr de moi. Mes cibles sont exactement 30. Ni plus ni moins. Je ne serai enfin libéré de tous mes tourments que lorsque tes 30 pages seront complètes. Je me garde une seule liberté : l’ordre.
Je suppose que mes humeurs – qui varient au gré des humiliations – me feront choisir tel plutôt que telle. Peut-être même que je n’aurai pas besoin des 30 pages… si je fais des regroupements… On verra.

Bi. Ba. Bo… Ba comme… A nous deux, Babeth !…
Je lève mon verre.
Alors, à la tienne !
- Santé ! Serait déplacé -

Je commence l’histoire.

Babeth c’est La secrétaire, la presqu’île du boss, d’ex yeux globuleux, un sourire de hareng saure. Et peut-être aussi un cul légèrement trop mou…

Déjà, j’exagère, je déforme.

En réalité, elle était plutôt mignonne, Babeth : Une carrosserie de Mini Cooper avec un de ces intérieurs cuir ! Un petit bolide, un canon. Tailleur cliché bandant, moue lointaine. Babeth c’est la Frontière, l’Ouest sauvage, l’impossible à conquérir. Elle était aussi du genre à vous laisser pénétrer son territoire pour vous faire, en fin de compte, le coup des « indiens ». Une allumeuse.
Mais, quand elle causait, vous en oubliiez qu’elle avait refusé vos avances et, au fond, vous en étiez presque heureux.
Enfin, c’est ce que je me serais dit, si je lui en avais fait, des avances.
Mais voilà, rien.

Moi, je suis préposé photocopies et courrier interne. On ne me parle pas, on me dispatche ; la bouche en cœur si je suis veinard ; les yeux au-delà de mon oreille gauche la plupart du temps.
Je suis pourtant ce qu’on appelle un « beau gosse ».
Je passe, auprès de mes trois collègues du service communication interne, pour un tombeur impénitent ; même si, au final, je n’ai jamais eu beaucoup de femmes, seulement un grand nombre de témoins.
La réputation est une mise en scène plus ou moins réussie, la mienne ne prend jamais l’ascenseur.
Au-delà du troisième étage, je ne suis rien.
Babeth officiait au quatorzième. Et Babeth, je doute qu’elle ait jamais songé une seule seconde à me dispatcher sous ses draps.
Une chose est sûre, elle n’y pensera plus maintenant.

Comme pour me donner raison, la tête de Babeth vient de tomber sur le bureau.

Je te laisse, journal, faut que je nettoie tout ça.


Aujourd’hui, samedi.

J’ai peu dormi.
Nuit découpage, emballage, congélation, nettoyage.
Je suis las.

Sur tes 30 pages cahiers, j’en ai déjà griffonné 4, et 20 ont trempé dans le sang. Je ne vais pas te jeter, mais mes projets - 30 pages, 30 cibles - ne sont plus réalisables.
Je vais t’acheter un frère plus épais.

Et puis, j’ai eu le temps de réfléchir à tout ça pendant que je m’occupais de Babeth. J’ai envie de tout raconter, parce que je me sens bien avec toi ; parce que je n’ai pas envie de me donner de limite, d’objectif. Tout cela m’ennuie. J’ai toujours été comme ça, depuis tout petit : quand les gens avaient un but, je ne voyais qu’une fin, les mailles serrées du filet.

J’ai aussi repensé à toi, cher M. le psy – permets-moi de te tutoyer -, j’ai repensé à la première fois, notre première rencontre.
D’accord, ce n’était pas toi, mais vous vous ressemblez tous.
Tu n’as jamais rien compris, et je dois te dire que si je n’ai jamais fait de transfert, j’ai souvent eu envie de te décalquer la gueule.
Je te considère comme partiellement responsable de la situation actuelle. Comme mon frère, d’ailleurs, c’est avec lui que tout a commencé.


Histoire revue et corrigée par une mémoire sélective et les récits de mes proches.

Un jour de décembre 1976

Cinq ans.
J’avais passé deux heures, peinard, devant le radiateur, à me demander comment le père noël se débrouillait pour se faufiler dans les tuyaux vu qu’on n’avait pas de cheminée.
Mon frère, quand je l’interrogeai, essaya de m’expliquer. Tout ce qu’il avança fut tellement foireux que je l’ai arrêté en lui disant : « alors, il n’existe pas ? ». Le con n’avait pas nié.
Je ne sais pas comment il en arriva à me parler de ça - pour protéger ma petite sœur, je pense -, mais il me parla de toute les conséquences que pourraient avoir la révélation anticipée de mon nouveau savoir. Pour argumenter ses propos, il me donna mille exemples, ponctuant ses démonstrations de « tu comprends », « tu vois », il en vint même à me parler de « l’effet papillon », comme toute action interagit sur tout. Son explication était longue et ennuyeuse et, alors que je baillais et sentais mes paupières s’alourdir, il résuma son propos par : « En gros, il suffit que tu ouvres ta grande gueule et maman pourrait mourir ». Cela m’éveilla tout à fait. J’aimais ma mère à la folie. Je décidai de m’arrêter de bouger définitivement pour n’être responsable d’aucune cata, surtout pas la mort de maman... Cela dura deux semaines. Une immobilité parfaite. Je finis transfusé à l’hôpital.

C’est là, M. le psy, que tes collègues version chimie sont intervenus. Tu es venu ensuite, avec tes dessins, tes histoires, ta gentillesse professionnelle, tes cadres et ce petit univers étroit dans lequel tu coinces les pensées, l’originalité et les délires. Vous avez essayé de me faire comprendre que le fait de ne pas bouger ne changeais rien, que ne pas bouger revenais au même que de bouger, qu’en soi, l’inaction était action. J’avais cinq ans, je n’ai compris que plus tard ce que vous me disiez, ce qui m’a décidé à vivre c’est le fait que ma mère pleurait tous les jours, discrètement en me caressant les cheveux. Alors, j’ai bougé. Pour l’embrasser. Et puis j’ai continué, parce que je ne voulais plus qu’elle pleure. Mais j’ai toujours fait gaffe à ne pas déranger les choses.

J’ai toujours été un garçon discret.


Mais, je m’égare encore. Des raisons, des excuses, je pourrais en trouver de milliards, je pourrais même les inventer.

Le fait est que ma mère est morte, il y a dix jours. Morte et enterrée.
Je suis malheureux et libre.

Hier, Babeth a été la première victime de ma libération.

Avant-hier, en fait.

Jeudi 19, le début, le soir.

Je suis dans le train qui me ramène comme chaque soir chez moi.
Comme chaque soir, j’ai le front collé au vitrage froid, j’observe les pavillons de banlieue en bord de voie ferrée. Comme chaque soir, je suis épaté par le côté coquet de certaines baraques mal placées, au look de contes de fées, j’imagine leurs habitants passer leur temps à maquiller les lieux pour cacher aux yeux ce que l’ouïe endure de nuisance et de stress quotidien.

Je suis sorti tard du boulot, très tard, sans raison, rien ne me retiens là-bas.
Le hasard a voulu que je prenne le même train que Babeth. Elle est au bout du wagon, plongée dans un magazine dont elle tourne les pages rapidement, passant parfois son doigt sur sa langue pour l’humecter. Je me demande si elle ne m’a simplement pas vu ou si elle m’ignore sciemment.

grieg

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Message  Zou Mer 20 Déc 2006 - 10:21

On entre dans le "vif" du sujet ! Je te sentais trépigner tiens ;-) et boum ! une tête, une ! C'est efficace, y a pas à dire. De jolies disgressions notamment celle où le personnage dit qu'il n'a pas eu bcq de relations, juste bcq de témoins. Superbe celle-là. Cet épisode est intéressant aussi parce qu'il caractérise la relation entre le perso et son psy et donne une histoire au personnage. Ce serait bien d'ailleurs pour l'équilibre de ce MST, que ce mouvement de balancier (présent-passé) continue. Par contre, je n'envie pas celui qui devra prendre la suite....car tu le laisses au seuil du crime, c'est pas cool ça Kill ! Va falloir se salir les mains ! A moins que ..... Héhéhé !
En tout cas ta participation contribue et ça n'engage que moi évidemment à donner du relief à ce MST qui était très intérieur et auquel il manquait de l'action. On est servi et joliment encore ce qui ne gâche rien !
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Message  Sahkti Jeu 21 Déc 2006 - 13:55

Evidemment, quand on change une bonne partie du texte, ça modifie pas mal la donne et ça n'a presque plus rien à voir avec le premier texte du MST. Enfin je trouve; je n'aime pas trop quand on modifie les textes des précédents, mais bon, peu importe. Les changements ici sont salutaires, je le reconnais. Ils permettent de délaisser le côté prétentieux et creux du narrateur, ce que je n'avais pas aimé dans le premier texte. Mentor avait déjà pas mal récupéré ça et toi tu bouleverses tout ça, ça en devient du coup plus agréable et plus vivant, un vrai journal intime comme je l'imagine, pas figé.
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Message  mentor Jeu 21 Déc 2006 - 22:38

Une nouvelle fois : bravo Kill pour cette qualité d'écriture et cette façon que tu as de rendre un texte vraiment prenant. Je trouve que la ré-écriture a été très positive et que tu rebondis de belle manière pour donner envie de lire la suite ! Bien vu.

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Message  Krystelle Mer 3 Jan 2007 - 16:39

Quand Kill fait du ménage, ça déménage !
Effectivement tu as largement bousculé les deux premiers textes, le tout fait sens... et même davantage. En rompant complètement avec la linéarité du récit, tu as donné de la force, du caractère à ce texte. Je regrette juste que tu n'aies pas assumé le jeu des 30 pages, 30 crimes. Je pense qu'il aurait fallu choisir entre supprimer ou conserver l'idée mais là, tu la gommes par la suite à l'aide d'une pirouette que je trouve un peu facile:
"Sur tes 30 pages cahiers, j’en ai déjà griffonné 4, et 20 ont trempé dans le sang. Je ne vais pas te jeter, mais mes projets - 30 pages, 30 cibles - ne sont plus réalisables.
Je vais t’acheter un frère plus épais
."
Pour le reste, l'écriture est efficace, le récit mené par une main de maître. Chapeau Monsieur Killgrieg !

Krystelle

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