MST2 : Scheveningen

[Zou]

Contraintes
1- genre : road movie
2- thème : deux mamies partent jeter les cendres de leurs défunts zépoux à la Mer du Nord
3- nombre limité de personnages principaux: 2 mamies + ceux qui se trouveront sur leur chemin
4- « ton » : loufoque
5- emploi du "elle, elles, ils, .." pas de je, quoi ;-)


Texte de Kilis

« Ah ! Souviens-toi : Scheveningen… Scheveningen… Scheveningen… »
Betty déposa la lettre sur la table et porta son regard vers la fenêtre sans doute pour que Zoé ne vît pas ses yeux chargés de larmes.
Il y eut un silence puis Betty toussota et reprit :
— Merde ! Il écrivait pas mal ce con !
— Oui, dit Zoé, c’est toujours beau quand c’est le cœur qui parle.
Zoé avait replié la lettre et l’avait glissée dans son portefeuille.
Elles achevèrent leur bière, puis Betty appela le garçon et recommanda la même chose.
— Tu crois ? dit Zoé. Ça va pas nous couper les jambes pour rentrer ?
— Fais pas ta mauviette, hein ! Regarde-toi, tu viens de pédaler pendant quinze kilomètres et tu es fraîche comme une rose.
— Hum, une rose… une rose…, maugréa Zoé.
Le garçon apporta les bières.
— Tu sais ce que je pense ? dit Betty
— Dis-moi.
— Je pense que c’est à Scheveningen que nous devrions le faire.
— Mais… protesta Zoé. Tu te rends compte ? Combien de jours nous faudrait-il ?
— Merde, Zoé ! On est en vacances oui ou non ?
— Ecoute… faut réfléchir. Je ne suis pas contre, mais j’irai voir en rentrant sur le net s’il y a moyen de se faire un itinéraire en évitant la circulation des grandes villes…
— Je suis certaine que oui. Là-bas, ils naissent avec une bécane entre les jambes. Bon, je vais au petit coin et on y va ?
— Ok.
Zoé regarda Betty s’éloigner vers le fond du café. Elle ne s’était pas sentie aussi bien depuis très longtemps. « Comme c’est étrange, pensa-t-elle, la vie est une route pleine de détours surprenants ».

* * *

Rappelant à l’ordre deux ou trois mèches grises qui s’étaient échappées de son serre-tête, Betty n’était pas loin de penser la même chose. Le miroir des toilettes lui renvoyait avec quelques rides de plus le visage de la jeune femme qui quarante ans plutôt avait séduit Pierre sur les bancs de la fac de droit. Ils s’étaient plu de suite et sitôt le diplôme en poche avaient convolé. Celui de Betty y était resté le temps, pensait-elle alors, de donner naissance à trois beaux enfants mais n’en était plus jamais sorti. Avec le recul, elle ne le regrettait pas. Elle avait pu tout à loisir élever les enfants, tenir la maison et plus tard lorsqu’ils l’avaient quittée, s’adonner à la peinture, sa seconde passion après son époux.
Se rinçant les mains, elle découvrit en souriant l’ongle de son index encore tout auréolé de jaune cadmium. Elle revit alors le bouquets de tournesols qu’elle était en train de peindre lorsqu’il y a trois mois, le téléphone retentit au rez-de-chaussée. C’était un dimanche matin printanier. Une journée prometteuse qui aurait du être dédiée sans aucun doute à la lumière et à la douceur s’il n’y avait eu ce coup de fil.

- Vite vite, nos vessies ne sont plus ce qu’elles étaient !

Zoé venait de rejoindre Betty et tentait de se frayer un passage entre porte et lavabo.

- La place est libre, j’allais te rejoindre, lui lança Betty, arrachée à sa médiation.
- Vas y et surveille nos sacs, j‘ai tout planté là !

Betty se sécha rapidement les mains et regagna la salle. Les tables avoisinant la leur s’étaient garnies, de nappes en attente de coudes et de couverts en attente de convives. Il allait falloir penser à rentrer.
Elle remarqua dans le fond du café tout près du bar, un vieux juke-box. Des lustres qu’elle n’en avait plus vu. Elle jeta leurs coupe-vent sur leurs sacs et se dirigea, presque des fourmis dans les jambes, vers l’ancêtre. Elle fouilla dans la poche de son pantalon et trouva un peu de monnaie. Elle parcourut minutieusement les petits rectangles de plexi recouvrant les titres des morceaux tapés sur carton au moyen d’ une ancienne machine à écrire. Elle trouva son bonheur, le juke-boxe avala sa pièce, un vieux 45 tours s’avança, se coucha et se laissa caresser par le bras.
Elle se balançait, penchée sur l’appareil, lorsque Zoé lui posa la main sur l’épaule. Only You, ça faisait un bail.

[Mutants Anachroniques]

"Celui de Betty y était resté": l'idée est rigolotte mais l'enchainement avec la phrase précédente est téléphoné. Ce même problème revient ailleurs: pronoms perdus dans les limbes, etc. Le français permettant mine de rien de pas mal jouer avec l'ordre des mots et des propositions, ça doit pouvoir s'arranger facilement.
Le ton n'est pas loufoque mais la première partie ne l'était pas plus.
Le retour à l'action en milieu/fin de texte est bien négocié.
Les personnages restent attachants.
Quelqu'un n'avait pas suggéré d'ôter des contraintes le terme "mamies"?

[Kilis]

Le texte se tient, ton et rythme poursuivent le récit sans heurt.
Certaines tournures de phrases me semblent un peu acrobatiques. L’évocation des « vessies » ne me plaît guère( et je trouve que ça peut prêter à une certaine dérive pour la suite). Après tout, si elles font du vélo, c’est qu’elles tiennent une certaine forme.
J’aime beaucoup l’idée du juke box qui, lui, installe bien la notion de temps et donne une indication subtile sur la tranche d’âge des personnages.
Et puis… Only You ouh ouh ouh ouh… ça… pour moi c’est du bonheur en branche !
Merci Zou.

[Krystelle]

Comme mes camarades, j'au buté ici "Celui de Betty y était resté le temps..." et sur les vessies.
Pour le reste, ça suit son chemin, c'est bien fait, écrit avec une tonailité juste.
Néanmoins, sur la globalité de ce début, deux textes confondus, il me manque quelque chose, je ne sais pas trop quoi au juste, mais il me semble que ces deux femmes là manquent de densité, je ne les vois pas encore, les imagine pas, elles ont quelque chose de lisse à mes yeux.
Après, ce n'est qu'un début, je sais bien...

[grieg]

tout pareil que les autres critiques...
j'ajouterai aussi - à la remarque de krys sur "le manque de densité" -, qu'à mon avis, tu perds en force parce que tu as légérement déplacé le point de vue du narrateur. Chez kilis, il est à l'intérieur ( point de vue) de ces deux femmes et vit l'action au même rythme qu'elles, au présent; chez toi, il est plus extérieur, descriptif, et se permet de raccourcir le temps, d'éluder des actions (passage de la table aux toilettes).

mais l'ensemble fonctionne bien, la nostalgie discrète est plaisante, le texte bien écrit

[Giny]

je suis partagée zou. En fait ce qui me plaît pas trop, c'est le côté femme au foyer de Betty, qui fait limite Miss Marple, et qui du coup cadre pas avec son image initiale et fait mémère. A part ça j'aime bien la poésie de l'écriture, comme cette phrase: "Elle trouva son bonheur, le juke-boxe avala sa pièce, un vieux 45 tours s’avança, se coucha et se laissa caresser par le bras."

[Loupbleu]

Idem que les autres critiques !
La remarque de Kill sur le point de vue me semble très juste.
A part deux trois détails techniques notés plus haut, c'est écrit de façon réellement agréable.
Ca ne semble pas une bonne idée d'insister trop sur l'age des protagonistes, mais plus sur l'action (et il me tarde un peu qu'elles enfourchent leur vélo).

[Sahkti]

Continuité de l'histoire, certes, mais ça n'évite pas la rupture de ton et de style. Des phrases plus longues, parfois trop et des tournures beaucoup plus "rondes" que celles de Kilis, qui avait adopté un ton plus haché et vivant. C'est la grosse différence qui me saute aux yeux: le côté spontané et "en direct" du premier texte et le côté narratif et histoire qui se déroule tranquille du second.
On a déjà parlé des vessies dans les commentaires, je n'aime pas non plus.
Sur la longueur, les idées peuvent donner quelque chose je pense, mais il faudra veiller à ne pas s'éloigner de la notion de "road-movie", ce qui semble déjà être le cas (si on veut rester fidèle aux contraintes bien sûr, sinon...).

[Zou]

Suis d'accord que mon texte m'embraye pas dans le "road movie". Ce n'est nullement que j'aie voulu contourner la contrainte qui me plait beaucoup; mais comme on ne sait pas au départ combien prendront la suite, je n'ai pas voulu risquer d'aller trop vite. Juste donner des élements de la vie d'une des protagonistes qui créaient des pistes pour expliquer la mort d'un ou des deux époux. Voulais juste vous dire ça pour la suite étant bien entendu que l'on doit rester dans le RM.
Pour le surplus, je ne vois pas d'inconvénient à supprimer les "vessies" bien entendu. Je vous proposerais dès que j'ai un peu de temps une phrase de rechange.

[Zou]

Bon j'avais promis de revoir la phrase qui parlait de "vessies" puisque à l'unanimité vous avez trouvé qu'elle faisait tache dans le texte ;-)et comme le tour du suivant est venu (Krystelle, je crois), il ne faut plus tarder.
J'avais pensé à "vite vite nos pédales nous attendent" mais vu le contexte c'est encore de plus mauvais goût. Pardon ;-).
Que diriez vous de :
- Ah! Je croyais que tu t'étais endormie !
Si ça vous convient, Krystelle peut l'intégrer dans le texte récapitulatif. Voilà.

[Bluewitch]

Une suite pleine de douceur et de nostalgie.
Stylistiquement parlant, je ne vais pas répéter ce qui a été dit.
Un peu d'action dans la suite, peut-être?
Malgré ces petites différences, je trouve que l'ensemble se tient tout de même et j'aime son atmosphère.

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