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Wonderful Life

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Plotine
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Message  Plotine Mer 18 Nov 2009 - 19:09

Alors voilà, un texte avec des images et même une qui bouge.
Un mot d'explication, quand même, j'ai écrit ce texte pour un copain de forum qui nous disait trois fois par semaine qu'il allait se suicider. Les personnages sont en fait des habitués du forum à qui j'ai donné un rôle.


_______________



Quand Sophie se décida à décrocher, c'était Lionel à l'autre bout du fil. " Eric parle de nouveau de se suicider, tu devrais venir, lui-dit-il". Sophie raccrocha. "Encore, se dit-elle, il exagère, ça le prend toujours un vendredi soir, je me demande pourquoi !" Elle sortait de la douche et venait de terminer d'ébourrifer sa chevelure au sèche-cheveux. Elle s'habilla en vitesse et prit les clefs de sa voiture. La vieille 2CV démarra aussitôt.
A peine était-elle arrivée au studio d'Eric que Franck les rejoignait. Ils se connaissaient tous quatre depuis le lycée et étaient inséparables.

Eric était au 36ème dessous, une fois de plus. Il n'avait plus envie de rien, les gens étaient cons, la vie sans attrait, tout l'ennuyait et son boulot plus que tout le reste. Il se traînait lamentablement du matin au soir et du soir au matin vu qu'il ne dormait plus ou très peu.
Il en dit tant que les autres, accourus en principe pour lui remonter le moral, commencèrent à se sentir moroses. Une heure après, ils avaient tous le cafard.
Eric avait raison finalement, ça rimait à quoi cette vie de merde ?

Lionel avoua qu'il allait de déception amoureuse en déception amoureuse ; la jeune femme érudite qu'il cherchait semblait ne pas exister ou, quand il la trouvait, après quelques jours de passion, elle s'avérait finalement n'être pas si érudite qu'il ne l'aurait cru.
Franck était torturé à l'idée de savoir si, oui ou non, il était homosexuel ou bisexuel ou pas du tout.
Sophie, quant à elle, se rendait compte qu'elle n'avait absolument aucune idée de ce qui pourrait redonner goût à la vie à ses amis.
Et puis, alors qu'elle était silencieuse depuis un moment, elle dit : "Et si on faisait les fous... si on partait jusqu'à Saint Jean-le-Thomas et puis après, à pied, à marée basse jusqu'au Mont Saint-Michel ?"
Les autres la regardèrent un peu étonnés. Elle leur sembla bizarre tout à coup, toute excitée, comme touchée par on ne savait quelle grâce.

wonderful - Wonderful Life Mont

Dans ses yeux gris, on voyait la mer.

"Et puis... on serait fatigués et on aurait faim et on mangerait une bonne omelette chez la Mère Poulard et ce serait le bonheur... ".

Le mot "bonheur" sonnait bizarrement dans l'ambiance mais Sophie n'en avait cure, elle continua : " Et moi j'en profiterais pour photographier des mouettes". Il faut dire que Sophie s'était découvert récemment une passion pour la photographie.
Les autres ne disaient rien. Une espèce de curiosité se lisait dans leur regard, ce qui était déjà encourageant, sauf Lionel, qui n'avait pas l'air convaincu.
"Je connais une fille là-bas, une universitaire qui fait visiter la baie, l'été, pour son plaisir", ajouta-t-elle. "Ah bon, dit Lionel, tu ne m'en as jamais parlé." Sophie, inspirée, continua :
"Et même qu'arrivés à Saint-Jean-le-Thomas, Lionel déciderait de prendre un guide parce que 7 kms dans la baie sans connaître le chemin c'est risqué, et que ce serait une guide, une universitaire qui nous apprendrait plein de trucs sur les oiseaux, les coquillages, la marée, la faune, la flore, bref une femme savante comme il les aime et qu'ils tomberaient fous amoureux l'un de l'autre et qu'ils s'arrêteraient, impatients, sur le rocher de Tombelaine pour faire l'amour pendant que Franck et Eric feraient la sieste, épuisés et que moi je courrais après les mouettes ?"
Lionel, à son tour, commença à s'intéresser à l'histoire.
"Oui mais bon... quand Lionel et la guide réapparaîtraient nous serions bien obligés de nous rendre compte d'un changement dans le comportement de la demoiselle ! Elle sourirait béatement, aurait l'air d'être montée sur ressorts et chantonnerait "Un jour mon prince viendra...". Elle aurait l'air d'avoir fumé un pétard. Même que je serais drôlement étonnée que Lionel fasse cet effet là. Bref, devinez ce qui arriverait ! Elle se tromperait de chemin cette idiote ! On s'en apercevrait aux cris d'Eric ! Il ne pourrait plus sortir ses pieds de l'espèce de boue qui aurait subitement remplacé le sable ! Lionel pousserait alors un coup de gueule et la guide reviendrait sur terre. Elle nous dirait de tous nous allonger et on attraperait Eric en le tirant comme des fous et on le sortirait. Du coup, l'émotion nous submergerait et on chialerait et on s'embrasserait. Ce serait beau... ces empoignades fraternelles, salées et sablées dans le vent et avec le Mont Saint-Michel en toile de fond. Dans un film on aurait un Oscar avec ça !"
Eric se sentit tout ému à l'idée d'avoir échappé aux sables mouvants. Il s'imaginait très bien la scène ... tous s'étreignant en pleurant et il ressentit comme un déclic : c'était vrai qu'il avait de chouettes amis quand même.

"Bon alors c'est pas tout ça mais ça aurait jeté un froid cette histoire et on n'aurait vraiment pas besoin de ça parce qu'on serait gelés justement ! Vous savez ce que c'est, il fait beau sur la plage, on a chaud, mais dès qu'on s'éloigne un peu en mer, ça caille. Bref on grelotterait et en plus l'inquiétude commencerait à nous gagner. Le soir tomberait et on se demanderait si l'autre nunuche de guide serait capable de nous emmener jusqu'au Mont qui paraitraît si proche mais quand même ... Je surveillerais l'heure à cause de la marée qui monte ici à la vitesse d'un cheval au galop ! Avouez que ça serait con de sauver Eric et d'être finalement tous noyés.
"Enfin nous arriverions ! Saint-Michel, archange adoré : Merci" !
"Nous resterions un moment assis sur la digue pour reprendre nos esprits. La guide (la guide... la digue, c'est marrant, non ?) nous dirait "au-revoir" et elle aurait des trémolos dans la voix mais nous on s'en foutrait ! Même Lionel aurait l'air de s'en foutre aussi ! Ah les hommes... quels salauds quand même ! Finalement on réussirait à se hisser jusqu'à l'entrée et la ruelle pavée qui pénétre le Mont. A cette heure-là les boutiques pour touristes seraient fermées, le soir tombant, ce serait sympa. Il n'y aurait que nous. "


wonderful - Wonderful Life MontStMichelRue


Nous serions complètement affamés comme les pélerins qui arrivent au Mont après avoir bravé, le froid, le vent, les sables mouvants et la menace de la marée. Mais, nous, ça serait pire encore avec les émotions ! L'idée nous viendrait d'aller s'attabler chez la Mère Poulard autour d'une montagne d'omelettes, lesquelles ont fait sa réputation mondiale. Il est vrai que ce n'est pas difficile de contenter des pélerins qui ont l'estomac dans les talons.... n'importe quoi leur semblerait délicieux.

Heureusement, avant d'entrer on regarderait la carte et on aurait l'idée de compter nos sous ... et on n'en aurait pas ! Enfin, pas assez. Il n'y aurait pas cinquante solutions, il ne nous resterait plus qu'à tester la légendaire hospitalité des occupants du Mont : les moines"

"A notre grande surprise ce serait une moniale qui viendrait nous ouvrir ! Nous lui expliquerions quel sort funeste nous aurait contraints à sonner à la porte du couvent et, après une courte hésitation, elle nous ferait entrer. Nous la suivrions silencieusement jusqu'à une grande salle ou des moines seraient attablés. On nous placerait dans un petit coin et on nous apporterait à manger. Le problème serait que le repas des moines, le soir, est assez frugal et je crois bien celui du midi aussi. Bref, il n'y aurait que du pain et de la soupe. Lionel ronchonnerait mais la soupe serait quand même à son goût car il en reprendrait quatre fois. Eric tournerait sa cuiller et nous le surveillerions de l'oeil : est-ce qu'il mangerait ou pas ? Finalement : oui. Nous serions soulagés. Et c'est alors que mon regard serait attiré par Franck. Il serait au bout de la table et derrière lui il y aurait une fenêtre qui donnerait sur la baie où le soleil se coucherait. Les rayons lui caresseraient les cheveux les baignant d'une lumière très douce et chaude, il rayonnerait quoi. Ce serait très étrange, en plus, je ne sais pas si c'est le lieu qui provoquerait ça mais je vous jure que ça lui ferait comme une auréole ! Je crierais: "Oh ! Saint Franck !" Mais on prétendrait que c'est une hallucination due à la fatigue et on m'emmènerait me coucher !
Franck se prit à rêver, un saint... il n'y avait jamais pensé mais, au fond, peut-être était-il en effet trop pur pour cette vie triviale qu'on lui imposait ?

Le lendemain matin, je serais réveillée par un chant. J'aurais l'impression d'être morte et que des anges chanteraient pour m'accueillir au paradis.
Puis j'ouvrirais les yeux et je découvrirais une minuscule cellule baignée de lumière. Je me lèverais, je regarderais par la fenêtre et je serais submergée de bonheur... il y aurait des mouettes !

wonderful - Wonderful Life Mont+Saint+Michel+2


Après un petit déjeuner frugal, on se retrouverait dehors et il serait clair qu'on ne serait pas les bienvenus pour la nuit suivante. J'ai idée qu'un des mecs aurait gaffé avec la moniale. Ce ne pourrait pas être Franck, nimbé de sainteté, ni Eric, qui avait la tête ailleurs. Je parierais sur Lionel. Bref, après s'être concertés, bizarrement, on aurait tous une seule chose en tête : gravir ce foutu Mont.

On commencerait à passer de ruelles en escaliers pour arriver dans un endroit très étrange :


wonderful - Wonderful Life Escaliers


Nous serions seuls et il n'y aurait plus aucune trace de notre époque autour de nous. Ce serait comme si on aurait remonté le temps. "Ce long escalier, sombre, rayonnait pourtant, et semblait posséder un effet magique sur nos âmes, afin de permettre que nous nous acheminions vers son sommet, libres de contraintes physiques" continua Sophie, se souvenant d'une lecture.

"Et puis soudain, Eric appellerait : "Esméralda !" On s'inquiéterait et puis on apercevrait, tout en haut, après un détour, une svelte silhouette qui semblerait jouer avec les pierres et les ombres. Elle serait brune, la chevelure en bataille, fine et vive et c'est vrai qu'elle ressemblerait à Esméralda. Elle disparaîtrait et on entendrait Eric crier : "Attends-moi" et il s'élancerait en courant, sautant de marche en marche avec une énergie incroyable et une force inouïe. On aurait l'impression qu'ils se seraient toujours attendus ces deux là et que c'était là, exactement, l'endroit qu'Eric cherchait en vain et qu'il avait enfin retrouvée celle qu'il cherchait depuis si longtemps. On resterait comme des imbéciles à se regarder et puis on ne verrait plus Eric qui aurait disparu et Lionel crierait : "Eric où vas-tu ?"

Le récit de Sophie prenait une tournure dramatique et Eric avait la chair de poule !
Ils se regardèrent ! Comme ils s'aimaient tous les quatre ! Etait-ce pour cette raison qu'ils étaient encore célibataires à 30 ans passés ?

"Si on y allait ?" dit Eric.

Deux heures après, ils étaient partis.