La mer morte de tes yeux
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La mer morte de tes yeux
Tes yeux bleus, cernés par le rimmel noir, fixent un point invisible toujours à coté de moi. C’est un beau prénom Marine. Je l’avais choisi pour ce qu’il évoquait, avant même que tes yeux ne s’ouvrent. Les garçons, charmés par ton regard, pensent sans doute que tu le portes bien. Si par mégarde tu croises mon visage, je vois dans tes yeux une mer morte. Ta moue singe l’infinie tristesse que te procure ma présence. Peut-être ne te supporte plus toi-même.
Tu descends de la voiture, le bruit de la portière a couvert ton « à ce soir », à moins que ce ne soit les bruits de la rue. Je te vois t’éloigner avec cette démarche que tu veux assurée, dans ton trench de citadine. Tu marches vite sans jamais te retourner, craignant que l’on puisse m’apercevoir, décoiffée, flanquée d’une veste polaire, au volant d’une petite voiture. Déjà entourée d’un groupe de lycéens, je t’observe ne serait-ce que quelques instants. Ton visage pâle, sous la couche de fond de teint, s’irradie soudainement. Je démarre en entendant encore ton rire aigue, vraisemblablement sur joué afin d’attirer les garçons.
Le soir, j’entends la lourde porte que tu refermes derrière toi ainsi que sur ta mystérieuse journée. Les portes de placard de la cuisine claquent, puis ton corps tombe lourdement sur le canapé. Tu t’enroules alors dans un duvet comme dans une deuxième peau. Je ne saurais dire combien de temps tu restes immobile devant les histoires à l’eau de rose du petit écran. Ton rimmel coule sous la couverture, du fait de la chaleur de ton étuve, parfois aussi à cause des séries sentimentales qui t’attendrissent. Tu grandis comme une convalescente en attente de guérir de sa paresse. On devine ton passage par des indices quotidiens : des miettes, à moins que ce ne soit des grains de sucre qui collent, une chaussure perdue au milieu du salon, un pot de yaourt éventré sur la table, des bols collants... Je les laisse intactes, posés là comme les signes ostentatoires de ton indifférence. Cela peut durer plusieurs jours, à croire que tu veuilles marquer ton territoire. Je ne monte plus dans tes étages, car si je pousse la porte, je n’évite pas l’entremêlement de frusques, papiers et objets non identifiés qui me donnent la nausée.
Tu en avais des nausées lorsque tu laissais échapper sur ton bavoir quelques gouttes de lait. Tu sifflais tes biberons aussi voracement que lorsque tu tétais mes seins. Je caressais ta fontanelle qui se refermait peu à peu sous le duvet de tes cheveux. Du velours palpitant sous mes doigts. Tout en te remplissant, tu t’agrippais à mon doigt pour pétrir la matière humaine. Je te portais contre ma poitrine et sentais l’odeur de ton cou tout chaud. J’avais décoré ta chambre de couleurs que tu distinguais encore à peine. Et tu t’endormais dans un soupir.
Aujourd’hui, je ne sais plus qui de nous deux soupire le plus souvent. La grande cocotte mijote depuis des heures et tu souffles devant ton assiette. Tu me joues la scène de ton âme en peine en bougeant du bout de ta fourchette les aliments. Un paquet de biscuits ou de sucreries doit te peser sur l’estomac depuis qu’il a échoué dans ta chambre. Mes plats préparés avec désamour sont trop rustiques pour tes papilles, toi qui préfère les plaisirs citadins des plats à emporter. Mes bœufs bourguignons t’ennuient tout autant que mes blanquettes. Je rentre en moi-même pour savourer, malgré la violence de nos silences.
On en a partagé des silences depuis le temps que tu grandis, mais on ne s’y habitue jamais tout à fait. Dans combien de salles d’attente ais-je usé ma patience ? Combien de temps s’est écoulé dans les cabinets médicaux, les conservatoires de musique, les cours de danse, les rendez vous d’orthodontiste, les gymnases, les couloirs d’école… ? Chez le docteur on me dit que ta peau est brûlée parce que tu ne mets pas de crème solaire. Toi à qui je faisais des massages lorsque ton dos n’était pas plus grand que la paume de ma main. J’ai patienté des années pour palper aujourd’hui le néant. Tu as abandonné ton instrument de musique, tes chaussons de danse, tes crayons à dessins et même ton appareil dentaire que tu n’as jamais supporté. La maitresse disait que tu étais intelligente, aujourd’hui on remarque tes rêveries sans me préciser si tu es douée. Bien sûr je sais que tu l’es, ce qui m’enrage bien davantage.
En attendant, je fulmine de te voir quitter la table au plus vite, pour aller user tes qualités en conversations informatiques ininterrompues. J’ai cru deviner un bonsoir quand tu es monté, à moins que ce ne soit l’escalier qui craque. Les textes sur l’écran se déroulent aussi rapidement que tes doigts effleurent le clavier. Il faut dire que ce qui y fait office de mots ne dépasse pas la moyenne de trois lettres. Un langage d’interjections et d’onomatopées pour mieux s’esclaffer du dérisoire. On y voit défiler des photos où je te reconnais à peine, un book digne d’une agence de mannequin.
Lorsque je m’allongeais à tes cotés dans ton lit, tous les soirs tu attendais que je commence tes albums préférés. Je crois que je pourrais en réciter encore certains de mémoire. Derrière les rideaux tirés, ta chambre se peuplait de monstres, animaux, fées, princesses et beaux sentiments. Tu étais si attentive, encore émerveillée, rien n’était perdu car tout restait à conquérir. J’ai perdu la conquête et moi aussi ne croit plus aux contes de fées. Il parait que l’on porte en soi ses lectures, que les livres d’enfance s’impriment dans une mémoire éternelle. J’attends le jour où tu retrouveras la mémoire.
Dans l’immédiat, j’attends que tu libères la salle de bain qui ruisselle de tous ses murs. J’entre dans le sauna vaporeux où tu joues de ton instrument préféré : le sèche-cheveux. Je n’ai jamais eut un sens aigu de la logique mais je peux comprendre aisément qu’il y ait dans le cas présent risque d’électrocution. Cette soufflerie qui me réveille tous les matins, est devenue l’objet anodin de mes bouffées de haine. Avec le boucan que fait l’engin, tu m’entends mal. Ton attention est concentrée sur la mise en forme d’une mèche. Je me glisse dans la baignoire en regardant l’aspect mouillé du linge étendu à la va vite. Moi qui aime tant les belles étagères où s’empilent d’épaisses serviettes.
Je les faisais chauffer avant d’y enrouler ton petit corps pour le frotter, puis le talquer de poudres parfumées. Le jeu rituel des baisers sonores déposés au creux de tes plis, te faisait hurler de rire.
Tes cheveux tombés collent au pavé mouillé. La chasse aux chutes capillaires est un combat quotidien perdu d’avance. Je me fais un shampoing avec le fond d’une bouteille que j’ai à peine utilisé. Je me délasse énergiquement.
L’heure n’est de toute façon plus à la détente, ma montre avance plus vite lorsque je pars travailler. Je me hâte, payer les factures suffit à animer mon sens du devoir. Je te vois t’éloigner avec ton trench sur le dos, les pieds nus dans de légères tennis. Dehors pourtant, la rosée du matin s’est transformée en verglas, mais tes bottes dis-tu ne sont plus à la mode.
L’heure est en effet au sens du devoir sans espérer une quelconque gratitude. Sacrifice instinctif, animale, viscérale. J’ai espéré des mois durant ta venue en caressant mon ventre. Si j’attends désormais ton départ, je te regretterais le restant de ma vie.
Tu descends de la voiture, le bruit de la portière a couvert ton « à ce soir », à moins que ce ne soit les bruits de la rue. Je te vois t’éloigner avec cette démarche que tu veux assurée, dans ton trench de citadine. Tu marches vite sans jamais te retourner, craignant que l’on puisse m’apercevoir, décoiffée, flanquée d’une veste polaire, au volant d’une petite voiture. Déjà entourée d’un groupe de lycéens, je t’observe ne serait-ce que quelques instants. Ton visage pâle, sous la couche de fond de teint, s’irradie soudainement. Je démarre en entendant encore ton rire aigue, vraisemblablement sur joué afin d’attirer les garçons.
Le soir, j’entends la lourde porte que tu refermes derrière toi ainsi que sur ta mystérieuse journée. Les portes de placard de la cuisine claquent, puis ton corps tombe lourdement sur le canapé. Tu t’enroules alors dans un duvet comme dans une deuxième peau. Je ne saurais dire combien de temps tu restes immobile devant les histoires à l’eau de rose du petit écran. Ton rimmel coule sous la couverture, du fait de la chaleur de ton étuve, parfois aussi à cause des séries sentimentales qui t’attendrissent. Tu grandis comme une convalescente en attente de guérir de sa paresse. On devine ton passage par des indices quotidiens : des miettes, à moins que ce ne soit des grains de sucre qui collent, une chaussure perdue au milieu du salon, un pot de yaourt éventré sur la table, des bols collants... Je les laisse intactes, posés là comme les signes ostentatoires de ton indifférence. Cela peut durer plusieurs jours, à croire que tu veuilles marquer ton territoire. Je ne monte plus dans tes étages, car si je pousse la porte, je n’évite pas l’entremêlement de frusques, papiers et objets non identifiés qui me donnent la nausée.
Tu en avais des nausées lorsque tu laissais échapper sur ton bavoir quelques gouttes de lait. Tu sifflais tes biberons aussi voracement que lorsque tu tétais mes seins. Je caressais ta fontanelle qui se refermait peu à peu sous le duvet de tes cheveux. Du velours palpitant sous mes doigts. Tout en te remplissant, tu t’agrippais à mon doigt pour pétrir la matière humaine. Je te portais contre ma poitrine et sentais l’odeur de ton cou tout chaud. J’avais décoré ta chambre de couleurs que tu distinguais encore à peine. Et tu t’endormais dans un soupir.
Aujourd’hui, je ne sais plus qui de nous deux soupire le plus souvent. La grande cocotte mijote depuis des heures et tu souffles devant ton assiette. Tu me joues la scène de ton âme en peine en bougeant du bout de ta fourchette les aliments. Un paquet de biscuits ou de sucreries doit te peser sur l’estomac depuis qu’il a échoué dans ta chambre. Mes plats préparés avec désamour sont trop rustiques pour tes papilles, toi qui préfère les plaisirs citadins des plats à emporter. Mes bœufs bourguignons t’ennuient tout autant que mes blanquettes. Je rentre en moi-même pour savourer, malgré la violence de nos silences.
On en a partagé des silences depuis le temps que tu grandis, mais on ne s’y habitue jamais tout à fait. Dans combien de salles d’attente ais-je usé ma patience ? Combien de temps s’est écoulé dans les cabinets médicaux, les conservatoires de musique, les cours de danse, les rendez vous d’orthodontiste, les gymnases, les couloirs d’école… ? Chez le docteur on me dit que ta peau est brûlée parce que tu ne mets pas de crème solaire. Toi à qui je faisais des massages lorsque ton dos n’était pas plus grand que la paume de ma main. J’ai patienté des années pour palper aujourd’hui le néant. Tu as abandonné ton instrument de musique, tes chaussons de danse, tes crayons à dessins et même ton appareil dentaire que tu n’as jamais supporté. La maitresse disait que tu étais intelligente, aujourd’hui on remarque tes rêveries sans me préciser si tu es douée. Bien sûr je sais que tu l’es, ce qui m’enrage bien davantage.
En attendant, je fulmine de te voir quitter la table au plus vite, pour aller user tes qualités en conversations informatiques ininterrompues. J’ai cru deviner un bonsoir quand tu es monté, à moins que ce ne soit l’escalier qui craque. Les textes sur l’écran se déroulent aussi rapidement que tes doigts effleurent le clavier. Il faut dire que ce qui y fait office de mots ne dépasse pas la moyenne de trois lettres. Un langage d’interjections et d’onomatopées pour mieux s’esclaffer du dérisoire. On y voit défiler des photos où je te reconnais à peine, un book digne d’une agence de mannequin.
Lorsque je m’allongeais à tes cotés dans ton lit, tous les soirs tu attendais que je commence tes albums préférés. Je crois que je pourrais en réciter encore certains de mémoire. Derrière les rideaux tirés, ta chambre se peuplait de monstres, animaux, fées, princesses et beaux sentiments. Tu étais si attentive, encore émerveillée, rien n’était perdu car tout restait à conquérir. J’ai perdu la conquête et moi aussi ne croit plus aux contes de fées. Il parait que l’on porte en soi ses lectures, que les livres d’enfance s’impriment dans une mémoire éternelle. J’attends le jour où tu retrouveras la mémoire.
Dans l’immédiat, j’attends que tu libères la salle de bain qui ruisselle de tous ses murs. J’entre dans le sauna vaporeux où tu joues de ton instrument préféré : le sèche-cheveux. Je n’ai jamais eut un sens aigu de la logique mais je peux comprendre aisément qu’il y ait dans le cas présent risque d’électrocution. Cette soufflerie qui me réveille tous les matins, est devenue l’objet anodin de mes bouffées de haine. Avec le boucan que fait l’engin, tu m’entends mal. Ton attention est concentrée sur la mise en forme d’une mèche. Je me glisse dans la baignoire en regardant l’aspect mouillé du linge étendu à la va vite. Moi qui aime tant les belles étagères où s’empilent d’épaisses serviettes.
Je les faisais chauffer avant d’y enrouler ton petit corps pour le frotter, puis le talquer de poudres parfumées. Le jeu rituel des baisers sonores déposés au creux de tes plis, te faisait hurler de rire.
Tes cheveux tombés collent au pavé mouillé. La chasse aux chutes capillaires est un combat quotidien perdu d’avance. Je me fais un shampoing avec le fond d’une bouteille que j’ai à peine utilisé. Je me délasse énergiquement.
L’heure n’est de toute façon plus à la détente, ma montre avance plus vite lorsque je pars travailler. Je me hâte, payer les factures suffit à animer mon sens du devoir. Je te vois t’éloigner avec ton trench sur le dos, les pieds nus dans de légères tennis. Dehors pourtant, la rosée du matin s’est transformée en verglas, mais tes bottes dis-tu ne sont plus à la mode.
L’heure est en effet au sens du devoir sans espérer une quelconque gratitude. Sacrifice instinctif, animale, viscérale. J’ai espéré des mois durant ta venue en caressant mon ventre. Si j’attends désormais ton départ, je te regretterais le restant de ma vie.
Invité- Invité
Pan dans le mille.
Eh ben mon fieux ! J'ai pris une claque !
C'est du bon, du fameux. Du quatre étoiles ! Un de ces millésimes !
Rien à jeter, pan dans le mille. Des centaines de petits détails bien vus, saisis justement, avec retenue, sobriété...
Suis épaté. Bravo.
Ubik.
C'est du bon, du fameux. Du quatre étoiles ! Un de ces millésimes !
Rien à jeter, pan dans le mille. Des centaines de petits détails bien vus, saisis justement, avec retenue, sobriété...
Suis épaté. Bravo.
Ubik.
Re: La mer morte de tes yeux
Oui un texte fort, puissant, qui parle de la pire peine de coeur que l'on puisse connaitre dans sa vie, l'éloignement indifférent de nos enfants, sans doute trop aimés, trop investis.
En même temps, grandir c'est parfois pour les enfants couper le cordon et pour les parents apprendre la zen attitude :-)))
En tout cas bravo pour cette force d'évocation qui soulève l'émotion.
En même temps, grandir c'est parfois pour les enfants couper le cordon et pour les parents apprendre la zen attitude :-)))
En tout cas bravo pour cette force d'évocation qui soulève l'émotion.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: La mer morte de tes yeux
Ce qui est bien c'est que, bien que narré à la première personne, le texte n'engage pourtant pas forcément à ne voir les choses que du côté de la narratrice et de son amour maternel bafoué. Bien entendu, j'ai reconnu, comme beaucoup ici, un tas de choses, c'est pour ça que "ça marche". J'ai été un peu gênée par l'opposition systématique avant maintenant mais dans l'ensemble les deux périodes se fondent bien. En tout cas, la longueur est la bonne, le ton est juste, excellente mesure qui fait qu'on ne s'ennuie ni se lasse ni s'irrite ni pleurniche. Un très bon texte servi par une expression vraiment très agréable, harmonieuse.
Invité- Invité
Re: La mer morte de tes yeux
Je suis d'accord avec les commentaires précédents.
On ressent toute une palette de sentiment très bien exprimé. un grand Bravo!
On ressent toute une palette de sentiment très bien exprimé. un grand Bravo!
Shizuka- Nombre de messages : 15
Age : 28
Date d'inscription : 14/02/2012
Re: La mer morte de tes yeux
Bonjour,
j'aime bien le sujet et l'ambivalence des sentiments qui animent la narratrice. Je trouve le contrepoint que donne le recours à l'enfance un peu répétitif et je pense que le style mériterait d'être affiné par endroits. Ce qui me paraît améliorable (mais ce n'est bien sûr qu'une impression personnelle qui n'a pas valeur de vérité absolue) :
"Si par mégarde tu croises mon visage" / on ne croise pas un visage, mais un regard ou des yeux. je pense d'ailleurs que le visage a été choisi pour éviter les répétitions dans ce paragraphe mais ça me paraît assez maladroit.
"Ta moue singe" / le verbe ne me parait pas heureux.
"du fait de la chaleur de ton étuve," / du-de-de, ça n'est pas très gracieux, je trouve, et en plus, la précision est-elle vraiment nécessaire ici ? (si oui, un "sous la chaleur" suffirait à mon sens).
"Tu grandis comme une convalescente en attente de guérir de sa paresse." / le "en attente" pourrait avantageusement être remplacé par le verbe "attend".
"à moins que ce ne soit des grains..." / lourd à mon sens. Un simple "ou bien des grains..." suffirait je pense.
"à croire que tu veuilles" / le subjonctif me semble fautif ici.
"toi qui préfère les plaisirs citadins des plats à emporter" / je pense qu'on peut faire plus simple ici aussi, plus naturel que ce "plaisirs citadins" qui fait quand même très empesé.
"On en a partagé des silences depuis le temps que tu grandis, mais on ne s’y habitue jamais tout à fait." / Là, j'ai un problème avec les deux "on" car pour moi, ils ne désignent pas les mêmes personnes. du coup, j'aurais plutôt vu un "je" à la place du deuxième.
Je ne continue pas, ce n'est pas bien grave (et vous êtes tout à fait en droit de ne pas souscrire à mon avis). une dernière chose qui m'a gêné, c'est que parfois, vous êtes dans un présent très général (la situation dans son ensemble) et parfois dans des moments de vie bien précis (l'arrivée au lycée, le moment du repas, la salle de bains...). Dans ce cas, je pense que le texte serait mieux construit si vous respectiez la chronologie de la journée.
Mais ceci dit, j'ai bien aimé cette lecture. merci.
j'aime bien le sujet et l'ambivalence des sentiments qui animent la narratrice. Je trouve le contrepoint que donne le recours à l'enfance un peu répétitif et je pense que le style mériterait d'être affiné par endroits. Ce qui me paraît améliorable (mais ce n'est bien sûr qu'une impression personnelle qui n'a pas valeur de vérité absolue) :
"Si par mégarde tu croises mon visage" / on ne croise pas un visage, mais un regard ou des yeux. je pense d'ailleurs que le visage a été choisi pour éviter les répétitions dans ce paragraphe mais ça me paraît assez maladroit.
"Ta moue singe" / le verbe ne me parait pas heureux.
"du fait de la chaleur de ton étuve," / du-de-de, ça n'est pas très gracieux, je trouve, et en plus, la précision est-elle vraiment nécessaire ici ? (si oui, un "sous la chaleur" suffirait à mon sens).
"Tu grandis comme une convalescente en attente de guérir de sa paresse." / le "en attente" pourrait avantageusement être remplacé par le verbe "attend".
"à moins que ce ne soit des grains..." / lourd à mon sens. Un simple "ou bien des grains..." suffirait je pense.
"à croire que tu veuilles" / le subjonctif me semble fautif ici.
"toi qui préfère les plaisirs citadins des plats à emporter" / je pense qu'on peut faire plus simple ici aussi, plus naturel que ce "plaisirs citadins" qui fait quand même très empesé.
"On en a partagé des silences depuis le temps que tu grandis, mais on ne s’y habitue jamais tout à fait." / Là, j'ai un problème avec les deux "on" car pour moi, ils ne désignent pas les mêmes personnes. du coup, j'aurais plutôt vu un "je" à la place du deuxième.
Je ne continue pas, ce n'est pas bien grave (et vous êtes tout à fait en droit de ne pas souscrire à mon avis). une dernière chose qui m'a gêné, c'est que parfois, vous êtes dans un présent très général (la situation dans son ensemble) et parfois dans des moments de vie bien précis (l'arrivée au lycée, le moment du repas, la salle de bains...). Dans ce cas, je pense que le texte serait mieux construit si vous respectiez la chronologie de la journée.
Mais ceci dit, j'ai bien aimé cette lecture. merci.
anotherday- Nombre de messages : 69
Age : 57
Date d'inscription : 27/01/2012
Re: La mer morte de tes yeux
UN bon texte, qui sonne très juste, sans acrimonie mais sans concessions, bravo !
J'ai moi aussi trouvé que le contrepoint avec l'enfance était un peu trop symétrique, mais l'ensemble demeure assez percutant !
J'ai moi aussi trouvé que le contrepoint avec l'enfance était un peu trop symétrique, mais l'ensemble demeure assez percutant !
Invité- Invité
Re: La mer morte de tes yeux
On frôle la monotonie je trouve parce que le procédé de mise en parallèle entre les souvenirs et le présent est un peu trop systématique et fini par devenir visible et prévisible.
Mais ceci mis à part c’est un très beau texte, où une émotion affleure, prenante, et d’une grande justesse retenue, pas larmoyante ni manichéenne.
Joli.
Mais ceci mis à part c’est un très beau texte, où une émotion affleure, prenante, et d’une grande justesse retenue, pas larmoyante ni manichéenne.
Joli.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: La mer morte de tes yeux
ah oui, le désamour de l'adolescence, dur de continuer à aimer qui nous rejette ou nous ignore, ou carrément nous déteste ! surtout dans un face à face mère/fille.
J'ai aimé ce texte où bien sûr j'ai retrouvé aussi un tas de choses. J'ai particulièrement apprécié, outre l'écriture, l'ambivalence des sentiments maternels, ô combien vrais. Les phrases un peu atones tombent comme autant de couperets, ce qui rend l'ensemble poignant et colle bien avec l'impuissance de la narratrice : un constat un peu amer.
Mais, dis-le tout bas à ta narratrice, un jour ça s'arrange ! l'enfant a grandi, la mère aussi, et les liens se retissent.
J'ai aimé ce texte où bien sûr j'ai retrouvé aussi un tas de choses. J'ai particulièrement apprécié, outre l'écriture, l'ambivalence des sentiments maternels, ô combien vrais. Les phrases un peu atones tombent comme autant de couperets, ce qui rend l'ensemble poignant et colle bien avec l'impuissance de la narratrice : un constat un peu amer.
Mais, dis-le tout bas à ta narratrice, un jour ça s'arrange ! l'enfant a grandi, la mère aussi, et les liens se retissent.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: La mer morte de tes yeux
Merci à tous / toutes pour vos commentaires si souvent pertinents.
Toujours un peu fascinée de voir combien l’écriture permet de transmettre des émotions qui sont en fait communes à beaucoup d’entre nous. Ce qui m’a un peu étonnée c’est de voir qu’à aucun moment mon texte ait pu être traité comme un sujet d’invention.
Toujours un peu fascinée de voir combien l’écriture permet de transmettre des émotions qui sont en fait communes à beaucoup d’entre nous. Ce qui m’a un peu étonnée c’est de voir qu’à aucun moment mon texte ait pu être traité comme un sujet d’invention.
Invité- Invité
Re: La mer morte de tes yeux
Perso, à aucun moment je ne me suis posé la question de l'inventé ou pas, peu importe. Et en plus, je ne me souviens pas avoir dit "ça sent le vécu", etc. Des détails bien vus, ça oui. Mais un bon auteur est capable de bien voir ce qui n'existe pas, là où d'autres ne verraient pas ce qu'il y a sous leurs yeux.
Ubik.
Ubik.
Re: La mer morte de tes yeux
c'est-à-dire que ça sonne si juste
Mais pour ma part aussi, peu m'importe que ce soit du vécu ou pas, du moment que le texte est bon !
Mais pour ma part aussi, peu m'importe que ce soit du vécu ou pas, du moment que le texte est bon !
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Bravo
Bonjour,
Je n'ai rien à dire de plus que le flot d'éloges précédent.
C'est marrant, j'ai la même à la maison, d'où le sentiment de "vécu"...
Merci
Je n'ai rien à dire de plus que le flot d'éloges précédent.
C'est marrant, j'ai la même à la maison, d'où le sentiment de "vécu"...
Merci
Marchevêque- Nombre de messages : 199
Age : 64
Date d'inscription : 08/09/2011
Re: La mer morte de tes yeux
Évolution sans concession de la relation d'une mère à sa fille. Le fossé entre les toutes premières années de vie et les "dernières années de cohabitation" avant l'envol...
Ça fait peur, mais j'ai bien aimé le ton résigné de la narration.
Sweet Heart
Ça fait peur, mais j'ai bien aimé le ton résigné de la narration.
Sweet Heart
Sweet Heart- Nombre de messages : 98
Age : 46
Date d'inscription : 11/09/2011
Re: La mer morte de tes yeux
J'ai trouvé qu'il y avait pas mal de choses vues avec beaucoup de justesse, on s'y reconnait (enfin pour ma part que d'un côté pour le moment...) mais quelque chose m'a un peu dérangé dans le traitement, peut-être un peu trop plaintif, enfin, je ne pense pas que ce soit le mot parce qu'il y a une sorte de pudeur, mais je crois que c'est un peu trop axé sur ce lien qui n'existe plus, la nostalgie de l'avant/après, et des fois j'aimerais aussi qu'on me parle des personnages en tant que personne et pas forcément définis uniquement via ce lien.
En fait c'est surtout vrai pour le personnage de la fille qui n'est vu que par le "prisme" de la mère, mais voilà, c'est ça, je crois que j'aimerais savoir un peu plus ce qu'elles sont aussi en tant qu'individu, en dehors de leurs rôles mère/fille.
En fait c'est surtout vrai pour le personnage de la fille qui n'est vu que par le "prisme" de la mère, mais voilà, c'est ça, je crois que j'aimerais savoir un peu plus ce qu'elles sont aussi en tant qu'individu, en dehors de leurs rôles mère/fille.
Re: La mer morte de tes yeux
Bonsoir,
Un ton très juste et une similitude de traits de caractère, de portraits et de situation qui nous plonge tous dans un bain d'uniformité confondant.
Bravo !
Amicalement,
midnightramnler
Un ton très juste et une similitude de traits de caractère, de portraits et de situation qui nous plonge tous dans un bain d'uniformité confondant.
Bravo !
Amicalement,
midnightramnler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: La mer morte de tes yeux
Un texte très beau, très touchant, qui ne souffre d'aucune erreur dans sa composition. L'alternance d'images du passé qui se télescopent avec celles du présent est judicieuse, rend plus cruelle l'ingratitude.
Mais justement, en parlant d'ingratitude, quelque chose me chiffonne. J'ai l'impression que la mère dramatise les choses et enferme définitivement son enfant dans une attitude. Or nous savons tous que l'adolescence n'est qu'un passage, un moment critique, délicat à traverser et que le rôle du parent est d'aider la chrysalide à se transformer et non à l'accabler. Le ressentiment de la mère me semble donc exagéré, comme si elle ne pardonnait pas à son enfant de changer, au bout du compte de s'écarter d'elle. Une étape pourtant indispensable dans l'apprentissage de l'autonomie.
Vu sous cet angle, ce texte m'apparait ambiguë. Au premier abord on plaindrait la mère, mais en y réfléchissant son intransigeance est coupable. À aucun moment on ne sent de l'indulgence pour l'être en devenir qui se débat avec ses contradictions. Marine ne restera pas adolescente toute sa vie, sa mère a tendance à l'oublier.
Autre fait troublant qui m'interroge : où est le père ? Une relation exclusivement duale pourrait expliquer certaines choses. En tout cas un rapport mère/fille bien traité qui soulève pas mal de questions.
Mais justement, en parlant d'ingratitude, quelque chose me chiffonne. J'ai l'impression que la mère dramatise les choses et enferme définitivement son enfant dans une attitude. Or nous savons tous que l'adolescence n'est qu'un passage, un moment critique, délicat à traverser et que le rôle du parent est d'aider la chrysalide à se transformer et non à l'accabler. Le ressentiment de la mère me semble donc exagéré, comme si elle ne pardonnait pas à son enfant de changer, au bout du compte de s'écarter d'elle. Une étape pourtant indispensable dans l'apprentissage de l'autonomie.
Vu sous cet angle, ce texte m'apparait ambiguë. Au premier abord on plaindrait la mère, mais en y réfléchissant son intransigeance est coupable. À aucun moment on ne sent de l'indulgence pour l'être en devenir qui se débat avec ses contradictions. Marine ne restera pas adolescente toute sa vie, sa mère a tendance à l'oublier.
Autre fait troublant qui m'interroge : où est le père ? Une relation exclusivement duale pourrait expliquer certaines choses. En tout cas un rapport mère/fille bien traité qui soulève pas mal de questions.
Jano- Nombre de messages : 1000
Age : 55
Date d'inscription : 06/01/2009
Re: La mer morte de tes yeux
Ce texte m'a émue. Un thème universel et pourtant évoqué sans banalité je trouve.
Une petite question, à la fin, l'usage du conditionnel me paraît bizarre, ne vaudrait-il pas mieux "je te regretterai", au futur? ( peut-être cela a-t-il été déjà dit dans un précédent commentaire)
Une petite question, à la fin, l'usage du conditionnel me paraît bizarre, ne vaudrait-il pas mieux "je te regretterai", au futur? ( peut-être cela a-t-il été déjà dit dans un précédent commentaire)
Lamarjo- Nombre de messages : 77
Age : 47
Localisation : marjobonne51@laposte.net
Date d'inscription : 27/11/2011
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